CA Angers, ch. com., 16 septembre 2008, n° 07/00895
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Sphenoidia (Sté), Kin'esthesys (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Ferrari
Conseillers :
Mme Lourmet, Mme Breton
Avoués :
SCP Chatteleyn et George, SCP Gontier-Langlois, SCP Dufourgburg-Guillot
Avocats :
Me Pavet, Me Laferrerie, Me Leroy, Me Chatteleyn
X, masseur-kinésithérapeute, a constitué avec d'autres praticiens exerçant une profession libérale, diverses sociétés civiles de moyens :
- en 1994, la SCM Sphénoidia à Allonnes
- en 1998, la SCM Myosotis à Allonnes
- et en 2002 la SCM Kin'esthesys au Mans
De graves dissensions entre les associés sont survenues.
Les procès-verbaux des assemblées générales extraordinaires, tenue les 19, 20 juin et 7 juillet 2003, ont constaté la dissolution anticipée des 3 sociétés civiles de moyens par "demande simultanée de retrait de tous les associés". La société Fiducial expertise a été désignée en qualité de liquidateur amiable.
Invoquant le blocage des opérations de dissolution amiable provoqué par des désaccords sur les comptes, X, qui s'estime créancier de ses ex-associés, a, en janvier 2006, fait assigner 4 d'entre eux sur le fondement de l'article 1844-7, 4° et 5° du Code civil, pour obtenir la désignation d'un liquidateur amiable avec mission de procéder aux opérations de liquidation et, subsidiairement, pour que soit prononcée la dissolution judiciaire anticipée.
Puis il a fait assigner aux mêmes fins les 3 sociétés civiles de moyens.
Le tribunal de grande instance du Mans, par jugement réputé contradictoire du 27 mars 2007, a :
-"constaté la nullité des dissolutions" des 3 sociétés civiles de moyens, prononcées en assemblée générale extraordinaire les 19 juin 2003 (SCM Sphénoidia), 20 juin 2003 (SCM Kinesthesis) et 7 juillet 2003 (SCM Myosotis), sans que le quorum ou la majorité requise ait été atteint,
- dit nulles les assemblées générales extraordinaires de la SNC Myosotis tenues les 1ers aoûts et 16 septembre 2003 sans avoir respecté les délais de convocation ou en l'absence de convocation,
- débouté X, tenu pour responsable de la mésentente, de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.
LA COUR
Vu l'appel formé contre ce jugement par X ;
Vu les dernières conclusions n° 4, du 27 mai 2008, par lesquelles l'appelant, poursuivant l'annulation subsidiairement l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de :
- désigner un mandataire liquidateur amiable
- au besoin prononcer la dissolution anticipée des 3 sociétés,
- et condamner les 4 associés intimés à deux indemnités de procédure,
Vu les dernières conclusions du 15 janvier 2008, par lesquelles Marie-Christine Le L.-F., intimée, sollicite la confirmation de la décision et une indemnité de procédure et, subsidiairement, demande que la mission du mandataire soit encadrée ;
Vu les dernières conclusions du 7 février 2008, par lesquelles Emmanuel F., intimé, sollicite la confirmation de la décision et une indemnité de procédure ;
Vu les dernières conclusions du 15 avril 2008, par lesquelles les époux B., intimés, sollicitent la confirmation de la décision et une indemnité de procédure ;
Vu les assignations délivrées le 15 novembre 2007aux 3 sociétés civiles de moyens, prises en la personne de leur liquidateur, et remises à l'étude de l'huissier ;
Vu l'ordonnance de clôture du 28 mai 2005 ;
SUR CE,
Sur la demande de rejet des conclusions de dernières heures présentée par les 4 intimés constitués
Attendu que les parties ont été avisées le 10 avril 2008 que l'affaire serait plaidée à l'audience du 10 juin et l'instruction clôturée le 14 mai ;
Attendu que, sur la demande présentée le 6 mai pour les époux B., intimés, qui avaient conclu le 15 avril, l'ordonnance de clôture a été reportée le 28 mai ;
Attendu que l'appelant X a déposé un 4ème jeu de conclusions (intitulées conclusions n°2) le 27 mai, en réponse à celles de autres parties ; qu'il a produit ce jour-là 20 pièces nouvelles, s'ajoutant aux 191 déjà versées par lui au dossier ;
Attendu que les 4 intimés constitués ont demandé un nouveau report de l'ordonnance de clôture pour répliquer à leur tour aux dernières conclusions de l'appelant et, en conséquence, le renvoi de l'affaire à une date d'audience ultérieure ; que cette demande a été écartée par le magistrat de la mise en état ; que les intimés demandent en conséquence le rejet des conclusions prises par X à la veille de l'ordonnance de clôture ;
Attendu que les dernières conclusions de l'appelant ne contiennent, par rapport aux conclusions n°3 du 14 décembre 2007, aucune demande nouvelle ni aucun moyen nouveau ; qu'elles se bornent à apporter une réplique aux griefs formulés par les autres parties contre X, s'agissant de ses choix procéduraux et de son comportement ;
Qu'elles ne nécessitent aucune réponse, de sorte que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ; que les pièces nouvelles produites in extremis ne sont d'aucune utilité au débat et sont connues des associés ; que la demande de rejet sera donc écartée ;
Sur la demande en nullité du jugement
Attendu que l'appelant poursuit l'annulation du jugement qui aurait méconnu les limites du litige en statuant sur la régularité des délibérations prononçant la dissolution anticipée des sociétés civiles de moyens, alors que, selon lui, les parties ne l'avaient pas demandé ;
Attendu qu'il ressort cependant des énonciations du jugement que Marie-Christine Le L.-F., associée de la SNC Myosotis, a demandé au tribunal d'annuler les assemblées générales extraordinaires de cette SNC, tenues les 7 juillet, 1er août et 16 septembre 2003 ; que l'appelant ne produit pas les conclusions de première instance susceptibles de contredire ces énonciations du jugement ;
Attendu que, par ailleurs, le premier juge, saisi par X d'une demande en désignation d'un liquidateur amiable en conséquence des dissolutions anticipées constatées en assemblée générale extraordinaire, s'est borné, pour rejeter cette demande, à constater 'la nullité des dissolutions' ; que ce faisant, il n'a pas excédé ses pouvoirs ;
Attendu que la demande de l'appelant, qui est de surcroît sans intérêt à poursuivre l'annulation du jugement en raison de l'effet dévolutif de l'appel, doit en conséquence être débouté de sa demande ;
Sur la demande en désignation d'un liquidateur amiable
Attendu l'examen de la demande de désignation d'un liquidateur amiable pour procéder aux opérations de liquidation et aux comptes entre les parties, suppose nécessairement que la dissolution des sociétés soit régulièrement acquise ;
Attendu qu'X soutient que la dissolution anticipée des SCM ne procède pas d'une décision des associés, à la suite d'un vote, mais résulte de plein droit, conformément aux statuts, des demandes simultanées de retrait de l'ensemble des associés ; qu'il en déduit que la question de la réunion du quorum aux assemblées générales extraordinaires ne se pose pas ;
Attendu que les statuts de chaque SCM prévoient en effet que la dissolution peut résulter de la demande simultanée de retrait de tous les associés (article 27 ou 30 selon les statuts) ;
Attendu que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de chacune des SCM se fonde ainsi sur cette disposition des statuts pour constater la dissolution de plein droit de la société ;
Attendu que, cependant, l'exercice du droit de retrait est régi par les statuts et qu'il est contesté et non justifié par l'appelant que tous les associés, et pas seulement ceux attraits à la présente instance, ont formé une demande simultanée de retrait dans les conditions statutaires ; qu'X n'établit donc pas l'existence de la cause de dissolution statutaire visée dans les procès-verbaux d'assemblée ;
Attendu qu'ainsi, le constat de la dissolution de plein droit opéré par les assemblées générales extraordinaires est de nul effet, alors qu'il est constant qu'elles ne pouvaient pas valablement délibérer sur la dissolution faute de quorum ;
Attendu que, par voie de conséquence, il ne peut pas être fait droit sur cette base à la demande de désignation d'un liquidateur amiable ;
Sur l'annulation des assemblées générales extraordinaires de la SNC Myosotis des 1ers aoûts et 16 septembre 2003
Attendu que Marie-Christine F.-Le L., associée de la SNC Myosotis, a été convoquée à l'assemblée générale extraordinaire du 1er août 2003, par une lettre recommandée datée du 17 juillet ;
Attendu que le délai de convocation de 15 jours prévu à l'article 21 des statuts n'a pas été respecté ;
Attendu qu'il n'en est cependant résulté aucun grief, dès lors que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juillet, l'assemblée générale extraordinaire prévue le 1er août a été reportée au 16 septembre en raison de l'indisponibilité prévisible des associés ; que cette même lettre distribuée à l'intéressée le 31 juillet valait expressément nouvelle convocation pour l'assemblée générale extraordinaire du 16 septembre ; qu'aucune délibération n'a eu lieu le 1er août, l'assemblée générale s'étant bornée à constater les absences et reporter la séance conformément à ce qui avait été prévu ;
Attendu que c'est donc à tort que, sur sa demande, le premier juge a annulé les deux assemblées générales pour convocation tardive ou défaut de convocation ;
Sur la demande tendant au prononcé judiciaire de la dissolution anticipée
Attendu que l'action en dissolution de société, ouverte aux associés par l'article 1844-7, 5°, du Code civil, qui doit être exercée contre la société concernée, n'exige pas d'attraire à la cause tous les associés en sus de ceux concernés par la mésentente ; que la contestation de sa recevabilité par les intimés n'est donc pas fondée ;
Attendu que les multiples échanges de lettres entre les parties, comme les plaintes déposées par X (ses pièces 84 à 86) et les accusations formées réciproquement les uns contre les autres témoignent de la mésentente profonde et persistante qui s'est installée entre les associés intéressés à la présente procédure et démontrent la disparition de leur volonté de collaboration commune ;
Attendu que les dissentiments entre associés conduisent à une contestation systématique de la gestion et à une paralysie du fonctionnement des organes sociaux de nature à compromettre la bonne marche des sociétés civiles de moyens ;
Attendu que les éléments de preuve apportés de part et d'autre ne permettent pas de déterminer à quelle personne est imputable cette situation ; que la responsabilité ne peut en incomber à X du seul fait des irrégularités certaines qu'il a commises lors de la tenue des assemblées générales ; que l'appelant justifie ainsi d'un juste motif de dissolution anticipée des sociétés civiles de moyens et que le jugement qui a rejeté sa demande sera réformé ;
~~
Attendu que, aucune des parties n'obtenant totalement gain de cause, les dépens de première instance comme d'appel seront compensés, chacune des parties conservant la charge de ceux qu'elle a exposés ;
Qu'il n'y a lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ni en première instance, ni en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par défaut,
Confirme le jugement déféré, mais seulement en ce qu'il a annulé la dissolution des sociétés constatées par les assemblées générales extraordinaires du 19 juin 2003 pour la SCM Sphénoidia, du 20 juin 2003 pour la SCM Kin'esthesis et du 7 juillet 2003 pour la SCM Myosotis ;
Le réformant en toutes ses autres dispositions,
Déboute Marie-Christine F.-Le L. de sa demande en annulation des assemblées générales extraordinaires tenues par la SCM Myosotis les 1ers aoûts et 16 septembre 2003 ;
Prononce la dissolution des sociétés civiles de moyens Sphénoidia, Kin'esthesis et Myosotis ;
Désigne en qualité de liquidateur, pour procéder aux opérations de liquidation :
Monsieur Bernard Di M. demeurant [...].
Dit que les opérations devront être menées distinctement pour chacune des sociétés ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande,
Dit que chacune des parties supportera les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.