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Décisions

Cass. com., 21 janvier 1992, n° 90-13.127

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hatoux

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Boré et Xavier, SCP Peignot et Garreau

Versailles, du 8 mars 1990

8 mars 1990

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans la procédure de redressement judiciaire de M. X..., qui exploitait une pharmacie dans un centre commercial, le Tribunal a écarté le projet de plan de continuation présenté et a ordonné la liquidation judiciaire ; que sur appel du débiteur, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté le plan de continuation et, après avoir constaté que l'administrateur de la procédure collective avait reçu d'un tiers une offre de reprise du fonds de commerce dont les premiers juges n'avaient pas pu avoir connaissance, a infirmé la décision et renvoyé l'affaire devant eux afin qu'il soit à nouveau statué au vu d'un projet de redressement par cession, en ouvrant une nouvelle période d'observation d'un mois ;

Sur le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la disposition de l'arrêt ayant confirmé le rejet du plan de continuation proposé :

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985, le plan de redressement judiciaire est destiné à permettre la sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et de l'emploi et en dernier lieu l'apurement du passif ; qu'en faisant prévaloir, pour rejeter le plan de redressement par continuation, le règlement du sort des créanciers sur les autres finalités de l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985 par l'exigence d'un règlement immédiat à 100 % des créanciers, tout en constatant que le plan de redressement par continuation permettrait d'assurer la sauvegarde de l'entreprise et le maintien des emplois, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 69, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 qui dispose que le Tribunal décide la continuation de l'entreprise lorsqu'il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif ; alors, de plus, que la loi du 25 janvier 1985 prend nécessairement en considération l'intérêt du débiteur puisqu'en cas de redressement par continuation, le débiteur, personne physique, est maintenu à la tête de son entreprise et retrouve son autonomie patrimoniale, ce que confirment a contrario les dispositions des articles 23 de la loi du 25 janvier 1985 et 41 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles 1er et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, en outre, que le débiteur avait fait valoir que le dépôt de bilan avait été essentiellement causé par les emprunts qu'il avait dû souscrire en raison du prix élevé de la pharmacie et par la fermeture du supermarché considéré comme l'élément pilote du centre commercial ; qu'en ne retenant que les erreurs de gestion du débiteur qui ont, en l'espèce, un caractère secondaire, sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le débiteur avait fait valoir que le centre commercial Leclerc qui a remplacé l'ancien Monoprix constituait un moteur important, comme l'attestent les pièces 2 et 3 produites aux débats qui établissent que l'hypermarché du centre

Corail se trouve en tête de l'ensemble des hypermarchés des Yvelines ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les créanciers devaient, aux termes du plan de continuation, être remboursés sur une durée de 10 années, sans intérêts, et que la bonne réalisation du plan était conditionnée par le maintien de l'hypermarché servant de locomotive au centre commercial ainsi que de la rentabilité et du chiffre d'affaires de la pharmacie, aucun écart par rapport aux prévisions du plan ne pouvant être toléré, la cour d'appel a encore retenu que M. X... ne s'était pas montré un gestionnaire avisé, engageant, juste après l'achat de son officine, des frais importants sans être en mesure d'y faire face ni organiser son exploitation de manière rationnelle, augmentant son patrimoine personnel à l'aide d'autres emprunts et maintenant ses prélèvements à un niveau excessif par rapport aux résultats de l'entreprise ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, qui répondent en les écartant aux conclusions invoquées, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en considérant que le plan de continuation n'était pas suffisamment sérieux et en l'écartant ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le pourvoi en tant qu'il est formé contre la disposition de l'arrêt ayant renvoyé l'affaire devant les premiers juges, afin qu'il soit à nouveau statué par eux au vu d'un projet de redressement par cession :

Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu qu'il est soutenu que le pourvoi serait irrecevable aux motifs, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'article 171 de la loi du 25 janvier 1985 ni de son article 173 que les décisions de renvoi devant les premiers juges soient susceptibles de pourvoi en cassation et, d'autre part, que l'arrêt attaqué, qui n'a pas mis fin à l'instance, n'est pas susceptible de pourvoi en cassation en vertu de l'article 607 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la loi du 25 janvier 1985 ne renfermant aucune disposition prohibant l'exercice du pourvoi en cassation à l'encontre des décisions de la nature de l'arrêt attaqué, celui-ci se trouve, dès lors, soumis aux règles applicables à cette voie de recours ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, ayant renvoyé le litige devant les premiers juges afin qu'il soit à nouveau statué par eux au vu d'un projet de redressement par cession, a rendu un arrêt qui a mis fin à l'instance introduite devant elle ;

D'où il suit que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 481, alinéa 1er, et 561 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 177, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'après avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté le plan de continuation seul présenté au Tribunal, la cour d'appel a infirmé le chef de la décision qui avait, dans ces conditions, prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise et a renvoyé le litige devant les premiers juges afin qu'il soit à nouveau statué par eux au vu de l'offre d'acquisition du fonds reçue par l'administrateur durant l'instance d'appel ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le Tribunal avait été dessaisi du litige par l'effet du jugement prononcé et que, par suite de l'appel interjeté, la chose jugée se trouvait remise en question devant la juridiction du second degré pour qu'il soit à nouveau statué par elle en fait et en droit, l'infirmation prononcée du chef de la liquidation judiciaire n'imposant pas de renvoyer l'affaire devant le Tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a renvoyé le litige devant les premiers juges afin qu'il soit à nouveau statué par eux au vu d'un projet de redressement par voie de cession, l'arrêt rendu le 8 mars 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.