CA Paris, 4e ch. A, 12 décembre 1995, n° 93/019959
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Media (SARL), RATP (Sté), Film Office Distribution (Sté)
Défendeur :
Scher, Agnoux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mme Mandel, Mme Marais
Avoués :
SCP Valdelievre Garnier, SCP Bernabe Ricard, SCP Roblin Chaix De Lavarene, Me Lecharny, SCP Autier
Avocats :
Me Eschasseriaux, Me Gantelme, Me Gardel, Me Huet, SCP Krief Gordon
En exécution de commandes de la RATP des 24 octobre et 12 janvier 1984, Gerard SCHER a réalisé à partir d'archives cinématographiques appartenant à celle-ci deux films intitulés "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS".
Aux termes d'un protocole d'accord du 26 juin 1986, la RATP a accordé à titre gratuit au Centre Audiovisuel de Paris les droits de diffusion non commerciale et non exclusive sur diverses oeuvres dont les deux films susvisés.
Le 9 mai 1989, elle a conclu avec la SARL MEDIA 9, spécialisée dans la production audiovisuelle notamment de videoguides touristiques, une convention par laquelle cette société s'engageait à produire un videogramme d'une durée de 40 à 60 mn, réalisé à partir d'images d'archives de la RATP et à assurer la fabrication et la distribution de cassettes videographiques destinées à diffuser ce document.
Le paragraphe 6 du contrat précisait que la RATP cédait à la Société MEDIA 9 le droit de reproduire à des fins commerciales certaines séquences de plusieurs films dont "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" de Gerard SCHER.
La Société MEDIA 9 a confié la réalisation du film à Jean-Michel AGNOUX, metteur en scène indépendant et la distribution du videogramme en résultant, intitulé "PARIS RETRO", à la SA FILM OFFICE distribution à laquelle la liait une convention de mandat du 25 février 1987.
Alléguant d'une part, que la RATP avait conclu avec la Vidéothèque de Paris un contrat de cession de droits sur les deux films susvisés sans son autorisation, d'autre part, que la cassette "PARIS RETRO" reproduisait également sans son autorisation, sur une durée totale de 42 mn 50 secondes, 17 mn 40 secondes d'extraits de ses films, Gérard SCHER a assigné, le 4 août 1992, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris la RATP, Jean-Michel AGNOUX, les Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE Distribution aux fins de se voir indemniser des préjudices en résultant pour lui et de voir ordonner les habituelles mesures de publication, de saisie et d'interdiction sous astreinte.
Les défendeurs ont conclu à l’irrecevabilité ou au mal fondé de ces demandes.
Par jugement du 9 juin 1993, le Tribunal a :
- écarté l’exception d'irrecevabilité formulée à l’encontre des demandes de Gérard SCHER,
- condamné la RATP à verser à celui-ci la somme de 40.000 frs en réparation du préjudice résultant de la cession des deux films litigieux à la Videothèque de Paris,
- condamné in solidum la RATP et les Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE Distribution à payer à Gérard SCHER la somme de 500.000 frs en indemnisation de la contrefaçon des deux films,
- rejeté la demande de garantie formée par la Société MEDIA 9 à l’encontre de la RATP,
- dit que la Société MEDIA 9 devrait garantir la Société FILM OFFICE Distribution des condamnations prononcées,
- condamné in solidum la Société MEDIA 9 et Jean-Michel AGNOUX à verser à Gérard SCHER la somme de 20.000 frs en réparation de l’atteinte à son droit moral, la charge définitive de cette condamnation devant être supportée à concurrence de 90 % pour la première et de 10 % pour le second,
- rejeté les demandes de garantie de ce chef,
- condamne in solidum les défendeurs à payer à Gerard SCHER la somme de 20.000 frs en indemnisation du préjudice cause par l’absence de respect de son oeuvre,
- dit n'y avoir lieu à ce titre à garanties,
- condamne in solidum la RATP et les Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE Distribution à verser à Gérard SCHER la somme de 10.000 frs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, ordonne l’exécution provisoire de sa décision,
- rejeté toutes autres demandes.
La Société MEDIA 9, la RATP et la Société FILM OFFICE Distribution ont interjeté appel de ce jugement, respectivement les 22 juillet, 5 août et 10 septembre 1993.
Les déclarations d'appels enregistrées sous les numéros 13678 et 1665- ont fait l’objet d'une ordonnance de jonction en date du 25 octobre 1993.
Une ordonnance de référé du 21 octobre 1993 a débouté les appelantes de leur demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant la décision déférée mais l'a subordonnée à la justification par Gérard SCHER d'une caution bancaire.
La RATP demande à la Cour de :
- juger que sa responsabilité n'est que "minime" et ne peut l’engager au-delà de 10 % du montant total des dommages et intérêts dus à G6rard SCHER,
- déclarer inexistant le préjudice subi par celui-ci du fait de la cession de ses films à la Vidéothèque de Paris,
- réduire à la somme de 32.000 frs l’indemnisation du préjudice patrimonial de l'intimé,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à réparer le préjudice moral de Gérard SCHER,
- subsidiairement ordonner une expertise afin d'évaluer le préjudice réellement subi par l'intimé,
- débouter la Société MEDIA 9 de son appel en garantie.
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la publication de sa décision,
La Société MEDIA 9 soutient que Gérard SCHER n'est pas l’auteur des images montées en continuité dans les films "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" et qu'en conséquence, il doit être débouté de l’ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation de la RATP à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre de l’atteinte au droit patrimonial de Gérard SCHER ou au profit de la Society FILM OFFICE DISTRIBUTION.
Elle demande en outre la condamnation in solidum de la RATP et de Jean-Michel AGNOUX à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle en vertu de l'atteinte au droit moral de l'intimé.
Reconventionnellement, elle poursuit la condamnation :
- de Gerard SCHER, à lui verser une somme de 200.000 frs en réparation du préjudice subi du fait de l’interruption de la diffusion et de l’exploitation commerciale du videogramme "PARIS RETRO", avec intérêts de droit à compter du présent arrêt, - in solidum, de la RATP, de Gerard SCHER et de Jean-Michel AGNOUX à lui payer la somme de 15.000 frs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
La Société FILM OFFICE DISTRIBUTION conteste à titre principal la qualité d'auteur au sens de la loi de 1957 de Gerard SCHER et conclut au rejet des demandes de celui-ci. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'elle ne pouvait mettre en doute la réalité des droits qui lui ont été cédés et qu'elle doit ainsi être mise hors de cause.
Elle poursuit la condamnation de la Société MEDIA 9 à la garantir de toutes condamnations éventuelles, conformément à l’article 4 du mandat de distribution du 25 février 1989 ou, à défaut, de la RATP, "auteur de la faute originelle".
Dans l'hypothèse ou la Cour entendrait maintenir le principe d'une condamnation solidaire entre la RATP, la Société MEDIA 9 et elle-même sur le fondement de la contrefaçon, elle soutient que la réparation éventuellement due doit être calculée sur le fondement des usages existant en la matière.
Elle s'oppose enfin à toute mesure de publication.
Jean-Michel AGNOUX qui a formé un appel incident par conclusions du 7 février 1994, expose que Pierre BROUWERS, alors gérant de la Société MEDIA 9, lui a confié plusieurs films préexistants consistant en des montages d'images d'archives de la RATP et, après lui avoir donné l’assurance verbale que cette dernière lui avait conféré expressément le droit de les utiliser, l'a invité à sélectionner dans son propre film celles des séquences qui lui paraitraient les plus intéressantes.
Alléguant à titre principal qu'il n'a commis aucune faute, à la suite de ses travaux de montage, il sollicite sa mise hors de cause ou, à titre subsidiaire, l’irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts de Gérard SCHER faute de préjudice personnel et direct de celui-ci ou, plus subsidiairement, la condamnation de la RATP et de la Société MEDIA 9 ou de cette société seule, à le relever de toutes condamnations.
En toutes hypothèses, il poursuit :
- la condamnation de Gérard SCHER d'une part, de la RATP et de la Société MEDIA 9 d'autre part, "ensemble et in solidum" à lui verser une somme de 15.000 frs en vertu de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,
- la restitution des sommes par lui versées à Gérard SCHER,
- la condamnation de Gérard SCHER "éventuellement" de la RATP et de la Société MEDIA 9 "en toute hypothèse", aux dépens.
Gerard SCHER soutient avoir créé une oeuvre originale qui suffit à justifier son action.
Aux termes de son appel incident du 23 septembre 1994, il demande la condamnation de :
- la RATP au paiement de la somme de 100.000 frs en réparation de la cession des droits de l'intimé à la Videothèque de PARIS,
- la RATP, la Société MEDIA 9 et la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION, prises solidairement au paiement de la somme de 1.200.000 frs à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon,
- Jean-Michel AGNOUX et la Société MEDIA 9, solidairement, à la somme de 200.000 frs pour violation de son droit au nom et à la paternité sur l’oeuvre,
- l’ensemble des appelants pris solidairement au paiement d'une somme de 100.000 frs en indemnisation de la violation de son droit au respect de ses oeuvres.
Il sollicite en outre :
- la saisie des cassettes "PARIS RETRO" en vente,
- l’interdiction de la vente de celles-ci sous astreinte de 1.000 frs par infraction constatée,
- la publication du présent arrêt,
- la condamnation des appelants au paiement d'une somme de 30.000 frs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Subsidiairement, il conclut à la confirmation pure et simple du jugement déféré.
SUR CE
SUR LA PROCÉDURE
Considérant que la clôture de l’instruction a été prononcée le 23 octobre 1995.
Que, par conclusions du 25 octobre suivant, Gerard SCHER alléguant que la Société MEDIA 9 avait versé aux débats 28 pièces selon bordereau en date du 23 octobre 1995, a, sur le fondement des articles 15, 16, 135, 783 et suivants du nouveau Code de Procédure Civile, sollicité le rejet de ces pièces des débats.
Qu'il convient de faire droit à cette demande.
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
Sur la qualité d'auteur de Gerard SCHER
Considérant que les Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE DISTRIBUTION allèguent que l’article 14 de la loi du 11 mars 1957, applicable à la procédure, institue pour les oeuvres cinématographiques ou assimilées une présomption simple de la qualité d'auteur et limite le bénéfice de celle-ci à la personne physique qui a réalisé la création intellectuelle de l’oeuvre considérée.
Qu'elles soutiennent que Gerard SCHER aurait simplement, en l'espèce, procédé au montage en continuité de documents d'archives appartenant à la RATP et ne saurait ainsi revendiquer aucun droit de propriété sur les images qui ont été mises à sa disposition par cette dernière, laquelle disposerait seule du droit de diffusion et d'édition y afférent.
Considérant que Gerard SCHER ne conteste pas que le contrat du 24 octobre 1980 qui l’unit à la RATP ne concernait que l’organisation des archives de celle-ci et prévoyait effectivement un montage en continuité de documents dans un but de restauration.
Qu'il fait, en revanche, valoir que la convention du 12 janvier 1984 portait sur la réalisation des deux films en cause et a donné lieu à un travail technique, artistique et historique rigoureux et élabore de montage complet d'images d'archives minutieusement sélectionnées qui constitue une oeuvre originale, référence obligée sur le sujet et dont l’aspect artistique et personnel est indéniable.
Qu'il souligne qu'au demeurant la RATP n'a jamais contesté sa qualité d'auteur et a pris soin de procéder au dépôt légal des films en cause en le déclarant comme le réalisateur de ceux-ci.
Considérant que le fait de choisir dans un fonds d'archives aussi important que peut l’être celui de la RATP des documents par définition épars, constitués par des personnes différentes, dans des conditions et à des dates diverses, de sélectionner ceux qui sont susceptibles de s'associer et de les ordonner de telle sorte qu'ils puissent constituer non plus une succession d'images sans liens entre elles mais un ensemble audio-visuel cohérent, suffit à caractériser une oeuvre de l’esprit, reflet de la personnalité de son auteur et bénéficiant de ce fait de la protection de la loi du 11 mars 1957.
Or considérant que Gerard SCHER a réuni des images d'archives des années 1928 à 1934 pour réaliser le film "METROPOLIS 1930" à partir de plusieurs thèmes : la construction du métropolitain entre 1900 et 1921, l’inauguration de deux lignes, l’utilisation quotidienne, l’entretien et les réparations du matériel, la nuit sur le réseau, qui, par leur choix et le souci de donner au spectateur une vision linéaire et complété d'un mode de transport, reflètent la conception personnelle qu'a l’auteur de l’apparition et de la vie habituelle de celui-ci à une époque déterminée.
Que "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" est un film constitué d'archives tournées entre 1925 et 1935, également fondé sur l'évocation de plusieurs thèmes : la journée d'un conducteur d'autobus vers 1925, les incidents d'exploitation, l'existence d'un circuit autocar-bateau ou les autobus "SCHNEIDER" vers 1935, dont le choix délibéré porte l'empreinte de la personnalité de l'intimé.
Qu'au surplus, la qualité d'auteur de Gérard SCHER n'a jamais été contestée par la RATP.
Qu'il convient en effet de relever que si la commande du 24 octobre 1980 porte sur le montage en continuité de documents d'archives avec titres et cartons explicatifs, celle du 12 janvier 1984 a pour objet la "réalisation, direction de production et de coordination" par Gérard SCHER de deux films d'archives de 15 mn.
Qu'au surplus, ceux-ci portent la mention au générique du nom de l'intimé en tant que réalisateur.
Sur la cession intervenue entre la RATP et la Videothèque de PARIS
Considérant que la RATP ne conteste pas avoir cédé les droits de diffusion non commerciale et non exclusive sur les films "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" mais invoque d'une part, sa bonne foi, d'autre part la gratuite de la cession, enfin le caractère hypothétique du préjudice allègue au motif que ces films ne feraient l’objet que d'une très faible consultation individuelle des adhérents de la Videotheque.
Mais considérant que l’auteur d'une oeuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété exclusif qui l'autorise à en poursuivre la violation.
Qu'il ne saurait être contesté qu'en cédant des droits qui ne lui appartenaient pas, la RATP a commis une faute dont elle doit réparation et qui est d'autant plus caractérisée que les films ont été "produits" par le service de ses relations extérieures, lequel était, de par ses fonctions, censé connaitre tout particulièrement la législation en vigueur dans le présent cas.
Que Gerard SCHER fait à juste titre valoir que la cession litigieuse rend désormais son oeuvre accessible à tous et réduit d'autant ses chances de l’exploiter.
Que le Tribunal a, exactement relevé qu'en toute hypothèse, le caractère gratuit de la cession n'était pas de nature à restaurer l’auteur dans ses droits.
Considérant que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer l’indemnité due par la RATP à Gerard SCHER à la somme de 50.000 frs.
Sur la cession intervenue entre la RATP et la Société MEDIA 9
Sur les fautes invoquées
Considérant que la RATP ne conteste pas avoir le 9 mai 1989 cédé à la Société MEDIA 9 le droit d'intégrer à des fins commerciales certaines séquences de "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" dans le videogramme "PARIS-RETRO".
Que celui-ci, à l’issue de sa réalisation par Jean-Michel AGNOUX et de sa diffusion par la Society FILM OFFICE DISTRIBUTION, reproduisait dix extraits des oeuvres de Gerard SCHER et ce, sans l’autorisation de celui-ci, sans indication de son non, par le biais d'une insertion dans un ensemble qui portait atteinte au caractère originel des films, tous faits suffisant à caractériser les griefs de contrefaçon, de violation du droit moral de l’auteur et du droit au respect de l’oeuvre de celui-ci.
Sur l'imputabilité et les effets desdites fautes
Sur la contrefaçon
Considérant que le fait pour la RATP d'avoir cédé des droits qui ne lui appartenaient pas, suffit à caractériser la gravité de la faute commise par elle.
Qu'à la Société MEDIA 9 qui fait valoir qu'elle était légitimement fondée à voir dans la co- contractante la titulaire des droits de reproduction et de représentation des deux films de Gerard SCHER, il convient d'opposer sa qualité de professionnelle de l'audiovisuel à laquelle incombait l'obligation de vérifier l'existence, l'origine et l'étendue des droits acquis.
Considérant que la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION soutient que la Société MEDIA 9 avait, aux termes de l'article 4 du mandat de distribution du 25 janvier 1987, déclare disposer de l’ensemble des droits permettant de procéder à l'exploitation des films sous forme de videogrammes et que les vérifications de la réalité des droits transmis n'auraient pu que l'amener à constater que cette société lui avait, en toute bonne foi, cédé et garanti des droits qu'elle détenait elle-même de la RATP, laquelle ne pouvait être soupçonnée d'avoir commis une irrégularité.
Mais considérant qu'il appartenait également à cette société, professionnelle confirmée de l’audiovisuel, avant d'effectuer la distribution du vidéogramme "PARIS RETRO" de procéder à toutes recherches et vérifications sur la titularité des droits concédés, étant observé que la seule mention au générique des deux films de la RATP du nom de Gerard SCHER en qualité de réalisateur, aurait été normalement suffire à éveiller son attention.
Considérant que le Tribunal a relevé à bon droit que la Société MEDIA 9 ne pouvait rechercher la garantie de la RATP dans la mesure où elle disposait à la signature du contrat du 9 mai 1989 des éléments d'information qui lui permettaient de s'assurer de la plénitude des droits acquis.
Qu'en revanche, l’article 4 du mandat du 25 février 1987 liant les Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE DISTRIBUTION dispose expressément que la première garantit la seconde contre tous recours ou revendications pouvant émaner des ayants-droit et notamment des auteurs des films à l’occasion de l’exploitation, objet du mandat.
Considérant d'une part que le fait que la contrefaçon ait porté entre 1989 et 1994 sur 8169 cassettes et se soit poursuivie en 1995 à proportion de 100 cassettes, ainsi qu'en a attesté, la S.D.R.M. le 22 septembre 1995, d'autre part, que l’exploitation du surplus de l’oeuvre de Gérard SCHER soit compromise par l'utilisation partielle incriminée, suffit à justifier l'attribution à l'intimé de la somme de 150.000 frs à titre de réparation.
Sur l’atteinte au droit moral
Considérant que le nom de Gerard SOBER n'apparaît pas sur le vidéogramme "PARIS RETRO".
Que l'intimé en déduit qu’il est en droit de demander réparation de cette omission tant à la Société MEDIA 9 qui a reproduit son oeuvre de manière illicite qu'à Jean-Michel AGNOUX au motif que celui-ci se serait ainsi attribué mensongèrement la paternité des extraits utilisés.
Considérant qu'il ne saurait être contesté que la Société MEDIA 9 qui avait reçu de la RATP les films "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" et avait nécessairement connaissance du nom de leur auteur, a omis de mentionner celui-ci dans la cassette litigieuse.
Qu'en revanche en l’absence de production aux débats de tout contrat liant la Société MEDIA 9 à Jean-Michel AGNOUX qui aurait permis de déterminer exactement les obligations de celui-ci, il convient de relever que ce réalisateur affirme sans être contredit avoir été chargé de réaliser seulement le travail de sélection, d'habillage et de montage du film "PARIS-RETRO".
Qu'au surplus, il souligne à juste titre qu'il est d'usage notoire que la définition des mentions à inclure au générique appartient au producteur.
Que sa responsabilité sera donc écartée en l'espèce ainsi, de ce fait, que toute demande de garantie à son encontre.
Considérant que l'atteinte au droit moral de Gerard SCHER, commise par la seule société MEDIA 9 sera équitablement réparée par une indemnité de 50.000 frs, étant précisé que la demande en garantie formulée par cette Société à l’encontre de la RATP doit être rejetée pour les motifs déjà énoncés.
Sur la violation du droit au respect
Considérant que Gérard SCHER allègue qu'en reprenant dix extraits de ses oeuvres sans son autorisation et en les incorporant à la cassette "PARIS-RETRO", l’ensemble des appelants a nécessairement porté atteinte au respect de son oeuvre.
Considérant que l'intégration pure et simple d'extraits d'une oeuvre de l’esprit dans une autre oeuvre emporte à l'évidence dénaturation de la première, laquelle, tronquée et replacée dans un contexte différent, prend nécessairement au contact de celle dans laquelle elle s'insère, une apparence et une signification nouvelles et ne reflète plus la personnalité de son auteur.
Que la RATP, la Société MEDIA 9 et la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION ne pouvaient ou ne devaient professionnellement ignorer que le montage des extraits susvisés emportait atteinte à l’oeuvre de Gérard SCHER.
Mais considérant que si les premiers juges ont également retenu ce grief à l'encontre de Jean-Michel AGNOUX, il y a lieu de rappeler que l’absence de production aux débats - ou d'existence - d'une convention liant la Société MEDIA 9 à cet intimé, ne permet pas de caractériser à l'encontre de celui-ci l’existence de la faute incriminée dans la mesure où, eu égard aux seules explications verbales qui lui auraient été données, il a pu croire réaliser à partir de divers documents filmés un montage autorisé par leurs auteurs.
Que la RATP, la Société MEDIA 9 et la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION seront donc seules condamnées in solidum à verser à Gerard SCHER une somme de 50.000 frs à titre de dommages et intérêts.
Que la Société MEDIA 9 devra, en vertu de l’article 4 du mandat de distribution du 25 février 1987, garantie de ce chef à la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION.
Sur les demandes d'interdiction et de publication
Considérant que Gerard SCHER sollicite à bon droit l'interdiction de vente de la cassette PARIS-RETRO et la publication du présent arrêt.
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONHELLES
Considérant que ces prétentions, eu égard au bien-fondé des demandes principales, seront rejetées à l’exception de celle de Jean-Michel AGNOUX qui réclame à bon droit restitution des sommes par lui versées à Gerard SCHER en exécution du jugement déféré.
SUR LES FRAIS NON TAXABLES
Considérant qu'il convient de condamner in solidum la RATP, la Société MEDIA 9 et la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION à payer à Gérard SCHER une somme de 20.000 frs pour les frais par lui exposés en première instance et en cause d'appel.
Qu'il est équitable de laisser à Jean-Michel AGNOUX la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Rejette des débats les pièces communiquées le 23 octobre 1995,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit les demandes de Gerard SCHER recevables et bien fondées.
le réforme pour le surplus et statuant à nouveau, condamne :
- la RATP à payer à Gérard SCHER une somme de CINOUANTE MILLE FRANCS (50.000 frs) en réparation du préjudice ne de la cession des films "METROPOLIS 1930" et "LES ANNEES FOLLES DES AUTOBUS" à la Videothèque de PARIS,
- in solidum, la RATP, la Société MEDIA 9 et la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION à verser à Gerard SCHER :
- une somme de CENT CINOUANTE MILLE FRANCS (150.000 frs) en réparation de la contrefaçon des deux films susvisés,
- une somme de CINOUANTE MILLE FRANCS (50.000 frs) en indemnisation du préjudice résultant du non-respect de ses oeuvres,
étant précisé que la Société MEDIA 9 devra garantir la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION du paiement des sommes que celle-ci devra verser à Gerard SCHER de ces chefs,
- la Société MEDIA 9, à payer Gerard SCHER une somme de CINOUANTE MILLE FRANCS (50.000 frs) en réparation de l’atteinte portée à son droit moral,
Met hors de cause Jean-Michel AGNOUX,
Ordonne en conséquence à Gerard SCHER de restituer à celui-ci les sommes par lui versées en exécution du jugement déféré,
Fait interdiction à la RATP, à la Société MEDIA 9 et à la Société FILM OFFICE DISTRIBUTION d'offrir à la vente et de vendre des cassettes ’’PARIS-RETRO" sous astreinte provisoire de CINQ CENTS FRANCS (500 frs) par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt.
Ordonne la publication de celui-ci dans trois périodiques au choix de Gerard SCHER et aux frais in solidum de la RATP et des Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE DISTRIBUTION à payer à Gerard SCHER une somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 frs) en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,
Rejette toutes autres demandes.
Condamne in solidum la RATP et les Sociétés MEDIA 9 et FILM OFFICE DISTRIBUTION aux dépens de première instance et d'appel,
Admet Me LECHARNY Avoue, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.