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Décisions

Cass. 1re civ., 20 septembre 2017, n° 16-17.738

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Douai, du 17 mars 2016

17 mars 2016


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sirege a pour activité la diffusion et la distribution d'ouvrages à destination de collectivités telles que des bibliothèques, des écoles, des administrations, des comités d'entreprise ou des associations ; que, lui reprochant de ne pas avoir déclaré l'ensemble de ses ventes et de ne pas s'être acquittée de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque, prévue à l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA), organisme de gestion collective en charge de la perception et de la répartition de cette rémunération, l'a assignée en contrefaçon de droits d'auteur ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Sirege fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est redevable du droit de prêt sur le livre et qu'en ne réglant pas ce droit, elle s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, de la condamner à verser à la SOFIA la somme de 379 380 euros, en rémunération du droit de prêt des ouvrages vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015, et de lui ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales, gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 6 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014 jusqu'au prononcé de la décision, alors, selon le moyen, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en affirmant qu' « il appart[enait] à la société Sirege, comme débitrice du droit de prêt, d'établir que certains des livres qu'elle commercialise seraient exclus du champ d'application de la redevance légale », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé que, conformément à l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération au titre du prêt en bibliothèque est due lorsqu'une oeuvre ayant fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre est vendue par un fournisseur à une bibliothèque accueillant du public ; qu'après avoir relevé que la SOFIA avait versé aux débats les déclarations effectuées par les personnes morales gérant les bibliothèques de prêt concernées, ainsi qu'un procès-verbal de constat analysant les factures produites par la société Sirege après injonction du juge de la mise en état, elle a retenu, à bon droit et sans inverser la charge de la preuve, qu'il appartenait à cette dernière, débitrice du droit de prêt, de démontrer que les livres dont la commercialisation était ainsi établie, n'entraient pas dans le champ d'application de la redevance légale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la quatrième branche de ce moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour statuer comme il a été dit, l'arrêt énonce que les livres-CD et livres-DVD commercialisés par la société Sirege « sont composés d'un livre, dont il n'est pas démontré qu'il ne serait pas assujetti à la TVA à taux plein, ce qui les rend précisément éligibles à la redevance légale » ;

Qu'en se déterminant par ces seuls motifs, qui ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur la sixième branche du même moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt statue comme il le fait, sans répondre aux conclusions de la société Sirege qui soutenait que les ouvrages publiés en vertu d'un contrat dit à compte d'auteur devaient être exclus du champ d'application de la redevance légale ;

Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sirege à verser à la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit la somme de 379 380 euros, en rémunération du droit de prêt des ouvrages vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015, et en ce qu'il lui ordonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 6 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014 jusqu'au prononcé de la décision, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.