CA Bastia, ch. civ., 18 décembre 2013, n° 12/00943
BASTIA
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lavigne
Conseillers :
Mme Alzeari, Mme Luciani
Avocats :
Me Talamoni, Me Filippi
Mme X a reçu signification, le 26 avril 2012, à la requête de M. Y, d'un commandement de payer avant saisie vente pour une somme totale de 13.976,79 euros représentant le montant d'un chèque impayé, non daté, présenté en août 1992.
Soutenant que ce chèque a été émis par son ex époux qui a quitté le domicile conjugal en octobre 1991 en emportant le chéquier et que le commandement présente des irrégularités, Mme X a assigné M. Y devant le juge de l'exécution aux fins de voir dire nul et de nul effet le commandement de payer, également pour voir constater la déchéance de l'action engagée pour un chèque datant de 1992 ainsi que pour obtenir la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 8 novembre 2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bastia, statuant au contradictoire des parties, a :
- dit nul et de nul effet le commandement de payer aux fins de saisie vente délivrer le 26 avril 2012,
- débouté les parties pour le surplus et autres demandes plus amples, différentes ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Y aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 décembre 2012, M. Y a relevé appel de cette décision.
En ses dernières conclusions déposées le 1er mars 2013, il demande à la cour de :
- infirmer en tous points le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- débouter Mme X de toutes ses demandes,
- la condamner à payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Il fait valoir qu'il a cherché vainement à recouvrer le montant d'un chèque de 50 000 francs, soit 7 622,45 euros, à lui remis courant 1992 en remboursement d'un prêt d'argent consenti à Mme X et pour lequel l'huissier de justice a établi un titre exécutoire qui n'a pu donner lieu à une mesure d'exécution fructueuse; que le titre exécutoire a été régulièrement signifié aux deux débiteurs et qu'il n'a jamais été contesté ; que ce titre, signifié le 20 janvier 1994, n'est pas atteint par la prescription.
Il soutient que, contrairement à l'appréciation faite par le premier juge, les imperfections du titre exécutoire et de sa signification ne sont cependant pas de nature à entraîner la nullité de ces actes en l'absence de grief caractérisé ni même invoqué.
En ses dernières conclusions déposées le 9 avril 2013, l'intimée demande à la cour de :
- principalement, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'irrégularité du chèque et des actes d'huissier des 8 décembre 1993 et 20 janvier 1994 et prononcé la nullité du commandement de payer du 26 avril 2012,
- à titre subsidiaire, constater la prescription extinctive, dire au besoin que la créance prétendue est sans cause, constater les contradictions de M. Y qui prétend n'avoir pu identifier la prétendue bénéficiaire de son prêt (la fille de ses voisins) que vingt ans plus tard,
- plus subsidiairement encore, dire que les intérêts et frais sont indus,
- dans tous les cas, condamner M. Y à payer une somme de 1 500 euros pour procédure abusive et la même somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Elle critique la validité du commandement de payer motif pris, d'abord, de ce que le chèque qui en constitue la cause, présenté en août 1992, a été établi irrégulièrement puisqu'il est non daté. Elle invoque par ailleurs le défaut de signification régulière des actes de la procédure, s'appropriant sur ce point les motifs du jugement, ainsi que l'absence de cause en contestant être la bénéficiaire du prêt invoqué par M. Y.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 juin 2013 fixant l'audience de plaidoiries au 18 octobre 2013.
SUR QUOI, LA COUR
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Il résulte des productions que M. Y est porteur d'un chèque non daté, d'un montant de 50 000 francs (7 662 euros), émis à son ordre, tiré sur un compte ouvert au nom de M. ou Mme X "lotissement Santa Lucia Furiani" ; que ce chèque a fait l'objet d'un certificat de non-paiement le 7 août 1992, signifié par acte d'huissier du 8 décembre 1993 à "M. et Mme X domicilié <adresse> à Bastia" mais remis en mairie ; qu'à la suite, un titre exécutoire a été établi le 29 décembre 1993 et signifié à "M. et Mme X domicilié <adresse> à Bastia" par acte d'huissier en date du 20 janvier 1994, également remis en mairie ; qu'enfin, un commandement de payer visant ce titre exécutoire a été signifié à "Mme X divorcée de M. X" en personne, par acte d'huissier du 26 avril 2012, pour la somme de 13 976,79 euros.
Pour annuler ce commandement, le premier juge a retenu que la signification du titre émis par l'huissier de justice à «Mme X» sans indication du prénom ni du nom de naissance, s'avère à l'évidence entachée d'une irrégularité en raison de son caractère incomplet du point de vue des mentions relatives à l'état civil ; qu'en outre, cette même imprécision se retrouve s'agissant du titre, la débitrice étant seulement désignée comme «Madame X», circonstance qui s'oppose à voir considérer que le titre oblige valablement Mme A..
S'agissant du titre exécutoire, la désignation de la débitrice sous la seule identité de "Madame X" porte en effet la marque d'une imprécision qui, contrairement à ce que soutient l'appelant, est de nature à faire grief au regard des erreurs d'identification qu'elle peut engendrer. Il suffit pour s'en convaincre de relever que, comme l'intimée le fait valoir et en justifie, l'appelant a dans un premier temps tenté d'exécuter le titre au préjudice de Mme XX, qui est en réalité la soeur de l'intimée, ce qui a valu à M. Y une condamnation à des dommages intérêts par jugement du 24 mai 2012. C'est en conséquence
à bon droit que le premier juge a considéré que l'imprécision affectant l'identité de la débitrice mentionnée sur le titre était substantielle, en ce qu'elle n'autorisait pas une identification suffisante de la personne engagée, et qu'elle viciait dès lors la validité même du titre.
C'est également à bon droit que le premier juge a retenu que la signification de ce titre à une personne simplement désignée sous l'identité de Mme X n'est pas suffisante, en ce qu'elle permet de douter de l'identité et rend une erreur possible comme le prouve suffisamment la délivrance le 14 mars 2012, sur le fondement de cette signification, d'un commandement de payer à la soeur de l'intimée. En outre, cette dernière n'a jamais eu connaissance, avant la délivrance du commandement de payer, ni du titre exécutoire ni de sa signification, cette situation pouvant trouver son origine, comme elle le soutient, dans les imprécisions d'identité stigmatisées.
En ce qu'il est fondé sur un titre irrégulier et au surplus irrégulièrement signifié, le commandement de payer délivré à Mme X le 26 avril 2012 doit être annulé comme l'a décidé justement le juge de l'exécution dans une décision méritant confirmation de ce chef.
La demande de dommages intérêts formée par l'appelant pour résistance abusive est dès lors sans objet.
C'est par de justes motifs que le premier juge a considéré que Mme X ne justifiait pas d'un préjudice particulier résultant de l'action en recouvrement du créancier, cette action ne revêtant pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère abusif. La demande en paiement de dommages intérêts formée par l'intéressée n'est donc pas fondée et a été, par suite, justement rejetée.
Enfin, les dispositions du jugement écartant l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens seront également confirmées.
M. Y, qui succombe dans son recours, sera condamné aux dépens de l'appel. Au regard de l'équité, il convient de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute M. Y de toutes ses demandes,
Déboute Mme X de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Y aux dépens de l'appel.