Cass. 1re civ., 2 juillet 1991, n° 90-12.065
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jouhaud
Rapporteur :
Mme Lescure
Avocat général :
M. Sadon
Avocats :
SCP Lesourd et Baudin, SCP Boré et Xavier
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, suivant acte reçu le 14 juin 1979 par Mme X..., notaire associé, la société à responsabilité limitée Ufipierre a acquis un immeuble et s'est acquittée de la taxe de publicité foncière de 0,6 %, applicable aux marchands de biens qui s'engagent à revendre le bien acheté dans le délai de 5 ans ; que n'ayant pas revendu certains lots dans ce délai, cette société a reçu une notification de redressement fiscal ; que, reprochant au notaire un manquement à son devoir de conseil pour ne l'avoir pas avertie des conséquences de l'omission dans l'acte de vente d'une clause se référant aux dispositions de l'article 710 du Code général des impôts, qui prévoit la réduction du taux de la taxe de publicité ou du droit d'enregistrement pour les acquisitions d'immeubles destinés à l'habitation, à condition que l'acquéreur prenne l'engagement de ne pas les affecter à un autre usage pendant une durée maximale de 3 ans à compter de la date de l'acte d'acquisition, la société Ufipierre a assigné cet officier public en paiement d'une somme correspondant à la différence entre le montant du redressement et celui du droit d'enregistrement qui aurait été dû si l'acte avait comporté ladite clause ;
Attendu que la société Ufipierre fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 janvier 1990) de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le moyen, d'une part, que le fait non contesté par Mme X..., rédacteur de l'acte d'acquisition, de n'avoir pas averti sa cliente des conséquences fiscales de la non-insertion à l'acte de la clause d'affectation à usage d'habitation dans le cas où celle-ci n'exécuterait pas son engagement de revendre dans les 5 ans, constituait pour cet officier public un manquement à son obligation de conseil et une négligence fautive ; alors, d'autre part, que, contrairement à ce qu'ont retenu les juges du second degré, cette faute avait un lien direct avec le redressement fiscal qui lui avait été imposé ; alors, enfin, que l'obligation de conseil du notaire pour tous les actes qu'il instrumente ne peut être réduite ou exonérée que s'il assiste un professionnel de la même profession, c'est-à-dire un autre notaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, le gérant de la société Ufipierre, M. Bosoni, " pour rompu qu'il puisse être aux transactions immobilières, n'étant ni un juriste professionnel, ni un spécialiste de la fiscalité applicable à ces transactions " ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé, à bon droit, que l'étendue de l'information que le notaire doit donner à son client au titre de son devoir de conseil varie selon que le client est ou non un professionnel avisé, a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que le gérant de la société Ufipierre, responsable d'une société spécialisée dans les transactions immobilières, ne pouvait ignorer les différents taux de la taxe de publicité foncière, auxquels pouvait être assujettie l'acquisition litigieuse selon l'affectation qu'il entendait lui donner ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, elle a pu décider que Mme X... n'avait commis aucune faute génératrice de responsabilité ; que, par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.