Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-41.496
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chagny
Sur le moyen unique relevé d'office, après avis donné aux parties :
Vu les articles L. 621-125 du Code de commerce et 78 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur un relevé des créances résultant du contrat de travail établi par le représentant des créanciers peut saisir, à peine de forclusion, le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de la publicité dudit relevé ; qu'aux termes du second texte, le représentant des créanciers informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, lui indique la date du dépôt du relevé des créances au greffe et lui rappelle que le délai de forclusion prévu par l'article L. 621-125 du Code de commerce, court à compter de la publication du relevé ; qu'il s'ensuit que le délai de forclusion ne court pas lorsque le représentant des créanciers n'a pas informé le salarié de son existence et de son point de départ ;
Attendu qu'à la suite de l'ouverture le 6 novembre 1997 d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de son employeur, la société Jean Biolay, et de son licenciement pour motif économique, le 10 décembre 1997, M. X... a saisi le juge prud'homal, le 5 novembre 1998, pour être reconnu créancier de soldes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Jean Biolay et le représentant des créanciers ont alors opposé que cette action était atteinte de forclusion, dès lors que la publicité du dépôt des relevés des créances salariales avait été effectuée en mars 1998, dans un journal d'annonces légales ;
Attendu que, pour confirmer le jugement qui avait déclaré M. X... forclos en sa demande, la cour d'appel a retenu que le représentant des créanciers avait fait paraître un avis de dépôt des relevés de créances salariales dans un journal d'annonces légales, les 13 et 16 mars 1998, que M. X... n'avait saisi le conseil de prud'hommes que le 5 novembre suivant, plus de deux mois après l'accomplissement de cette mesure de publicité, qu'il ne saurait soutenir que les relevés visés par la publicité légale étaient partiels, ni faire valoir qu'il n'a pas été avisé individuellement par le mandataire judiciaire alors que, selon une jurisprudence constante, l'accomplissement de la publicité prévue par les textes suffit à faire courir le délai de forclusion, et que le salarié ne justifiait pas s'être trouvé dans l'impossibilité de saisir le juge prud'homal dans le délai légal ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le représentant des salariés n'avait pas informé personnellement le salarié de la date du dépôt au greffe du relevé des créances salariales, en rappelant à cette occasion le point de départ du délai de forclusion, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 27, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre partiellement fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :
CASSE ET ANNULE l'arrêt du 7 janvier 2002 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité de la demande du salarié ;
Dit et juge que l'action de M. X... n'est pas atteinte de forclusion ;
Renvoi à la cour d'appel d'Agen pour qu'il soit statué sur les créances invoquées par le salarié.