CJUE, 4e ch., 17 novembre 2022, n° C-54/21
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Antea Polska S.A., Pectore-Eco sp. z o.o., Instytut Ochrony Środowiska – Państwowy Instytut Badawczy
Défendeur :
Państwowe Gospodarstwo Wodne Wody Polskie, Arup Polska sp. z o.o., CDM Smith sp. z o.o., Multiconsult Polska sp. z o.o., Arcadis sp. z o.o., Hydroconsult sp. z o.o. Biuro Studiów i Badań Hydrogeologicznych i Geofizycznych
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
C. Lycourgos (rapporteur)
Juges :
L. S. Rossi, J. C. Bonichot, S. Rodin, O. Spineanu Matei
Avocat général :
M. Campos Sánchez-Bordona
Avocats :
P. Daca, M. Klink , T. Skoczyński, F. Łapecki
LA COUR (quatrième chambre),
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), de l’article 2, point 1, de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (JO 2016, L 157, p. 1), ainsi que de l’article 1er, paragraphes 1 et 3, et de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014 (JO 2017, L 94, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Antea Polska S.A., Pectore-Eco sp. z o.o. et Instytut Ochrony Środowiska – Państwowy Instytut Badawczy, agissant ensemble en tant que soumissionnaire unique (ci-après « Antea »), au Państwowe Gospodarstwo Wodne Wody Polskie (Autorité nationale de gestion des eaux de Pologne, ci-après le « pouvoir adjudicateur »), soutenu par Arup Polska sp. z o.o. (ci-après « Arup »), par CDM Smith sp. z o.o. (ci-après « CDM Smith »), ainsi que par Multiconsult Polska sp. z o.o., Arcadis sp. z o.o. et Hydroconsult sp. z o.o. Biuro Studiów i Badań Hydrogeologicznych i Geofizycznych, agissant ensemble en tant que soumissionnaire unique (ci-après « Multiconsult »), au sujet de l’attribution d’un marché public à CDM Smith.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 89/665
3 L’article 1er de la directive 89/665, intitulé « Champ d’application et accessibilité des procédures de recours », dispose :
« 1. La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive [2014/24] [...]
[...]
Les États membres prennent [...] les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.
[...]
3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.
[...] »
La directive 2014/24
4 Les considérants 90 et 92 de la directive 2014/24 énoncent :
« (90) Le marché devrait être attribué selon des critères objectifs qui assurent le respect des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement, dans le but de garantir une comparaison objective de la valeur relative des offres afin de déterminer, dans des conditions de concurrence effective, quelle est l’offre économiquement la plus avantageuse. Il convient d’indiquer expressément que l’offre économiquement la plus avantageuse devrait être évaluée sur la base du meilleur rapport qualité/prix, qui devrait dans tous les cas comporter un élément en rapport avec le prix ou le coût. Il y a également lieu de préciser que cette évaluation de l’offre économiquement la plus avantageuse pourrait aussi être fondée exclusivement sur le prix ou le rapport coût/efficacité. Il convient par ailleurs de rappeler que les pouvoirs adjudicateurs sont libres de fixer des normes de qualité adéquates en arrêtant des spécifications techniques ou des conditions d’exécution du marché.
[...]
[...]
(92) Lorsqu’ils évaluent le meilleur rapport qualité/prix, les pouvoirs adjudicateurs devraient établir les critères économiques et qualitatifs liés à l’objet du marché qu’ils appliqueront à cette fin. Ces critères devraient donc permettre une évaluation comparative du niveau de prestation offert par chaque soumissionnaire par rapport à l’objet du marché, tel qu’il est défini dans les spécifications techniques. Dans le cadre du meilleur rapport qualité/prix, une liste non exhaustive de critères d’attribution susceptibles d’être utilisés, comprenant notamment les aspects sociaux et environnementaux, figure dans la présente directive. [...]
Les critères retenus ne devraient pas conférer une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, ils devraient garantir une concurrence effective et équitable et être accompagnés de modalités qui permettent de vérifier effectivement les informations fournies par les soumissionnaires.
[...] »
5 L’article 18 de cette directive, intitulé « Principes de la passation de marchés », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.
[...] »
6 L’article 21 de ladite directive, intitulé « Confidentialité », prévoit :
« 1. Sauf disposition contraire de la présente directive ou des règles de droit national auxquelles le pouvoir adjudicateur est soumis, notamment les dispositions régissant l’accès à l’information, et sans préjudice des obligations en matière de publicité concernant les marchés attribués et d’information des candidats et des soumissionnaires qui figurent aux articles 50 et 55, le pouvoir adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel, y compris, entre autres, les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres.
2. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité des informations qu’ils mettent à disposition tout au long de la procédure de passation de marché. »
7 L’article 50 de la même directive, intitulé « Avis d’attribution de marché », énonce :
« 1. Au plus tard trente jours après la conclusion d’un marché ou d’un accord-cadre, faisant suite à la décision d’attribution ou de conclusion de celui-ci, les pouvoirs adjudicateurs envoient un avis d’attribution de marché relatif aux résultats de la procédure de passation de marché.
Ces avis contiennent les informations prévues à l’annexe V, partie D, [...]
[...]
4. Certaines informations sur la passation du marché ou la conclusion de l’accord-cadre peuvent ne pas être publiées au cas où leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique en particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques. »
8 L’article 55 de la directive 2014/24, intitulé « Information des candidats et des soumissionnaires », dispose :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais chaque candidat et chaque soumissionnaire des décisions prises concernant la conclusion d’un accord-cadre, l’attribution du marché ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique [...]
2. À la demande du candidat ou du soumissionnaire concerné, les pouvoirs adjudicateurs communiquent, dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite :
[...]
b) à tout soumissionnaire écarté, les motifs du rejet de son offre [...] ;
c) à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du titulaire ou des parties à l’accord-cadre ;
[...]
3. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de ne pas communiquer certains renseignements concernant l’attribution du marché, la conclusion d’accords-cadres ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, visés aux paragraphes 1 et 2, lorsque leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois ou serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques. »
9 L’article 58 de cette directive, intitulé « Critères de sélection », prévoit :
« 1. Les critères de sélection peuvent avoir trait :
a) à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle ;
b) à la capacité économique et financière ;
c) aux capacités techniques et professionnelles.
[...]
4. En ce qui concerne les capacités techniques et professionnelles, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l’expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié.
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger notamment que les opérateurs économiques disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. [...]
Dans les procédures de passation de marché de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d’installation, de services ou de travaux, la capacité professionnelle des opérateurs économiques à fournir les services ou à exécuter l’installation ou les travaux peut être évaluée en vertu de leur savoir-faire, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.
[...] »
10 Aux termes de l’article 59 de ladite directive, intitulé « Document unique de marché européen » :
« 1. Lors de la présentation de demandes de participation ou d’offres, les pouvoirs adjudicateurs acceptent le document unique de marché européen (DUME) consistant en une déclaration sur l’honneur actualisée à titre de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers pour confirmer que l’opérateur économique concerné remplit l’une des conditions suivantes :
a) il ne se trouve pas dans l’une des situations, visées à l’article 57, qui doit ou peut entraîner l’exclusion d’un opérateur ;
b) il répond aux critères de sélection applicables qui ont été établis conformément à l’article 58 ;
c) le cas échéant, il respecte les règles et critères objectifs qui ont été établis conformément à l’article 65.
Lorsque l’opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en vertu de l’article 63, le DUME comporte également les informations visées au premier alinéa, du présent paragraphe en ce qui concerne ces entités.
Le DUME consiste en une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme que le motif d’exclusion concerné ne s’applique pas et/ou que le critère de sélection concerné est rempli et il fournit les informations pertinentes requises par le pouvoir adjudicateur. [...]
[...]
4. Un pouvoir adjudicateur peut demander à des soumissionnaires et des candidats, à tout moment de la procédure, de fournir tout ou partie des documents justificatifs, si cela est nécessaire pour assurer le bon déroulement de la procédure.
[...] »
11 L’article 60 de la même directive, intitulé « Moyens de preuve », énonce :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger la production des certificats, déclarations et autres moyens de preuve visés aux paragraphes 2, 3 et 4, ainsi qu’à l’annexe XII, à titre de preuve de l’absence des motifs d’exclusion visés à l’article 57 et du respect des critères de sélection conformément à l’article 58.
Les pouvoirs adjudicateurs n’exigent pas de moyens de preuve autres que ceux visés au présent article et à l’article 62. En ce qui concerne l’article 63, les opérateurs économiques peuvent avoir recours à tout moyen approprié pour prouver au pouvoir adjudicateur qu’ils disposeront des moyens nécessaires.
[...]
3. La preuve de la capacité économique et financière de l’opérateur économique peut, en règle générale, être apportée par un ou plusieurs des éléments de référence énumérée à l’annexe XII, partie 1.
[...]
4. La preuve des capacités techniques des opérateurs économiques peut être fournie par un ou plusieurs des moyens énumérés à l’annexe XII, partie II, selon la nature, la quantité ou l’importance, et l’utilisation des travaux, des fournitures ou des services.
[...] »
12 L’article 63 de la directive 2014/24, intitulé « Recours aux capacités d’autres entités », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4. En ce qui concerne les critères relatifs aux titres d’études et professionnels visés à l’annexe XII, partie II, point f), ou à l’expérience professionnelle pertinente, les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières exécuteront les travaux ou fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.
[...] »
13 Aux termes de l’article 67 de cette directive, intitulé « Critères d’attribution du marché » :
« 1. Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales relatives au prix de certaines fournitures ou à la rémunération de certains services, les pouvoirs adjudicateurs se fondent, pour attribuer les marchés publics, sur l’offre économiquement la plus avantageuse.
2. L’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur est déterminée sur la base du prix ou du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité [...], et peut tenir compte du meilleur rapport qualité/prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné. Il peut s’agir, par exemple, des critères suivants :
a) la qualité, y compris la valeur technique, les caractéristiques esthétiques et fonctionnelles, l’accessibilité, la conception pour tous les utilisateurs, les caractéristiques sociales, environnementales et innovantes et la commercialisation et ses conditions ;
b) l’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché, lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d’exécution du marché ; ou
c) le service après-vente, l’assistance technique et les conditions de livraison, telles que la date de livraison, le mode de livraison et le délai de livraison ou d’exécution.
Le facteur coût peut également prendre la forme d’un prix ou d’un coût fixe sur la base duquel les opérateurs économiques seront en concurrence sur les seuls critères de qualité.
Les États membres peuvent prévoir que les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas uniquement utiliser le prix ou le coût comme seul critère d’attribution ou limiter cette utilisation à certaines catégories de pouvoirs adjudicateurs ou certains types de marchés.
[...]
4. Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur. Ils garantissent la possibilité d’une véritable concurrence et sont assortis de précisions qui permettent de vérifier concrètement les informations fournies par les soumissionnaires pour évaluer dans quelle mesure les offres répondent aux critères d’attribution. En cas de doute, les pouvoirs adjudicateurs vérifient concrètement l’exactitude des informations et éléments de preuve fournis par les soumissionnaires.
5. Le pouvoir adjudicateur précise, dans les documents de marché, la pondération relative qu’il attribue à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, sauf lorsqu’elle est déterminée sur la seule base du prix.
[...] »
14 L’annexe V de ladite directive, intitulée « Informations qui doivent figurer dans les avis », énumère, à sa partie D, intitulée « Informations qui doivent figurer dans les avis d’attribution de marchés (visées à l’article 50) » :
« [...]
12. Pour chaque attribution, nom, adresse [...], numéro de téléphone, numéro de télécopieur, adresse électronique et adresse internet du ou des soumissionnaires, et notamment :
a) indiquer si le soumissionnaire est une petite ou moyenne entreprise ;
b) indiquer si le marché a été attribué à un groupement d’opérateurs économiques (coentreprise, consortium ou autre).
13. Valeur de l’offre ou des offres retenues ou de l’offre la plus élevée et de l’offre la moins élevée prises en considération pour l’attribution du marché ou des marchés.
14. Le cas échéant, pour chaque attribution, valeur et part du contrat susceptible d’être sous-traitée à des tiers.
[...]
19. Toute autre information pertinente. »
15 Aux termes de l’annexe XII de la même directive, intitulée « Moyens de preuve du respect des critères de sélection » :
« Partie I : Capacité économique et financière
La preuve de la capacité économique et financière de l’opérateur économique peut, en règle générale, être apportée par un ou plusieurs éléments de références suivants :
a) déclarations appropriées de banques ou, le cas échéant, preuve d’une assurance des risques professionnels pertinents ;
b) la présentation d’états financiers ou d’extraits d’états financiers, dans les cas où la publication d’états financiers est prescrite par la législation du pays dans lequel l’opérateur économique est établi ;
c) déclaration concernant le chiffre d’affaires global de l’entreprise et, le cas échéant, le chiffre d’affaires du domaine d’activités faisant l’objet du marché, portant au maximum sur les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création de l’entreprise ou du début d’activités de l’opérateur économique, dans la mesure où les informations sur ces chiffres d’affaires sont disponibles.
Partie II : capacité technique
Les moyens de preuve attestant des capacités techniques des opérateurs économiques visées à l’article 58 sont :
a) les listes suivantes :
i) une liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années tout au plus, assortie de certificats de bonne exécution et de résultats pour les travaux les plus importants ; le cas échéant, afin de garantir un niveau de concurrence suffisant, les pouvoirs adjudicateurs peuvent indiquer que les éléments de preuve relatifs à des travaux exécutés il y [a] plus de cinq ans seront pris en compte ;
ii) une liste des principales livraisons effectuées ou des principaux services fournis au cours des trois dernières années tout au plus, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. Le cas échéant, afin de garantir un niveau de concurrence suffisant, les pouvoirs adjudicateurs peuvent indiquer que les éléments de preuve relatifs à des produits ou services pertinents fournis il y a plus de trois ans seront pris en compte ;
b) l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise de l’opérateur économique, en particulier de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité et, lorsqu’il s’agit de marchés publics de travaux, auquel l’entrepreneur pourra faire appel pour l’exécution de l’ouvrage ;
c) la description de l’équipement technique, des mesures employées par l’opérateur économique pour s’assurer de la qualité et des moyens d’étude et de recherche de son entreprise ;
d) l’indication des systèmes de gestion et de suivi de la chaîne d’approvisionnement que l’opérateur économique pourra mettre en œuvre lors de l’exécution du marché ;
e) lorsque les produits ou les services à fournir sont complexes ou que, à titre exceptionnel, ils doivent répondre à un but particulier, un contrôle effectué par le pouvoir adjudicateur ou, au nom de celui-ci, par un organisme officiel compétent du pays dans lequel le fournisseur ou le prestataire de services est établi, sous réserve de l’accord de cet organisme ; [...]
f) l’indication des titres d’études et professionnels du prestataire de services ou de l’entrepreneur ou des cadres de l’entreprise, à condition qu’ils ne soient pas évalués comme critère d’attribution ;
g) l’indication des mesures de gestion environnementale que l’opérateur économique pourra appliquer lors de l’exécution du marché ;
h) une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du prestataire de services ou de l’entrepreneur et l’importance du personnel d’encadrement pendant les trois dernières années ;
i) une déclaration indiquant l’outillage, le matériel et l’équipement technique dont le prestataire de services ou l’entrepreneur disposera pour la réalisation du marché ;
j) l’indication de la part du marché que l’opérateur économique a éventuellement l’intention de sous-traiter ;
[...] »
La directive 2016/943
16 L’article 1er de la directive 2016/943, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :
« La présente directive établit des règles protégeant les secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
[...] »
17 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “secret d’affaires”, des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :
a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles,
b) elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes,
c) elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ;
[...] »
Le droit polonais
La loi sur les marchés publics
18 L’Ustawa Prawo zamówień publicznych (loi sur le droit des marchés publics), du 29 janvier 2004 (Dz. U. 2015, position 2164), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur les marchés publics »), prévoit, à son article 8 :
« 1. La procédure de passation des marchés est publique.
2. Le pouvoir adjudicateur ne peut limiter l’accès aux informations relatives à la procédure de passation des marchés que dans les cas spécifiés par la loi.
2a. Le pouvoir adjudicateur peut définir dans le cahier des charges les conditions relatives à la préservation de la confidentialité des informations fournies à l’opérateur économique au cours de la procédure.
3. Les informations constituant des secrets d’affaires au sens des dispositions relatives à la lutte contre la concurrence déloyale ne sont pas divulguées si le soumissionnaire l’a demandé avant l’expiration du délai de présentation des offres ou des demandes de participation à la procédure et démontré qu’elles constituent des secrets d’affaires. Le soumissionnaire ne peut pas traiter comme confidentielles les informations visées à l’article 86, paragraphe 4. [...] »
19 Aux termes de l’article 86, paragraphe 4, de ladite loi :
« Le nom (raison sociale) et l’adresse des soumissionnaires, ainsi que les informations sur le prix, le délai d’exécution du marché, la période de garantie et les conditions de paiement contenues dans les offres sont révélés lors de l’ouverture de celles-ci. »
20 L’article 96 de la même loi prévoit :
« 1. Au cours de la procédure de passation du marché, le pouvoir adjudicateur dresse un procès-verbal comprenant au moins :
[...]
5) le nom ou la raison sociale du soumissionnaire dont l’offre a été retenue comme la plus avantageuse et la justification de ce choix, ainsi que, si elle est connue, la part du marché ou de l’accord-cadre que ce soumissionnaire entend sous-traiter à des tiers ; et si ces informations sont connues à ce stade, les noms ou les raisons sociales des sous-traitants éventuels ;
[...]
7) le cas échéant, les résultats de l’examen des motifs d’exclusion, de l’évaluation de la satisfaction aux conditions de participation à la procédure ou des critères de sélection, y compris :
a) le nom ou la raison sociale des soumissionnaires qui ne sont pas frappés d’exclusion, ont démontré répondre aux conditions de participation à la procédure ou aux critères de sélection, ainsi que les motifs justifiant leur sélection ;
b) le nom ou la raison sociale des soumissionnaires frappés d’exclusion, qui n’ont pas démontré réunir les conditions de participation à la procédure ou les critères de sélection, ainsi que les motifs pour lesquels ils n’ont pas été invités à participer à la procédure ;
8) les motifs de rejet des offres ;
[...]
2. Les offres, expertises, déclarations, [...] les avis, demandes, autres documents et informations présentés par le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires, ainsi que le marché public conclu, constituent des annexes au procès-verbal.
3. Le procès-verbal et ses annexes sont publics. Les annexes au procès-verbal sont mises à disposition après la sélection de l’offre la plus avantageuse ou l’annulation de la procédure, étant précisé que les offres sont mises à disposition à partir de leur ouverture, les offres initiales, à partir de l’invitation à soumissionner, et les demandes de participation à la procédure, à partir de la date à laquelle sont communiqués les résultats de l’examen de la satisfaction aux conditions de participation à la procédure. »
La loi relative à la lutte contre la concurrence déloyale
21 L’article 11, paragraphe 2, de l’Ustawa o zwalczaniu nieuczciwej konkurencji (loi relative à la lutte contre la concurrence déloyale), du 16 avril 1993 (texte codifié, Dz. U. de 2020, position 1913), énonce :
« On entend par secret d’affaires les informations techniques, technologiques et relatives à l’organisation d’une entreprise ou d’autres informations ayant une valeur commerciale qui, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ne sont pas généralement connues des personnes qui s’occupent normalement du genre d’informations en question ou ne leur sont pas aisément accessibles, pour autant que la personne autorisée à utiliser ces informations ou à en disposer ait pris, avec la diligence voulue, des mesures pour en préserver la confidentialité. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
22 Au cours de l’année 2019, le pouvoir adjudicateur a publié un avis de marché public, relevant du champ d’application de la directive 2014/24, aux fins du développement de projets portant sur la gestion environnementale de certains districts hydrographiques en Pologne. Le cahier des charges énonçait les conditions de participation à la procédure, les documents requis ainsi que les critères d’attribution de ce marché.
23 À ce dernier égard, ce cahier des charges énonçait que les offres seraient évaluées sur le fondement de trois critères, à savoir le prix (pondération de 40 %), la conception du développement des projets (pondération de 42 %) et la description des modalités d’exécution du marché (pondération de 18 %), ces deux derniers critères relatifs à la qualité de l’offre faisant eux-mêmes l’objet de plusieurs sous-critères.
24 À l’issue de l’évaluation des quatre offres déposées, le marché a été attribué à CDM Smith. Bien que le prix de l’offre d’Antea fût moins élevé que celui de l’offre de CDM Smith, Antea a obtenu une note globale inférieure à celle obtenue par cet autre soumissionnaire, davantage de points ayant été attribués à celui-ci au titre des critères de qualité.
25 Antea a saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision portant attribution du marché à CDM Smith, à un nouvel examen des offres et à la divulgation de certaines informations.
26 À l’appui de ce recours, Antea reproche, en particulier, au pouvoir adjudicateur d’avoir omis de divulguer les informations qui lui avaient été communiquées par CDM Smith, Multiconsult et Arup au sujet de leurs offres. Il s’agirait notamment des listes des prestations antérieurement fournies, des listes des personnes qui seraient, en cas d’attribution, assignées à l’exécution du marché, des informations relatives aux sous-traitants ou aux autres tiers mettant à disposition des ressources et, de manière plus générale, à la conception du développement des projets et à la description des modalités d’exécution du marché.
27 En acceptant le traitement confidentiel de ces informations, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu la loi sur les marchés publics et la loi relative à la lutte contre la concurrence déloyale. Il aurait considéré à tort que CDM Smith, Multiconsult et Arup avaient établi que lesdites informations constituaient des secrets d’affaires.
28 Le pouvoir adjudicateur aurait, par ailleurs, méconnu son obligation de motiver d’une façon adéquate, en se fondant sur les sous-critères établis dans le cahier des charges, la notation de chacune des offres.
29 Antea estime avoir été privée de son droit à un recours effectif, en raison, d’une part, du caractère excessif du traitement confidentiel accordé aux informations contenues dans les offres de ses concurrents et, d’autre part, du défaut de motivation adéquate des notations accordées. Au regard des principes d’égalité de traitement et de transparence, le droit au traitement confidentiel de certaines informations devrait être interprété de manière stricte. Les opérateurs économiques qui décident de participer à une procédure de passation de marché public devraient accepter que certaines informations sur leurs activités soient divulguées.
30 Le pouvoir adjudicateur s’oppose à ces arguments.
31 Il estime que la conception du développement des projets et la description des modalités d’exécution du marché contiennent des études issues d’expériences acquises au fil des ans et affinées pour la procédure en cause. Ces études relèveraient ainsi de la propriété intellectuelle de leur auteur.
32 La divulgation de ces informations risquerait, en tout état de cause, de nuire aux intérêts légitimes du soumissionnaire. Ainsi, les informations contenues dans l’offre de CDM Smith auraient une valeur commerciale et ce soumissionnaire aurait pris, au moyen de règlements intérieurs, de clauses contractuelles et d’instructions d’organisation du travail et de sécurisation de documents, les mesures nécessaires pour qu’elles demeurent secrètes. Leur divulgation permettrait aux concurrents d’utiliser le savoir-faire du soumissionnaire et les solutions techniques ou organisationnelles que celui-ci a développées.
33 En l’occurrence, chaque soumissionnaire aurait assorti son offre d’explications crédibles et cohérentes sur la qualification des informations en tant que secrets d’affaires, sur la base desquelles il a été décidé d’accorder le traitement confidentiel demandé. Le pouvoir adjudicateur considère, à cet égard, que le principe de transparence ne prime pas le droit à la protection des secrets d’affaires.
34 La confidentialité s’étendrait, notamment, aux listes des personnes assignées à l’exécution du marché. La divulgation de telles listes, qui contiennent des informations permettant d’identifier des experts, serait de nature à exposer les soumissionnaires à des pertes d’effectifs, les concurrents pouvant tenter de recruter ces experts. Les informations sur les sous-traitants ou autres tiers comporteraient, elles aussi, des données relatives aux experts de ceux-ci.
35 Le pouvoir adjudicateur fait observer, par ailleurs, que chacun des critères d’attribution a été appliqué conformément au cahier des charges et que l’évaluation des offres par rapport à ces critères a été motivée de manière exhaustive.
36 Selon CDM Smith et Multiconsult, les informations sur l’organisation et les modalités de leurs services, telles que celles ayant été transmises au pouvoir adjudicateur, sont des actifs incorporels qui relèvent du « capital intellectuel » du soumissionnaire. En cas de divulgation de ces informations, les concurrents pourraient reprendre les idées et solutions reflétées par celles-ci. Par ailleurs et en tout état de cause, les informations sur les ressources humaines auraient une grande valeur commerciale et constitueraient des secrets d’affaires.
37 La juridiction de renvoi constate qu’il découle de l’article 96 de la loi sur les marchés publics que les soumissionnaires ont, en principe, pleinement accès aux documents transmis dans le cadre des procédures de passation de marchés publics. L’absence d’un tel accès aurait, selon cette juridiction, une incidence négative sur la confiance des soumissionnaires dans les décisions des pouvoirs adjudicateurs et sur l’exercice du droit à un recours effectif.
38 Ladite juridiction indique que de nombreux soumissionnaires réclament le traitement confidentiel des documents qu’ils transmettent aux pouvoirs adjudicateurs, en faisant valoir que les informations contenues dans ceux-ci sont des secrets d’affaires. En effet, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la loi sur les marchés publics, il est interdit aux pouvoirs adjudicateurs de divulguer de telles informations si le soumissionnaire l’a demandé en ayant apporté les preuves nécessaires.
39 Or, il existerait une incertitude sur la portée de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 et sur la pertinence, dans ce contexte, de l’article 2, point 1, de la directive 2016/943. Il serait nécessaire, aux fins de garantir dans toute la mesure du possible l’uniformité de la pratique dans le domaine des marchés publics, d’établir une interprétation dudit article 21 qui soit conforme, notamment, aux principes de concurrence loyale, d’égalité de traitement, de transparence et de proportionnalité.
40 Selon la juridiction de renvoi, les informations transmises par les soumissionnaires au pouvoir adjudicateur ne sauraient toutes être considérées comme étant couvertes par le secret d’affaires ou, de manière plus générale, comme étant confidentielles. Si le législateur de l’Union européenne avait considéré que toutes les données visées aux articles 59 et 60 de la directive 2014/24 et à l’annexe XII de celle-ci sont des secrets d’affaires, il l’aurait indiqué. Faciliter, sur le fondement d’une interprétation excessivement large de la notion de secret d’affaires, l’octroi du traitement confidentiel des informations transmises par les soumissionnaires porterait atteinte aux principes susmentionnés.
41 Cette juridiction présente un aperçu des informations et, en particulier, des éléments d’étude que chaque soumissionnaire devait, en l’occurrence, conformément au cahier des charges, transmettre au pouvoir adjudicateur. Elle observe que, si les solutions techniques et méthodologiques ainsi soumises au pouvoir adjudicateur ont une valeur intellectuelle et peuvent donc relever d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, il n’en résulte pas nécessairement que ces éléments constituent des secrets d’affaires.
42 Ladite juridiction n’est pas non plus convaincue par la pertinence du risque de « captation » d’experts invoqué par le pouvoir adjudicateur. Un tel risque existerait, certes, mais ne serait pas problématique. Il serait naturel que les salariés recherchent de nouveaux emplois et que les employeurs recherchent de nouveaux collaborateurs, en particulier lorsqu’il s’agit de domaines dans lesquels l’expertise est requise.
43 Serait, en revanche, problématique, le fait, pour un soumissionnaire, d’avoir très peu d’informations sur les offres que ses concurrents ont soumises au pouvoir adjudicateur, car cela aurait pour effet d’entraver voire d’empêcher l’usage effectif des voies de recours. À cet égard, ladite juridiction se demande si, dans le cas où elle constaterait que certains documents n’auraient pas dû être traités comme confidentiels, il faudrait permettre au requérant d’introduire un nouveau recours.
44 La juridiction de renvoi s’interroge également sur les critères d’attribution relatifs à la « conception du développement des projets » et à la « description des modalités d’exécution du marché ». Elle se demande si de tels critères ne sont pas trop larges et vagues. Tout critère fixé par le pouvoir d’attribution devrait permettre à celui-ci de prendre une décision sur le fondement de données objectives qui sont aisément comparables et quantifiables.
45 Dans ces conditions, la Krajowa Izba Odwoławcza (chambre nationale de recours, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs économiques et le principe de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive [2014/24] permettent-ils d’interpréter l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 et l’article 2, point 1, de la directive [2016/943], en particulier leurs formulations “dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues [...] ou [...] aisément accessibles”, et “elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes”, ainsi que la précision selon laquelle “le pouvoir adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel”, en ce sens qu’un soumissionnaire est en droit de traiter toute information comme confidentielle au titre du secret des affaires, au motif qu’il n’en souhaite pas la divulgation aux soumissionnaires concurrents ?
2) Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs économiques et le principe de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 permettent-ils d’interpréter son article 21, paragraphe 1, et l’article 2, point 1, de la directive 2016/943 en ce sens que les soumissionnaires à un marché public peuvent traiter, en tout ou partie, comme confidentiels au titre du secret des affaires les documents visés aux articles 59 et 60 de la directive 2014/24 et à son annexe XII, notamment, la liste des expériences acquises, les références, la liste des personnes proposées pour exécuter le marché et leurs qualifications professionnelles, les noms et capacités des entités dont ils entendent solliciter les ressources ou des sous-traitants, lorsque ces documents sont exigés pour prouver la satisfaction des conditions de participation à la procédure ou pour évaluer les offres selon les critères de leur évaluation ou pour en constater la conformité aux autres exigences du pouvoir adjudicateur énoncées dans le dossier de la procédure (avis de marché et cahier des charges) ?
3) Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs économiques et le principe de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, interprétés à la lumière de ses articles 58, paragraphe 1, 63, paragraphe 1, et 67, paragraphe 2, sous b), permettent-ils au pouvoir adjudicateur d’accepter à la fois, d’une part, la déclaration du soumissionnaire selon laquelle il dispose des ressources humaines, des entités dont il entend solliciter les capacités ou des sous-traitants, requis par le pouvoir adjudicateur ou déclarés par lui-même, ce qu’il est tenu par ces dispositions de prouver au pouvoir adjudicateur, et, d’autre part, la déclaration de l’intéressé selon laquelle la seule divulgation à ses concurrents soumissionnaires de données concernant ces personnes ou entités (noms, raisons sociales, expérience, qualifications) peut entraîner leur “captation” par ces mêmes soumissionnaires, ce qui implique la nécessité du traitement confidentiel de ces données au titre du secret des d’affaires ? Compte tenu de ce qui précède, peut-on regarder une telle relation éphémère entre le soumissionnaire et ces personnes et ces entités comme une preuve de la disponibilité de ces ressources et, en particulier, attribuer au soumissionnaire des points supplémentaires au titre des critères d’évaluation des offres ?
4) Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs économiques et le principe de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 permettent-ils d’interpréter son article 21, paragraphe 1, et l’article 2, point 1, de la directive 2016/943 en ce sens que les soumissionnaires à un marché public peuvent traiter comme confidentiels au titre du secret des affaires les documents requis aux fins de l’examen de la conformité de leur offre aux exigences du pouvoir adjudicateur contenues dans le cahier des charges (y compris la description de l’objet du marché) ou aux fins de l’évaluation de leur offre selon les critères d’évaluation des offres, en particulier, lorsque ces documents ont trait au respect des exigences du pouvoir adjudicateur énoncées dans le cahier des charges, dans des dispositions légales ou dans d’autres documents accessibles au public ou aux personnes intéressées, en particulier, lorsque cette évaluation est effectuée non pas selon des modèles objectivement comparables et des paramètres mathématiquement ou physiquement quantifiables et comparables, mais selon une appréciation individuelle par le pouvoir adjudicateur ? S’ensuit-il que l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 et l’article 2, point 1, de la directive 2016/943 peuvent être entendus en ce sens que la déclaration produite dans son offre par un soumissionnaire donné, selon laquelle il réalisera l’objet du marché en cause conformément aux conditions du pouvoir adjudicateur figurant dans le cahier des charges, sous son contrôle et son appréciation au regard du respect de ces conditions, peut être regardée comme un secret d’affaires de l’intéressé, même s’il lui appartient de choisir les méthodes visant à atteindre le résultat requis par le pouvoir adjudicateur (l’objet du marché) ?
5) Les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs économiques et le principe de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, interprétés à la lumière de son article 67, paragraphe 4, selon lequel les critères d’attribution du marché n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, doivent garantir la possibilité d’une véritable concurrence et permettre de vérifier concrètement les informations fournies par les soumissionnaires pour évaluer dans quelle mesure les offres satisfont aux critères d’attribution du marché, habilitent-ils le pouvoir adjudicateur à établir un critère d’évaluation des offres donné, en particulier, un critère qu’il apprécie à titre individuel, alors qu’il est notoire, dès le moment de l’établissement de ce critère, que les soumissionnaires traiteront, sans opposition du pouvoir adjudicateur, comme confidentielle au titre du secret des affaires la partie de leur offre se rapportant à ce critère, de telle sorte que les soumissionnaires concurrents, dans l’impossibilité de vérifier les offres de leurs rivaux et de les comparer à leurs propres offres, peuvent avoir l’impression que le pouvoir adjudicateur exerce un pouvoir discrétionnaire illimité dans l’examen et l’évaluation des offres ?
6) Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination des opérateurs économiques et le principe de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, interprétés à la lumière de son article 67, paragraphe 4, selon lequel les critères d’attribution du marché n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, doivent garantir la possibilité d’une véritable concurrence et permettre de vérifier concrètement les informations fournies par les soumissionnaires pour évaluer dans quelle mesure les offres satisfont aux critères d’attribution du marché peuvent-ils être interprétés comme habilitant le pouvoir adjudicateur à établir des critères d’évaluation des offres résidant, comme dans la procédure en cause, dans la “conception du développement des projets” et dans la “description des modalités d’exécution du marché” ?
7) L’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la [directive 89/665], qui impose aux États membres l’obligation de garantir aux soumissionnaires l’accès à des voies de recours efficaces contre les décisions prises par les entités adjudicatrices et d’assurer l’accès à des voies de recours à toute personne ayant un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une illégalité alléguée, doit-il être interprété en ce sens que le constat, par l’organe appelé à statuer, que les documents traités comme confidentiels par les soumissionnaires dans une procédure donnée ne constituent pas des secrets d’affaires, de telle sorte que le pouvoir adjudicateur est tenu de les divulguer et d’en donner l’accès aux soumissionnaires concurrents – lorsqu’un tel effet ne résulte pas directement des dispositions légales – implique, pour l’organe appelé à statuer, l’obligation d’adopter une décision permettant à ce soumissionnaire d’introduire un nouveau recours – dans la mesure circonscrite par la teneur desdits documents, dont l’intéressé n’avait pas connaissance auparavant, raison pour laquelle il n’a pas pu exercer utilement une voie de recours – à l’encontre d’un acte qui ne serait pas susceptible de recours en raison de l’expiration des délais contentieux et tendant, par exemple, à l’invalidation de la décision portant examen et évaluation des offres auxquelles se rapportent les documents en cause traités comme confidentiels au titre du secret des affaires ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
46 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 1, et l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale en matière de passation de marchés publics qui exige que, à la seule exception des secrets d’affaires, les informations transmises par les soumissionnaires aux pouvoirs adjudicateurs soient intégralement publiées ou communiquées aux autres soumissionnaires, ainsi qu’à une pratique des pouvoirs adjudicateurs qui consiste à accepter systématiquement les demandes de traitement confidentiel au titre de secrets d’affaires.
47 À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que l’article 18 de la directive 2014/24 établit les principes qui régissent la passation des marchés publics visés par cette directive. Ainsi qu’il découle du paragraphe 1 de cette disposition, les pouvoirs adjudicateurs doivent traiter les opérateurs économiques « sur un pied d’égalité et sans discrimination » et agir, notamment, « d’une manière transparente ».
48 Or, nonobstant l’obligation des pouvoirs adjudicateurs d’agir avec transparence, il est, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, de ladite directive, interdit à une telle entité de divulguer « les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel ».
49 À ce sujet, la Cour a itérativement jugé que les règles de l’Union en matière de marchés publics visent principalement à assurer l’existence d’une concurrence non faussée et que, pour atteindre cet objectif, il importe que les pouvoirs adjudicateurs ne divulguent pas d’informations ayant trait à des procédures de passation de marchés publics dont le contenu pourrait être utilisé pour fausser la concurrence soit dans une procédure de passation en cours, soit dans des procédures de passation ultérieures. Les procédures de passation de marchés publics reposant sur une relation de confiance entre les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques, ces derniers doivent pouvoir communiquer aux pouvoirs adjudicateurs toute information utile dans le cadre d’une telle procédure sans craindre que ceux-ci ne communiquent à des tiers des éléments d’information dont la divulgation pourrait être dommageable auxdits opérateurs (arrêts du 14 février 2008, Varec, C 450/06, EU:C:2008:91, points 34 à 36, et du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, point 115).
50 Cela étant, le principe de protection des informations confidentielles doit être concilié avec les exigences d’une protection juridictionnelle effective. À cet effet, l’interdiction énoncée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doit être mise en balance avec le principe général de bonne administration, dont découle l’obligation de motivation. Cette mise en balance doit notamment tenir compte du fait que, en l’absence d’informations suffisantes lui permettant de vérifier si la décision du pouvoir adjudicateur relative à l’attribution du marché est entachée d’éventuelles erreurs ou illégalités, un soumissionnaire évincé n’aura pas la possibilité, en pratique, de se prévaloir de son droit à un recours effectif visé à l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665 (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, points 121 à 123).
51 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la demande de la requérante au principal d’accéder aux informations soumises au pouvoir adjudicateur par CDM Smith, Arup et Multiconsult a été examinée sur le fondement de la loi sur les marchés publics. Conformément à l’article 8 de cette loi, les secrets d’affaires font, sur la demande des soumissionnaires qui les détiennent, l’objet d’un traitement confidentiel, tandis que toute autre information transmise par les soumissionnaires au pouvoir adjudicateur doit, en vertu de l’article 96 de ladite loi, être rendue publique en annexe au procès-verbal dressé par cette entité.
52 Il ressort également de la décision de renvoi que la notion de « secret d’affaires », qui est définie en droit polonais à l’article 11, paragraphe 2, de la loi relative à la lutte contre la concurrence déloyale, se réfère aux informations qui ont une valeur commerciale et qui ne sont pas généralement connues des personnes qui s’occupent normalement du genre d’informations en question ou ne leur sont pas aisément accessibles, pour autant que la personne autorisée à utiliser ces informations ou à en disposer ait diligemment pris des mesures pour en préserver la confidentialité.
53 Cette définition correspond pour l’essentiel à celle de la notion de secret d’affaires figurant à l’article 2, point 1, de la directive 2016/943.
54 Il y a lieu de relever qu’il ne résulte ni des termes ni de l’objet de la directive 2014/24 que celle-ci s’oppose à l’emploi, par le législateur d’un État membre, d’une telle notion pour délimiter la portée de l’article 21, paragraphe 1, de cette directive.
55 Certes, la notion de « secret d’affaires », telle que définie à l’article 2, point 1, de la directive 2016/943 ou dans une disposition correspondante de droit national, ne se chevauche qu’en partie avec les termes « renseignements [...] communiqués à titre confidentiel » figurant à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24. En effet, selon le libellé même de cette dernière disposition, les renseignements y visés comprennent, « entre autres, les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres », ce qui indique, comme M. l’avocat général l’a observé aux points 34 et 35 de ses conclusions, que la protection de la confidentialité énoncée à la directive 2014/24 est plus large que celle d’une protection s’étendant aux seuls secrets d’affaires. La Cour a, par ailleurs, déjà précisé que les règles en matière d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite de secrets d’affaires, au sens de la directive 2016/943, ne libèrent pas les autorités publiques des obligations de confidentialité pouvant résulter de la directive 2014/24 (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, points 97 et 99).
56 Toutefois, l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 précise que l’interdiction de divulgation des renseignements communiqués à titre confidentiel s’applique « [s]auf disposition contraire [...] des règles de droit national auxquelles le pouvoir adjudicateur est soumis ».
57 Il ressort de cette précision qu’il est loisible à chaque État membre d’opérer une mise en balance entre la confidentialité visée par cette disposition de la directive 2014/24 et les règles de droit national poursuivant d’autres intérêts légitimes, dont celui, expressément mentionné à ladite disposition, de garantir « l’accès à l’information », afin d’assurer la plus grande transparence des procédures de passation de marchés publics.
58 Cela étant, sous peine de porter atteinte à l’effet utile du droit de l’Union, les États membres, lorsqu’ils exercent le pouvoir d’appréciation que l’article 21, paragraphe 1, de cette directive leur reconnaît, doivent s’abstenir d’introduire des régimes qui n’assurent pas le plein respect de la finalité de cette disposition, rappelée au point 49 du présent arrêt, qui nuisent à la mise en balance visée au point 50 du présent arrêt, ou qui altèrent le régime en matière de publicité concernant les marchés attribués ainsi que les règles relatives à l’information des candidats et des soumissionnaires prévus aux articles 50 et 55 de ladite directive.
59 À ce dernier égard, il importe de relever que tout régime en matière de confidentialité doit, ainsi que l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 l’énonce expressément, être sans préjudice dudit régime et desdites règles prévus aux articles 50 et 55 de cette directive.
60 En vertu de l’article 50, paragraphe 1, de ladite directive, le pouvoir adjudicateur doit, à l’issue de la procédure de passation de marché, émettre, pour publication, un avis d’attribution de marché qui contient, conformément à l’annexe V, partie D, de la même directive, certains renseignements relatifs, notamment, au soumissionnaire auquel le marché a été attribué ainsi qu’à l’offre que ce soumissionnaire avait présentée. Cela étant, l’article 50, paragraphe 4, de la directive 2014/24 prévoit également que ces renseignements peuvent ne pas être publiés au cas où leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou pourrait nuire à la concurrence loyale.
61 De même, si l’article 55, paragraphe 2, de la directive 2014/24 permet expressément à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable de demander au pouvoir adjudicateur de lui communiquer les motifs du rejet de son offre, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire, il est cependant prévu, au paragraphe 3 de cet article, que le pouvoir adjudicateur peut décider de ne pas communiquer certains de ces renseignements, lorsque leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou pourrait nuire à la concurrence loyale.
62 Or, une législation nationale qui impose la publicité de toute information ayant été communiquée par l’ensemble des soumissionnaires, en ce compris l’adjudicataire, au pouvoir adjudicateur, à la seule exception des informations relevant de la notion de secret d’affaires, est susceptible d’empêcher le pouvoir adjudicateur, contrairement à ce que les articles 50, paragraphe 4, et 55, paragraphe 3, de la directive 2014/24 permettent, de décider de ne pas divulguer certains renseignements au titre d’intérêts ou d’objectifs mentionnés dans ces dispositions, dès lors que ces renseignements ne relèveraient pas de cette notion de secret d’affaires.
63 Par conséquent, l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec les articles 50 et 55 de cette directive, d’une part, ne s’oppose pas à ce qu’un État membre établisse un régime qui délimite la portée de l’obligation de traitement confidentiel en se fondant sur une notion de secret d’affaires correspondant, pour l’essentiel, à celle figurant à l’article 2, point 1, de la directive 2016/943. D’autre part, il s’oppose à un tel régime lorsque celui-ci ne comporte pas un ensemble adéquat de règles qui permette aux pouvoirs adjudicateurs, dans les circonstances où ces articles 50 et 55 s’appliquent, de refuser exceptionnellement la divulgation d’informations qui, tout en ne relevant pas de la notion de secrets d’affaires, doivent demeurer non accessibles au titre d’un intérêt ou d’un objectif visé auxdits articles 50 et 55.
64 S’agissant, enfin, de la pratique, décrite par la juridiction de renvoi, selon laquelle, dans l’État membre concerné, les pouvoirs adjudicateurs acceptent systématiquement les demandes des soumissionnaires de qualifier de secrets d’affaires l’ensemble des informations dont ils ne souhaitent pas la divulgation aux soumissionnaires concurrents, force est de constater qu’une telle pratique, à supposer qu’elle ait effectivement été instaurée, ce qu’il n’appartient pas à la Cour de vérifier, est susceptible de porter atteinte non seulement à l’équilibre entre le principe de transparence énoncé à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 et la protection de la confidentialité visée à l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci, mais également aux exigences, rappelées au point 50 du présent arrêt, d’une protection juridictionnelle effective, de même qu’au principe général de bonne administration, dont découle l’obligation de motivation.
65 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir adjudicateur ne saurait être lié par la simple allégation d’un opérateur économique selon laquelle les informations transmises sont confidentielles mais doit exiger, de la part de cet opérateur, que celui-ci démontre le caractère véritablement confidentiel des informations à la divulgation desquelles il s’oppose (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, point 117).
66 En outre, afin de respecter le principe général de bonne administration et de concilier la protection de la confidentialité avec les exigences d’une protection juridictionnelle effective, le pouvoir adjudicateur doit non seulement motiver sa décision de traiter certaines données comme étant confidentielles, mais doit également communiquer sous une forme neutre, dans toute la mesure possible et pour autant qu’une telle communication soit de nature à préserver le caractère confidentiel des éléments spécifiques de ces données pour lesquelles une protection est justifiée à ce titre, le contenu essentiel de celles-ci à un soumissionnaire évincé qui les demande, et plus particulièrement le contenu des données concernant les aspects déterminants de sa décision et de l’offre retenue (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, points 122 et 123).
67 Ainsi, le pouvoir adjudicateur peut, notamment et pour autant que le droit national auquel il est soumis ne s’y oppose pas, communiquer sous une forme résumée certains aspects d’une candidature ou d’une offre ainsi que leurs caractéristiques techniques, de sorte que les informations confidentielles ne puissent être identifiées. En outre, à supposer que les informations non confidentielles soient adéquates pour assurer le respect du droit à un recours efficace du soumissionnaire évincé, le pouvoir adjudicateur pourra demander à l’opérateur dont l’offre a été retenue de lui fournir une version non confidentielle des documents contenant des informations confidentielles (arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, points 124 et 125).
68 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 18, paragraphe 1, et l’article 21, paragraphe 1, lus en combinaison avec l’article 50, paragraphe 4, et l’article 55, paragraphe 3, de la directive 2014/24, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale en matière de passation de marchés publics qui exige que, à la seule exception des secrets d’affaires, les informations transmises par les soumissionnaires aux pouvoirs adjudicateurs soient intégralement publiées ou communiquées aux autres soumissionnaires, ainsi qu’à une pratique des pouvoirs adjudicateurs qui consiste à accepter systématiquement les demandes de traitement confidentiel au titre de secrets d’affaires.
Sur les deuxième à quatrième questions
69 Les deuxième à quatrième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, portent, en particulier, sur l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24.
70 Cela étant, ainsi qu’il a été exposé au point 59 du présent arrêt, cette dernière disposition est sans préjudice, notamment, du régime en matière d’information des candidats et des soumissionnaires, prévu à l’article 55 de cette directive.
71 En effet, indépendamment de la portée de l’article 21, paragraphe 1, de ladite directive, l’article 55, paragraphe 2, de celle-ci permet, entre autres, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable de demander au pouvoir adjudicateur de lui communiquer les motifs du rejet de son offre, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire, sous réserve, seulement, de la possibilité octroyée par le paragraphe 3 de cet article au pouvoir adjudicateur de décider de ne pas communiquer certains de ces renseignements, lorsque leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique ou pourrait nuire à la concurrence loyale.
72 Au vu de la pertinence de l’ensemble de ces dispositions, il y a lieu de considérer que, par ses deuxième à quatrième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 1, l’article 21, paragraphe 1, et l’article 55 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens que le pouvoir adjudicateur doit permettre ou, au contraire, refuser, à un soumissionnaire dont l’offre recevable a été rejetée, d’accéder aux informations que les autres soumissionnaires ont soumises à propos de leur expérience pertinente et des références relatives à celle-ci, à propos de l’identité et des qualifications professionnelles des personnes proposées pour exécuter le marché ou des sous-traitants, et à propos de la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché et des modalités d’exécution de celui-ci.
73 S’agissant, tout d’abord, de l’expérience pertinente des soumissionnaires et des éléments de référence que ceux-ci joignent à leurs offres, à titre d’attestation de cette expérience et de leurs capacités, il y a lieu de considérer que de telles informations, qui correspondent dans une large mesure à celles visées à l’annexe XII de la directive 2014/24, à laquelle se réfèrent notamment les articles 60 et 63 de celle-ci, ne sauraient être qualifiées de confidentielles dans leur intégralité.
74 Lorsqu’un opérateur économique participe à une procédure de passation de marché public, il ne saurait légitimement demander que la liste des contrats obtenus ou des projets réalisés, au titre desquels il a acquis l’expérience pertinente pour le marché public en cause, ainsi que les références permettant d’attester de cette expérience soient intégralement ou en majeure partie traitées comme étant confidentielles.
75 En effet, l’expérience d’un soumissionnaire n’étant, en règle générale, pas secrète, ses concurrents ne sauraient, en principe, être privés des informations relatives à cette expérience, sur le fondement de la notion de « secret d’affaires » figurant dans le droit de l’État membre concerné pour délimiter la confidentialité visée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24, ou sur celui de la protection des « intérêts commerciaux légitimes » ou de la préservation de la « concurrence loyale », au sens de l’article 55, paragraphe 3, de cette directive.
76 En tout état de cause, conformément aux principes issus de la jurisprudence de la Cour rappelés aux points 66 et 67 du présent arrêt, les soumissionnaires doivent, par souci de transparence et aux fins d’assurer le respect des exigences de bonne administration et d’une protection juridictionnelle effective, bénéficier d’un accès, à tout le moins, au contenu essentiel des informations transmises par chacun d’eux au pouvoir adjudicateur à propos de leur expérience pertinente pour le marché public en cause et des références permettant d’attester de cette expérience. Cet accès est cependant sans préjudice de circonstances particulières afférentes à certains marchés de produits ou de services sensibles pouvant exceptionnellement justifier un refus d’information au regard d’un des autres motifs mentionnés à l’article 55, paragraphe 3, de la directive 2014/24, tenant au respect d’une interdiction ou exigence énoncée par la loi ou à la protection d’un intérêt public.
77 S’agissant, ensuite, des informations sur les personnes, tant physiques que morales, y compris les sous-traitants, sur lesquelles un soumissionnaire indique pouvoir s’appuyer pour exécuter le marché, il importe d’opérer une distinction entre les données permettant d’identifier ces personnes et celles qui portent, sans possibilité d’effectuer une telle identification, sur les qualifications ou capacités professionnelles desdites personnes.
78 Le pouvoir adjudicateur devra déterminer si la divulgation de l’identité des experts ou des sous-traitants qui se sont engagés, auprès d’un soumissionnaire, à contribuer à l’exécution de ce marché en cas d’attribution de celui-ci, risque d’exposer ce soumissionnaire, ainsi que ces experts ou sous-traitants, à une atteinte à la protection de la confidentialité visée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24. À ces fins, ce pouvoir adjudicateur devra tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris de l’objet du marché public en cause, ainsi que de l’intérêt dudit soumissionnaire et desdits experts ou sous-traitants de participer, avec les mêmes engagements négociés de manière confidentielle, à des procédures de passation de marché ultérieures. La divulgation d’informations transmises au pouvoir adjudicateur dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public ne peut être refusée si ces informations, tout en étant pertinentes pour la procédure de passation en cause, n’ont aucune valeur commerciale dans le cadre plus large des activités de ces opérateurs économiques.
79 Au vu de ces considérations et pour autant qu’il soit plausible que le soumissionnaire et les experts ou sous-traitants proposés par celui-ci aient créé une synergie pourvue de valeur commerciale, il ne saurait être exclu que l’accès aux données nominatives à propos de ces engagements doive être refusé au titre de l’interdiction de divulgation visée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ou puisse l’être au titre de l’article 55, paragraphe 3, de cette directive.
80 Quant aux données non nominatives, par lesquelles sont indiquées, sans possibilité d’identification personnelle, les qualifications ou capacités professionnelles des personnes physiques ou morales engagées pour exécuter le marché, la taille et le formatage des effectifs ainsi constitués, ou encore la part de l’exécution du marché que le soumissionnaire prévoit de confier à des sous-traitants, il y a lieu de considérer, compte tenu de l’importance de ces données pour l’attribution du marché, que le principe de transparence et le droit à un recours effectif imposent, à tout le moins, que le contenu essentiel de telles données soit accessible à l’ensemble des soumissionnaires.
81 S’agissant, enfin, de la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché public et de la description des modalités d’exécution du marché, il incombe au pouvoir adjudicateur d’examiner si celles-ci constituent des éléments ou contiennent des éléments qui peuvent faire l’objet d’une protection par un droit de propriété intellectuelle, notamment par un droit d’auteur, et relèvent ainsi du motif de refus de divulgation énoncé à l’article 55, paragraphe 3, de la directive 2014/24, relatif à l’application des lois.
82 À cet égard, il convient toutefois de rappeler que, même dans le cas où cette conception et cette description, ou une partie de celles-ci, sont considérées comme constituant des œuvres protégées par le droit d’auteur, ce qui implique qu’elles soient considérées comme étant originales en ce sens qu’elles constituent des créations intellectuelles propres à leur auteur, reflétant la personnalité de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW, C 469/17, EU:C:2019:623, point 19 et jurisprudence citée), cette protection est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création et ne s’étend pas aux idées, aux procédures, aux méthodes de fonctionnement ou aux concepts mathématiques en tant que tels (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C 310/17, EU:C:2018:899, points 37 et 39 ainsi que jurisprudence citée). Ladite protection ne porte donc pas sur les solutions techniques ou méthodologiques en tant que telles que ces œuvres peuvent comporter.
83 En outre, et indépendamment de la question de savoir si elles constituent ou contiennent des éléments protégés par un droit de propriété intellectuelle, la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché public et la description des modalités d’exécution des travaux ou des services pertinents peuvent, le cas échéant, avoir une valeur commerciale à laquelle il serait indûment porté atteinte si cette conception et cette description étaient, telles quelles, divulguées. Leur publication peut, dans un tel cas, être susceptible de fausser la concurrence, notamment en réduisant la capacité de l’opérateur économique concerné de se distinguer au moyen de la même conception et de la même description lors de futures procédures de passation de marchés publics.
84 Il est donc possible que l’accès intégral aux informations relatives à la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché public et à la description des modalités d’exécution du marché doive être refusé au titre de l’interdiction de divulgation visée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ou puisse l’être au titre de l’article 55, paragraphe 3, de cette directive. Cependant, il serait excessivement difficile, voire impossible, pour les autres soumissionnaires d’exercer leur droit à un recours effectif contre les décisions du pouvoir adjudicateur portant évaluation des offres s’ils ne disposent d’aucune information sur cette conception ou sur ces modalités. Par conséquent, le contenu essentiel de cette partie des offres doit être accessible, selon les principes issus de la jurisprudence de la Cour rappelés aux points 66 et 67 du présent arrêt.
85 Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième à quatrième questions que l’article 18, paragraphe 1, l’article 21, paragraphe 1, et l’article 55 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens que le pouvoir adjudicateur doit, aux fins de déterminer s’il refusera, à un soumissionnaire dont l’offre recevable a été rejetée, l’accès aux informations que les autres soumissionnaires ont soumises à propos de leur expérience pertinente et des références relatives à celle-ci, à propos de l’identité et des qualifications professionnelles des personnes proposées pour exécuter le marché ou des sous-traitants, et à propos de la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché et des modalités d’exécution de celui-ci, apprécier si ces informations ont une valeur commerciale qui ne se limite pas au marché public concerné, leur divulgation étant susceptible de porter atteinte à des intérêts commerciaux légitimes ou à la concurrence loyale. Le pouvoir adjudicateur peut, par ailleurs, refuser de donner accès à ces informations lorsque, alors même que celles-ci n’ont pas une telle valeur commerciale, leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois ou serait contraire à un intérêt public. Le pouvoir adjudicateur doit, lorsque l’accès intégral aux informations est refusé, octroyer audit soumissionnaire un accès au contenu essentiel de ces mêmes informations, de manière à ce que le respect du droit à un recours effectif soit assuré.
Sur la cinquième question
86 La cinquième question repose sur la prémisse factuelle que, dans l’État membre de la juridiction de renvoi, les pouvoirs adjudicateurs acceptent systématiquement les demandes des soumissionnaires de traiter comme confidentielles les informations, contenues dans les offres, qui sont déterminantes au vu des critères d’attribution du marché choisis par le pouvoir adjudicateur. Il s’ensuivrait qu’aucun soumissionnaire n’est en mesure de se forger une opinion sur la qualité des offres de ses concurrents. Dans de telles circonstances, chaque soumissionnaire se trouverait dans l’impossibilité de savoir si l’attribution du marché est fondée sur une comparaison objective ou arbitraire.
87 Or, sans qu’il appartienne à la Cour, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, d’examiner si cette prémisse correspond effectivement à une pratique des pouvoirs adjudicateurs dans cet État membre, il y a lieu de relever qu’il ressort des points 71 à 85 du présent arrêt que les informations, contenues dans les offres, qui sont pertinentes pour l’évaluation de ces offres et l’attribution du marché sur le fondement des critères figurant dans l’avis de marché et le cahier des charges, ne sauraient systématiquement et intégralement être qualifiées de confidentielles. Il s’ensuit que la directive 2014/24 s’oppose à une pratique telle que celle décrite dans la cinquième question à titre de prémisse factuelle de celle-ci. Par conséquent, il n’y a pas lieu de répondre à cette question, qui a trait aux critères d’attribution du marché qui peuvent être utilisés lorsqu’une telle pratique de traitement confidentiel est suivie.
Sur la sixième question
88 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu à la lumière de l’article 67, paragraphe 4, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que soient incluses, parmi les critères d’attribution du marché, la « conception du développement des projets » dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché public en cause et la « description des modalités d’exécution » de ce marché.
89 Ces dispositions de la directive 2014/24 imposent le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement, qui permettent de garantir des conditions de concurrence effective.
90 Ainsi que le souligne, par ailleurs, le considérant 90 de cette directive, les marchés publics doivent être attribués selon des critères qui assurent le respect de ces principes, dans le but de garantir une comparaison objective de la valeur relative des offres afin de déterminer quelle est, sur le fondement du meilleur rapport qualité/prix, l’offre économiquement la plus avantageuse. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs sont libres de fixer des normes de qualité adéquates en arrêtant des spécifications techniques ou des conditions d’exécution du marché. Dans la même lignée, le considérant 92 de ladite directive énonce que les critères économiques et qualitatifs établis par le pouvoir adjudicateur doivent permettre une évaluation comparative du niveau de prestation offert par chaque soumissionnaire.
91 Il importe ainsi que les critères d’attribution ne confèrent pas au pouvoir adjudicateur une liberté de choix inconditionnée (arrêt du 20 septembre 2018, Montte, C 546/16, EU:C:2018:752, point 31 et jurisprudence citée). Dès lors, ainsi qu’il ressort de l’article 67, paragraphe 4, de la directive 2014/24, ces critères doivent être assortis de précisions qui permettent de vérifier concrètement les informations fournies par les soumissionnaires pour évaluer dans quelle mesure les offres répondent auxdits critères.
92 Partant, lorsque, comme en l’occurrence, le pouvoir adjudicateur établit des critères d’attribution visant à mesurer la qualité des offres, ces critères ne sauraient se limiter à renvoyer à la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché en cause ou aux modalités d’exécution de ce marché décrites par le soumissionnaire, mais doivent être assortis de précisions qui permettent une évaluation comparative suffisamment concrète du niveau de prestation offert. Dans un cas tel que celui en cause au principal, où les critères liés à la qualité correspondent, au total, à 60 % des points pouvant être accordés aux fins de la notation de l’offre, il importe d’autant plus, afin de garantir une comparaison objective et d’écarter le risque de traitement arbitraire, que ces critères soient exposés avec précision.
93 De telles précisions peuvent, en particulier, être fournies au moyen de la fixation de sous-critères.
94 Lorsque la prestation faisant l’objet du marché porte, comme dans l’affaire au principal, sur un service de développement de projets, il convient notamment que la formation et l’expérience professionnelle des membres de l’équipe proposée pour exécuter le marché en cause soient prises en compte (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2015, Ambisig, C 601/13, EU:C:2015:204, points 31 à 34).
95 En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les sous-critères relatifs à la « conception du développement des projets » et à la « description des modalités d’exécution du marché » étaient suffisamment précis pour permettre au pouvoir adjudicateur d’évaluer d’une manière concrète et objective les offres soumises.
96 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la sixième question posée que l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu à la lumière de l’article 67, paragraphe 4, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que soient incluses, parmi les critères d’attribution du marché, la « conception du développement des projets » dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché public en cause et la « description des modalités d’exécution » de ce marché, pourvu que ces critères soient assortis de précisions qui permettent au pouvoir adjudicateur d’évaluer d’une manière concrète et objective les offres soumises.
Sur la septième question
97 Ainsi qu’il ressort des éléments du litige au principal résumés aux points 25 à 27 du présent arrêt, Antea a introduit un recours par lequel elle demande l’annulation de la décision d’attribution du marché public au motif, entre autres, qu’elle n’a pas eu accès, après l’adoption de cette décision, aux informations que ses concurrents, dont l’adjudicataire, avaient transmises au pouvoir adjudicateur.
98 Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens que, en cas de constatation, lors du traitement d’un recours introduit contre une décision d’attribution d’un marché public, d’une obligation pour le pouvoir adjudicateur de divulguer au requérant des informations qui ont à tort été traitées comme étant confidentielles, cette constatation doit également conduire à l’adoption, par ce pouvoir adjudicateur, d’une nouvelle décision d’attribution du marché afin de permettre au requérant d’introduire un nouveau recours.
99 Il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 que les décisions prises par le pouvoir adjudicateur dans une procédure de passation de marché relevant du droit de l’Union doivent pouvoir faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible, ces recours permettant de contester la conformité de ces décisions à ce droit ou aux règles nationales transposant celui-ci. Cet article 1er précise, par ailleurs, à son paragraphe 3, que ces recours doivent être accessibles, au moins, à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.
100 Ledit article 1er est ainsi destiné à protéger les opérateurs économiques contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur en assurant l’existence, dans tous les États membres, de moyens de recours qui garantissent l’application effective des règles de l’Union en matière de passation de marchés publics, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées. La directive 89/665 a, dès lors, comme finalité le plein respect du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, consacré à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, points 127 et 128).
101 Aux fins du respect de ce droit à un recours effectif, la juridiction nationale saisie d’un recours relatif à une procédure de passation d’un marché public doit vérifier, en tenant compte de l’obligation du pouvoir adjudicateur de fournir au soumissionnaire évincé des informations suffisantes pour sauvegarder ledit droit à un recours effectif ainsi que du droit d’autres opérateurs économiques à la protection de la confidentialité, que le pouvoir adjudicateur a, à juste titre, considéré que les informations qu’il a refusé de communiquer au requérant étaient confidentielles. À cette fin, cette juridiction doit procéder à un examen complet de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents. Aussi doit-elle nécessairement pouvoir disposer des informations requises, y compris des informations ayant été traitées comme confidentielles, pour être à même de se prononcer en toute connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, points 129 et 130).
102 Lorsque, à l’issue de cette vérification, la juridiction nationale constate que certaines informations ont à tort été qualifiées de confidentielles, cette juridiction doit être en mesure d’annuler la décision du pouvoir adjudicateur portant refus de divulgation de ces informations ainsi que, le cas échéant, la décision portant rejet du recours administratif contre ce refus. En outre, si le droit national l’y autorise, ladite juridiction doit pouvoir prendre elle-même une nouvelle décision à ce sujet (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, point 136).
103 Pour ce qui concerne les effets de la non-divulgation desdites informations sur la légalité de la procédure de passation de marché et, ainsi, sur la décision d’attribution du marché, les dispositions de la directive 89/665 ne permettent pas de déterminer selon quelles modalités procédurales précises la juridiction nationale doit examiner ces effets. Il appartient donc à chaque État membre de déterminer ces modalités, qui doivent, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive, permettre à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée de contester efficacement et rapidement les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C 927/19, EU:C:2021:700, point 136).
104 Dès lors, dans un cas tel que celui en cause au principal, où la requérante sollicite l’annulation de la décision d’attribution du marché au motif, notamment, que certaines informations ont à tort été qualifiées de confidentielles, il appartient à la juridiction saisie d’examiner si ces informations auraient en effet dû être divulguées et, dans l’affirmative, d’apprécier si la non-divulgation desdites informations a privé la requérante de la possibilité d’introduire un recours effectif contre cette décision d’attribution.
105 Il incombe par la suite à cette juridiction d’assurer qu’il soit remédié à toute méconnaissance éventuellement constatée du droit à un recours effectif.
106 Dans ce cadre, il lui incombe notamment de tenir compte de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l’objectif, fixé à l’article 1er de la directive 89/655, de garantir l’existence de recours efficaces contre les violations des dispositions applicables en matière de passation des marchés publics ne peut être atteint que si le délai imposé pour former un recours contre la décision en cause ne commence à courir qu’à partir de la date où le requérant a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la violation alléguée desdites dispositions [arrêts du 28 janvier 2010, Uniplex (UK), C 406/08, EU:C:2010:45, point 32, et du 8 mai 2014, Idrodinamica Spurgo Velox e.a., C 161/13, EU:C:2014:307, point 37, ainsi qu’ordonnance du 14 février 2019, Cooperativa Animazione Valdocco, C 54/18, EU:C:2019:118, point 45].
107 Par conséquent, dans l’hypothèse où le droit procédural national ne permettrait pas à la juridiction saisie d’un recours contre une décision d’attribution d’un marché public de prendre, en cours d’instance, des mesures qui rétablissent le respect du droit à un recours effectif, cette juridiction doit, lorsqu’il s’avère que ce droit a été méconnu en raison de la non-divulgation d’informations, soit annuler cette décision d’attribution, soit considérer que le requérant peut introduire un nouveau recours contre la décision d’attribution déjà prise, le délai pour ce faire ne courant qu’à partir du moment où ce requérant a accès à l’ensemble des informations qui avaient à tort été qualifiées de confidentielles.
108 Partant, il y a lieu de répondre à la septième question que l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665, doit être interprété en ce sens que, en cas de constatation, lors du traitement d’un recours introduit contre une décision d’attribution d’un marché public, d’une obligation pour le pouvoir adjudicateur de divulguer au requérant des informations qui ont à tort été traitées comme confidentielles et d’une méconnaissance du droit à un recours effectif en raison de la non-divulgation de ces informations, cette constatation ne doit pas nécessairement conduire à l’adoption, par ce pouvoir adjudicateur, d’une nouvelle décision d’attribution du marché, pourvu que le droit procédural national permette à la juridiction saisie d’adopter, en cours d’instance, des mesures qui rétablissent le respect du droit à un recours effectif ou lui permette de considérer que le requérant peut introduire un nouveau recours contre la décision d’attribution déjà prise. Le délai pour l’introduction d’un tel recours ne doit courir qu’à partir du moment où ce requérant a accès à l’ensemble des informations qui avaient à tort été qualifiées de confidentielles.
Sur les dépens
109 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 18, paragraphe 1, et l’article 21, paragraphe 1, lus en combinaison avec l’article 50, paragraphe 4, et l’article 55, paragraphe 3, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils s’opposent à une législation nationale en matière de passation de marchés publics qui exige que, à la seule exception des secrets d’affaires, les informations transmises par les soumissionnaires aux pouvoirs adjudicateurs soient intégralement publiées ou communiquées aux autres soumissionnaires, ainsi qu’à une pratique des pouvoirs adjudicateurs qui consiste à accepter systématiquement les demandes de traitement confidentiel au titre de secrets d’affaires.
2) L’article 18, paragraphe 1, l’article 21, paragraphe 1, et l’article 55, paragraphe 3, de la directive 2014/24,
doivent être interprétés en ce sens que le pouvoir adjudicateur :
– doit, aux fins de déterminer s’il refusera, à un soumissionnaire dont l’offre recevable a été rejetée, l’accès aux informations que les autres soumissionnaires ont soumises à propos de leur expérience pertinente et des références relatives à celle-ci, à propos de l’identité et des qualifications professionnelles des personnes proposées pour exécuter le marché ou des sous-traitants, et à propos de la conception des projets dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché et des modalités d’exécution de celui-ci, apprécier si ces informations ont une valeur commerciale qui ne se limite pas au marché public concerné, leur divulgation étant susceptible de porter atteinte à des intérêts commerciaux légitimes ou à la concurrence loyale ;
– peut, par ailleurs, refuser de donner accès à ces informations lorsque, alors même que celles-ci n’ont pas une telle valeur commerciale, leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois ou serait contraire à un intérêt public, et
– doit, lorsque l’accès intégral aux informations est refusé, octroyer audit soumissionnaire un accès au contenu essentiel de ces mêmes informations, de manière à ce que le respect du droit à un recours effectif soit assuré.
3) L’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu à la lumière de l’article 67, paragraphe 4, de celle-ci,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à ce que soient incluses, parmi les critères d’attribution du marché, la « conception du développement des projets » dont la réalisation est envisagée dans le cadre du marché public en cause et la « description des modalités d’exécution » de ce marché, pourvu que ces critères soient assortis de précisions qui permettent au pouvoir adjudicateur d’évaluer d’une manière concrète et objective les offres soumises.
4) L’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014,
doit être interprété en ce sens que :
en cas de constatation, lors du traitement d’un recours introduit contre une décision d’attribution d’un marché public, d’une obligation pour le pouvoir adjudicateur de divulguer au requérant des informations qui ont à tort été traitées comme confidentielles et d’une méconnaissance du droit à un recours effectif en raison de la non-divulgation de ces informations, cette constatation ne doit pas nécessairement conduire à l’adoption, par ce pouvoir adjudicateur, d’une nouvelle décision d’attribution du marché, pourvu que le droit procédural national permette à la juridiction saisie d’adopter, en cours d’instance, des mesures qui rétablissent le respect du droit à un recours effectif ou lui permette de considérer que le requérant peut introduire un nouveau recours contre la décision d’attribution déjà prise. Le délai pour l’introduction d’un tel recours ne doit courir qu’à partir du moment où ce requérant a accès à l’ensemble des informations qui avaient à tort été qualifiées de confidentielles.