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Décisions

Cass. crim., 18 décembre 2019, n° 19-82.496

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Montpellier, du 11 mars 2019

11 mars 2019

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 2 novembre 2015, des agents des douanes en poste de surveillance à un péage sur l'autoroute A9 ont procédé au contrôle d'un véhicule BMW immatriculé en Slovénie et circulant dans le sens Espagne-France. Le conducteur, M. L... T..., interrogé sur ce point, a affirmé qu'il ne transportait pas de capitaux d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros. Lors de la fouille du véhicule, ont notamment été découverts, à la place de l'airbag, une poche plastique contenant 19 000 euros en espèces, dans le plafonnier du véhicule, un sachet contenant 9 500 euros, puis, dans le prolongement des longerons, deux caches aménagées d'un mètre de profondeur ainsi que, dans la boîte à gants, deux outils servant à démonter les vis des garnitures plastiques permettant d'accéder à ces caches, ainsi qu'un sachet contenant des clips plastiques de rechange. Selon ses déclarations, M. T... revenait d'Espagne où il s'était rendu pour affaires et était propriétaire des fonds dont l'origine était licite.

3. Le prévenu a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour y être jugé des chefs d'infractions douanières. Après requalification des faits, les premiers juges ont condamné le prévenu pour transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment de droit commun.

4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premier et deuxième moyens

Exposé des moyens

6. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 324-1 du code pénal.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu du chef de blanchiment, alors que la cour d'appel, qui n'a pas relevé les éléments constitutifs d'un crime ou d'un délit principal ayant procuré les fonds transportés, a méconnu le texte précité.

8. Le deuxième moyen est pris de la violation de la présomption d'innocence.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu du chef de blanchiment, alors que la motivation de la cour d'appel relative à la présomption de l'article 324-1-1 du code pénal est erronée, ces dispositions n'établissant pas une présomption de culpabilité, que la présomption exige que les conditions de la détention de ces sommes ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de celles-ci, et que, par conséquent, en application du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, toute justification plausible sur l'origine des fonds, comme en l'espèce, doit être admise par le juge pénal sous peine de méconnaître le principe susvisé.

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

11. Pour confirmer le jugement, appliquer la présomption d'origine illicite des fonds prévue par l'article 324-1-1 du code pénal, et dire établi le délit de blanchiment du produit d'un délit ou d'un crime, l'arrêt attaqué énonce que M. T... a transporté depuis la Slovénie jusqu'en Espagne, avec un premier passage en France, puis depuis l'Espagne jusqu'en France, les sommes de 29 520 euros et de 302 dollars et que ces faits constituent l'élément matériel du blanchiment.

12. Après avoir rappelé la présomption prévue à l'article 324-1-1 du code pénal, l'arrêt retient que les fonds ont été placés dans différentes caches du véhicule, révélant la volonté de dissimulation, et que M. T..., conducteur et propriétaire de la voiture, ne pouvait en ignorer l'existence dès lors que des outils pour les ouvrir étaient visibles et facilement accessibles.

13. Les juges relèvent également que les pièces fournies par le prévenu sur l'origine des fonds découverts justifient de l'existence d'une vente immobilière intervenue le 12 mai 2014, d'un arrêt civil rendu à sa demande à l'encontre d'une compagnie d'assurance le 3 avril 2014, puis d'un virement à son profit par un avocat le 4 septembre 2014 et d'un retrait bancaire de 37 000 euros effectué le 5 septembre 2014, soit plus d'un an avant le contrôle, alors que M. T... avait affirmé avoir retiré cette somme la semaine précédant son interpellation et que ces pièces ne permettent pas de démontrer, compte tenu de leur ancienneté, l'origine des fonds découverts.

14. Ils ajoutent que M. T..., dont les déclarations ont été évolutives, qui soutient s'être rendu en Espagne pour y développer une activité commerciale, n'a fourni au cours de l'enquête et de la phase de jugement aucun justificatif sur cette activité, ni sur l'identité des personnes qu'il devait y rencontrer.

15. Ils en déduisent que les conditions matérielles de l'opération n'ont pas d'autres justifications que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif des sommes découvertes et que M. T... n'apporte aucun élément probant permettant de renverser la présomption prévue par l'article précité.

16. Les juges concluent qu'il est donc établi que ces sommes sont présumées être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit et que l'infraction de concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit est constituée en ses éléments matériel et intentionnel.

17. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés aux moyens ni la présomption d'innocence.

18. En effet, en premier lieu, les juges ont retenu, par des motifs non critiqués par le demandeur au pourvoi, une opération de dissimulation de fonds dans des conditions faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire réels des espèces découvertes.

19. En deuxième lieu, ils ont, par une appréciation souveraine des circonstances de fait et des éléments de preuve contradictoirement débattus, analysé les justificatifs fournis par le prévenu et considéré, sans insuffisance, que ce dernier ne rapportait pas la preuve contraire de l'origine licite des fonds.

20. En dernier lieu, dans le cas où, comme en l'espèce, la présomption de l'article 324-1-1 du code pénal est appliquée, la juridiction correctionnelle n'est pas tenue d'identifier ni a fortiori de caractériser le crime ou le délit qui a procuré le produit ayant fait l'objet d'une opération de placement, de dissimulation ou de conversion.

21. Par conséquent les moyens doivent être écartés.

22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;