Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-02.041
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Vaissette
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Célice, Blancpain et Soltner
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon , 19 octobre 2000), que la société Européenne d'humidité (la société) a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon le 25 novembre 1991 ;
que, par jugement du 30 septembre 1998, le même tribunal, saisi par le liquidateur, s'est déclaré compétent pour connaître de l'action fondée sur l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, exercée contre trois administrateurs de la société, a mis M. X... hors de cause, a condamné M. Y... à payer au liquidateur, ès qualités, une somme correspondant à 50 % de l'insuffisance d'actif vérifié avec un montant maximum de 3 000 000 francs et la société Rewah France (société Rewah) , société de droit belge dont le siège se trouve en Belgique, à payer 30 % de l'insuffisance d'actif vérifié avec un montant maximum de 18 000 000 francs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Rewah fait grief à la cour d'appel de s'être reconnue compétente pour statuer sur l'action en paiement des dettes sociales intentée contre elle, alors, selon le moyen, que si l'article 1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 exclut de son champ d'application les faillites, il n'en va pas ainsi de "l'action en comblement de passif" telle qu'elle résulte de la loi du 25 janvier 1985 qui est une simple action en responsabilité qui suppose la preuve d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice ; que l'article 5-3 donne compétence en matière délictuelle au tribunal du lieu du fait dommageable ; que dès lors en l'espèce, le fait dommageable s'étant produit en Belgique, la cour d'appel ne pouvait retenir la compétence des tribunaux français sans méconnaître les articles 1 et 5-3 de la Convention de Bruxelles ;
Mais attendu que lorsque la procédure collective d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce, ouvrent aux conditions qu'elles prévoient une action en responsabilité ayant pour effet de contraindre les dirigeants au paiement de tout ou partie des dettes sociales, dont le produit entre dans le patrimoine de la personne morale pour être affecté, selon le cas, au redressement de l'entreprise ou au désintéressement des créanciers ;
Attendu que l'arrêt retient exactement que cette action qui trouve son fondement dans l'existence de fautes de gestion imputables au dirigeant est indissociable de la procédure collective de la personne morale dès lors que la part du passif social mis à la charge du dirigeant trouve son origine dans les agissements incriminés et qu'elle relève de la compétence du tribunal qui a ouvert la procédure collective, même à l'égard du dirigeant de nationalité étrangère et dont le domicile est à l'étranger ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Rewah fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au liquidateur, ès qualités, une somme correspondant à 30 % de l'insuffisance d'actif vérifié avec un montant maximum de 1 800 000 francs, alors, selon le moyen, que le liquidateur doit prouver le lien de causalité entre la faute de l'administrateur et l'insuffisance d'actif imputée au dirigeant sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ; qu'en affirmant en l'espèce que les négligences de la société Rewah ont contribué à l'aggravation du passif, alors qu'elle reconnaissait que les mêmes négligences de M. X... n'avaient entraîné aucune conséquence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu que le tribunal saisi d'une action en paiement des dettes sociales peut décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou par certains d'entre eux ;
Attendu que la cour d'appel, qui a caractérisé le lien de causalité entre les fautes de gestion commises par la société Rewah, administrateur de la société débitrice et l'insuffisance d'actif de la société en liquidation judiciaire, a légalement justifié sa décision d'entrer en voie de condamnation sans que la société Rewah qui n'est pas recevable, même à titre de garantie, à agir contre les autres dirigeants, puisse se prévaloir du sort différent réservé à ceux-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.