CA Limoges, ch. civ., 4 avril 2013, n° 12/01175
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Prodreos (SCI)
Défendeur :
Librairie Marbot (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jean
Conseillers :
M. Baluze, M. Pugnet
Avocats :
Me Pécaud, Me Bahougne, SELARL Dauriac-Coudamy-Cibot, Me Bénichou
Faits, procédure :
Par acte du 23 janvier 2008 la SCI PRODREOS a donné en location à la SAS LIBRAIRIE MARBOT des locaux à usage commercial dans un immeuble en construction moyennant un loyer annuel HT de 225 000 euros.
Saisi par la SAS locataire qui se plaignait de dégâts des eaux et de retards dans la réalisation des travaux, par ordonnance du 25 juin 2009 le juge des référés a ordonné la réalisation d'une expertise confiée à M. VIALARET, a autorisé la SAS LIBRAIRIE MARBOT à suspendre le paiement des loyers à compter du 1er juillet 2009 à concurrence d'un tiers jusqu'à la réalisation des travaux mettant définitivement fin aux infiltrations d'eau, et a dit qu'elle devrait consigner le tiers du montant du loyer, tous les mois, sur le compte CARPA de son avocat.
Par acte du 24 mai 2012 la SCI PRODREOS a fait assigner la SAS LIBRAIRIE MARBOT aux fins de faire constater, la disparition des désordres au 6 avril 2011 pour le désordre n° 1 et le 13 mai 2011 pour le désordre n° 2, que la locataire n'avait pas respecté la clause de renonciation à recours d'une part et d'autre part qu'elle avait perçu des indemnisations directement de ses assureurs sur les désordres dont elle demandait aujourd'hui réparation, et de condamner la librairie MARBOT au paiement du loyer intégral, à compter, à tout le moins, du 6 avril 2011.
Par ordonnance du 20 septembre 2012 le juge des référés au Tribunal de Grande Instance de Brive a, principalement, débouté la SCI PRODREOS de l'ensemble de ses demandes aux motifs que le rapport de l'expert judiciaire n'était pas encore déposé et que, hormis le désordre n° 1 qui semblait réglé, la SCI n'avait pas justifié qu'elle avait fait réaliser les travaux de réfection préconisés par l'expert pour mettre fin aux désordres n° 2 et 3 ni aux inondations survenues au cours de l'été 2012, ce qui révélait son manquement à ses obligations de bailleur ;
Par ailleurs le premier juge a constaté que les stipulations du bail selon lesquelles les parties et leurs assureurs renonçaient à tout recours qu'ils seraient en droit d'exercer étaient relatives à un risque ne mentionnant pas les désordres relevant de la construction d'un immeuble, et a estimé que la consignation des loyers était justifiée par la nécessité d'inciter le bailleur à faire réaliser rapidement les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres et qu'enfin, eu égard à l'impossibilité d'utiliser les locaux loués dans des conditions normales le locataire était en droit de solliciter une diminution des loyers.
Vu l'appel interjeté le 10 octobre 2012 par la SCI PRODREOS ;
Vu les conclusions transmises au greffe par courriel le 19 novembre 2012 pour la société PRODREOS laquelle demande principalement à la Cour de :
Constater à la lecture du pré-rapport d'expertise n° 2 du 29 juin 2011 et la note aux parties n° 5 de l'expert en date du 24 avril 2012, la disparition des désordres au 6 avril 2011 pour le désordre n° 1 et 13 mai 2011 pour le désordre n° 2 ,
Constater l'importance de la somme séquestrée et l'urgence d'ordonner la reprise du paiement intégral du loyer,
Constater que la LIBRAIRIE MARBOT d'une part n'a pas respecté la clause de renonciation à recours et d'autre part a perçu des indemnisations directement de ses assureurs sur des désordres dont elle demande aujourd'hui réparation,
Constater que la LIBRAIRIE MARBOT retient le règlement de 30 720,21 euros au titre de la taxe foncière exigible depuis le 1er octobre 2012,
Ordonner à la LIBRAIRIE MARBOT le paiement intégral du loyer à tout le moins à compter du 6 avril 2011 ;
Vu les conclusions transmises au greffe par courriel le 3 janvier 2013 pour la SAS LIBRAIRIE MARBOT laquelle demande pour l'essentiel, à la Cour de confirmer l'ordonnance déférée ;
Discussion :
Attendu que dans son ordonnance rendue le 25 juin 2009 le juge des référés, saisi dans le cadre d'un litige relatif à des dégâts des eaux survenus depuis le mois de mars 2008 dans des locaux à usage commercial dans un immeuble en construction donné en location par la SCI PRODREOS à la SAS LIBRAIRIE MARBOT, a suspendu le paiement des loyers à concurrence d'un tiers jusqu'à la réalisation des travaux mettant définitivement fin aux infiltrations d'eau ;
Attendu qu'en cause d'appel est versé aux débats le rapport d'expertise judiciaire rédigé le 31 août 2012 par l'Architecte DPLG Gérard VIALARET qui avait été désigné par cette même juridiction aux fins de déterminer l'origine des différents dégâts des eaux survenus depuis le mois de mars 2008 dans ces locaux ;
Attendu qu'il résulte de ce rapport d'expertise que le désordre n° 1 relatif à une venue d'eau en plafond de la librairie au rez-de-chaussée dans la zone des caisses et qui résulte d'un défaut de traitement du joint de construction et de l'extrême vétusté du mur façade n° 2 n'a pas fait l'objet des travaux prévus de réfection d'enduit sur une surface donnée et de réfection des raccordements des maçonneries verticales et de couverture en tôle ;
Attendu que la constatation ultérieure de l'expert selon laquelle ces travaux de réfection, bien que mal réalisés, ont produit des effets positifs car il n'y a plus de venue d'eau en plafond de la librairie dans la zone des caisses, ne fait pas disparaître l'absence de réalisation de certains travaux de réfection qui avaient été prévus et étaient nécessaires selon l'expert ;
Attendu, s'agissant du désordre n° 2 relatif à une venue d'eau en plafond R-1 sous la terrasse Ouest du rez-de-chaussée, que les travaux de reprise qui devaient consister en la réfection à neuf de cette terrasse et qui devaient être réalisés pour le 2 mars 2011, étaient à peine commencés le 6 avril 2011 date de la 7ème visite des lieux par l'expert et qu'au jour de la rédaction de son rapport, le 31 août 2012, ce dernier mentionnait que la SCI PRODREOS devait encore fournir les factures éventuellement réglées aux entreprises SALLERON et SNPTP ;
Qu'à ce jour la copie de ces factures de travaux n'est toujours pas communiquée ce qui ne permet pas à la SCI PRODREOS de démontrer qu'elle a réalisé les travaux mettant définitivement fin aux infiltrations d'eau comme l'exigeait l'ordonnance de référé ;
Attendu, s'agissant du désordre n° 3 relatif à une venue d'eau en pied de gaine qui se révèle sous la forme d'une fuite au niveau du rez-de-chaussée du magasin, très légèrement à l'avant des caisses, que l'expert s'interroge toujours le 31 août 2012 sur la réalisation des travaux de réfection qu'il avait décrits dès le 10 novembre 2010 dans son pré-rapport et qui devaient être commandés à l'entreprise qui gère les appareils de climatisation et de traitement d'air sur la terrasse ;
Qu'à ce jour la SCI PRODREOS se contente d'affirmer que ce désordre n'existe plus ou pas mais n'allègue même pas en cause d'appel avoir réalisé les travaux préconisés par l'expert pour y remédier définitivement, lequel désordre, quoique peu important, rend l'ouvrage impropre à sa destination ;
Attendu, s'agissant du désordre n° 4 relatif à de petites venues d'eau au sous-sol apparues postérieurement à la date de réalisation des travaux de réfection de la terrasse, que l'expert s'interroge sur son origine et n'évoque une intervention que dans l'hypothèse de l'existence de nouvelles pénétrations d'eau lesquelles ne sont pas avérées à l'heure actuelle ce qui amène à considérer que la SCI PRODREOS n'est pas débitrice d'une obligation de réalisation de travaux ;
Attendu enfin que le désordre n° 5 est relatif à d'importantes venues d'eau constatées par constats d'huissier dressés les 24 août 2011, 4 et 11 juin 2012 dans le local informatique puis la zone ouest du sous-sol, dont l'expert a précisé que les deux premières ne peuvent avoir pour origine qu'un défaut d'étanchéité de l'escalier qui couvre le local alors que la dernière, située en plafond sous-sol, survenue en présence de fortes sollicitations, trouve son origine dans le sous-dimensionnement du réseau d'évacuation des eaux pluviales lorsque la sollicitation maximum prévue par la norme est atteinte, ce qui exonère la LIBRAIRIE MARBOT de toute responsabilité ;
Attendu que l'expert précise (page 30) que le jour d'établissement de son rapport le local n'est toujours pas parfaitement hors d'eau puisque les risques d'inondation du sous-sol existent chaque fois que des précipitations très importantes interviennent et que ce risque ne cessera que lorsque les travaux de réfection qu'il a proposés auront été réalisés ;
Attendu que l'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas utilement combattus par le rapport amiable non contradictoire diligenté à la demande de l'assureur de la SCI PRODREOS, révèle que cette dernière ne justifie toujours pas avoir réalisé les travaux mettant définitivement fin aux infiltrations d'eau, lesquels doivent être intégralement réalisés indépendamment de la survenance de nouvelles infiltrations ;
Que c'est de manière injustifiée que la SCI PRODREOS invoque les difficultés que lui cause l'absence de perception d'une partie des loyers alors qu'il lui appartenait d'exécuter la décision du juge des référés en réalisant la totalité des travaux préconisés par l'expert et en le justifiant ;
Qu'au surplus le montant des sommes séquestrées, qui s'élevait à 319 591,59 euros au 31 décembre 20012, n'apparaît pas exorbitant compte tenu compte tenu du préjudice économique subi par la LIBRAIRIE MARBOT, valorisée par elle à la somme de 1 188 579 euros dans un dire à expert, et qui a perduré postérieurement au 10 mai 2011, date retenue par le sapiteur pour l'évaluer à la somme de 130 730 euros mais sans prendre en considération les six nouvelles venues d'eau dont l'inondation du 4 juin 2012, ce qui porterait à 44 le nombre de dégâts des eaux survenus depuis le mois de mars 2008 ;
Que la nature de ce préjudice économique n’apparaisse pas eue été indemnisé par l'assureur de la LIBRAIRIE MARBOT alors qu'au surplus l'indemnisation reçue par elle d'un montant de 34 967 euros ne concerne que l'un des désordres (peinture de la salle d'exposition et remplacement du faux plafond et du stock) ;
Que la librairie MARBOT justifie avoir réglé par deux chèques de 15.000 € et 15.720,21 € la taxe foncière 2012 au terme du délai de paiement sollicité fixé au 15 décembre 2012 ;
Que c'est par ailleurs par de justes motifs, après avoir relevé que la clause de renonciation à recours invoquée par la SCI PRODREOS n'exonérait pas expressément le promoteur et/ou le bailleur de son obligation de garantie des vices cachés rendant l'immeuble impropre à l'usage auquel il est destiné, et que la consignation des loyers était notamment destinée à inciter le bailleur à faire réaliser rapidement les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres, que le premier juge, a débouté la SCI PRODREOS de l'ensemble de ses demandes ;
Qu'il y a lieu de confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance déférée et de débouter la SCI PRODREOS de toutes ses demandes ;
Que l'équité justifie de condamner la SCI PRODREOS à verser à la SAS LIBRAIRIE MARBOT une indemnité de 3 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré ;
CONFIRME dans toutes ses dispositions l'Ordonnance de référé entreprise rendue le 20 septembre 2012 ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE la SCI PRODREOS aux dépens de la procédure d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la SCI PRODREOS à verser à la SAS LIBRAIRIE MARBOT une somme de 3 000 euros.