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Décisions

CJUE, 2e ch., 17 novembre 2022, n° C-331/20 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Volotea SA

Défendeur :

easyJet Airline Co. Ltd, Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

A. Prechal

Juges :

L. Arastey Sahún, F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur)

Avocats généraux :

A. Manzaneque Valverde, J. Rivas Andrés

Avocat :

M. Carpagnano

CJUE n° C-331/20 P

16 novembre 2022

LA COUR (deuxième chambre),

Arrêt

1 Par leur pourvoi respectif, Volotea SA et easyJet Airline Co. Ltd (ci-après « easyJet ») demandent l’annulation des arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 13 mai 2020, Volotea/Commission (T 607/17, ci-après l’« arrêt T 607/17 », EU:T:2020:180), et du 13 mai 2020, easyJet Airline/Commission (T 8/18, ci-après l’« arrêt T 8/18 », EU:T:2020:182) (ci-après, pris ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels cette juridiction a rejeté, respectivement, le recours de Volotea et le recours d’easyJet tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/1861 de la Commission européenne, du 29 juillet 2016, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG) (JO 2017, L 268, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

Les antécédents des litiges

2 Les antécédents des litiges, tels qu’ils sont présentés dans les arrêts attaqués ainsi que dans la décision litigieuse, peuvent être résumés comme suit aux fins du présent arrêt.

Les mesures litigieuses

3 L’île de Sardaigne (Italie) comptait cinq aéroports en 2010, dont ceux de Cagliari-Elmas (Italie) et d’Olbia (Italie).

4 L’aéroport de Cagliari-Elmas est exploité par So.G.Aer SpA (ci-après « Sogaer »), société dont le capital était détenu à plus de 90 %, pendant la période allant de l’année 2010 à l’année 2013 (ci-après la « période 2010/2013 »), par la chambre de commerce de Cagliari, qui est une entité publique non soumise au contrôle de la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie) (ci-après la « Région autonome »). Pour sa part, l’aéroport d’Olbia était exploité, pendant la même période, par Geasar SpA, société dont le capital était détenu à près de 80 % par une société privée, Meridiana SpA.

La loi no 10/2010

5 Le 13 avril 2010, la Région autonome a adopté la legge regionale n. 10 – Misure per lo sviluppo del trasporto aereo (loi régionale no 10 – mesures en vue du développement du transport aérien) (Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna no 12, du 16 avril 2010, ci-après la « loi no 10/2010 »), dont l’article 3 énonce :

« 1. Sont autorisées les dépenses de 19 700 000 [euros] pour l’année 2010 et de 24 500 000 [euros] pour chacune des années 2011 à 2013 pour le financement des aéroports de l’île en vue du renforcement et du développement du transport aérien en tant que service d’intérêt économique général, y compris par la désaisonnalisation des liaisons aériennes, conformément à la communication 2005/C 312/01 de la Commission, [du 9 décembre 2005, portant] lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’[É]tat au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux [(JO 2005, C 312, p. 1)].

2. Les critères, la nature et la durée de l’offre de transport ainsi que les directives pour l’élaboration des plans d’activités de la part des sociétés gestionnaires d’aéroports [...] sont définis par résolution de l’exécutif régional [...]

3. La résolution visée au paragraphe 2 et les plans d’activités, y compris ceux déjà définis par les sociétés de gestion aéroportuaires à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, accompagnés des actes et des contrats correspondants, sont financés s’ils sont établis conformément aux critères, à la nature, à la durée de l’offre de transport et aux directives visées au paragraphe 2 et sont préalablement soumis pour avis contraignant à la commission compétente. »

Les actes d’exécution de l’article 3 de la loi no 10/2010

6 L’exécutif de la Région autonome a adopté plusieurs actes visant à donner exécution aux mesures prévues à l’article 3 de la loi no 10/2010, notamment la deliberazione della Giunta regionale n. 29/36 (décision du conseil régional no 29/36), du 29 juillet 2010, la deliberazione della Giunta regionale n. 43/37 (décision du conseil régional no 43/37), du 6 décembre 2010 (ci-après la « décision no 43/37 »), et la deliberazione della Giunta regionale n. 52/117 (décision du conseil régional no 52/117), du 23 décembre 2011 (ci-après la « décision no 52/117 ») (ci-après, pris ensemble avec l’article 3 de la loi no 10/2010, les « mesures litigieuses »).

7 Ces actes d’exécution ont défini trois types d’activités pour lesquels les exploitants aéroportuaires pouvaient se voir accorder un financement par la Région autonome pour la période 2010/2013, à savoir :

– l’« augmentation du trafic aérien par les compagnies aériennes » (activité 1), cette activité étant définie comme la mise en place de stratégies commerciales et la fourniture de services de transport aérien ayant pour objectif de, et consistant à, désaisonnaliser les flux touristiques, augmenter le nombre de liaisons aériennes, accroître la fréquence des vols ainsi que renforcer les capacités d’accueil et de transport de passagers ;

– la « promotion de [l’île de] Sardaigne en tant que destination touristique par les compagnies aériennes » (activité 2), cette activité étant définie comme comprenant la fourniture de services de marketing et de publicité visant à augmenter le nombre de passagers et à promouvoir la zone d’attraction des aéroports de l’île ;

– d’« autres activités de promotion confiées par les exploitants aéroportuaires à des tiers prestataires de services autres que des compagnies aériennes, pour le compte de la Région [autonome] » (activité 3).

8 En outre, la décision du conseil régional no 29/36, mentionnée au point 6 du présent arrêt, a notamment précisé que les objectifs généraux des mesures prévues à l’article 3 de la loi no 10/2010 étaient le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale de l’île de Sardaigne ainsi que le développement de l’économie locale, du tourisme et de la culture sur celle-ci. Ces objectifs généraux devaient eux-mêmes être atteints et concrétisés, en pratique, par des objectifs intermédiaires consistant à développer et à renforcer le transport aérien au départ et à destination des différents aéroports de l’île, en particulier en augmentant la fréquence et la capacité des vols pendant les saisons intermédiaires et la saison hivernale ainsi qu’en ouvrant de nouvelles liaisons aériennes.

9 Enfin, cette décision a défini les critères, la nature et la durée des services de transport pour lesquels un financement pouvait être accordé pour la période 2010/2013 ainsi que des lignes directrices relatives aux plans d’activités dont l’élaboration, par les entités publiques ou privées exploitant les différents aéroports de l’île (ci-après les « exploitants aéroportuaires »), puis l’approbation, par la Région autonome, conditionnait l’octroi d’un tel financement. Ces plans d’activités avaient eux-mêmes vocation à être mis en œuvre au moyen de contrats conclus entre ces exploitants aéroportuaires et des compagnies aériennes.

10 En particulier, il ressort de ladite décision que, en ce qui concerne l’augmentation du trafic aérien par les compagnies aériennes (activité 1), lesdits plans d’activités devaient identifier des liaisons d’intérêt stratégique nationales ou internationales et définir les objectifs annuels qui, du point de vue de chaque exploitant aéroportuaire concerné, paraissaient réalisables en termes de fréquence des vols à effectuer, de nombre de passagers à transporter et de nouvelles liaisons aériennes à ouvrir. En outre, s’agissant de la promotion de l’île de Sardaigne en tant que destination touristique par les compagnies aériennes (activité 2), ces mêmes plans d’activités devaient définir les prestations spécifiques de marketing et de publicité à fournir en vue d’augmenter le nombre de passagers transportés et de promouvoir la zone d’attraction de l’aéroport concerné. Dans les deux cas, les plans d’activités en cause devaient être étayés par des prévisions économiques et financières relatives aux perspectives de rentabilité des services à fournir.

11 Par ailleurs, il résulte des décisions no 43/37 et no 52/117 que, après avoir approuvé les plans d’activités en question, la Région autonome devait répartir les fonds publics visés à l’article 3 de la loi no 10/2010 en déterminant le montant du financement à accorder, sur son budget, à chacun des exploitants aéroportuaires ayant demandé à en bénéficier.

12 À cet égard, ces décisions prévoyaient, en particulier, que les financements à accorder à chaque exploitant aéroportuaire concerné couvriraient la différence entre, d’une part, les coûts que les différentes compagnies aériennes retenues par cet exploitant aéroportuaire en vue de mettre en œuvre son plan d’activités devaient engager pour s’acquitter de leurs obligations envers celui-ci, telles que stipulées par le contrat liant les parties, et, d’autre part, le produit de la vente de billets, par chacune de ces compagnies aériennes, à ses passagers respectifs. En outre, ces financements devaient être accordés en trois tranches, la première à titre d’avance, la deuxième comme paiement intermédiaire et la troisième en tant que solde dont le versement ne pouvait intervenir qu’après contrôle des prestations fournies, des résultats atteints et des coûts engagés. Enfin, il était prévu que la Région autonome et les exploitants aéroportuaires assureraient, dans le cadre de leurs prérogatives respectives, tant le contrôle de ces prestations que le suivi des performances des compagnies aériennes ayant fourni celles-ci. Ce contrôle et ce suivi pouvaient déboucher, notamment, sur l’adoption de sanctions en cas de non-respect des différents objectifs annuels à atteindre par les compagnies aériennes ayant conclu des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing ou de publicité avec les exploitants aéroportuaires ainsi que sur la récupération de toute surcompensation qui aurait été versée à ces compagnies aériennes, eu égard aux coûts réellement engagés par celles-ci.

La mise en œuvre des mesures litigieuses à l’égard de Volotea et d’easyJet

13 Les exploitants aéroportuaires ayant demandé à bénéficier du dispositif institué par les mesures litigieuses, dont Sogaer en ce qui concerne l’aéroport de Cagliari-Elmas et Geasar en ce qui concerne celui d’Olbia, ont mis ce dispositif en œuvre en concluant une série de contrats avec un vaste éventail de compagnies aériennes comprenant aussi bien des compagnies dites « classiques » que des compagnies dites « à bas prix » et « charter », parmi lesquelles figurent, notamment, Volotea et easyJet.

 La situation de Volotea

14 Volotea est une compagnie aérienne établie en Espagne, qui exploite un réseau de liaisons court-courriers au départ et à destination d’un ensemble d’aéroports situés dans l’Union européenne, dont ceux de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

15 En réponse à un appel à manifestation d’intérêt publié par Geasar en sa qualité d’exploitante de l’aéroport d’Olbia, Volotea a présenté un plan d’exploitation et de développement de liaisons aériennes en provenance et à destination de cet aéroport ainsi qu’un programme de prestations de services de marketing et de publicité.

16 Après avoir examiné ce plan d’exploitation et ce programme, Geasar a présenté à la Région autonome des plans d’activités pour l’année 2010 et pour la période 2011/2013, accompagnés des demandes de financement correspondantes. Par les décisions no 43/37 et no 52/117, la Région autonome a approuvé ces plans d’activités et a fixé les montants accordés à Geasar pour l’année 2010 ainsi que pour ladite période.

17 Le 4 avril 2012 et le 31 mars 2013, Geasar et Volotea ont conclu deux contrats portant sur l’exploitation, par cette dernière, de liaisons aériennes à destination de Bordeaux (France), de Gênes (Italie), de Nantes (France), de Palerme (Italie) et de Venise (Italie) ainsi que sur des prestations de services de marketing et de publicité concernant l’établissement de nouvelles liaisons aériennes et l’augmentation des capacités d’accueil et de transport de passagers.

18 Par ailleurs, en réponse à un avis publié par Sogaer en sa qualité d’exploitante de l’aéroport de Cagliari-Elmas, Volotea a présenté un plan d’exploitation et de développement de lignes aériennes en provenance et à destination de cet aéroport ainsi qu’un programme de prestations de services de marketing et de publicité.

19 Après avoir examiné ce plan d’exploitation et ce programme, Sogaer a présenté à la Région autonome des plans d’activités pour l’année 2010 et pour la période 2011/2013, accompagnés des demandes de financement correspondantes. Par les décisions no 43/37 et no 52/117, la Région autonome a approuvé ces plans d’activités et fixé le montant des financements attribués à Sogaer pour l’année 2010 ainsi que pour ladite période.

20 Le 26 février 2012, Sogaer et Volotea ont conclu un contrat portant sur des prestations de services de marketing concernant l’établissement de nouvelles lignes aériennes et l’augmentation des capacités d’accueil et de transport de passagers.

 La situation d’easyJet

21 easyJet est une compagnie aérienne établie au Royaume-Uni, qui exploite un réseau de liaisons court-courriers au départ et à destination d’aéroports de l’Union, dont ceux de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

22 En réponse à un appel à manifestation d’intérêt publié par Geasar en sa qualité d’exploitante de l’aéroport d’Olbia, easyJet a présenté un plan d’exploitation et de développement de liaisons aériennes en provenance et à destination de cet aéroport ainsi qu’un programme de prestations de services de marketing et de publicité.

23 Postérieurement à l’examen de ce plan d’exploitation et de ce programme, puis à la présentation, par Geasar, des plans d’activités visés au point 16 du présent arrêt et enfin à l’approbation de ces derniers par la Région autonome, Geasar et easyJet ont conclu trois contrats en vertu desquels cette dernière s’est engagée, d’une part, à maintenir ou à assurer des liaisons de point à point entre Olbia et les aéroports de Bâle (Suisse), de Berlin-Schönefeld (Allemagne), de Bristol (Royaume-Uni), de Genève (Suisse), de Londres Gatwick (Royaume-Uni), de Lyon (France), de Madrid-Barajas (Espagne), de Milan Malpensa (Italie) et de Paris-Orly (France), ainsi qu’à atteindre des objectifs en termes de transport de passagers et, d’autre part, à mettre en œuvre un programme de prestations de services de marketing et de publicité. Le premier de ces contrats, qui a été signé le 17 mars 2011, couvrait la période comprise entre le 28 mars 2010 et le 27 mars 2011. Le deuxième, qui a été signé le 25 janvier 2012, couvrait la période allant du 27 mars 2011 au 30 mars 2013. Le troisième, qui a été signé le 1er mars 2013, couvrait la période allant du 27 mars 2013 au 30 mars 2014.

24 Par ailleurs, en réponse à un avis publié par Sogaer en sa qualité d’exploitante de l’aéroport de Cagliari-Elmas, easyJet a présenté un plan d’exploitation et de développement de lignes aériennes en provenance et à destination de cet aéroport ainsi qu’un programme de prestations de services de marketing et de publicité.

25 Postérieurement à l’examen de ce plan d’exploitation et de ce programme, puis à la présentation, par Sogaer, des plans d’activités visés au point 19 du présent arrêt et enfin à l’approbation de ces derniers par la Région autonome, Sogaer et easyJet ont conclu un contrat couvrant la période allant du 29 mars 2010 au 28 mars 2013, en vertu duquel easyJet s’était engagée, d’une part, à maintenir ou à assurer des vols de point à point entre Cagliari-Elmas et Bâle, Berlin-Schönefeld, Genève et Londres-Stansted (Royaume-Uni), ainsi qu’à atteindre des objectifs en termes de transport de passagers et, d’autre part, à fournir des prestations de services de marketing et de publicité.

La décision litigieuse

26 Le 30 novembre 2011, la République italienne a notifié la loi no 10/2010 à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

27 Par lettre du 23 janvier 2013, la Commission a informé la République italienne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime établi par la loi no 10/2010. Le 30 mai 2013, cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2013, C 152, p. 30) et la Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations éventuelles sur ledit régime. En réponse à cette invitation, différentes parties intéressées, dont Volotea et easyJet, ont soumis à plusieurs reprises des observations écrites à la Commission.

28 Le 29 juillet 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse, dont le dispositif comporte un article 1er qui est libellé comme suit :

« 1. Le régime que l’Italie a établi par la loi [no 10/2010] ne comporte pas d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] en faveur de [Sogaer] [...] et [de Geasar] [...]

2. Le régime que l’Italie a établi par la loi no 10/2010 constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] en faveur [de quinze compagnies aériennes, dont Volotea et easyJet], en ce qui concerne les activités de ces compagnies aériennes à l’aéroport de Cagliari-Elmas et à l’aéroport d’Olbia.

3. L’aide d’État visée au paragraphe 2 a été mise à exécution par l’Italie en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE].

4. L’aide d’État visée au paragraphe 2 est incompatible avec le marché intérieur. »

29 Les articles 2 à 4 de cette décision imposent, notamment, à la République italienne de procéder à la récupération immédiate et effective de l’aide visée à l’article 1er de ladite décision auprès de ses bénéficiaires ainsi que de communiquer à la Commission un ensemble d’informations concernant cette récupération.

30 Il ressort des considérants 394 à 406 de la décision litigieuse que cette institution a estimé, en substance, que les mesures litigieuses ne pouvaient pas être qualifiées d’aide d’État ayant bénéficié aux exploitants aéroportuaires concernés pour deux séries de motifs. D’une part, ces exploitants ne pouvaient pas être considérés comme étant les « bénéficiaires directs » d’un avantage accordé en vertu du régime d’aides d’État institué par ces mesures, dans la mesure où ils avaient agi de jure et de facto en tant qu’« intermédiaires » pour le compte de la Région autonome et transféré l’intégralité des fonds publics mobilisés par celle-ci en vertu de ce régime aux compagnies aériennes auxquelles ils étaient contractuellement liés. D’autre part, ils ne pouvaient pas non plus être regardés comme ayant bénéficié d’un « avantage indirect » au titre dudit régime, dès lors qu’ils avaient uniquement profité de « simples effets économiques secondaires » engendrés par celui-ci, « similaires » à ceux ayant profité aux entreprises actives dans d’autres secteurs économiques liés au tourisme.

31 En revanche, la Commission a qualifié les mesures litigieuses d’aide d’État ayant bénéficié aux compagnies aériennes visées à l’article 1er de la décision litigieuse.

32 À cet égard, la Commission a notamment considéré, d’une part, que ces mesures trouvaient leur origine dans une loi prévoyant l’octroi de fonds publics aux exploitants de certains aéroports de l’île de Sardaigne ainsi que l’affectation ultérieure de ces fonds publics au financement de contrats conclus par ces exploitants aéroportuaires avec des compagnies aériennes, dans le cadre d’un dispositif dont les principaux éléments étaient fixés par cette loi et soumis au contrôle de la Région autonome, éléments au vu desquels cette institution a conclu à l’existence de ressources d’État (considérants 355 à 361).

33 D’autre part, la Commission a estimé, en substance, que lesdites mesures accordaient aux compagnies aériennes une subvention constitutive d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qu’il n’y avait pas lieu d’examiner à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché (considérants 362 à 388).

34 Par ailleurs, la Commission a estimé, dans la décision litigieuse, que l’aide d’État ainsi accordée aux compagnies aériennes était illégale (considérants 407 à 409) et incompatible avec le marché intérieur (considérants 410 à 421).

L’arrêt T 607/17

35 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 septembre 2017, Volotea a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse, en tant que celle-ci concernait une aide d’État dont elle aurait prétendument bénéficié en vertu du régime mis en place par la loi no 10/2010.

36 À l’appui de ses conclusions, Volotea a soulevé cinq moyens tirés, en substance, le premier, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, le troisième, du caractère illégal de l’injonction de récupération adressée à la République italienne, le quatrième, d’un manquement à l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission dans le cadre de la conduite de la procédure ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse et, le cinquième, d’un défaut de motivation ainsi que d’une contradiction de motifs.

37 Dans l’arrêt T 607/17, le Tribunal a considéré qu’aucun de ces moyens n’était fondé et a, par conséquent, rejeté le recours dans son intégralité.

L’arrêt T 8/18

38 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2018, easyJet a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse dans son intégralité ou, à titre subsidiaire, en tant que celle-ci concernait une aide d’État dont elle aurait prétendument bénéficié en vertu du régime mis en place par la loi no 10/2010.

39 À l’appui de ses conclusions, easyJet a soulevé six moyens tirés, en substance, les premier à troisième, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le quatrième, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, le cinquième, de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et, le sixième, d’une insuffisance de motivation ainsi que d’une contradiction de motifs.

40 Dans l’arrêt T 8/18, le Tribunal a considéré, en premier lieu, que ledit recours n’était recevable qu’en ce qu’il tendait à l’annulation de la décision litigieuse en tant que celle-ci concernait easyJet. En second lieu, cette juridiction a estimé qu’aucun des moyens invoqués par cette dernière n’était fondé. En conséquence, elle a rejeté le recours dans son intégralité.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

41 Par son pourvoi dans l’affaire C 331/20 P, Volotea demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt T 607/17 ;

– d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle la concerne ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

– de condamner la Commission aux dépens exposés tant en première instance qu’au stade du pourvoi.

42 Par son pourvoi dans l’affaire C 343/20 P, easyJet demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt T 8/18 ;

– d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle la concerne ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

– de condamner la Commission aux dépens exposés tant en première instance qu’au stade du pourvoi.

43 La Commission demande à la Cour de rejeter ces deux pourvois et de condamner Volotea et easyJet aux dépens.

44 Par lettres du 12 février 2021, les parties aux présentes affaires ont été invitées à présenter leurs observations sur une éventuelle jonction de ces affaires, invitation à laquelle elles ont déféré dans les délais impartis.

45 Par décision du 22 février 2021, lesdites affaires ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision de la Cour, le juge rapporteur et l’avocat général entendus.

46 Le 10 juin 2021, les parties aux présentes affaires ont été invitées à répondre par écrit à certaines questions posées par la Cour, ce qu’elles ont fait dans les délais fixés à cette fin.

Sur les pourvois

47 À l’appui de son pourvoi, Volotea invoque cinq moyens tirés, en substance, le premier, d’erreurs de droit dans l’interprétation et l’application, en l’espèce, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, d’erreurs de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, le troisième, d’une erreur de droit dans l’application du principe de protection de la confiance légitime, le quatrième, d’une erreur de droit dans l’appréciation du respect de l’obligation de motivation énoncée à l’article 296, paragraphe 2, TFUE et, le cinquième, de la violation du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

48 Le premier de ces cinq moyens est subdivisé en quatre griefs distincts portant respectivement sur l’interprétation et l’application, en l’espèce, des conditions tenant à l’existence d’un avantage, au caractère sélectif de cet avantage, à l’existence de ressources d’État et à l’altération de la concurrence dont l’article 107, paragraphe 1, TFUE fait dépendre la caractérisation de l’existence d’une aide d’État.

49 Pour sa part, easyJet invoque quatre moyens qui sont tous tirés, en substance, d’erreurs de droit dans l’interprétation et l’application, en l’espèce, de la condition tenant à l’existence d’un avantage visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

50 Eu égard à leur objet et à leur contenu, qui se recoupent dans une très large mesure, le premier grief du premier moyen dans l’affaire C 331/20 P et les quatre moyens dans l’affaire C 343/20 P seront examinés conjointement.

Argumentation des parties

Sur le premier grief du premier moyen dans l’affaire C 331/20 P

51 En premier lieu, Volotea soutient, en substance, que le Tribunal a commis des erreurs dans l’interprétation de la condition tenant à l’existence d’un avantage énoncée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE et dans la qualification juridique des faits de l’espèce au regard de cette condition en estimant, aux points 102 à 110 de l’arrêt T 607/17, que les exploitants aéroportuaires avec lesquels elle a conclu des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing et de publicité ne pouvaient pas être considérés comme ayant bénéficié d’un avantage accordé par la Région autonome dès lors qu’ils avaient uniquement agi en tant qu’intermédiaires pour le compte de celle-ci. En effet, ainsi qu’il découlerait des constatations factuelles effectuées par le Tribunal lui-même aux points 92 et 169 de cet arrêt, ces exploitants aéroportuaires disposaient, dans le cadre de la mise en œuvre du régime institué par les mesures litigieuses, d’une marge d’appréciation dans le choix des compagnies aériennes avec lesquelles ils entendaient conclure des contrats de prestations de services et dans la modulation de la rémunération à verser à celles-ci en contrepartie de la fourniture de ces prestations, sans être soumis, à cet égard, au contrôle de la Région autonome. Par ailleurs, contrairement à ce qu’aurait retenu le Tribunal aux points 103, 104, 115, 116 et 120 dudit arrêt, la conclusion de ces contrats aurait présenté un intérêt économique et commercial pour lesdits exploitants aéroportuaires, consistant à augmenter l’activité ainsi que l’attractivité des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, et leur financement aurait été assuré, à tout le moins en partie, par les fonds propres de l’exploitant respectivement concerné, à savoir Sogaer et Geasar.

52 En deuxième lieu, le Tribunal aurait commis plusieurs erreurs de droit en considérant, aux points 116 à 121 et 124 à 151 de l’arrêt T 607/17, que la question de savoir si Volotea avait bénéficié d’un avantage accordé par la Région autonome devait être appréciée en appliquant le critère de l’acquéreur privé de biens ou de services plutôt que le principe de l’opérateur privé en économie de marché.

53 En effet, tout d’abord, le principe de l’opérateur privé en économie de marché constituerait le critère général qui doit être appliqué pour apprécier si un comportement public donné favorise une ou plusieurs entreprises, y compris lorsque ce comportement consiste, comme en l’espèce, à acquérir des biens ou des services. En conséquence, contrairement à ce qu’aurait retenu le Tribunal aux points 116 à 121 et 124 à 131 de l’arrêt T 607/17, ce principe aurait pu, voire dû, être appliqué en l’espèce, même si la Région autonome poursuivait des objectifs de politique publique et même si elle a agi, à cette fin, par l’intermédiaire d’exploitants aéroportuaires qui ne sont pas nécessairement eux-mêmes tous des entités publiques. Concrètement, celle-ci aurait cherché, au moyen des mesures litigieuses, à acquérir, par l’intermédiaire des entités publiques ou privées juridiquement compétentes, des services aériens au départ ou à destination de l’île de Sardaigne ainsi que des services de marketing et de publicité ayant pour objet ainsi que pour effet de promouvoir cette destination, comportement qui aurait une dimension économique.

54 Ensuite, le critère de l’acquéreur privé de biens ou de services, que le Tribunal aurait retenu aux points 131 à 136 de l’arrêt T 607/17, en jugeant qu’il impliquait de vérifier la réunion de deux conditions tenant, la première, à l’existence d’un besoin réel de biens ou de services dans le chef de la personne qui les acquiert et, la seconde, à la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et non discriminatoire, serait lui-même critiquable. En effet, l’interprétation qui en aurait été faite par cette juridiction méconnaîtrait l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui n’établirait, en particulier, aucun lien automatique entre l’absence de mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres et l’existence d’un avantage, au sens de cette disposition.

55 Par ailleurs, même en supposant que ledit critère soit applicable et qu’il ait été correctement interprété, il aurait été appliqué de façon erronée en l’espèce, aux points 137 à 151 de l’arrêt T 607/17. En effet, en dépit des affirmations lapidaires, superficielles et non étayées du Tribunal à ce sujet, la Région autonome aurait eu un besoin réel de services de transport aérien et de services de marketing ainsi que de publicité. En tout état de cause, à défaut de démonstration, par la Commission, de l’absence de besoin réel de biens ou de services dans le chef d’une entité publique agissant en qualité d’acquéreur privé de biens ou de services, l’existence d’un tel besoin devrait être admise. En outre, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, une procédure d’appel à manifestation d’intérêt aussi efficace qu’une procédure d’appel d’offres aurait été mise en œuvre à l’initiative des exploitants aéroportuaires.

56 Enfin, le Tribunal aurait fait peser des exigences probatoires injustifiées sur Volotea aux points 105, 120, 143 et 144 de l’arrêt T 607/17, en reprochant à celle-ci, de façon itérative et péremptoire, de rester en défaut de fournir des éléments de preuve au soutien de ses allégations relatives à l’absence d’avantage reçu de la part de la Région autonome, alors qu’il incombait en premier lieu à la Commission de produire des preuves nécessaires et suffisantes pour établir l’existence d’un tel avantage, ce que cette institution n’aurait pas fait dans la décision litigieuse.

57 En troisième et dernier lieu, Volotea fait valoir que le raisonnement du Tribunal relatif à l’existence d’un avantage, tel qu’exposé aux points 122 à 145 de l’arrêt T 607/17, est constitutif d’un excès de compétence. En effet, cette juridiction aurait méconnu les limites qui s’imposent à son office de juge de la légalité des décisions de la Commission en substituant son propre critère d’analyse juridique et ses propres appréciations factuelles, en particulier au sujet de l’existence d’un besoin réel de services dans le chef de la Région autonome, au critère juridique utilisé dans la décision litigieuse et aux appréciations factuelles effectuées sur la base de celui-ci.

58 La Commission estime, en premier lieu, en substance, que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en appréciant et en qualifiant la situation des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia au regard des mesures litigieuses. En effet, cette juridiction aurait estimé à juste titre, aux points 102 à 110, 115 et 117 à 121 de l’arrêt T 607/17, que l’avantage accordé par la Région autonome au moyen de ces mesures devait être considéré comme bénéficiant non pas à ces deux exploitants aéroportuaires, bien que ceux-ci aient été formellement et initialement destinataires des fonds publics versés par cette Région, mais aux compagnies aériennes auxquels lesdits exploitants, agissant en tant qu’intermédiaires pour le compte de ladite Région, ont en définitive transféré ces fonds publics.

59 En deuxième lieu, le Tribunal n’aurait pas commis d’erreur de droit en concluant que la Région autonome avait accordé un avantage à Volotea par l’intermédiaire des deux exploitants aéroportuaires en question. En effet, ainsi qu’il découlerait des points 118, 119, 122 à 133, 135 à 139 et 144 à 151 de l’arrêt T 607/17, le Tribunal, après avoir examiné si le comportement de la Région autonome devait être apprécié à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché, aurait considéré que cette entité avait agi dans le but de réaliser des objectifs de politique publique, situation qui excluait l’applicabilité de ce principe, tout en estimant qu’elle n’en avait pas moins accordé, ce faisant, un avantage à Volotea, en acquérant auprès de celle-ci, par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires concernés, des services ne répondant pas à un besoin réel. En outre, ainsi qu’il ressortirait des points 134, 135, 137, 140 à 143 et 146 de cet arrêt, la Région autonome se serait abstenue de prendre les mesures procédurales, telles que la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres, qui lui auraient permis d’acquérir ces services dans les conditions les plus avantageuses possibles.

60 Par ailleurs, le Tribunal n’aurait pas fait peser des exigences probatoires injustifiées sur Volotea mais se serait limité à estimer que les allégations de celle-ci relatives à l’existence d’un besoin réel de services de transport aérien, de marketing et de publicité dans le chef de la Région autonome ainsi qu’à la mise en œuvre d’une procédure aussi efficace qu’une procédure d’appel d’offres n’étaient pas étayées.

61 En troisième et dernier lieu, il ne pourrait pas être reproché au Tribunal d’avoir outrepassé sa compétence en procédant à des analyses juridiques et à des appréciations factuelles autres que celles figurant dans la décision litigieuse. En effet, cette juridiction n’aurait analysé la question de l’existence d’un besoin réel de services, dans le chef de la Région autonome agissant en tant qu’acquéreur privé de biens ou de services, que dans le but de répondre aux arguments avancés par Volotea elle-même à ce propos, en vue de contester le bien-fondé des considérants 386 et 387 de la décision litigieuse, ainsi qu’il découlerait du point 131 de l’arrêt T 607/17.

Sur les quatre moyens dans l’affaire C 343/20 P

62 Par son premier moyen, easyJet soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit au point 107 de l’arrêt T 8/18, en entremêlant l’examen des conditions distinctes et cumulatives tenant à l’existence d’un avantage et de ressources d’État énoncées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’en estimant ultérieurement, sur la base de cet examen, qu’un avantage lui avait été accordé.

63 En effet, contrairement à ce qui serait exposé à ce point, le fait de savoir si les fonds qu’une entité publique ou une entité privée agissant pour le compte d’une entité publique accorde à une entreprise le sont en vertu d’un contrat reflétant des conditions normales de marché serait important pour déterminer si cette entreprise bénéficie d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En outre, la qualification d’« avantage » devrait être exclue, en présence de contrats tels que ceux en cause en l’espèce, si ceux-ci peuvent être considérés, ex ante, comme répondant à une logique économique et commerciale pour les exploitants aéroportuaires qui les ont conclus. Enfin, le Tribunal ayant admis, au point 176 de l’arrêt T 8/18, que tel était le cas des contrats liant easyJet aux exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, il aurait dû constater qu’aucun avantage n’avait été accordé à easyJet.

64 Par son deuxième moyen, easyJet reproche au Tribunal, d’une part, d’avoir considéré que le principe de l’opérateur privé en économie de marché était inapplicable en l’espèce et, d’autre part, d’avoir estimé qu’un avantage lui avait été accordé par la Région autonome, agissant par l’intermédiaire des exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, dans le cadre des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing et de publicité conclus avec ceux-ci.

65 À cet égard, premièrement, le refus du Tribunal d’appliquer le principe de l’opérateur privé en économie de marché serait entaché d’erreurs de droit en ce qu’il s’appuierait, ainsi qu’il ressortirait notamment des points 175 à 178 et 190 à 193 de l’arrêt T 8/18, sur la circonstance que les exploitants aéroportuaires par l’intermédiaire desquels ont transité les fonds publics visés par les mesures litigieuses ne sont pas des entités publiques.

66 En effet, tout d’abord, ce raisonnement formaliste violerait l’article 345 TFUE, qui postule la neutralité du droit de l’Union à l’égard du régime de propriété, ainsi que le principe général d’égalité de traitement. Ensuite, ledit raisonnement serait contradictoire en ce qu’il accorderait une importance déterminante à la nature d’entreprise privée des exploitants aéroportuaires qui sont en cause en l’espèce, dans le cadre de l’appréciation de la condition tenant à l’existence d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, alors que le Tribunal aurait jugé, dans le cadre de son examen de la condition tenant à l’existence de ressources d’État prévue par cette même disposition, que le contrôle décisif exercé par la Région autonome sur ces exploitants, aux fins de la mise en œuvre des mesures litigieuses, permettait d’imputer à la République italienne les versements de fonds par ces exploitants aux compagnies aériennes et de considérer ces fonds comme des ressources d’État, en dépit de cette nature d’entreprise privée. En outre, un tel raisonnement méconnaîtrait les droits de la défense en faisant peser sur les compagnies aériennes telles qu’easyJet une présomption impossible à renverser en pratique, selon laquelle les fonds publics qui ont été mobilisés par lesdits exploitants pour rémunérer des prestations de services fournies par ces compagnies constituent un avantage conféré à ces dernières par l’État, alors même que ces prestations et les contrats qui les stipulent sont rationnels et rentables d’un point de vue économique, commercial et financier. Enfin, il aboutirait à faire dépendre la qualification d’« aide d’État » de la forme que peuvent prendre les mesures étatiques ou des moyens susceptibles d’être employés pour les mettre en œuvre plutôt que de leurs effets. Une même critique vaudrait pour l’accent mis par le Tribunal, aux points 189 et 190 de l’arrêt T 8/18, sur les objectifs de politique publique poursuivis par les mesures litigieuses.

67 Deuxièmement, le refus du Tribunal d’appliquer le principe de l’opérateur privé en économie de marché serait critiquable en ce que celui-ci constitue le critère général qui doit être appliqué, y compris dans une situation telle que celle de l’espèce, pour déterminer si un avantage a été accordé, directement ou indirectement, à certaines entreprises et en ce que cette non-application a conduit cette juridiction à conclure à tort, aux points 216 à 218 de l’arrêt T 8/18, à l’existence d’un avantage accordé à easyJet, alors que les contrats conclus par celle-ci avec les exploitants respectifs des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia auraient dû être qualifiés de comportements intervenus dans des conditions normales de marché. En effet, ces exploitants, qui n’avaient ni l’obligation juridique de conclure de quelconques contrats avec des compagnies aériennes ni celle de faire précéder la conclusion de ces contrats par une procédure d’appel d’offres, auraient volontairement choisi de conclure de tels contrats. En outre, ceux qui ont été conclus avec easyJet auraient prévu de rémunérer à leur juste prix les différents services de transport aérien, de marketing et de publicité que cette dernière s’était engagée à fournir à Geasar et à Sogaer.

68 Dans son mémoire en réplique, easyJet ajoute que, même en présence de doutes relatifs à l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché, liés à la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, l’État membre dont émane un comportement ou une mesure susceptible de relever de l’interdiction des aides d’État énoncée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE conserve, de même que les entreprises qui en bénéficient, la possibilité d’établir, au moyen d’éléments objectifs et vérifiables, que ce comportement ou cette mesure correspond à celui ou à celle qu’aurait adopté un opérateur privé en économie de marché. Il s’ensuivrait que ces éléments, qui existaient en l’espèce, n’auraient pas dû être ignorés par la Commission dans la décision litigieuse, puis par le Tribunal dans l’arrêt T 8/18.

69 Par ailleurs, le Tribunal aurait renversé la charge de la preuve au point 217 de cet arrêt, en reprochant à easyJet de ne pas avoir produit suffisamment d’éléments pour remettre en cause les appréciations de la Commission relatives au caractère anormal de la rémunération qui lui avait été versée alors que c’était à cette institution qu’il incombait de démontrer au préalable qu’une telle rémunération ne constituait pas un prix normal de marché, ce qu’elle n’aurait pas fait dans la décision litigieuse.

70 Troisièmement et en tout état de cause, le Tribunal aurait commis une erreur de droit aux points 178 et 218 dudit arrêt, en retenant que l’avantage obtenu par easyJet correspondait à la totalité de cette rémunération. En effet, c’est uniquement la différence entre la rémunération à laquelle easyJet aurait pu prétendre dans des conditions normales de marché et celle qui lui a été effectivement versée par les exploitants aéroportuaires qui aurait pu être qualifiée d’« avantage ».

71 Dans le cadre de son troisième moyen, easyJet estime, tout d’abord, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia devaient être regardés comme ayant agi en tant qu’intermédiaires de la Région autonome même si les mesures litigieuses les présentaient expressément comme étant les bénéficiaires du dispositif qu’elles instituaient. En effet, la qualification d’« intermédiaire » supposerait que les intéressés ne disposent d’aucune marge d’appréciation dans l’utilisation des fonds qu’ils reçoivent en vertu d’un régime tel que celui qui a été mis en place par ces mesures. Or, en l’espèce, tout en constatant, aux points 126 et 127 de l’arrêt T 8/18, que lesdites mesures accordaient aux exploitants aéroportuaires une marge d’appréciation portant sur certains aspects essentiels de leur mise en œuvre, comme le choix des activités à financer avec les fonds attribués par la Région autonome ou la sélection des entreprises chargées de la réalisation de ces activités, le Tribunal n’aurait pas tiré les conséquences juridiques de ces constatations dans le cadre de son examen du point de savoir si ces exploitants avaient bénéficié d’un avantage en l’espèce.

72 Ensuite, cette juridiction aurait omis de tenir compte d’autres éléments objectifs et vérifiables démontrant l’existence et l’importance de la marge d’appréciation en question, à commencer par la circonstance, mentionnée au point 209 de l’arrêt T 8/18, que les compagnies aériennes avaient été sélectionnées au moyen d’appels à manifestation d’intérêt ayant permis aux exploitants aéroportuaires de retenir les offres les plus attrayantes pour eux. De la même manière, ces exploitants auraient eu la possibilité de décider de la durée et des autres stipulations des contrats qu’ils entendaient conclure avec ces compagnies.

73 Enfin, le Tribunal aurait méconnu sa propre jurisprudence, dont il découlerait que, en présence d’un régime du type de celui institué par les mesures litigieuses, il est nécessaire de déterminer si la marge d’appréciation reconnue aux entités qui sont chargées de sa mise en œuvre porte sur la définition des éléments essentiels de ce régime, auquel cas ces entités ne sauraient être qualifiées d’intermédiaires, ou si cette marge se limite à l’application technique dudit régime, auquel cas une telle qualification est envisageable.

74 Par son quatrième moyen, easyJet critique, en premier lieu, les points 225 et 226 de l’arrêt T 8/18, par lesquels le Tribunal a estimé, d’une part, qu’elle était la bénéficiaire ultime, au même titre que d’autres compagnies aériennes, d’un avantage accordé par la Région autonome et, d’autre part, que les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, par l’intermédiaire desquels avaient transité les fonds constitutifs d’un tel avantage, n’avaient eux-mêmes bénéficié d’aucun avantage dès lors qu’ils avaient transféré l’ensemble de ces fonds auxdites compagnies. En effet, ce raisonnement serait contraire à la jurisprudence de la Cour, dont il découlerait qu’il aurait été nécessaire, pour le Tribunal, de déterminer si les exploitants aéroportuaires qui constituaient les bénéficiaires directs des mesures litigieuses avaient obtenu un avantage au moyen de celles-ci, sans que l’existence de cet avantage puisse être remise en cause par le transfert ultérieur d’une partie des fonds correspondants à des compagnies aériennes telles qu’easyJet.

75 En second lieu, le Tribunal aurait, en substance, estimé à tort, aux points 97, 120, 134, 179, 192, 216, 218, 225 et 226 de cet arrêt, que les mesures litigieuses accordaient un avantage aux compagnies aériennes telles qu’easyJet tout en ne bénéficiant aux exploitants aéroportuaires que sous la forme de simples effets économiques secondaires. En effet, la juste qualification juridique des faits de l’espèce aurait dû le conduire à une conclusion opposée, les exploitants aéroportuaires ayant utilisé des fonds publics pour financer l’acquisition de prestations qu’ils auraient dû financer eux-mêmes dans des conditions normales de marché, tandis que les compagnies aériennes avaient été rémunérées, dans des conditions normales de marché, pour les services qu’elles avaient fournis.

76 La Commission estime, à titre principal, que le premier moyen est irrecevable en ce qu’il n’identifie pas de façon précise ou suffisamment précise tous les points de l’arrêt T 8/18 relatifs à l’existence d’un avantage sur lesquels il porte et, à titre subsidiaire, que ce moyen est inopérant ou non fondé. En effet, le point 107 de cet arrêt, qui serait le seul à être identifié avec précision par easyJet, porterait sur la question de savoir si les mesures litigieuses constituaient des ressources d’État et non pas sur celle de l’existence d’un avantage. En outre, les points 141 et 169 à 238 dudit arrêt, relatifs à la question de l’existence d’un avantage, ne renverraient pas à ce point 107.

77 S’agissant du deuxième moyen, la Commission fait valoir, en premier lieu, que, pour autant qu’il est suffisamment précis pour pouvoir être considéré comme étant recevable, il n’est pas fondé en ce qu’easyJet reproche au Tribunal d’avoir estimé, aux points 189 à 193 de l’arrêt T 8/18, que la décision litigieuse avait exclu à juste titre que le principe de l’opérateur privé en économie de marché puisse être appliqué au comportement de la Région autonome. En effet, dès lors que les exploitants aéroportuaires n’étaient pas détenus par cette entité, il n’aurait pas été justifié d’examiner si, en leur accordant des fonds publics selon les modalités prévues par les mesures litigieuses, celle-ci s’était comportée comme un opérateur privé en économie de marché, cherchant à effectuer des investissements de nature à lui procurer un bénéfice économique, commercial et financier. Au demeurant, ainsi que la Commission l’aurait mis en évidence dans la décision litigieuse, l’adoption des mesures litigieuses aurait été clairement motivée par des objectifs de politique publique et, plus précisément, de développement régional, et non pas par des considérations d’ordre économique, commercial et financier.

78 En deuxième lieu, easyJet ne serait pas non plus fondée à reprocher au Tribunal d’avoir considéré, aux points 171 à 182 de l’arrêt T 8/18, que la décision litigieuse avait exclu à juste titre que le principe de l’opérateur privé en économie de marché puisse être appliqué pour appréhender, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les contrats conclus par les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia avec les compagnies aériennes desservant ces aéroports.

79 En effet, d’une part, ces exploitants aéroportuaires ne seraient pas des entités publiques, comme l’a constaté le Tribunal.

80 D’autre part, cette juridiction n’aurait commis aucune erreur dans l’interprétation ou dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en estimant que lesdits exploitants s’étaient en définitive limités, lorsqu’ils ont conclu les contrats en cause, à mettre en œuvre le régime d’aides d’État institué par les mesures litigieuses et à utiliser les financements publics qui leur avaient été alloués à cette fin, conformément aux instructions de la Région autonome, avant d’en déduire qu’une telle situation justifiait de les qualifier d’intermédiaires et excluait qu’ils puissent s’être comportés comme des opérateurs privés en économie de marché. En effet, le principe de l’opérateur privé en économie de marché serait uniquement applicable, selon la jurisprudence de la Cour, dans le cas où un État accorde, directement ou indirectement, un avantage en tant qu’opérateur économique et non en sa qualité de puissance publique, ce qui ne correspondrait pas au cas d’espèce. En outre, easyJet ne serait fondée à soutenir ni que le Tribunal a admis que ces contrats aient pu être ou paraître rentables au moment de leur conclusion ni qu’il a commis une erreur de droit en retenant que la contribution des exploitants aéroportuaires à leur financement était limitée.

81 En troisième et dernier lieu, les arguments d’easyJet visant les points 189 à 218 de l’arrêt T 8/18, par lesquels le Tribunal a apprécié le comportement de la Région autonome en tant qu’acquéreur privé de biens ou de services, ne pourraient pas davantage prospérer, à les supposer opérants. En effet, easyJet ne contesterait pas les points spécifiques de cet arrêt où le Tribunal a conclu à l’absence d’un besoin réel de services dans le chef de la Région autonome. En outre, elle ne remettrait pas en cause l’appréciation de cette juridiction selon laquelle les exploitants aéroportuaires n’auraient pas été enclins à conclure des contrats avec des compagnies aériennes, à tout le moins en si grand nombre et si rémunérateurs, en l’absence de financement issu de fonds publics. Enfin, en l’absence de besoin réel de services dans le chef de la Région autonome, les considérations du Tribunal relatives à l’absence de mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres seraient surabondantes et ne pourraient donc pas être utilement critiquées par easyJet. En toute hypothèse, les appels à manifestation d’intérêt qui ont précédé la conclusion des contrats en cause ne tiendraient pas lieu de procédure d’appel d’offres.

82 Quant au troisième moyen, il serait inopérant dans la mesure où les motifs de l’arrêt T 8/18 sur lesquels il porte visent la question de savoir si les paiements effectués par les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia en faveur des compagnies aériennes telles qu’easyJet étaient imputables à la Région autonome et constituaient des ressources d’État, et non pas la question distincte de savoir si ces compagnies aériennes avaient bénéficié, de ce fait, d’un avantage. En tout état de cause, ce moyen serait dépourvu de fondement. En effet, aux points contestés par easyJet dans le cadre dudit moyen, le Tribunal aurait estimé que, compte tenu des termes et de l’économie des mesures litigieuses ainsi que de leurs modalités de mise en œuvre, les exploitants aéroportuaires devaient être considérés comme étant encadrés et contrôlés ex ante par la Région autonome sur un ensemble de points essentiels, tout en disposant d’une certaine marge d’appréciation sur des aspects accessoires, et cette appréciation, qui ne pourrait pas être remise en cause dans le cadre d’un pourvoi, serait exempte d’erreur de qualification juridique des faits ou de contradiction interne. Par ailleurs, la jurisprudence du Tribunal à laquelle se réfère easyJet concernerait une question distincte, tenant aux éléments constitutifs de la notion de « régime d’aides d’État ».

83 Pour sa part, le quatrième moyen serait inopérant, à tout le moins en partie, en ce qu’il viserait des appréciations par lesquelles le Tribunal a rejeté au fond, à titre surabondant, des arguments d’easyJet dont il avait précédemment jugé qu’ils étaient irrecevables, ce qu’easyJet ne contesterait pas dans son pourvoi. En tout état de cause, ce moyen serait non fondé. En effet, les exploitants aéroportuaires auraient été considérés comme des intermédiaires par la Commission dans la décision litigieuse, puis par le Tribunal dans l’arrêt T 8/18, au motif non pas qu’ils avaient transféré les fonds alloués par la Région autonome aux compagnies aériennes, mais que les mesures litigieuses n’étaient venues les soulager d’aucun coût ou d’aucune charge qui leur aurait incombé dans des conditions normales de marché.

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité

84 La Commission conteste la recevabilité des premier et deuxième moyens du pourvoi dans l’affaire C 343/20 P.

85 S’agissant du premier de ces moyens, cette institution fait valoir, à titre principal, qu’il n’identifie pas avec précision les motifs de l’arrêt T 8/18 sur lesquels il porte.

86 À cet égard, il ressort de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que les moyens qui sont invoqués dans un pourvoi doivent identifier avec précision les motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés par la partie requérante.

87 En outre, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que le non-respect de cette exigence entraîne l’irrecevabilité du moyen qui n’y satisfait pas (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C 382/12 P, EU:C:2014:2201, point 150, ainsi que du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C 666/19 P, EU:C:2022:323, point 186).

88 En l’espèce, toutefois, il doit être constaté que le premier moyen invoqué à l’appui du pourvoi dans l’affaire C 343/20 P identifie le point spécifique des motifs de l’arrêt T 8/18 qui est contesté par easyJet, à savoir son point 107. Par ailleurs, ce moyen identifie avec précision l’erreur de droit dont ce point serait entaché, qui consiste en substance, pour le Tribunal, à avoir entremêlé à tort l’examen de deux des différentes conditions cumulatives dont la réunion est nécessaire pour permettre de conclure à l’existence d’une aide d’État, à savoir celle tenant à l’octroi d’un avantage par l’État, d’une part, et celle selon laquelle cet avantage doit avoir été octroyé au moyen de ressources d’État, d’autre part.

89 La Commission soutenant, à titre subsidiaire, que ledit moyen est, en tout état de cause, insuffisamment précis, voire inopérant, en ce que le point qu’il identifie fait partie des motifs de l’arrêt T 8/18 qui portent sur la partie de la décision litigieuse consacrée à l’existence de ressources d’État, et non pas des motifs distincts de cet arrêt qui visent la question de l’existence d’un avantage, sur laquelle se concentrent les arguments de droit avancés par easyJet, il convient d’ajouter que, bien qu’exacte, cette observation relative à la structuration du raisonnement du Tribunal n’implique pas pour autant l’inopérance du moyen concerné.

90 En effet, contrairement à ce qu’indique la Commission, le Tribunal a procédé, lorsqu’il a examiné la question de l’existence d’un avantage, à un renvoi global aux motifs qu’il avait précédemment consacrés à la question de l’existence de ressources d’État, ainsi qu’il résulte du point 174 de l’arrêt T 8/18, aux termes duquel « [s]’agissant de l’argumentation de la requérante relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au regard de l’autonomie des exploitants aéroportuaires dans l’utilisation des fonds fournis par la Région autonome et dans la définition de leurs rapports contractuels avec les compagnies aériennes, il convient de la rejeter pour les motifs déjà exposés ci-dessus dans le cadre du traitement de la seconde branche du premier moyen ».

91 De plus, le point 107 de cet arrêt, qui est critiqué par easyJet, constitue l’un des points clefs des motifs auxquels le Tribunal a ainsi renvoyé. En effet, cette juridiction y a exposé, pour la première fois, son appréciation selon laquelle « il y a lieu de considérer que, pour autant qu’il peut être établi, comme en l’espèce, qu’un avantage provenant de ressources d’État a été transféré par le récipiendaire immédiat à un bénéficiaire final, il est sans importance que ce transfert ait été opéré par le récipiendaire selon une logique commerciale ou, au contraire, [qu’il] ait répondu à un objectif d’intérêt général ». En outre, cette appréciation est ultérieurement reprise et précisée à différents titres par ladite juridiction, aux fins du contrôle de la légalité des constatations et des appréciations qui ont été faites par la Commission dans la décision litigieuse au sujet de l’existence d’un avantage, notamment dans des points dudit arrêt qui sont visés par les autres moyens du pourvoi d’easyJet, dont les points 176 à 178, 189 à 191, 225 et 226.

92 Eu égard à ces éléments, il ne peut pas être reproché à easyJet de n’avoir pas identifié plus précisément qu’elle ne l’a fait la source de l’erreur de droit qu’elle impute au Tribunal.

93 En ce qui concerne le deuxième moyen invoqué par easyJet, la Commission allègue, de façon générale, que ce moyen est trop imprécis pour être recevable.

94 À cet égard, il convient, en premier lieu, de constater que, conformément à l’exigence énoncée à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure et rappelée au point 86 du présent arrêt, ce moyen identifie un ensemble précis de motifs de l’arrêt T 8/18 qu’easyJet estime être viciés par des erreurs de droit, à savoir les points 175 à 178, 189 à 193 et 216 à 218 de celui-ci.

95 En second lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que, au-delà de cette exigence, toute partie requérante au pourvoi est tenue, eu égard à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi qu’à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, d’indiquer de façon précise les arguments de droit qui soutiennent de manière spécifique chacun des différents moyens qu’elle invoque, sous peine d’irrecevabilité du ou des moyens non conformes à cette prescription (arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C 398/13 P, EU:C:2015:535, point 53, ainsi que du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 95).

96 En l’espèce, easyJet a également respecté cette exigence, ainsi qu’il ressort des points 64 à 70 du présent arrêt.

97 Partant, les premier et deuxième moyens du pourvoi dans l’affaire C 343/20 P sont recevables.

Sur le fond

98 Il convient, à titre liminaire, de constater que, si les arguments de droit qui sont avancés par Volotea à l’appui du premier grief de son premier moyen dans l’affaire C 331/20 P et ceux qui sont présentés par easyJet à l’appui de ses quatre moyens dans l’affaire C 343/20 P ne sont pas structurés de la même manière, d’une part, et si leur contenu diffère sur certains points, d’autre part, ces deux séries d’arguments de droit se recoupent néanmoins dans une large mesure. En particulier, tant Volotea qu’easyJet contestent, au moyen d’arguments qui sont en grande partie similaires et complémentaires dans leur substance, trois aspects essentiels et déterminants du raisonnement que le Tribunal a tenu, dans des termes tantôt identiques tantôt analogues, dans les arrêts attaqués.

99 En effet, ainsi qu’il découle des points 52 à 55, 64 à 69, 72 et 75 du présent arrêt, l’une et l’autre requérantes critiquent, tout d’abord, les appréciations par lesquelles le Tribunal a considéré, en substance, que la question de savoir si elles avaient bénéficié d’un avantage accordé par la Région autonome, agissant par l’intermédiaire des exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, ne devait pas être examinée à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché au motif que ce principe n’était pas applicable en l’espèce compte tenu des objectifs de politique publique poursuivis par les mesures litigieuses, de la circonstance que lesdits exploitants aéroportuaires n’étaient pas des entités publiques et du fait que ces derniers ne disposaient pas d’une autonomie significative par rapport à la Région autonome dans le cadre de la mise en œuvre de ces mesures (points 116 à 119 et 124 à 127 de l’arrêt T 607/17, ainsi que points 174 à 177 et 190 à 193 de l’arrêt T 8/18).

100 Ensuite, Volotea et easyJet contestent les appréciations par lesquelles le Tribunal a estimé que la question de savoir si elles avaient bénéficié d’un avantage accordé par la Région autonome, agissant par l’intermédiaire des exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, devait être analysée en faisant application d’un critère consistant à déterminer si cette Région s’était comportée comme un acquéreur privé de biens ou de services agissant dans des conditions normales de marché (points 128 à 136 de l’arrêt T 607/17 et points 194 à 203 de l’arrêt T 8/18). À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 54, 55, 66 à 69, 72 et 75 du présent arrêt, Volotea cible ses critiques sur les éléments sur lesquels le Tribunal a jugé qu’il devait faire porter son contrôle en vertu de ce critère, à savoir l’existence d’un besoin réel de services dans le chef de ladite Région, d’une part, et la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres, d’autre part, tandis qu’easyJet, tout en évoquant le second de ces éléments, concentre ses critiques sur la circonstance que l’examen desdits éléments a, en substance, conduit le Tribunal à éluder ou, à tout le moins, à ne pas traiter correctement la question de savoir si les contrats liant les compagnies aériennes aux exploitants aéroportuaires avaient été conclus dans des conditions normales de marché.

101 Enfin, tant Volotea qu’easyjet reprochent au Tribunal, en substance, d’avoir effectué une qualification juridique erronée des faits et de ne pas avoir examiné sérieusement les éléments de preuve qu’elles avaient produits pour contester les appréciations et les constatations de la Commission selon lesquelles les contrats qu’elles avaient conclus avec les exploitants aéroportuaires étaient constitutifs d’un avantage qu’elles n’auraient pas obtenu dans des conditions normales de marché (points 139, 143 et 144 de l’arrêt T 607/17, ainsi que points 189 à 193 et 216 à 218 de l’arrêt T 8/18).

102 Il importe de rappeler, en premier lieu, qu’il découle de la jurisprudence constante de la Cour, premièrement, que la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions énoncées à cette disposition soient réunies (arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C 142/87, EU:C:1990:125, point 25, ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 103).

103 Parmi celles-ci figure notamment la condition selon laquelle la mesure étatique qui est en cause, dans un cas donné, doit accorder un avantage sélectif à l’entreprise ou aux entreprises qui en sont bénéficiaires (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C 280/00, EU:C:2003:415, point 75, ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 103).

104 Deuxièmement, la notion d’« avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, comprend non seulement des prestations positives, telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèveraient normalement le budget de l’entreprise ou des entreprises qui en sont bénéficiaires et qui, partant, sont de la même nature que des subventions et ont des effets identiques (arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C 387/92, EU:C:1994:100, point 13, et du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 59).

105 Ce sont, ainsi, essentiellement les effets de la mesure étatique qui est en cause, dans un cas donné, sur l’entreprise ou sur les entreprises qui en sont bénéficiaires qu’il y a lieu de prendre en considération pour établir l’existence d’un avantage, que celui-ci soit accordé directement par l’État ou par une entité publique ou privée qu’il aurait instituée ou désignée à cette fin (arrêts du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 21, ainsi que du 15 mai 2019, Achema e.a., C 706/17, EU:C:2019:407, point 50).

106 En revanche, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distinguant pas selon les causes ou les objectifs des mesures étatiques (arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 27, et du 13 février 2003, Espagne/Commission, C 409/00, EU:C:2003:92, point 46), la nature des objectifs poursuivis par l’État membre qui est l’auteur de ces mesures ou auquel celles-ci sont imputables est dépourvue de toute incidence sur la question de savoir si elles accordent un avantage à une ou à plusieurs entreprises et, plus largement, sur leur qualification en tant qu’aide d’État (arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C 81/10 P, EU:C:2011:811, point 17, ainsi que du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C 638/19 P, EU:C:2022:50, point 122).

107 En conséquence, doit être considérée comme remplissant la condition visée au point 103 du présent arrêt toute mesure étatique qui, quels qu’en soient la forme et les objectifs, est susceptible de favoriser directement ou indirectement une ou plusieurs entreprises, ou qui accorde à celles-ci un avantage qu’elles n’auraient pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C 280/00, EU:C:2003:415, point 84, ainsi que du 17 septembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo, C 212/19, EU:C:2020:726, point 39).

108 Enfin, la caractérisation de l’existence d’un tel avantage s’effectue, en principe, par application du principe de l’opérateur privé en économie de marché (arrêts du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, point 45, ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 105), à moins qu’il n’existe aucune possibilité de comparer le comportement étatique qui est en cause dans un cas donné à celui d’un opérateur privé, parce que ce comportement est indissociablement lié à l’existence d’une infrastructure qu’aucun opérateur privé n’aurait jamais pu constituer (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a., C 83/01 P, C 93/01 P et C 94/01 P, EU:C:2003:388, points 31 à 38), ou que l’État ait agi en sa qualité de puissance publique. À ce dernier égard, il y a lieu, toutefois, d’observer que la seule mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, comme le recours à des moyens de nature législative ou fiscale, n’entraîne pas, en elle-même, l’inapplicabilité de ce principe (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C 124/10 P, EU:C:2012:318, points 81 et 92 ; du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C 224/12 P, EU:C:2014:213, point 30, ainsi que du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, point 48). En effet, c’est la nature économique de l’intervention étatique en cause et non les moyens mis en œuvre à cette fin qui rend ledit principe applicable (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C 300/16 P, EU:C:2017:706, point 27).

109 L’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché implique elle-même, comme Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, aux points 63, 71 et 74 de ses conclusions, de recourir au cas par cas à différents critères concrets qui visent, chacun, à comparer de la façon la plus adaptée et adéquate possible la mesure étatique qui est en cause dans un cas donné, compte tenu notamment de la nature de celle-ci, à celle qui aurait pu être adoptée par un opérateur privé se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, points 52 et 55).

110 Ainsi qu’il découle de la jurisprudence constante de la Cour, ces critères incluent notamment celui de l’investisseur privé, qui trouve à s’appliquer en présence de mesures étatiques telles que des apports de capitaux (arrêts du 21 mars 1991, Italie/Commission, C 305/89, EU:C:1991:142, points 18 et 19, ainsi que du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 105). Ils comprennent également celui du créancier privé, qui trouve à s’appliquer en présence de mesures telles que des facilités de paiement pour le remboursement d’une dette (arrêts du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C 342/96, EU:C:1999:210, point 46, ainsi que du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C 300/16 P, EU:C:2017:706, points 22 et 28), celui du débiteur privé (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, points 123 et 156) ou encore celui du vendeur privé, qui trouve à s’appliquer en présence de mesures se rapportant à la fourniture, directement ou par l’intermédiaire d’entités publiques ou d’entreprises privées se trouvant sous le contrôle ou sous l’influence de l’État, de biens ou de services ainsi qu’à la fixation de leurs conditions de vente, comme le prix (voir, en ce sens, arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, point 28 ; du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C 39/94, EU:C:1996:285, point 59, ainsi que du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C 143/99, EU:C:2001:598, points 39 et 40).

111 Troisièmement, il convient de rappeler que, dans le cas où la Commission ouvre une procédure relative à une mesure étatique et adopte, au terme de celle-ci, une décision dans laquelle elle qualifie cette mesure d’« aide d’État », c’est à cette institution qu’il incombe de prouver, dans sa décision, l’existence d’une telle aide et donc, notamment, que ladite mesure accorde un avantage à l’entreprise ou aux entreprises qui en bénéficient, en se fondant, au terme d’une enquête qui doit avoir été conduite de manière diligente et impartiale, sur les éléments les plus complets et les plus fiables possibles pour ce faire (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 62 et jurisprudence citée).

112 Toutefois, le respect de cette obligation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle a adopté sa décision (arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, point 16, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C 300/16 P, EU:C:2017:706, point 70), pour autant que cette institution a fait usage des pouvoirs lui permettant d’obtenir les éléments d’information qui lui paraissaient nécessaires ou utiles, en particulier de son pouvoir d’adresser une injonction à l’État membre qui est l’auteur de la mesure étatique en cause et qui détient ces éléments d’information (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1990, France/Commission, C 301/87, EU:C:1990:67, points 19 à 22, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C 300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).

113 S’agissant, en particulier, de l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché dans un cas donné, il découle de la jurisprudence constante de la Cour qu’elle implique que la Commission démontre, au terme d’une appréciation globale prenant en considération tous les éléments pertinents du cas d’espèce, que l’entreprise ou les entreprises bénéficiaires de la mesure étatique en cause n’auraient manifestement pas obtenu un avantage comparable de la part d’un opérateur privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché. Dans le cadre de cette appréciation globale, la Commission doit tenir compte de l’ensemble des options qu’un tel opérateur aurait raisonnablement envisagées, de tout élément d’information disponible et susceptible d’influencer de façon significative sa décision ainsi que des évolutions prévisibles à la date où la décision d’accorder un avantage a été prise (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, points 28 à 31 et 65, ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, points 108 à 113).

114 En particulier, la Commission doit s’attacher à apprécier si, à cette date, l’opération par laquelle l’avantage a été conféré pouvait être considérée comme présentant une rationalité économique, commerciale et financière, compte tenu de ses perspectives de rentabilité à court terme ou à plus long terme ainsi que des autres intérêts commerciaux ou économiques qu’elle comportait (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, points 14 et 15 ; du 21 mars 1991, Italie/Commission, C 303/88, EU:C:1991:136, points 21 et 22 ; du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C 224/12 P, EU:C:2014:213, point 36, ainsi que du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 107).

115 En l’espèce, le Tribunal a méconnu certaines des exigences découlant de cette jurisprudence.

116 Certes, il s’est abstenu à juste titre, de façon implicite dans l’arrêt T 607/17 et de façon explicite au point 185 de l’arrêt T 8/18, de se fonder sur le constat de la Commission selon lequel la République italienne ne s’était pas prévalue du principe de l’opérateur privé en économie de marché, compte tenu de l’absence de pertinence d’un tel constat au regard de la jurisprudence constante de la Cour (arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C 124/10 P, EU:C:2012:318, points 103 et 104, ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 107).

117 Cependant, il n’en a pas moins considéré que ce principe devait être regardé comme étant inapplicable en l’espèce, pour trois motifs tenant en substance, le premier, à la circonstance que les exploitants aéroportuaires visés par la décision litigieuse n’étaient pas des entités détenues par l’État (points 117 à 119, 124 et 125 de l’arrêt T 607/17 ainsi que points 175 à 177, 190 et 191 de l’arrêt T 8/18), le deuxième, à la circonstance que le régime d’aides instituant les mesures litigieuses poursuivait des objectifs de politique publique (points 124 à 127 et 130 de l’arrêt T 607/17, ainsi que points 190 à 193 de l’arrêt T 8/18) et, le troisième, à la circonstance que ces exploitants aéroportuaires s’étaient limités à mettre en œuvre ce régime et ces mesures sans disposer d’une autonomie significative par rapport à la Région autonome dans ce cadre (points 116, 118 et 119 de l’arrêt T 607/17 ainsi que points 174, 176 et 177 de l’arrêt T 8/18).

118 Or, aucun de ces motifs n’était de nature à exclure l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché.

119 Ainsi, ni le premier ni le troisième desdits motifs ne permettaient de conclure à cette exclusion, dès lors que ce principe est également susceptible de trouver à s’appliquer lorsqu’un avantage est accordé à une ou à plusieurs entreprises par l’État directement ou par l’intermédiaire d’entreprises privées placées sous son contrôle ou sous son influence, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée aux points 105 et 110 du présent arrêt et que Mme l’avocate générale l’a rappelé au point 94 de ses conclusions.

120 De même, le deuxième motif retenu par le Tribunal n’excluait nullement l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 106 du présent arrêt et que Mme l’avocate générale l’a rappelé aux points 80, 82 et 95 de ses conclusions. La poursuite d’objectifs de politique publique est, en effet, inhérente à la plupart des mesures étatiques qui sont susceptibles d’être qualifiées d’« aide d’État » et d’être examinées, à cette fin, au regard de ce principe (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1991, Italie/Commission, C 305/89, EU:C:1991:142, point 20, et du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C 42/93, EU:C:1994:326, point 14). L’application dudit principe a toutefois pour conséquence que ces mesures doivent être examinées en faisant abstraction de tels objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, point 14) et des bénéfices liés à la qualité de puissance publique de l’État que la réalisation de ces objectifs est susceptible d’engendrer (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C 124/10 P, EU:C:2012:318, point 79, ainsi que du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, points 55, 57 et 58).

121 Cela étant, force est de constater que, tout en concluant à tort à l’inapplicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché, le Tribunal a néanmoins estimé, comme le relèvent Volotea et easyJet, que les compagnies aériennes ayant conclu des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing et de publicité avec les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia devaient être considérées comme ayant bénéficié d’un « avantage qu’elles n’auraient pas obtenu dans des conditions normales de marché », au motif que la rémunération qui leur avait été versée en application de ces contrats ne constituait pas la contrepartie de services satisfaisant de véritables besoins dans le chef de la Région autonome et que lesdits contrats avaient par ailleurs été conclus par les exploitants aéroportuaires en cause sans mise en œuvre préalable d’une procédure d’appel d’offres ou d’une procédure équivalente (points 128 à 149 de l’arrêt T 607/17 ainsi que points 174 et 194 à 217 de l’arrêt T 8/18).

122 Compte tenu de ces appréciations, le Tribunal a jugé, au point 150 de l’arrêt T 607/17 et au point 218 de l’arrêt T 8/18, que la Commission avait pu valablement conclure que le financement que la Région autonome, agissant par l’intermédiaire desdits exploitants aéroportuaires, avait accordé à Volotea et à easyJet, en contrepartie des services de transport, de marketing et de publicité fournis par celles-ci, leur avait conféré un avantage qu’elles n’auraient pas obtenu dans des conditions normales de marché.

123 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 109 et 110 du présent arrêt et du point 99 des conclusions de Mme l’avocate générale, le critère de l’acquéreur privé constitue, comme celui du vendeur privé dont il est le pendant, un des différents critères concrétisant le principe de l’opérateur privé en économie de marché. Dans ces conditions, les erreurs de droit relevées aux points 117 à 120 du présent arrêt ne sont de nature à entraîner l’annulation des arrêts attaqués que s’il s’avère que ces motifs additionnels du Tribunal sont eux aussi erronés en droit et, comme tels, insusceptibles de fonder le dispositif de ces arrêts.

124 En second lieu, il convient, à cet égard, de relever, tout d’abord, que lesdits motifs sont, en substance, articulés en relation avec des constatations et des appréciations faites au préalable par la Commission dans la décision litigieuse. Partant, c’est à tort que Volotea reproche au Tribunal d’avoir méconnu les limites qui s’imposent à son office de juge de la légalité des décisions de la Commission en énonçant ces mêmes motifs.

125 Ensuite, il importe de souligner que le critère de l’acquéreur privé, en ce qu’il constitue une des différentes déclinaisons possibles du principe de l’opérateur privé en économie de marché, doit, par voie de conséquence, être interprété et appliqué en cohérence avec ce principe ainsi qu’avec les exigences probatoires qui encadrent son application.

126 À cet égard, il découle certes de la jurisprudence établie de la Cour que, dans le cas où un État ou une autre entité publique décide de vendre ou, par symétrie, d’acquérir des biens ou des services directement auprès d’une ou de plusieurs entreprises privées, la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres organisée selon des modalités garantissant son caractère ouvert, impartial et non discriminatoire permet, sous certaines conditions, de présumer que les contrats ou autres actes qui sont conclus à cette fin à l’issue de cette procédure, et la rémunération qu’ils stipulent, reflètent des conditions normales de marché et, en particulier, un prix normal ou une valeur normale de marché excluant l’existence d’un « avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, BVVG, C 39/14, EU:C:2015:470, points 29 et 32 ainsi que jurisprudence citée).

127 Cependant, il ressort également de cette jurisprudence que la mise en œuvre d’une telle procédure n’est pas toujours obligatoire aux fins d’une telle opération de vente ou d’achat et, de surcroît, qu’il existe d’autres moyens d’exclure l’existence d’un tel avantage. En effet, il est loisible de recourir à d’autres moyens, comme la réalisation d’une expertise indépendante (arrêt du 16 juillet 2015, BVVG, C 39/14, EU:C:2015:470, point 31 et jurisprudence citée) ou d’une évaluation fiable, rigoureuse et complète des coûts pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C 290/07 P, EU:C:2010:480, points 70 à 75), pour s’assurer que l’opération à laquelle il est ainsi procédé constitue une opération normale de marché aboutissant à la fixation d’un prix normal ou d’une valeur normale de marché.

128 À plus forte raison, la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres ne saurait constituer le seul moyen d’exclure l’existence d’un « avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans le cas où l’État procède à la vente ou à l’acquisition de biens ou de services auprès d’entreprises privées non pas directement, mais par l’intermédiaire d’autres entreprises privées, qui ne sont pas soumises à l’obligation de recourir à une telle procédure. Quel que soit le moyen auquel il est recouru, la question de savoir si l’existence d’un tel avantage doit être exclue ou, au contraire, retenue impose donc, en tout état de cause, d’apprécier si les contrats ou les autres actes prévoyant cette vente ou cette acquisition reflètent ou non des conditions normales de marché, de la manière rappelée aux points 113 et 114 du présent arrêt.

129 En outre, ainsi qu’il résulte de ces mêmes points, c’est à la Commission qu’il appartient de procéder à cette appréciation et de démontrer l’existence d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans les conditions rappelées aux points 111 et 112 du présent arrêt, cet avantage ne pouvant correspondre, en l’espèce, à le supposer établi, qu’à la différence entre la rémunération à laquelle auraient pu prétendre les bénéficiaires en cause, dans des conditions normales de marché, et celle qui leur a été effectivement versée par les exploitants aéroportuaires.

130 Or, en l’espèce, le Tribunal a méconnu ces différentes exigences matérielles et probatoires.

131 En effet, d’une part, il s’est, en substance, contenté, tant dans le cadre de son analyse des exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que dans celui de la qualification juridique des faits au regard de ces exigences, de relever que les contrats en cause en l’espèce n’avaient pas été conclus par les entités privées qui y sont parties au terme d’une procédure d’appel d’offres, comme il ressort des points 136, 137 et 141 de l’arrêt T 607/17 ainsi que des points 203, 204 et 208 de l’arrêt T 8/18, puis de considérer, de façon générale, que la mise en œuvre de cette procédure « aurait pu prouver l’existence de conditions de marché et, dès lors, l’absence d’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE », et que, en l’espèce, Volotea et easyJet « restaient en défaut » de démontrer que les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia avaient recouru à une procédure « équivalente », comme cela ressort des points 140, 142 et 143 de l’arrêt T 607/17 ainsi que des points 207, 209 et 210 de l’arrêt T 8/18.

132 Ce faisant, ladite juridiction a conféré une importance injustifiée au fait, pour des entreprises privées qui ne sont pas soumises à l’obligation d’organiser une procédure d’appel d’offres et qui entendent conclure de tels contrats, de recourir au préalable à une telle procédure ou à une procédure équivalente, sous peine de s’exposer, en l’absence de celle-ci, à ce que ces contrats soient automatiquement qualifiés d’« avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans l’hypothèse où l’une de ces entreprises privées finance ses obligations contractuelles au moyen de fonds publics. En effet, ni la nécessité de recourir à une telle procédure d’appel d’offres ou équivalente ni la conséquence automatique que l’absence de recours à celle-ci entraînerait ne découlent de cette disposition ou de la jurisprudence de la Cour, qui requièrent, au contraire, une appréciation globale et concrète au cas par cas, comme rappelé aux points 113, 114 et 128 du présent arrêt, et imposent, par ailleurs, à la Commission de démontrer l’existence d’un avantage et non pas aux entreprises concernées de démontrer l’absence de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 111).

133 D’autre part, le Tribunal s’est limité, au point 139 de l’arrêt T 607/17 ainsi qu’au point 206 de l’arrêt T 8/18, à « mettre en doute » le point de savoir si les prestations de marketing faisant l’objet des contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes répondaient à des « besoins réels » pour la Région autonome. Or, cette appréciation ne lui permettait pas de conclure à l’existence d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, comme Volotea le soutient à bon droit.

134 Dans le même temps, le Tribunal n’a pas cherché, dans les arrêts attaqués, à contrôler si la Commission s’était acquittée, dans la décision litigieuse, de l’obligation qui lui incombait de déterminer si les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes constituaient des opérations normales de marché. Au contraire, il a dénié toute pertinence à cette question, tout en formulant des appréciations générales à cet égard, comme cela ressort des points 118, 125 et 143 de l’arrêt T 607/17 ainsi que des points 176, 191 et 210 de l’arrêt T 8/18. Or, l’examen de ladite question s’imposait au regard de la jurisprudence rappelée aux points 113, 114 et 128 du présent arrêt, comme easyJet le fait valoir à bon droit.

135 Par conséquent, en estimant que les compagnies aériennes ayant conclu des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing et de publicité avec les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia devaient être considérées comme ayant bénéficié d’un « avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au motif que la rémunération qui leur avait été versée en application de ces contrats ne constituait pas la contrepartie de services satisfaisant de véritables besoins dans le chef de la Région autonome et que lesdits contrats avaient par ailleurs été conclus par les exploitants aéroportuaires en cause sans la mise en œuvre préalable d’une procédure d’appel d’offres ou d’une procédure équivalente, le Tribunal a commis une erreur de droit.

136 Dès lors, le Tribunal a également commis une erreur de droit en jugeant, au point 150 de l’arrêt T 607/17 et au point 218 de l’arrêt T 8/18, que la Commission avait pu, à juste titre, conclure que le financement que la Région autonome, agissant par l’intermédiaire desdits exploitants aéroportuaires, avait accordé à Volotea et à easyJet, en contrepartie des services de transport, de marketing et de publicité fournis par celles-ci, leur avait conféré un avantage qu’elles n’auraient pas obtenu dans des conditions normales de marché.

137 Il s’ensuit que le premier grief du premier moyen invoqué dans l’affaire C 331/20 P est fondé, de même que les quatre moyens invoqués dans l’affaire C 343/20 P, dans la mesure où ces derniers portent sur l’interprétation, l’applicabilité et l’application en l’espèce du principe de l’opérateur privé en économie de marché.

138 La qualification d’« aide d’État » d’une mesure donnée nécessitant, entre autres conditions cumulatives, de démontrer que cette mesure a conféré un avantage à une ou à plusieurs entreprises, comme cela a été rappelé aux points 102 et 103 du présent arrêt, et les moyens visés au point précédent devant être accueillis, il y a lieu d’annuler l’arrêt T 607/17, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs et moyens invoqués par Volotea à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C 331/20 P, ainsi que l’arrêt T 8/18 en tant qu’il a rejeté le recours d’easyJet comme étant non fondé.

Sur les recours en première instance

139 Lorsque le litige est en état d’être jugé, la Cour peut, en vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, statuer elle-même définitivement sur ce litige.

140 En l’espèce, la Cour estime qu’il convient de statuer définitivement sur les deux présents litiges, qui sont en état d’être jugés dans la mesure où ils ont fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et où ils n’appellent l’adoption d’aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, compte tenu des questions qu’il y a lieu de trancher pour y mettre un terme.

141 Ainsi qu’il a été relevé aux points 35 à 40 du présent arrêt, Volotea a soulevé cinq moyens à l’appui de son recours devant le Tribunal. Pour sa part, easyJet a soulevé six moyens au soutien du sien.

142 Il convient d’examiner en premier lieu, conjointement, les premier et cinquième moyens invoqués par Volotea, qui sont tirés, respectivement, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’un défaut de motivation ainsi que d’une contradiction de motifs, et le deuxième moyen invoqué par easyJet, qui est tiré de la violation de la même disposition.

143 Ces différents moyens ayant trait à la partie de la décision litigieuse dans laquelle la Commission a conclu à l’existence d’un avantage, il convient, à titre liminaire, de constater que, s’agissant de cet avantage, la Commission a tenu, dans cette décision, un raisonnement qui peut être résumé de la façon suivante.

144 Dans un premier temps, elle a estimé, aux considérants 364 à 377 de ladite décision, que les mesures litigieuses devaient être qualifiées de « subventions » dans la mesure où elles prévoyaient la « fourniture » de « fonds » ou de « paiements » par la Région autonome, agissant « par l’intermédiaire » d’exploitants aéroportuaires, à des compagnies aériennes, « en échange de services de marketing » et d’une « augment[ation du] trafic aérien » prenant la forme d’une ouverture de nouvelles liaisons ainsi que d’un renforcement des liaisons existantes, et où, ce faisant, elles dispensaient ces compagnies aériennes d’une partie des coûts que ces dernières devaient normalement supporter pour développer et promouvoir leur activité. Dans ce cadre, la Commission a observé, notamment, qu’il était prévu que les exploitants aéroportuaires concernés concluent, avec lesdites compagnies aériennes, des « accords » stipulant, en « échange » de « compensations financières », des « objectifs en matière de trafic » et d’« expansion des opérations de transport », assortis de « pénalités ».

145 Dans un second temps, la Commission a abordé, aux considérants 378 et 380 à 388 de la décision litigieuse, la question de savoir si les mesures litigieuses étaient « conformes au principe de l’opérateur privé en économie de marché ».

146 À cet égard, premièrement, cette institution a estimé, aux considérants 380 à 386 de la décision litigieuse, que la Région autonome « n’[avait] pas agi vis-à-vis des compagnies aériennes comme un opérateur privé en économie de marché ». Sur ce point, après avoir indiqué que la République italienne n’avait pas tiré argument du principe de l’opérateur privé en économie de marché pendant la procédure administrative, elle a relevé, tout d’abord, que, compte tenu des objectifs de politique publique poursuivis par la Région autonome, du fait que celle-ci ne contrôlait qu’un seul des différents exploitants aéroportuaires concernés et de la circonstance que les mesures litigieuses découlaient d’un régime établi par une autorité publique plutôt que d’un accord individuel liant un exploitant aéroportuaire à une compagnie aérienne, ce principe n’était pas applicable. Ensuite, la Commission a observé, en substance, que, si ledit principe avait été applicable, il aurait impliqué de déterminer, sur la base d’une analyse de rentabilité ou d’une évaluation comparative, si la Région autonome s’était comportée comme un opérateur privé guidé par une perspective de rentabilité, comme cela aurait été le cas en présence de contrats conclus par un exploitant aéroportuaire, avant d’ajouter qu’une telle analyse ou évaluation n’était « pas pertinent[e] en l’espèce ». Enfin, elle a considéré que, en tout état de cause, la République italienne n’avait soumis aucun plan d’exploitation, aucune analyse de rentabilité ni aucun autre élément « montrant clairement » l’existence d’un comportement d’opérateur privé en économie de marché.

147 Deuxièmement, la Commission a exposé, au considérant 386 de la décision litigieuse, qu’aucune procédure d’appel d’offres n’avait été organisée pour sélectionner les compagnies aériennes, les exploitants aéroportuaires ayant uniquement « publié des avis » et « choisi la meilleure offre », avant d’ajouter que le recours à une telle procédure n’aurait cependant « pas pu exclure l’existence d’un avantage » en l’espèce, dès lors que les mesures litigieuses étaient conçues « pour verser des fonds publics en faveur des compagnies aériennes », sans que ces fonds ne correspondent « à une rémunération pour des produits ou des services satisfaisant de véritables besoins de la Région » autonome.

148 Troisièmement, la Commission a estimé, au considérant 387 de la décision litigieuse, que, « [d]ans ces circonstances, il n’[était] pas non plus possible d’évaluer les relations financières individuelles entre les aéroports et les compagnies aériennes » en vue de déterminer si celles-ci étaient conformes au principe de l’opérateur privé en économie de marché et qu’« il [était] clair que les exploitants aéroportuaires n’[avaient] pas agi comme des opérateurs privés en économie de marché lorsqu’ils ont conclu les différents contrats avec les compagnies aériennes », mais qu’ils avaient « mis en œuvre un régime d’aides conçu par la Région [autonome] pour accroître le transport aérien ».

Argumentation des parties

149 Dans le cadre de son deuxième moyen, easyJet soutient, notamment, que la Commission a erré en droit, premièrement, en retenant l’existence de « subventions » avant même d’avoir examiné, à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché, les mesures litigieuses ainsi que les contrats qui ont été conclus par les exploitants aéroportuaires avec les compagnies aériennes aux fins de mettre celles-ci en œuvre. Deuxièmement, elle aurait erronément exclu de mener cet examen au regard de ce principe en se prévalant des « objectifs de politique publique » poursuivis par la Région autonome, de la circonstance que les mesures litigieuses et les contrats mettant celles-ci en œuvre trouvaient prétendument leur source dans un « régime » n’appelant pas de mesures d’application supplémentaires et définissant ses bénéficiaires d’une manière générale et abstraite, du caractère « privé » d’une partie des exploitants aéroportuaires concernés ainsi que du rôle d’« intermédiaire » joué par ces derniers. Troisièmement, cette institution aurait commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation en n’analysant pas de façon correcte et argumentée la rentabilité des mesures litigieuses au vu des différents mécanismes mis en place par celles-ci, en attachant une importance injustifiée à l’absence de recours à une procédure d’appel d’offres et en contestant l’existence d’un besoin véritable de services de transport aérien dans le chef de la Région autonome. Quatrièmement, elle se serait abstenue à tort de déterminer si les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes pouvaient être regardés comme un comportement d’opérateurs économiques ayant agi dans des conditions normales de marché eu égard à l’intérêt commercial et économique des prestations fournies en vertu de ces contrats, au prix payé en contrepartie de celles-ci ainsi qu’aux autres modalités juridiques et pratiques de conclusion et d’exécution desdits contrats. Dans ce contexte, easyJet se réfère, entre autres, aux plans d’activités qui devaient être préparés par les exploitants aéroportuaires, aux exigences de rentabilité qui devaient guider tant ces plans d’activités que les contrats conclus avec les compagnies aériennes, ainsi qu’à la façon dont ces exigences ont été mises en pratique par Geasar et par Sogaer en ce qui la concerne.

150 Pour sa part, Volotea soutient notamment, dans le cadre de ses premier et cinquième moyens, que la Commission a interprété et appliqué le principe de l’opérateur privé en économie de marché de façon erronée, que cette institution ne s’est pas acquittée de la charge de la preuve, qui lui incombait, en ne démontrant pas l’existence d’un avantage à l’aune de ce principe et qu’elle a consacré une motivation insuffisante à ces questions dans la décision litigieuse. Dans ce cadre, Volotea fait valoir, en particulier, que, lorsqu’ils ont conclu des contrats avec des compagnies aériennes, dont elle-même, après avoir publié des appels à manifestation d’intérêt et retenu les offres les plus attractives, Geasar et Sogaer se sont comportés comme des opérateurs privés en économie de marché, d’abord en cherchant à acquérir des services de nature à susciter une augmentation du trafic et de l’attractivité de leur aéroport respectif, ensuite en s’assurant au préalable des perspectives de rentabilité de ces services et, enfin, en contrepartie, en rémunérant leurs cocontractants au juste prix. Volotea avance également que, au lieu de procéder à un examen rigoureux de cette situation à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché, la Commission s’est limitée, en substance, à juxtaposer une série d’affirmations juridiques et factuelles confuses, dépourvues de pertinence ou non étayées, lesquelles n’étaient pas de nature à lui permettre de conclure à l’existence d’un avantage.

Appréciation de la Cour

151 Tout d’abord, il résulte de la jurisprudence citée aux points 107 à 110 du présent arrêt que, pour déterminer si les mesures litigieuses et les contrats par lesquels celles-ci ont été mises en œuvre par Geasar et par Sogaer à l’égard d’easyJet et de Volotea constituaient, pour ces dernières, des avantages, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il incombait à la Commission d’examiner ces mesures ainsi que ces contrats au regard du principe de l’opérateur privé en économie de marché. Par ailleurs, il découle de la jurisprudence citée aux points 105, 106, 117 et 118 de cet arrêt que les objectifs de politique publique poursuivis par la Région autonome et la nature privée des exploitants aéroportuaires en cause ne faisaient pas obstacle à l’applicabilité de ce principe.

152 Ensuite, l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché imposait en l’occurrence à la Commission d’examiner, selon les modalités rappelées aux points 111 à 114 et 125 à 129 du présent arrêt, la question de savoir si la Région autonome, en tant qu’entité publique ayant mis en place les mesures litigieuses, et les exploitants aéroportuaires que la Commission présente comme des « intermédiaires », en tant que parties aux contrats conclus avec les compagnies aériennes, pouvaient être considérés comme ayant agi comme des acquéreurs privés de biens ou de services se trouvant dans une situation comparable, respectivement, en prévoyant la conclusion de contrats de fourniture de services de transport aérien et en concluant de tels contrats.

153 Enfin, ainsi qu’il découle des mêmes points du présent arrêt, cet examen impliquait d’apprécier, de façon globale et concrète, si ces entités avaient cherché, chacune en ce qui la concerne, à acquérir les services concernés dans des conditions normales de marché eu égard, en particulier, à la rationalité d’une telle opération, à ses perspectives prévisibles de rentabilité, à l’intérêt commercial et économique des prestations prévues à cet effet, au prix à payer en contrepartie de celles-ci ainsi qu’aux modalités juridiques et pratiques selon lesquelles les contrats stipulant la fourniture desdites prestations et le paiement dudit prix avaient été conclus.

154 Or, ainsi qu’il ressort des considérants de la décision litigieuse qui sont résumés aux points 145 à 148 du présent arrêt, la Commission a, d’une part, clairement écarté, pour des motifs erronément tirés des objectifs de politique publique poursuivis par la Région autonome, du caractère privé des exploitants aéroportuaires par l’intermédiaire desquels celle-ci a mis en œuvre les mesures litigieuses et de la forme de ces mesures, tant « l’applicabilité » du principe de l’opérateur privé en économie de marché que la « pertinence » et la « possibilité » d’appliquer ce principe aux « relations » entre la Région autonome et les compagnies aériennes ainsi qu’aux « relations financières individuelles » entre celles-ci et les exploitants aéroportuaires, en particulier en vue d’évaluer la rationalité et la rentabilité prévisible des contrats conclus en vue de mettre en œuvre lesdites mesures.

155 D’autre part, s’il est vrai que, en dépit de cette prise de position claire et réitérée, la Commission a formulé, aux considérants 382 et 384 de la décision litigieuse, quelques appréciations qui pourraient être comprises comme une amorce d’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, il convient de constater, premièrement, que ces appréciations ne portent que sur le comportement de la Région autonome elle-même, celui des exploitants aéroportuaires n’étant en revanche à aucun moment examiné au fond. Deuxièmement, lesdites appréciations se concentrent, de toute évidence, sur la question de savoir si la Région autonome s’est comportée comme un investisseur privé cherchant à obtenir des « dividendes », des « gains en capital » ou d’autres « rendements financiers » et non pas sur celle de savoir si elle a agi comme un acquéreur privé de biens ou de services l’aurait fait dans une situation comparable. Troisièmement, la Commission, sur laquelle repose, dans les conditions rappelées aux points 111 et 112 du présent arrêt, la charge de la preuve de l’existence d’un avantage, se limite, dans ces mêmes considérations, pour l’essentiel, à postuler, dans des termes péremptoires, que la Région autonome « ne pouvait s’attendre à aucun rendement » ou autre bénéfice pouvant être pris en compte dans le cadre d’une analyse à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché, avant de reprocher à la République italienne de n’avoir « pas recensé d’éléments de rentabilité » ou, « en tout état de cause », fourni des informations « montrant clairement » que la Région autonome s’était comportée comme un opérateur privé en économie de marché. Quatrièmement, cette institution n’a examiné à aucun moment, de façon approfondie, les éléments dont elle disposait effectivement, comme le soutiennent également à juste titre easyJet et Volotea.

156 Or, il ressort manifestement des dispositions législatives et réglementaires qui sont en cause en l’espèce ainsi que de leurs modalités de mise en œuvre, telles que présentées dans la décision litigieuse (considérants 44 à 46, 71 à 75 et 79 à 84) et résumées aux points 5 à 25 du présent arrêt, que les contrats qui ont été conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes constituent la concrétisation bilatérale de plans d’activité soumis à l’approbation préalable et au contrôle subséquent de la Région autonome, lesquels devaient contenir – et contenaient effectivement, selon la Commission – des données relatives, notamment, aux « initiatives [que] les exploitants aéroportuaires juge[ai]ent réalisables » ainsi qu’aux « prévisions économiques et financières [étayant les] perspectives de rentabilité » des services à fournir, sur lesquelles il incombait à cette institution de se prononcer.

157 Par ailleurs, la décision litigieuse ne fait pas apparaître que la Commission ait fait usage des pouvoirs lui permettant d’obtenir les éléments d’information supplémentaires qui lui paraissaient nécessaires ou utiles, en particulier de son pouvoir d’adresser à la République italienne une injonction tendant à ce que cette dernière les lui fournisse, en vertu de l’article 12, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), circonstance qu’il y a lieu de prendre en considération conformément à la jurisprudence citée au point 112 du présent arrêt.

158 Dès lors, la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en n’appliquant pas le principe de l’opérateur privé en économie de marché en l’espèce ainsi qu’en retenant l’existence d’un avantage sur la base de considérations juridiques et factuelles qui ne sont pas susceptibles de fonder une telle appréciation.

159 Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, les premier et cinquième moyens soulevés par Volotea et le deuxième moyen soulevé par easyJet sont fondés.

160 La démonstration de l’existence d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, constituant l’une des conditions cumulatives nécessaires aux fins de qualifier une mesure donnée d’« aide d’État », au sens de cette même disposition, comme il a été rappelé aux points 102, 103 et 138 du présent arrêt, et les moyens visés au point précédent de cet arrêt devant être accueillis, il y a lieu de faire droit aux recours introduits par Volotea et par easyJet ainsi que, par voie de conséquence, d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle concerne ces deux compagnies aériennes, conformément aux conclusions présentées en première instance par chacune d’entre elles, telles que rappelées aux points 35 et 38 dudit arrêt, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens avancés à l’appui de ces recours.

Sur les dépens

161 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

162 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

163 En l’espèce, la Commission ayant succombé dans les affaires jointes C 331/20 P et C 343/20 P ainsi que dans les affaires T 607/17 et T 8/18, il y a lieu de la condamner aux dépens dans ces quatre affaires, conformément aux conclusions en ce sens de Volotea et d’easyJet.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 mai 2020, Volotea/Commission (T 607/17, EU:T:2020:180), est annulé.

2) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 mai 2020, easyJet Airline/Commission (T 8/18, EU:T:2020:182), est annulé en tant que cette juridiction a rejeté le recours en annulation d’easyJet Airline Co. Ltd comme étant non fondé.

3) La décision (UE) 2017/1861 de la Commission européenne, du 29 juillet 2016, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG), est annulée en tant qu’elle concerne Volotea SA, d’une part, et easyJet Airline Co. Ltd, d’autre part.

4) La Commission européenne est condamnée aux dépens afférents aux procédures de première instance et aux procédures de pourvoi.