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Décisions

CA Orléans, ch. 6 sect. 2, 25 novembre 2008, n° 08/00052

ORLÉANS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur ROUSSEL

Conseillers :

Madame PAUCOT-BILGER, Madame de LATAULADE

TOURS, du 12 NOV. 2007

12 novembre 2007

Le Tribunal correctionnel de TOURS, par jugement contradictoire,

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

CONCERNANT Marcel Y... :

- a rejeté les exceptions de nullité,

- a prononcé la RELAXE pour l'infraction d'abus des biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles (concernant Régine I...),

- a déclaré Marcel Y... :

coupable d'EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, de 1997 septembre1999, à TOURS 37- territoire national, NATINF 001508, infraction prévue par les articles L. 362-3 AL. 1, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3 du Code du travail et réprimée par les articles L. 362-3 AL. 1, L. 362-4, L. 362-5 du Code du travail

coupable de COMPLICITE D'ESCROQUERIE AVEC USURPATION DE LA QUALITE DE DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE, courant 1997-1998-1999 jusqu'en mars 2000, à TOURS-ANGERS-NANTES, NATINF 007879, infraction prévue par les articles 313-2 2, 313-1 AL. 1 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles 313-2 AL. 1, 313-7, 313-8 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal

coupable de COMPLICITE D'ESCROQUERIE AVEC USURPATION DE LA QUALITE DE DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE, courant 1997-1998-1999 jusqu'en mars 2000, à TOURS-ANGERS-NANTES, NATINF 007879, infraction prévue par les articles 313-2 2, 313-1 AL. 1 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles 313-2 AL. 1, 313-7, 313-8 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal

coupable de COMPLICITE D'ACCES FRAUDULEUX DANS UN SYSTEME DE TRAITEMENT AUTOMATISE DE DONNEES, courant 1997-1998-1999 jusqu'en mars 2000, à TERRITOIRE NATIONAL, NATINF 001619, infraction prévue par l'article 323-1 AL. 1 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles 323-1 AL. 1, 323-5 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal

coupable de COMPLICITE D'ESCROQUERIE, entre juin1999 et octobre 1999, à TOURS37- DECINES CHARPIEU 69, NATINF 007875, infraction prévue par l'article 313-1 AL. 1, AL. 2 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal et réprimée par les articles 313-1 AL. 2, 313-7, 313-8 du Code pénal, Art. 121-6 et 121-7 du Nouveau Code Pénal

coupable d'EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, courant 1997 à mars 2000, à TOURS 37- ANGERS49- NANTES44, NATINF 001508, infraction prévue par les articles L. 362-3 AL. 1, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3 du Code du travail et réprimée par les articles L. 362-3 AL. 1, L. 362-4, L. 362-5 du Code du travail

coupable d'EXECUTION D'UN TRAVAIL DISSIMULE, courant 1998, à ANGERS 49, NATINF 001508, infraction prévue par les articles L. 362-3 AL. 1, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3 du Code du travail et réprimée par les articles L. 362-3 AL. 1, L. 362-4, L. 362-5 du Code du travail

coupable d'ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SOCIETE PAR ACTIONS PAR UN DIRIGEANT A DES FINS PERSONNELLES, de 1994 à 1997, à TOURS 37- SAINT MALO 35, NATINF 003188, infraction prévue par les articles L. 242-6 3, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5, L. 246-2 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 242-6 du Code de commerce

coupable d'ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D'UNE SARL PAR UN GERANT A DES FINS PERSONNELLES, de janvier 1998 à décembre 1999, à ANGERS 49, NATINF 003129, infraction prévue par les articles L. 241-3 4, L. 241-9 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 241-3 du Code de commerce

et en application de ces articles,

- a condamné Marcel Y... à un emprisonnement délictuel de 3 ANS DONT 34 MOIS AVEC SURSIS et à une amende délictuelle de 40 000 EUROS,

- a ordonné la confiscation des scellés enregistrés sous le N° 04 / 0206,

CONCERNANT Emmanuelle X... épse Y... :

- a rejeté les exceptions de nullité,

- a déclaré Emmanuelle X... épse Y...

coupable d'OBTENTION FRAUDULEUSE D'UNE ALLOCATION D'AIDE AUX TRAVAILLEURS PRIVES D'EMPLOI, de / 09 / 1997 à / 12 / 1999, à TOURS 37- SAINT MALO 35, NATINF 003872, infraction prévue et réprimée par l'article L. 365-1 AL. 1 du Code du travail

coupable d'ESCROQUERIE AVEC USURPATION DE LA QUALITE DE DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE, courant 1997-1998-1999 jusqu'en / 03 / 2000, à TOURS 37- SAINT MALO 35, NATINF 007879, infraction prévue par les articles 313-2 2, 313-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 313-2 AL. 1, 313-7, 313-8 du Code pénal

coupable d'ESCROQUERIE AVEC USURPATION DE LA QUALITE DE DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE, courant 1997-1998-1999 jusqu'en / 03 / 2000, à TOURS 37- SAINT MALO 35, NATINF 007879, infraction prévue par les

articles 313-2 2, 313-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 313-2 AL. 1, 313-7, 313-8 du Code pénal

coupable d'ACCES FRAUDULEUX DANS UN SYSTEME DE TRAITEMENT AUTOMATISE DE DONNEES, courant 1997-1998-1999 jusqu'en / 03 / 2000, à TOURS 37- TERRITOIRE NATIONAL, NATINF 001619, infraction prévue par l'article 323-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 323-1 AL. 1, 323-5 du Code pénal

coupable d'ESCROQUERIE, de / 09 / 1997 à / 03 / 1999, à TOURS37- SAINT MALO 35, NATINF 007875, infraction prévue par l'article 313-1 AL. 1, AL. 2 du Code pénal et réprimée par les articles 313-1 AL. 2, 313-7, 313-8 du Code pénal

et en application de ces articles,

- a condamné Emmanuelle X... épse Y... à un emprisonnement délictuel de 18 mois dont 17 mois avec sursis et à une amende délictuelle de 20. 000, 00 Euros

SUR L'ACTION CIVILE :

CONCERNANT la Sté QUATREM

a reçu la Société en sa constitution de partie civile,

- a condamné Emmanuelle X... à lui payer 6 656, 60 Euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2 000, 00 Euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

CONCERNANT Madame E... Martine,

- a reçu Madame Martine E... en sa constitution de partie civile,

- a condamné Marcel Y... à lui payer la somme de 25 540, 00 Euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 200 Euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

CONCERNANT Madame Anne-Marie B... épse D...,

- a reçu Madame Anne-Marie B... épse D... en sa constitution de partie civile,

- a condamné Marcel Y... à lui payer la somme de 8 500, 00 Euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 200 Euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Madame X... Emmanuelle, le 19 Novembre 2007, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles

Monsieur Y... Marcel, le 19 Novembre 2007, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles

M. le Procureur de la République, le 19 Novembre 2007 contre Monsieur Y... Marcel, Madame X... Emmanuelle

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 16 SEPTEMBRE 2008

Ont été entendus :

Madame de LATAULADE en son rapport,

Maître COTTEREAU, avocat des parties civiles Anne Marie B... épouse D... et Martine E... épouse K...

L..., en sa plaidoirie, à l'appui de ses conclusions déposées sur le bureau de la Cour,

Maître EGON, avocat de la partie civile la Société QUATREM en sa plaidoirie, à l'appui de ses conclusions déposées sur le bureau de la Cour,

Le Ministère Public en ses réquisitions,

Maître FEDIDA, avocat des prévenus, en sa plaidoirie, à l'appui des conclusions déposées sur le bureau de la Cour.

Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 18 NOVEMBRE 2008 ; à cette date le délibéré a été prolongé au 25 NOVEMBRE 2008.

DÉCISION :

Par deux courriers adressés au procureur de la République de TOURS les 8 et 19 juin 1999, deux salariées de la société ASSISTANCE INTERNATIONALE (AI) dirigée par Marcel Y... dénonçaient des agissements frauduleux de leur employeur et le non-respect de règles sociales.

La société AI exerçait une activité d'enquêtes privées.

Entendues par le Service Régional de Police Judiciaire, Mmes Martine E... et Anne-Marie B... épouse D... faisaient connaître que les rapports d'enquête contenaient des renseignements confidentiels sur les débiteurs, obtenus auprès d'organismes ou d'administrations par téléphone en se faisant passer pour collègue selon des modèles types de conversation préétablis dits " mémos ", ou en s'introduisant dans le système informatisé d'organismes de sécurité sociale ; que les contrats de travail mentionnaient 130 h mensuels alors que 169 h étaient effectuées ; qu'Emmanuelle X..., ancienne employée de la société, avait épousé Marcel Y... en 1997 ; que dans les années précédentes, son salaire avait fortement augmenté, ce qui lui avait permis de toucher après son licenciement des indemnités de chômage élevées et que le couple Y... utilisait plusieurs voitures de société.

L'enquête préliminaire effectuée auprès de l'ASSEDIC, de l'administration des impôts confirmait le bien fondé de la dénonciation et l'intervention de Marcel Y... dans 10 sociétés :

- " Holding Générale d'Affaire " à Tours avec 11 salariés

- " Assistance Internationale " à Tours avec 17 salariés

- " Global Consulting " à Angers avec 7 salariés

- " Data Bank Info " à Nantes avec 5 salariés

- " SCS Debre et Cie " à Monaco avec 2 salariés.

Une information était ouverte contre X... le 8 février 2000. L'enquête se poursuivait sur commission rogatoire. Une perquisition était effectuée le 21 mars 2000 à TOURS dans les locaux d'AI. La Holding ayant son siège social à la même adresse, 21 salariés étaient placés en garde à vue pour audition, de multiples documents étaient saisis notamment les dossiers du personnel et des imprimés types différents selon les organismes auxquels s'adresser.

M et Mme Y..., en vacances en Polynésie, étaient placés en garde à vue le 23 mars 2000 à leur débarquement à ORLY.

Interrogé Marcel Y... reconnaissait que, sur ses instructions, les enquêteurs usurpaient la qualité de fonctionnaire pour obtenir des informations auprès d'administrations ; qu'il détenait des codes permettant l'accès aux bases de données de CPAM et d'URSSAF ; qu'il les avait obtenus en se présentant comme un employé du service informatique ou un collègue selon un vocabulaire propre à ces organismes ; que les recherches à partir de ces codes étaient effectuées par lui-même, son épouse et la soeur de celle-ci Valérie M... ; qu'il les avait communiqués aux responsables des agences d'Angers et de Nantes.

Il confirmait l'augmentation importante du salaire de son épouse entre 1994 et 1997, et admettait que celle-ci avait repris une activité professionnelle au sein de la société en 1998 sans être déclarée et tout en conservant le bénéfice des allocations de l'ASSEDIC.

Après avoir nié toute implication dans les faits reprochés, Emmanuelle X... ép. Y... reconnaissait l'utilisation de codes d'accès pour pénétrer dans les fichiers de la CPAM et les méthodes utilisées pour obtenir des renseignements de différentes administrations. Elle avouait avoir continué à travailler tout en touchant les indemnités de chômage. Elle faisait connaître la prise en charge en 1997 et 1998 des échéances d'un emprunt immobilier qu'elle avait contracté pour un appartement à Dinard.

Selon l'ASSEDIC, Emmanuelle X... avait vu augmenter son salaire de 192. 000 Francs en 1995 à 434. 000 Francs en 1996 et à 251. 000 Francs pour le 1er trimestre 2007, avant d'être licenciée ; qu'elle avait ensuite déclaré un travail à temps partiel ; qu'elle était connue sous son seul nom de jeune fille (D 179).

Marcel Y... et Emmanuelle X... étaient mis en examen le 25 mars 2000 et placés en détention après débat différé auxquels ils étaient assistés d'un avocat choisi, différent pour chacun d'eux.

Emmanuelle X... était libérée sous contrôle judiciaire le 14 avril 2000.

Marcel Y... était libéré le 10 mai 2000 sous contrôle judiciaire lui interdisant toute activité professionnelle au sein de l'AI, et en rapport avec la recherche et le recouvrement de créances, et en l'obligeant à verser un cautionnement de 250. 000 Francs.

Le 11 mai 2000, le procureur de la République délivrait un réquisitoire supplétif pour abus de biens sociaux par le couple Y... relatif à 3 véhicules et le 20 juin 2000 un réquisitoire supplétif à l'encontre de Marcel Y... suite à la plainte de FRANCE TELECOM du 29 octobre 1999.

Le personnel des sociétés d'enquêtes était de nouveau entendu sur commission rogatoire. Leurs auditions confirmaient les méthodes d'investigation utilisées : usurpation d'identité pour obtenir des renseignements auprès de diverses administrations, établissements publics, bancaires, selon une méthodologie commune à toutes les sociétés du groupe ; l'accès aux systèmes de données informatiques et la diffusion des codes à trois personnes : Emmanuelle X..., sa soeur Valérie M... ET M. N... ; le fait que Emmanuelle X... avait continué à travailler (à l'exception de ses congés maternité) ; une rémunération des salariés limitée à 130 h par mois, les 39 autres heures effectuées étant rémunérées par le remboursement de frais de déplacement fictifs ; le licenciement à l'agence d'Angers de 3 salariés qui avaient été réembauchés par la Holding sans être déclarés ; l'emploi par la Holding de Chantal O..., ex-concubine de Marcel Y..., qui n'y travaillait pas, moyen détourné de lui verser une pension alimentaire pour l'enfant commun ; l'emploi fictif de Régine I... à Saint Malo.

Par arrêté préfectoral du 6 juillet 2000 était prononcée la fermeture provisoire de la société AI.

Marcel Y... et Emmanuelle X... étaient convoqués par le juge d'instruction le 27 juillet 2000. Ils étaient mis en examen d'abus de biens sociaux. Ils niaient ces faits. Marcel Y... revenait également sur ses aveux concernant les faits visés dans la première mise en examen.

Des factures émanant de deux cabinets d'enquête privée, relatives à des recherches sur des propriétaires de véhicule, orientaient les investigations vers le département des Alpes Maritimes. Celles-ci révélaient des informations obtenues contre rémunération par Christian P..., fonctionnaire de police, et par Jean Q..., fonctionnaire de police retraité. Un réquisitoire supplétif était délivré contre les dénommés le 6 octobre 2000, lesquels, conduits devant le juge d'instruction sur mandats d'amener, étaient mis en examen le 9 octobre 2000.

Suite au signalement d'entrave à sa mission qui lui avait été fait par le commissaire aux comptes de la Holding et de AI, le procureur de la République délivrait le 26 octobre 2000

un réquisitoire supplétif à l'encontre de Marcel Y.... Il était mis en examen le 16 novembre 2000 et s'exprimait sur les différentes infractions. Comme lui, Emmanuelle X... s'exprimait sur ces faits.

Entre-temps la société Mutuelles du Mans Assurances s'était constituée partie civile le 29 novembre 2000. La représentante de la société QUATREM, venant aux droits des Mutuelles du Mans, précisait le 13 avril 2001 qu'Emmanuelle X... avait souscrit deux emprunts immobiliers en adhérant à une assurance collective " perte d'emploi " ; qu'à la suite de son licenciement intervenu en septembre 1997, elle avait pris en charge les échéances des emprunts jusqu'en mars 1999 pour la somme totale de 43. 664, 44 Francs.

Le Parquet sollicitait le 25 avril 2001 de nouvelles mesures d'instruction suite à son réquisitoire supplétif du 26 octobre 2000 sur les rapports du commissaire aux comptes.

Me FEDIDA, conseil des parties, demandait au juge d'instruction les 16 janvier et 29 avril 2002 de disjoindre ces faits et d'ordonner un non-lieu sur les premiers examinés.

Le procureur de la République s'opposait aux deux demandes le 21 mai 2002.

Le rapport d'enquête sur commission rogatoire de la police judiciaire daté du 5 juin 2003 confirmait que trois employés de la société AAER avaient été licenciés le 31 décembre 1997 et employés par la société GLOBAL CONSULTING sans être déclarés, percevant pour revenus les seules allocations de l'ASSEDIC.

Finalement le juge d'instruction procédait le 19 février 2004 à une dernière confrontation entre Marcel Y... et Emmanuelle X..., qui niaient l'établissement de scénarios à l'intention des salariés pour obtenir des renseignements auprès des divers organismes et administrations.

Emmanuelle X... affirmait qu'elle n'avait rien perçu indûment de la société QUATREM à laquelle elle avait régulièrement communiqué ses indemnités de chômage.

L'avis de l'article 175 du code de procédure pénale était adressé aux parties le 2 mars 2004, et le dossier communiqué au Parquet pour règlement par ordonnance du 23 mars 2004.

Le 29 mars 2004 le procureur de la République demandait qu'il soit procédé à de nouvelles mesures d'instruction sur les emplois fictifs.

Le 24 juin 2005 un autre juge d'instruction, succédant à celui qui avait été en charge de ce dossier, mettait en examen Marcel Y... pour travail dissimulé (17 salariés), abus de biens sociaux (6 emplois fictifs), et Emmanuelle X... pour escroquerie à l'assurance chômage.

Un nouvel avis était donné aux parties en application de l'article 175 du code de procédure pénale le 28 juin 2005. En l'absence de demande de leur part, le dossier était transmis au Parquet le 19 juillet 2005.

Celui-ci requérait le 28 juin 2006 un non lieu partiel, une requalification des faits poursuivis sous usurpation de qualité en complicité d'escroqueries aggravées et tentatives, et un renvoi de Marcel Y..., Emmanuelle X..., Christian P... et Jean Q... devant le tribunal correctionnel.

Par ordonnance du 6 juillet 2006, le juge d'instruction faisait droit à ces réquisitions.

A l'égard de Marcel Y..., il prononçait un non lieu pour les faits de groupement ou d'entente en vue de pénétrer dans un système de traitement automatique, pour les abus de biens sociaux par usage des véhicules de société et les emplois fictifs de 4 salariés, et pour les faits dénoncés par le commissaire aux comptes des sociétés Holding et AI.

Il requalifiait " les faits visés sous le vocable d'usurpation de la qualité de fonctionnaire " en complicité d'escroquerie aggravée, et ceux visés sous la qualification d'escroquerie par usage de fausse qualité de personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public commis à l'encontre de FRANCE TELECOM en complicité d'escroqueries et tentatives d'escroqueries.

Il renvoyait Marcel Y... devant le tribunal correctionnel pour complicité d'escroqueries aggravées par l'usurpation de la qualité de dépositaire de l'autorité publique ou de chargé d'une mission de service public, délits commis par les enquêteurs employés des sociétés AI, GLOBAL CONSULTING, DATA BANK INFO ou HOLDING GENERALE D'AFFAIRES, accès frauduleux dans les systèmes de traitement automatisé de données de CPAM ou de l'URSSAF, complicité du même délit commis par divers salariés des sociétés qu'il dirigeait, complicité d'escroqueries et tentatives d'escroqueries au préjudice de FRANCE TELECOM, travail dissimulé de 14 salariés (heures non déclarées, paiement de frais de déplacement fictifs), travail dissimulé de 3 salariés (absence de déclaration préalable à l'embauche), abus des biens de la société AI (emploi fictif de Régine I...), abus des biens de la société GLOBAL CONSULTING (emploi fictif de Chantal O...).

A l'égard de Emmanuelle X..., il prononçait un non lieu pour les faits de travail dissimulé de salariés, groupement ou entente en vue de pénétrer dans un système de traitement automatique, abus de biens sociaux par usage des véhicules de société. Il requalifiait " les faits visés sous le vocable d'usurpation de la qualité de fonctionnaire " en complicité d'escroquerie aggravée, et ceux visés sous la qualification d'escroquerie par usage de fausse qualité de personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public commis à l'encontre de FRANCE TELECOM en complicité d'escroqueries et tentatives d'escroqueries. S'agissant de l'escroquerie aux ASSEDIC, il retenait la qualification plus douce de fraude aux ASSEDIC prévue par l'article L 365-1 du code du travail.

Il renvoyait Emmanuelle X... devant le tribunal correctionnel pour-fraude aux ASSEDIC, escroqueries aggravées par l'usurpation de la qualité de dépositaire de l'autorité publique ou de chargé d'une mission de service public, et complicité du même délit commis par les enquêteurs employés des sociétés AI, GLOBAL CONSULTING, DATA BANK INFO ou HOLDING GENERALE D'AFFAIRES, accès frauduleux dans les systèmes de traitement automatisé de données de CPAM ou de l'URSSAF, escroquerie à l'assurance au préjudice de la société QUATREM.

Les contrôles judiciaires ayant été levés le 17 janvier 2003 pour Marcel Y... et Emmanuelle X..., aucune disposition n'était prise à leur encontre ultérieurement.

Marcel Y... et Emmanuelle X... se sont présentés devant les premiers juges et ont été entendus en leurs explications.

Le tribunal a disjoint les faits reprochés à Christian P... ; a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi soulevée par les prévenus Y..., X... et Q... ; a déclaré Marcel Y... coupable des infractions qui lui étaient reprochées, à l'exception de l'abus des biens de la société AI par l'emploi fictif de Mme I... ; a déclaré Emmanuelle X... coupable des infractions qui lui étaient reprochées ; a relaxé Jean Q... des fins de la poursuite.

Marcel Y... et Emmanuelle X..., ont formé appel le 19 novembre 2007 par l'intermédiaire de celui-ci des dispositions pénales et civiles du jugement contradictoire du 12 novembre 2007. Le Ministère Public a fait ensuite appel.

Régulièrement cités à l'audience du 16 septembre 2008, Marcel Y... et Emmanuelle X... ont chacun donné un pouvoir de représentation à leur avocat.

Monsieur l'avocat général a requis la comparution personnelle des prévenus.

Les conseils des parties civiles ont été entendus.

Le conseil des époux Y... a déclaré que ceux-ci se trouvaient au HONDURAS.

La Cour, après en avoir délibéré, a décidé de retenir l'affaire sans exiger la comparution personnelle des prévenus.

SUR CE, LA COUR,

Sur l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel,

Il ressort des procès-verbaux du 25 mars 2000 que Marcel Y..., puis Emmanuelle X... ont été mis en examen notamment pour " escroqueries aux ASSEDIC, usurpation de qualité de fonctionnaire ", les articles 313-1 et 313-2 du code pénal réprimant l'escroquerie aggravée étant expressément visés ; que la seule usurpation de qualité de fonctionnaire ne constituant pas une infraction, le juge d'instruction a, sur la base des mises en examen, rétabli dans l'ordonnance de renvoi les qualifications pénales dans le sens qui était le leur, opérant ainsi une simple remise en ordre équivalant à une rectification d'erreur matérielle.

Au demeurant, Marcel Y... et Emmanuelle X... se sont expliqués avec précision sur ces faits lors de leur interrogatoire par les services de police.

Ils ont ensuite été entendus à quatre reprises par le juge d'instruction, ceci témoignant de ce qu'ils ont parfaitement compris la nature et la qualification complète des faits pour lesquels ils avaient été mis en examen.

D'autre part, avisés de la fin de l'instruction de l'affaire en application de l'article 175 du code de procédure pénale, ils n'ont formé aucune demande, alors que les formalités édictées par l'article 175 du code de procédure pénale ayant été respectées, il leur appartenait de saisir la chambre de l'instruction le cas échéant, pour qu'elle se prononce sur une éventuelle nullité, conformément à l'article 385 du même code.

L'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi du 6 juillet 2006 sera, en conséquence, rejetée.

Au fond,

Après les avoir reconnus, Marcel Y... et Emmanuelle X... en ont minimisé la portée pour finalement faire plaider la relaxe, ceci en dépit des preuves constituées par les documents saisis, les témoignages concordants des employés des sociétés d'enquêtes privées, le tout corroboré par les vérifications effectuées auprès des différents organismes concernés.

• Les faits reprochés à Marcel Y... :

1. exécution d'un travail dissimulé à Tours de 1997 à septembre 1999 en employant Emmanuelle X... sans déclaration préalable à l'embauche : Celle-ci travaillait à Saint-Malo et a été licenciée lorsque le site a été fermé. Devenue la concubine puis l'épouse de Marcel Y..., elle a repris son activité tant à Tours qu'à Angers comme elle l'a elle-même reconnu avant de se rétracter partiellement, alors que les formalités d'embauche et le contrat n'ont été faits qu'en septembre 1999. Les premiers juges ont fait une exacte appréciation des éléments de la procédure en reconnaissant Marcel Y... coupable de cette infraction.

2. complicité d'escroqueries commises à Tours, Angers et Nantes de 1997 au mois de mars 2000 par les enquêteurs employés par les sociétés AI, GLOBAL CONSULTING, DATA BANK INFO, HOLDING GENERALE D'AFFAIRES en usurpant la qualité de dépositaire de l'autorité publique pour tromper diverses administrations ou services publics et les déterminer à remettre des informations monnayables : Par un examen complet et précis des éléments du dossier, les premiers juges ont exactement apprécié la culpabilité de Marcel Y... qui avait au préalable rôdé le procédé utilisé avant de donner aux employés de ces sociétés des ordres précis par la mise en forme de scénarios, de lettres types, de modèles de conversation téléphonique, diversifiés selon les interlocuteurs, pour obtenir des renseignements sur des débiteurs, activité dont il faisait commerce. Il a affirmé qu'il s'agissait d'une pratique courante dans la profession, ce qui ne peut l'affranchir de sa responsabilité pénale.

3. accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données de CPAM et d'URSSAF, et complicité par fourniture d'instructions du même délit, commis à Tours de 1997 au mois de mars 2000 : Le tribunal a justement condamné le prévenu qui s'est illicitement procuré des codes d'accès et les a utilisés puis communiqués à Emmanuelle X... et quelques employés pour qu'ils en usent, ce qu'il a toujours admis.

4. complicité par fourniture d'instructions d'escroqueries et tentatives d'escroqueries commises à Tours et à Decines Charpieu (69) de juin à octobre 1999 par les employés de la société AI en usant de la fausse qualité d'employés de France Telecom en vue de tromper celle-ci pour obtenir des informations monnayables : Les premiers juges ont exactement relevé que le témoignage précis d'un salarié n'est pas contredit par le prévenu. Il suffit à convaincre la cour.

5. exécution d'un travail dissimulé à Tours, Angers, Nantes de 1997 à mars 2000 alors qu'il était président, gérant, dirigeant de fait des sociétés en mentionnant sur les bulletins de paie de 14 employés précisément identifiés un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué (moins 39 h par mois), en complétant leur rémunération par des remboursements de frais de déplacements fictifs : Les premiers juges ont exactement apprécié les témoignages, dont celui de la comptable, qui par leur nombre démontrent non pas une carence exceptionnelle dans la gestion du personnel mais une volonté délibérée et généralisée d'alléger les charges sociales et fiscales des sociétés, ces faits ayant nécessairement eu pour conséquence de léser les salariés dans leurs droits et de mettre en échec la législation sociale.

6. exécution d'un travail dissimulé à Angers en 1998 par l'emploi de trois salariés MM S..., T... et U... sans effectuer de déclaration à l'embauche, alors qu'il était gérant de fait de la société GLOBAL CONSULTING : Le tribunal a exactement qualifié le fait de faire travailler ces trois personnes dès mars 1998 sans formalités et sans rémunération sous le prétexte qu'ils bénéficiaient des ASSEDIC. Cette période correspondait à une période probatoire à la réintégration dans la nouvelle société, laquelle est intervenue par la signature de contrats de travail entre août et novembre 1998.

7. emploi fictif entre 1994 et 1997 de Régine I... par la société AI à Tours et à Saint-Malo : Les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de vérifications effectuées dans cette ville où l'agence avait été fermée, ils manquaient d'éléments pour contredire les dénégations de Marcel Y.... Ils doivent être approuvés. La relaxe prononcée au bénéfice du doute sera confirmée.

8. abus des biens de la société GLOBAL CONSULTING à Angers de janvier 1998 à décembre 1999 en rémunérant Chantal O..., son ex concubine à laquelle il devait une pension alimentaire pour un enfant commun : celle-ci, n'a jamais été vue au travail. Elle s'est trouvée incapable de définir précisément ses tâches bien que disposant d'un contrat de travail. Le tribunal a exactement déclaré le prévenu coupable de ce fait.

En conséquence, le jugement déféré statuant sur la culpabilité de Marcel Y... sera confirmé, sauf à décliner les infractions conformément à l'ordonnance de renvoi.

• Les faits reprochés à Emmanuelle X...,

1. D'avoir à Tours et à Saint-Malo entre septembre 1997 et décembre 1999 obtenu par fausses déclarations des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi pour un montant de 479. 325, 25 Francs : Mme X... a vu son salaire littéralement exploser les mois qui précédaient son licenciement économique, sans commune mesure avec son niveau (5e scolaire-cours Pigier) et l'activité commerciale menée. N'ayant pas fait connaître sa situation de femme mariée ni son changement de résidence, l'ASSEDIC de Rennes n'a pas été en mesure de contrôler sa situation. Après avoir reconnu ces faits, Emmanuelle X... a tenté de s'en disculper. Leur réalité est toutefois suffisamment démontrée par les états fournis par l'ASSEDIC et les déclarations des employés des sociétés sur le travail qu'elle a effectivement effectué de façon continue, à l'exception des congés de maternité. Le jugement sera confirmé.

2. escroqueries aggravées par l'usurpation de la qualité de dépositaire de l'autorité publique ou de chargé d'une mission de service public commises à Tours et Saint-Malo de 1997 jusqu'en mars 2000, et complicité du même délit commis par les enquêteurs employés des sociétés AI, GLOBAL CONSULTING, DATA BANK INFO ou HOLDING GENERALE D'AFFAIRES : les premiers juges ont exactement apprécié les nombreux témoignages et les premières déclarations de la prévenue sur la pratique déjà évoquée pour obtenir des renseignements confidentiels ensuite monnayés, et sur l'action de formation des salariés qu'elle a eue pendant ces années. Les dénégations tardives d'Emmanuelle X... ne laissent pas de place au doute. Le jugement déféré sera confirmé.

3. accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données de CPAM et d'URSSAF, et complicité par fourniture d'instructions du même délit, commis à Tours de 1997 au mois de mars 2000 : Emmanuelle X... n'a pas contesté avoir disposé des codes d'accès et les avoir fréquemment utilisés. La déclaration de culpabilité sera confirmée.

4. fraude à l'assurance à Tours et Saint Malo de septembre 1997 à mars 1999 en déclarant faussement être demandeur d'emploi pour obtenir la prise en charge par la société QUATREM, venant aux droits des Mutuelles du Mans, des échéances des deux emprunts qu'elle avait contractés pour acquérir un bien immobilier à Saint Malo : la société d'assurances a versé à ce titre la somme totale de 43. 664, 44 Francs ou 6. 656, 60 euros. La seule affirmation par la prévenue du caractère contractuel de cette garantie ne saurait occulter les conditions frauduleuses dans lesquelles elles ont été mises en oeuvre, ce qu'ont exactement apprécié les premiers juges.

En conséquence, le jugement déféré statuant sur la culpabilité de Emmanuelle X... sera confirmé.

Sur les peines,

La Cour ne dispose d'aucune information sur la situation des époux Y... qui ont déclaré vivre dans divers pays d'Amérique du Sud depuis leur libération.

Il faut observer que Marcel Y... a créé, dirigé de droit ou de fait pendant plusieurs années de multiples sociétés occupant une soixantaine de salariés au mépris des règles sociales, dans un seul but lucratif, sinon vénal ; que sa compagne Emmanuelle X... a suivi ses méthodes, son rôle étant moindre ; que les faits commis sont de ceux qui troublent gravement et durablement l'ordre économique ; qu'ils n'ont pas hésité à usurper la qualité de chargé de mission de service public ce qui porte une grave atteinte à l'ordre public.

La Cour estime qu'ils doivent être sanctionnés par une peine d'emprisonnement ferme de trois ans pour Marcel Y... et d'un an pour Emmanuelle X..., et par une interdiction d'exercer pendant cinq ans une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale d'enquête privée en application de l'article 323-5, 2° du code pénal ; que les condamnés se trouvant hors du territoire français, un mandat d'arrêt doit être décerné à leur encontre pour permettre l'exécution de la condamnation.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

Sur l'action civile,

La société QUATREM, Mmes E... et D... ont sollicité la confirmation du jugement et chacune le paiement d'une somme complémentaire en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

La décision civile étant parfaitement justifiée, la Cour confirme le jugement déféré et condamne Emmanuelle X... à payer à la société QUATREM la somme de 400 € au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale et Marcel Y... à payer à Mme E... et D... la somme de 400 € chacune en application du même article.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré,

DÉCLARE les appels recevables ;

Sur l'action publique,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté une exception de nullité et renvoyé Marcel Y... du chef d'une infraction d'abus des biens ou du crédit d'une société,

LE CONFIRME également en ce qu'il a retenu la culpabilité des prévenus des autres chefs contenus dans la prévention qui a saisi le tribunal,

INFIRMANT quant aux peines,

CONDAMNE Marcel Y... à la peine de trois ans d'emprisonnement,

CONDAMNE Emmanuelle X... épouse Y... à la peine d'un an d'emprisonnement,

PRONONCE à leur encontre l'interdiction pendant cinq ans d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale d'enquêteur ;

DÉCERNE mandat d'arrêt à l'encontre de Marcel Y... et d'Emmanuelle X... épouse Y... ;

CONFIRME les dispositions civiles du jugement ;

CONDAMNE Marcel Y... à payer à Martine E... la somme de 400 euros et à Anne Marie B... épouse D... la somme de 400 euros, au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

CONDAMNE Emmanuelle X... épouse Y... à payer à la société QUATREM, venant aux droits des Mutuelles du Mans, la somme de 400 euros au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de CENT VINGT EUROS (120) dont est redevable chaque condamné.