CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 26 octobre 2022, n° 21/00989
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Badamiers (SCI)
Défendeur :
Run Sud Autos (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Piedagnel
Conseillers :
Mme Flauss, Mme Issad
Avocats :
Me Von Pine, Me Lauret
LA COUR
Suivant acte sous signature privée en date du 17 février 2008, la SCI Les Badamiers (le bailleur) a donné à bail commercial à la SARL Run Sud Autos (le preneur) un entrepôt N°3 situé à [Localité 4], [Adresse 6] moyennant un loyer mensuel de 3.000 euros.
Suivant acte d'huissier en date du 4 novembre 2020, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire, soit la somme en principal de 24.720,98 euros correspondant aux loyers de mai à octobre 2019, outre la TVA à 8,50%, un rattrapage de loyer ainsi que l'impôt foncier 2019.
Sur la base d'un commandement de payer du 30 août 2019, par acte d'huissier en date du 28 novembre 2019, la SCI Badamiers a assigné la SARL Run Sud Autos aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion dans le mois de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, condamnation à lui payer les sommes provisionnelles de 249,05 euros au titre de l'arriéré locatif, 20.145,35 euros au titre des loyers et impôts fonciers et 2.500 euros au titre des frais irrépétibles et paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges avec 10% d'intérêts de retard, le dépôt de garantie lui restant acquis.
Suivant ordonnance en référé en date du 23 septembre 2020, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion a débouté le bailleur de toutes ses demandes, débouté le preneur de sa demande de dommages-intérêts et condamné la SCI Badamiers à payer à la société RSA une indemnité procédurale de 1.000 euros ainsi qu'aux dépens.
Sur la base du commandement de payer du 4 novembre 2020, par acte d'huissier en date du 2 décembre 2020, le preneur a fait assigner le bailleur devant le juge des référés près le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion aux fins de non-résiliation de bail commercial. L'affaire a été enregistrée sous le N° RG 20/00411.
Suivant acte d'huissier en date du 4 février 2021, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire, soit la somme en principal de 31.627,53 euros correspondant aux loyers de mars à juillet 2020 et décembre 2020, outre la TVA à 8,50%, un rappel d'augmentation de loyer ainsi que l'impôt foncier 2019 et 2020.
Par acte d'huissier en date du 3 mars 2021, le preneur a fait assigner le bailleur devant ce même juge et aux mêmes fins. L'affaire a été enregistrée sous le N° RG 21/00066.
Dans ses dernières conclusions, le preneur a sollicité la jonction des deux affaires, la suspension de la clause résolutoire visée au commandement de payer du 4 février 2021, l'autorisation de régler sa dette locative de mai à juillet 2020 sur 24 mois à hauteur de 414,24 euros par mois ainsi que la condamnation du bailleur à lui payer les sommes de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le bailleur a conclu au débouté de prétentions du preneur et sollicité à titre reconventionnel la résiliation du bail, l'expulsion assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard dans le mois de la décision, le paiement des loyers impayés, une indemnité d'occupation, le dépôt de garantie lui restant acquis ainsi que la condamnation du preneur à lui régler la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer (295,47 euros) et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
C'est dans ces conditions que, par ordonnance de référé rendue le 19 mai 2021, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion a :
-joint les procédures enregistrées sous les numéros RG 20/00411 et RG 20/00066
-constaté la résiliation du bail commercial conclu le 17 février 2008 entre la SARL Run Sud Autos et la SCI Les Badamiers portant sur un entrepôt sis [Adresse 6] [Localité 4], à la date du 4 décembre 2020
-condamné la SARL Run Sud Autos à payer à la SCI Les Badamiers une somme de 9.941,79 euros au titre des loyers impayés du mois de mai au mois de juillet 2020, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision
-suspendu la réalisation et les effets de la clause résolutoire mentionnée au du bail commercial du 17 février 2008
-accordé des délais de paiement à la SARL Run Sud Autos et l'a autorisée à s'acquitter de sa dette locative en 2 mensualités une de 4.970,89 euros et l'autre de 4.970,90 euros, le premier versement devant intervenir dans un délai d'un mois suivant le prononcé de la présente ordonnance et le second versement avant le 10 du mois suivant, outre le paiement du loyer courant
-dit qu'en cas de respect de cet échéancier et du paiement des loyers et des charges en vertu du contrat de bail en cours, la clause de résiliation sera réputée n'avoir jamais joué
-par contre, dit qu'en cas de non-versement d'une des mensualités de l'échéancier à son échéance, en sus des loyers courants, la clause de résiliation reprendra son effet et l'entier solde de la dette sera immédiatement exigible
-dit qu'en ce cas, la SARL Run Sud Autos sera condamnée à payer une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 3.313,93 euros mensuels, somme à laquelle s'ajoute 10% d'intérêts en cas de retard à compter du 1er février 2021 jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés
-dit qu'en ce cas, la SARL Run Sud Autos devra libérer spontanément le local commercial sis [Adresse 6] [Localité 4] passé le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef pourra être poursuivie à ses frais avec le concours, en cas de besoin, de la force publique avec une astreinte de 100 euros par jour pendant 90 jours
-débouté la SARL Run Sud Autos de sa demande de dommages et intérêts
-débouté la SCI Badamiers de toutes ses autres demandes relatives aux impôts fonciers, à la TVA et au dépôt de garantie
-condamné la SARL Run Sud Autos à payer à la SCI Badamiers une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la SARL Run Sud Autos au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer délivré le 4 novembre 2020
-ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration au greffe en date du 7 juin 2021, la SCI Badamiers a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 septembre 2021, la SCI Badamiers demande à la cour de :
-rejeter et dire inopérante la nullité soulevée, dès lors qu'elle ne cause aucun grief à l'intimé qui a conclu dans le délai.
-confirmer l'ordonnance de référé concernant la résiliation
-et rejeter les demandes de dommages et intérêts du preneur
-infirmer l'ordonnance de référé sur le surplus.
-dire que la résiliation prendra un effet immédiat
-ordonner l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef
-débouter le preneur de toutes ses demandes, fins et conclusions
-constater que les loyers n'ont pas été entièrement régularisés
-constater que la clause résolutoire est acquise au moment de la saisine de la juridiction
Ce fait,
-prononcer la résiliation du bail à effet du 4 décembre 2020
-ordonner l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef
-assortir cette obligation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard dans le mois de la décision à intervenir
-condamner le preneur à payer la somme de 20.362,68 euros au titre des loyers impayés
-condamner le preneur au paiement d'un indemnité d'occupation égale au montant du loyers et charges augmentées de 10% d'intérêt de retard
-dire et juger que le dépôt de garantie restera acquis à la SCI Badamiers
-condamner le preneur à la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel, outre les frais du commandement de payer du 4 novembre 2020 et du 4 février 2021.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 septembre 2021, la SARL Run Sud Autos demande à la cour de :
Vu les articles 902, 909 et 905-2 du code de procédure civile
-dire que la signification de la déclaration d'appel comporte des erreurs matérielles, ce qui a causé grief à l'intimé
-dire que la signification de la déclaration d'appel est nulle
En conséquence,
Vu l'article 902 du code de procédure civile,
-constater la caducité de l'appel
Subsidiairement, dans le cas ou la cour d'appel considérerait que l'appel n'est pas caduc,
Vu l'article L. 145-41 du code de commerce,
Vu l'ordonnance 2020-316 du 25/03/2020,
Vu le décret 2020-378 du 31/03/2020,
Vu le bail liant les parties,
Vu les pièces versées au débat,
-confirmer l'ordonnance de référé rendue le 19 mai 2021 dans sa totalité
-prendre acte de ce que le preneur s'est acquittée de sa dette locative dans les conditions fixées par le juge des référés
En conséquence,
-dire que la clause résolutoire est réputée ne jamais avoir joué
-débouter le bailleur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En tout état de cause,
-condamner le bailleur au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 décembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience circuit court du 15 décembre 2021 renvoyé au 16 mars 2022 puis au 20 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 14 septembre 2022 prorogé au 26 octobre 2022.
SUR CE, LA COUR
A titre liminaire
D'une part, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation dans la mesure où le contrat de bail commercial a été conclu avant l'entrée en vigueur de la réforme.
D'autre part, le jugement déféré doit être d'ores et déjà confirmé en ce qu'il a débouté la société RSA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, cette disposition n'étant pas discutée en cause d'appel par l'intéressée qui a conclu à la confirmation dudit jugement en toutes ses dispositions à défaut de prononcé de la caducité de l'appel.
Enfin, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore 'considérer que' voire 'dire et juger que' et la cour n'a dès lors pas à y répondre.
Sur la caducité de l'appel
La SCI Badamiers soutient en substance que l'acte de signification de la déclaration d'appel est entaché d'erreur matérielle en ce qu'il indique l'article 902 du code de procédure civile qui renvoie lui-même à l'article 909 lequel correspondant aux délais de procédure ordinaire : le délai d'un mois pour conclure imparti à l'intimé n'est pas mentionné, il a simplement été fait un renvoi manuscrit à l'article 905 sans mentionner expressément le délai d'un mois, or cette obligation de mentionner le délai d'un mois dans l'ordonnance est clairement mentionné à peine de nullité. Elle en déduit que l'acte de signification de la déclaration d'appel est entaché d'erreurs matérielles ce qui entraîne sa nullité en ce qu'il cause nécessairement un grief à l'intimé conformément aux dispositions de l'article 902 du code de procédure civile.
La SARL Run Sud Autos fait valoir pour l'essentiel qu'il s'agit d'un vice de forme et en déduit que la nullité soulevée doit être rejetée dès lors qu'elle n'a causé aucun grief à l'intimé qui a conclu dans le délai.
Sur quoi,
D'une part,
Aux termes de l'article 905-1 du code de procédure civile (créé par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017) :
« Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables. »
La déclaration d'appel par acte d'huissier de justice, irrégulière mais signifiée dans les délais, n'est pas caduque tant que la nullité de la déclaration d'appel n'est pas prononcée, ce qui n'est pas le cas d'une déclaration d'appel non signifiée dans le délai.
L'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration.
Aux termes de l'article 905-2 du même code (créé par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017) :
« A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.
Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d'office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents.
Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal. »
La procédure à bref délai s'appliquant de plein droit, le point de départ du délai d'un mois ouvert à l'intimé pour conclure court à compter de la notification des conclusions de l'appelant reçues avant la réception de l'avis de fixation à bref délai.
En application de l'article 905-1 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, dans les dix jours de la fixation de l'affaire, signifier la déclaration d'appel à l'intimé défaillant, en lui précisant qu'il dispose, à peine d'irrecevabilité, du délai de dix jours de l'article 905-2 pour conclure. La partie qui se prévaut de l'irrégularité de l'acte de signification de la déclaration d'appel, au motif qu'elle visait une disposition inapplicable, invoque un vice de forme affectant l'acte, de sorte que cette nullité devait être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, quand bien même cette nullité aboutit à sanctionner l'acte d'appel par la caducité.
Pour rappel, l'article 905-2 ne donne compétence qu'au président de la chambre saisie ou au magistrat désigné par le premier président pour déclarer l'irrecevabilité des conclusions tardives.
D'autre part,
Il résulte des articles 73 et suivants du code de procédure civile que les exceptions de procédure sont tous moyens qui tend à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte ou à en suspendre le cours.
On distingue les exceptions d'incompétence, les exceptions de litispendance et de connexité, les exceptions dilatoires et les exceptions de nullité de forme et de fond. A peine d'irrecevabilité, les exceptions doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, même si les règles invoquées au soutien de l'exception sont d'ordre public.
Le code de procédure civile distingue la nullité des actes de procédure pour vice de forme qui exige la preuve d'un grief (articles 112 à 116) et celle pour vice de fond (articles 117 à 121). Cette distinction ne concerne que la demande en nullité des actes de procédure, celle des actes juridiques relevant des défenses au fond.
Un acte de procédure ne peut être annulé pour vice de forme que si les conditions suivantes sont réunies :
- existence d'un texte, en application de l'adage 'pas de nullité dans texte', sauf inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public
- existence d'un grief, en application de l'adage 'pas de nullité sans grief',
- absence régularisation.
Constituent des irrégularités de fond affectant les actes de procédures le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice et le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
L'exception de nullité pour vice de fond n'exige ni l'existence d'un texte ni la justification d'un grief.
Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Dans le cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue (article 121). La régularisation doit intervenir avant que le juge statue, c'est à dire, selon les cas, avant la clôture des débats ou, dans les procédures avec représentation obligatoire, avant l'ordonnance de clôture.
En l'espèce, par déclaration au greffe en date du 7 juin 2021, la SCI Badamiers a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 30 juin 2021.
L'appelant a signifié la déclaration d'appel et l'avis à bref délai à la SARL Run Sud Autos par acte du 8 juillet 2021 (remise à personne morale), le dit acte de procédure indiquant, notamment, en page 2 :
« TRES IMPORTANT
L'informant que faute pour lui de constituer (Decr. N° 2012-364 du 3 mai 2021, art. 19-1°-a) « avocat » dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai (+) à compter de la notification des conclusions de l'appelant, il s'expose à ce que ses écrites soient déclarées d'office irrecevables.
(')
en bas de page, mention manuscrite : (+) mentionné à l'article 905-2 du code de procédure civile, »
Il s'agit d'une exception de nullité de forme.
L'intimée s'est constituée par acte du 19 juillet 2021.
La SCI Badamiers a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 22 juillet 2021.
La SARL Run Sud Autos a déposé ses conclusions d'intimée par RPVA le 6 septembre 2021, soit hors délai, car postérieurement au 22 août 2021.
Pour le preneur, le vice de forme de la signification de la déclaration d'appel lui « cause nécessairement un grief » sans s'expliquer plus avant.
Or, si celui-ci n'a pu remettre ses conclusions au greffe dans le délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, conformément aux dispositions de l'article 905-2 du même code, force est de constater que cette irrecevabilité n'ayant pas fait l'objet d'une saisine du président de la chambre par l'appelant, l'irrecevabilité des conclusions du preneur au motif de leur tardiveté, sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile ne peut plus être soulevée devant la cour.
Dans ces conditions, en dépit de l'irrégularité de la signification, le preneur n'a en réalité subit aucun grief.
Dans ces conditions, sa demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel du fait de la nullité de la signification de la déclaration d'appel ne pourra qu'être rejetée.
Sur la demande principale
Selon la SCI Badamiers, le commandement de payer n'ayant pas été réglé dans son intégralité, le juge aurait dû constater la résiliation et prononcer l'expulsion du preneur. S'agissant des impôts fonciers et de la TVA, elle considère qu'ils sont dus conformément à l'article 6 du bail. Enfin, elle estime que le preneur ne justifie pas de difficultés financières justifiant sa demande de délais de paiement.
La SARL Run Sud Autos soutient que tant les impôts fonciers que la TVA ne sont pas dus conformément aux stipulations du bail pré-imprimé ne comportant aucune mention manuscrite. Elle justifie avoir réglé les loyers d'août à octobre par virement et avoir respecté les délais impartis par le juge des référés. Elle ajoute que ce délai de paiement lui a été accordé au vu du contexte sanitaire : ne faisant pas partie des activités essentielles elle a dû fermer pendant le confinement.
Sur quoi,
Pour rappel,
Le bail commercial est un contrat synallagmatique qui crée à la charge des parties des obligations réciproques. Le code de commerce (articles L145-1 à L145-60) ne définissant pas les obligations des parties quant à l'exécution du contrat, celui-ci est soumis au droit commun, tant en ce qui concerne les obligations du bailleur que les obligations du preneur.
D'une part,
Il ressort des dispositions de l'article 1134 (ancien) du code civil que :
'Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.'
Il résulte des articles 1156 et suivants (anciens) consacrés à l'interprétation des conventions, notamment, que si l'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, il n'est cependant pas permis aux juges, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elle renferme. Enfin, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
D'autre part,
Aux termes de l'article 1244-1 (ancien) du code civil :
« Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créanciers, le juge peut, sans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments. »
Et aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige :
Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
En l'espèce, suivant bail commercial (document pré imprimé) en date du 17 février 2008, la SCI Badamiers a donné à bail à la société Run Sud Autos un entrepôt neuf d'une superficie d'environ 270 m² situé n°[Adresse 3] à [Localité 4] pour une durée de neuf années à compter du 1er mars 2008 moyennant un loyer annuel en principal (le mot HT est barré) de 36.000 euros TTC (mention manuscrite), étant précisé que « le preneur devra acquitter toutes les contributions et charges de ville, de police et voirie auxquelles les locataires sont ordinairement tenus de justifier de ses paiements en cours de bail ».
Selon le juge des référés, il est démontré que la demanderesse a payé ses loyers d'août 2020, septembre 2020, octobre 2020, novembre 2020, décembre 2020 et janvier 2021, mais il manque le paiement des loyers de mai 2020, juin 2020 et juillet 2020, ce que ne conteste pas le bailleur.
C'est donc à juste titre que le juge des référés, relevant que le commandement de payer du 4 novembre 2020 n'avait pas été payé dans son intégralité, a constaté la résiliation du bail.
S'agissant des impôts fonciers et de la TVA, il résulte clairement du bail commercial signé entre les parties que ni l'un ni l'autre ne sont à la charge du preneur, le mot « HT » ayant été barré et les impôts fonciers ne faisant pas partie, par définition, des charges « auxquelles les locataires sont ordinairement tenus ».
Enfin, s'agissant des délais de paiement, d'ailleurs respectés par le preneur, et au vu de la situation sanitaire, c'est à bon droit que le juge des référés les a accordés.
Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
Il sera alloué au preneur qui a dû engager des frais pour assurer la défense de ses intérêts en justice, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le bailleur, qui succombe à l'instance, supportera les dépens d'appel.
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile;
DIT n'y avoir lieu à prononcer la caducité de la déclaration d'appel ;
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 19 mai 2021 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion ;
Y ajoutant
CONDAMNE la SCI Les Badamiers à payer à la SARL Run Sud Autos la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens d'appel.