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Décisions

Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-11.650

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Colmar, du 19 nov. 2009

19 novembre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société N Schlumberger SA bénéficiait d'une ouverture de crédit en compte courant consentie par la société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine, aux droits de laquelle vient la société Banque CIC Est (la banque) ; que le 23 mai 2005, la société N Schlumberger SA, devenue la société NSC Florival, a conclu avec la société MTF, devenue la société N Schlumberger SAS, une convention ayant pour objet l'apport partiel, par la société NSC Florival, de sa branche d'activité de conception, fabrication et commercialisation de machines textiles à la société N Schlumberger SAS ; que l'opération, placée sous le régime juridique des scissions, a été réalisée définitivement le 29 juin 2005, sa date d'effet étant rétroactivement fixée au 31 décembre 2004 ; que la société N Schlumberger SAS ayant bénéficié d'une procédure de sauvegarde ouverte le 7 février 2006, la banque a demandé que la société NSC Florival soit condamnée à lui payer le montant du solde débiteur du compte ouvert au nom de la société N Schlumberger SA ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société NSC Florival fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la banque la somme de 1 916 276 euros majorée des intérêts de retard au taux Euribor trois mois + 0, 70 % depuis le 4 avril 2007, alors, selon le moyen :

1°/ que conformément à l'article L. 236-22 du code de commerce, la convention d'apport partiel d'actif par laquelle une partie cède à un tiers une branche d'activité peut comporter l'accord des parties de soumettre l'opération aux dispositions des articles L. 236-16 et suivants du code de commerce, soit au régime des scissions, et elle emporte de plein droit transmission universelle, de la société apporteuse à la société bénéficiaire, de tous les droits, biens et obligations dépendant de la branche autonome d'activité faisant l'objet de l'apport, sauf dans le cas où l'élément d'actif ou de passif est étranger à la branche d'activité cédée ; qu'en énonçant, pour décider que la société NSC Florival devait payer à la banque le montant du solde débiteur du compte courant ouvert dans les livres de la banque et transmis, par la convention d'apport partiel d'actif, à la société N Schlumberger, que la convention de crédit avait été conclue intuitu personae et ne pouvait pas être, en conséquence, l'objet d'une transmission sans accord de la banque, la cour d'appel a limité, à tort, les effets de la convention, le caractère intuitu personae de l'ouverture de crédit en compte courant ne pouvant avoir pour effet que son extinction puis la transmission du solde arrêté à la société bénéficiaire, par la volonté expresse des parties ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ que, conformément à l'article L. 236-14 du code de commerce, la société bénéficiaire est débitrice des créanciers non obligataires de la société apporteuse aux lieu et place de celle-ci, ces derniers pouvant former opposition à ce projet, une fois effectuée la publicité du projet d'apport ; qu'en l'espèce, la banque a été informée des projets d'apport partiel d'actif et la convention prévoyant tant la transmission universelle de l'actif et du passif, stipulant expressément la transmission des emprunts et dettes auprès des établissements de crédit et des découverts bancaires que le défaut de solidarité entre les deux sociétés, lui a été transmise après avoir été publiée le 23 mai 2005 ; qu'à défaut d'opposition au projet et de clôture des comptes ouverts à la date d'effet de la convention, le 31 décembre 2004, par la saisine du juge, la banque était sans droit à rechercher le paiement du solde débiteur du compte courant auprès de la société NSC Florival, société apporteuse, sans tenir compte de la transmission du découvert telle que prévue par les parties, dans la convention publiée ; qu'en condamnant néanmoins la société NSC Florival au paiement du découvert bancaire arrêté au 4 avril 2007, soit après la date de l'opération d'apport partiel d'actif prenant effet le 31 décembre 2004 et publiée le 29 mai 2005, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

3°/ que la cour d'appel, qui a relevé que, par un courrier du 19 juillet 2005, la banque avait demandé à la société N Schlumberger de lui communiquer copie de la convention d'apport partiel d'actif du 23 mai 2005 ainsi que les extraits K bis pour procéder aux " changements tant juridiques que comptables dans ces deux dossiers " et que ces documents avaient été adressés à la banque le 22 août 2005, constatations d'où il résultait que la banque avait été informée personnellement, à nouveau après la publication, de la convention d'apport partiel d'actif formée entre les parties, de ses clauses relatives à la transmission des découverts bancaires à la société bénéficiaire et du défaut de solidarité entre les deux parties, mais qui n'en a pas déduit que la banque qui n'avait pas fait opposition au projet d'apport partiel d'actif, avait déclaré procéder aux modifications liées à l'exécution de la convention, qui n'avait ni procédé à la clôture du compte ouvert au nom de la société apporteuse ni alors demandé le paiement du solde débiteur du compte, avait, par son comportement, manifesté son accord à la transmission des découverts bancaires expressément prévue par la convention et qui a décidé que la société NSC Florival devait acquitter le solde débiteur du compte courant de la société N Schlumberger, clôturé le 4 avril 2007, la date d'effet de la convention d'apport partiel d'actif étant le 31 décembre 2004, a, en statuant ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la convention de crédit, qui est conclue en considération de la personne de l'emprunteur, ne pouvait être transmise sans l'accord de la banque créancière, et souverainement estimé que la banque n'avait pas donné son accord à la transmission de ladite convention, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la société NSC Florival devait répondre de la dette litigieuse, peu important à cet égard que la banque n'ait pas fait opposition à l'opération ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société NSC Florival fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que conformément à l'article 1907 du code civil, en matière de prêt d'argent et spécialement d'ouverture de crédit en compte courant, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit, à peine de nullité, la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte indiquant le taux variable pratiqué par la banque ne suffisant pas à retenir l'acceptation par le client du taux pratiqué, à défaut d'information par la banque délivrée au préalable à son client ; que la cour d'appel qui a relevé que le taux des agios appliqué à l'ouverture de crédit en compte courant consentie par la banque n'avait pas fait l'objet d'un accord écrit préalable mais qui a considéré que la réception, par la société N Schlumberger SAS, ex MTF, sans protestation ni réserve des relevés de compte mentionnant le taux pratiqué valait acceptation du client a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée ;

2°/ que conformément à l'article 1165 du code civil, une convention, a fortiori tacite, n'a d'effets qu'entre les parties et ne peut nuire au tiers ; qu'à supposer que la société N Schlumberger ait accepté le taux conventionnel pratiqué par sa banque pour l'ouverture tacite d'un crédit en compte courant et que la société N Schlumberger SAS ait ensuite reçu les relevés de compte sans émettre de protestation ni de réserves, ces actes qui formeraient une convention ne pouvaient pas être opposés à la société NSC Florival qui ne les avait ni accomplis ni ratifiés, faute d'en avoir eu connaissance et qui, en conséquence, était un tiers à cet éventuel accord ; qu'en le décidant néanmoins pour condamner la société NSC Florival au paiement des intérêts du solde débiteur du compte courant au taux conventionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ que dans ses conclusions, la société NSC Florival a fait valoir que la banque avait adressé les relevés de compte afférents au compte dont elle avait demandé le paiement du solde à la société N Schlumberger, y compris après le 21 juillet 2005, date à laquelle la banque avait reçu la convention d'apport partiel d'actif et déclaré procéder aux modifications juridiques et comptables dans les dossiers MTF-N Schlumberger et NSC Florival ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen d'où il résultait que la société NSC Florival n'avait pas même eu la faculté de confirmer une convention formée avec un tiers, à défaut d'avoir elle-même reçu les relevés de compte, la cour d'appel qui a néanmoins condamné la société NSC Florival au paiement des intérêts au taux conventionnels a, en statuant ainsi, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'il n'est pas contesté que la banque appliquait le taux litigieux antérieurement à l'apport partiel d'actif, que l'examen des tickets d'agios, au pied desquels a été porté le TEG, le confirme et que la société N Schlumberger SA n'a jamais émis la moindre protestation à la réception des relevés de compte, la cour d'appel a pu en déduire que ce taux avait été accepté par cette société ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la société N Schlumberger SA avait modifié sa dénomination pour devenir la société NSC Florival, ce dont il résulte que celle-ci était partie à la convention conclue par elle sous son ancienne dénomination, c'est à bon droit et sans avoir à répondre à l'argumentation inopérante visée par la troisième branche que la cour d'appel a retenu que cette société était tenue par ladite convention ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 11147 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société NSC Florival, l'arrêt retient que si, en raison du caractère intuitu personae de la dette, la société N Schlumberger SAS ne s'est pas substituée passivement à la société NSC Florival vis-à-vis de la banque, il résulte de la convention qu'elle est, dans ses rapports avec la société NSC Florival, devenue débitrice, aux lieu et place de la société apporteuse, des dettes de cette dernière qu'elle prend en charge sans qu'il en résulte novation à l'égard des créanciers, que la dette litigieuse dépendant de la branche d'activité cédée, la société N Schlumberger SAS répond du solde mis à la charge de la société NSC Florival et que celle-ci conservant la faculté de se retourner contre la société bénéficiaire de l'apport en dépit de l'absence de déclaration de créance dans le cadre de la procédure de sauvegarde, elle ne subit aucun préjudice en relation certaine et actuelle avec les négligences de la banque ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que la victime d'une faute dispose d'une action contre un tiers n'exclut pas qu'elle subisse un préjudice actuel et certain en relation avec la faute constatée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, pour condamner la société NSC Florival à payer à la société Banque CIC Est la somme de 1 916 276, 39 euros majorée des intérêts de retard au taux Euribor 3 mois + 0, 70 %, il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société NSC Florival contre la société Banque CIC Est, l'arrêt rendu le 19 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.