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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2012, n° 11-27.454

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Pietton

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Bordeaux, du 29 août 2011

29 août 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y... (les cédants) ont cédé chacun la totalité des parts qu'ils détenaient dans le capital de la société Fast (la société) pour un euro ; que la détermination de la valeur des parts cédées et la rédaction de chacun des deux actes de cession ont été confiées à M. Z..., expert-comptable de la société (l'expert-comptable) ; qu'à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société, les banques qui avaient accordé à la société des financements de matériels, garantis par les cautionnements solidaires des cédants, se sont prévalues auprès d'eux de leurs engagements ; que reprochant à l'expert-comptable de ne pas s'être assuré avant la cession de la mainlevée de leurs engagements de caution, les cédants l'ont fait assigner en responsabilité ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 1147 du code civil et l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée réglementant la profession d'expert-comptable ;

Attendu que l'expert-comptable, qui accepte, dans l'exercice de ses activités juridiques accessoires, d'établir un acte de cession de droits sociaux pour le compte d'autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l'opération projetée ; que l'expert-comptable n'est pas déchargé de cette obligation par les compétences personnelles de l'une des parties à l'acte qu'il dresse ;

Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en l'absence de lettre de mission ou de note d'honoraire définissant l'étendue de l'engagement de l'expert-comptable, il n'apparaît pas qu'il ait reçu la mission de procéder au transfert des cautionnements aux cessionnaires, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué, voire conseillé, de réaliser les formalités qui découlaient des actes de cession, tandis qu'il n'est pas démontré qu'il avait eu une connaissance de l'existence précise de ces garanties ; qu'il retient encore que les cédants, porteurs de parts et gérant de la société qu'ils cautionnaient, étaient des personnes avisées des affaires, puisque gérants ou associés d'autres entreprises ayant le même objet ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'expert-comptable, rédacteur des actes de cession, d'informer les cédants de la persistance de leur engagement de cautions, peu important leur qualité de dirigeant ou d'associé au sein d'autres sociétés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore qu'à supposer fautive l'attitude de l'expert-comptable, l'existence d'un préjudice résultant de cette faute devrait être établie, ce préjudice n'étant pas constitué par la seule mise en oeuvre d'une garantie contractuellement due, et que les cédants ne démontrent pas l'existence d'un préjudice actuel, direct et certain qui résulterait du comportement de l'expert-comptable tandis qu'ils ont décidé de céder leurs parts au prix d'un euro ce qui, à l'évidence, révélait la situation préoccupante de la société pour laquelle les cessionnaires n'entendaient pas s'engager inconsidérément ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice subi par les cédants ne résultait pas de la perte d'une chance d'obtenir la mainlevée des cautionnements lors de la cession des parts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de MM. X... et Y..., l'arrêt rendu le 29 août 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.