Cass. 3e civ., 5 avril 2011, n° 10-15.475
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Avocat :
SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 septembre 2009), que Mme X..., propriétaire d'un immeuble comprenant des locaux à usage commercial, a donné ces derniers à bail à la société Carolle T pour l'exploitation d'un commerce de coiffure ; que la locataire, autorisée, a entrepris des travaux d'aménagement des locaux pris à bail, au cours desquels il est apparu que de sérieux désordres affectaient l'immeuble ; que les travaux de réparation de l'immeuble ont retardé les travaux d'aménagement des locaux loués et différé par suite le début de l'exploitation du fonds de commerce ; que la société Carolle T a assigné la bailleresse en réparation de son préjudice économique ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le bailleur n'est pas tenu d'indemniser le preneur des vices apparents de l'immeuble, que ce dernier connaissait ou aurait dû connaître ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la bailleresse était tenue d'indemniser la preneuse dès lors que cette dernière n'était pas locataire du premier étage et n'avait donc pas suspecté les désordres avant la dépose du faux plafond (postérieure à la conclusion du bail) ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, comme le soutenait la bailleresse, la preneuse n'avait pas eu tout le loisir d'inspecter l'ensemble de l'immeuble et d'en constater l'état véritable, antérieurement à la conclusion du bail, de sorte qu'elle connaissait ou aurait dû connaître le vice à l'origine du dommage allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1721 du code civil ;
2°/ que le bailleur n'est pas tenu d'indemniser le preneur des vices cachés de l'immeuble lorsque ces vices procèdent d'un cas de force majeure ; que la vétusté est constitutive d'un cas de force majeure lorsqu'elle ne résulte pas d'un défaut d'entretien ou d'une négligence ; qu'en l'espèce, les conclusions de l'expert, auxquelles s'est référée la cour d'appel pour écarter l'existence d'un cas de force majeure, ont relevé la vétusté de l'immeuble et stigmatisé tantôt un défaut d'entretien, tantôt le grand âge de l'immeuble, mais sans expliquer précisément quel désordre avait été causé par un défaut d'entretien et quel désordre s'expliquait uniquement par l'ancienneté de l'immeuble ; qu'en s'abstenant dès lors de caractériser que les vices précis qui étaient à l'origine du dommage allégué (désordres affectant deux poutres) étaient dus à un défaut d'entretien et non au grand âge de l'immeuble, seul motif qui aurait permis d'écarter la vétusté constitutive d'un cas de force majeure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1148 et 1721 du code civil ;
3°/ que les dommages-intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir ses obligations ; qu'en l'espèce, la bailleresse expliquait qu'elle avait fait réaliser les travaux nécessités par son obligation de garantie des vices cachés dès la demande conservatoire en ce sens émanant de l'expert, alors même qu'il ne lui avait jamais été notifié d'avoir à les réaliser dans un certain délai, et notamment que ne lui avait jamais été notifiée la date à laquelle la preneuse prévoyait d'ouvrir son commerce ; qu'en condamnant pourtant la bailleresse à payer des dommages-intérêts à la preneuse au titre de l'ouverture tardive de son salon de coiffure, sans constater que la bailleresse avait été mise en demeure de procéder aux travaux nécessaires à la reprise des désordres et qu'elle avait alors refusé de s'exécuter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1146 et 1721 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la locataire ne pouvait, lors de l'entrée dans les lieux, suspecter l'état de l'immeuble, lequel n'était apparent qu'au premier étage, non compris dans l'assiette du bail, et que ces vices cachés de l'immeuble ne résultaient pas d'un cas fortuit ou d'une force majeure mais d'un défaut d'entretien, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui en a déduit à bon droit que la bailleresse devait garantir la locataire de ces vices cachés existant au jour de la signature du bail, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.