Cass. com., 27 octobre 2022, n° 21-15.026
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat :
SARL Le Prado - Gilbert
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021), la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à la société Travere Industries (la société Travere) un prêt professionnel.
2. Les 3 novembre 2008 et 23 janvier 2011, la société Travere a été successivement mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, M. [W] et la société Rioux étant désignés co-liquidateurs. La banque a procédé, au titre du prêt, à deux déclarations de créance successives, que la société Travere a contestées. Par une ordonnance du 15 octobre 2012, le juge-commissaire a admis la créance. Par un arrêt du 11 juin 2015, la cour d'appel a infirmé cette ordonnance, dit que le juge-commissaire était dépourvu de pouvoir juridictionnel pour trancher la contestation qui opposait les parties, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente et ouvert aux parties un délai d'un mois pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.
3. La banque a assigné la société Travere et les liquidateurs devant le tribunal pour trancher la contestation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les déclarations de créance sont irrégulières et de rejeter ses demandes, alors « que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet de la créance, ainsi que pour apprécier la régularité de la déclaration de créance ; que par conséquent, le juge-commissaire qui, constatant l'existence d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, renvoie les parties à mieux se pourvoir et à saisir le juge compétent, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise pour statuer sur la créance en l'admettant ou en la rejetant ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire par ordonnance du 9 octobre 2012, constatant que la banque justifiait de la régularité de sa déclaration et du quantum de sa créance, a prononcé l'admission de celle-ci au passif de la procédure collective ouverte contre la société Travère Industries ; que par arrêt infirmatif du 11 juin 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, constatant que le juge-commissaire est dépourvu de pouvoir juridictionnel pour trancher la contestation opposant les parties, a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente et a invité les parties à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois, à peine de forclusion ; que saisi par la banque, le tribunal de commerce de Toulon, par jugement du 26 juin 2017 a fixé la créance de celle-ci au passif de la liquidation judiciaire de la débitrice ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne pouvait décider que les déclarations de la banque étaient irrégulières et débouter celle-ci de toutes ses demandes ; qu'en statuant ainsi quand il lui appartenait de relever d'office son pouvoir juridictionnel pour statuer sur la régularité des déclarations de créances de la banque, la cour d'appel, qui a commis un excès de pouvoir, a violé l'article L 624-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, ensemble l'article 125 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 :
5. Il résulte de ce texte que lorsque le juge-commissaire constate qu'une contestation de créance ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, sursoit à statuer sur l'admission de la créance et invite les parties à saisir le juge compétent sur cette contestation, ou lorsque, s'estimant incompétent pour trancher la contestation, il renvoie les parties à saisir le juge compétent, le juge-commissaire demeure seul compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance et admettre ou rejeter la créance.
6. Pour dire que les déclarations de créance sont irrégulières et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient qu'il n'est pas justifié que le signataire des déclarations successives avait reçu délégation de pouvoir d'ester en justice de la part du représentant légal de la banque ou d'un délégataire ayant reçu lui-même le pouvoir de subdéléguer.
7. En statuant ainsi, alors que la cour d'appel, statuant par son arrêt du 11 juin 2015 avec les pouvoirs du juge-commissaire, était seule compétente pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs de juge compétent pour trancher la contestation sérieuse, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.