Cass. 1re civ., 9 avril 1988, n° 86-14.684
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Grégoire
Avocat général :
M. Dontenwille
Avocats :
Me Ryziger, SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin
Attendu que M. X..., exploitant d'une discothèque, a conclu avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) un contrat de représentation générale, moyennant une redevance de 8,25 % de ses recettes brutes, dont 1,65 % au titre du " droit complémentaire de reproduction mécanique " et 6,60 % au titre du droit de représentation ; qu'assigné par la SACEM en paiement de cette redevance, M. X... a soulevé la nullité du contrat et que l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 mars 1986) a rejeté cette prétention et fait droit à la demande de la SACEM ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le moyen de nullité tiré de la stipulation d'un droit de reproduction mécanique, alors, selon le moyen, que le fait d'utiliser des phonogrammes dans une discothèque ne constituant pas un acte de fixation matérielle de l'oeuvre, l'obligation de l'exploitant de payer un droit de reproduction est dépourvue de cause et que la cour d'appel a violé les articles 28 de la loi du 11 mars 1957 et 1131 du Code civil ; et alors, encore, que M. X... avait fait valoir que si les auteurs avaient signé un " contrat type pour l'industrie phonographique " autorisant l'enregistrement de leurs oeuvres pour usage privé, ils avaient également conclu un " contrat de cession et d'édition ", lequel ne contenait aucune restriction quant à la représentation publique et emportait " épuisement " de leur droit de reproduction ; qu'il y avait donc entre ces deux contrats une contradiction sur laquelle la cour d'appel ne s'est pas expliquée, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé, par motifs propres et adoptés, que, par l'intermédiaire de la Sdrm, la SACEM, titulaire des droits d'auteur de ses adhérents, avait passé avec les producteurs de phonogrammes un contrat qui autorisait uniquement l'utilisation privée des disques et cassettes, à l'exclusion de toute diffusion publique, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que cette constatation rendait inopérantes, a jugé à bon droit que l'autorisation donnée par la SACEM aux exploitants de discothèques d'étendre à une destination nouvelle le domaine d'exploitation du droit de reproduction cédé au nom des auteurs légitimait en contrepartie la stipulation d'une redevance complémentaire au titre du droit de reproduction mécanique ;
Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir violé l'article 30 du traité de Rome en ne répondant pas au moyen par lequel il soutenait que les articles 30 et 36 de ce Traité faisant obstacle à la perception par la SACEM du droit complémentaire de reproduction à l'occasion de l'exécution publique, au moyen de phonogrammes importés en France, d'oeuvres du répertoire de sociétés étrangères, il convenait de poser sur ce point une question à la Cour de Justice des Communautés européennes ;
Mais attendu que la Cour de Justice des Communautés, statuant sur une question posée par une autre cour d'appel, en des termes identiques à ceux que formulait M. X..., a jugé, par un arrêt du 9 avril 1987, que les articles susvisés ne faisaient pas obstacle à la perception du droit de reproduction litigieux dans de pareilles conditions ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir admis que la SACEM pouvait valablement lui réclamer paiement d'une redevance au titre du droit de représentation, alors, selon le moyen, que la diffusion d'une oeuvre musicale par phonogramme est une communication " indirecte " et ne constitue donc pas une " représentation " au sens de l'article 27 de la loi du 11 mars 1957, dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juillet 1985 ; que la cour d'appel a ainsi violé ce texte et, par voie de conséquence, l'article 1131 du Code civil ; et alors, au surplus, qu'en étendant la protection des droits des auteurs au-delà de celle qu'a instituée la loi du 11 mars 1957, sans s'attacher à la nécessité de " communication directe au public " posée par l'article 27 ancien, au motif que ce texte devait être interprété dans un sens favorable aux auteurs, la décision attaquée a violé les articles 1 et 27 de la loi du 11 mars 1957 ;
Mais attendu que la communication " directe " de l'oeuvre au public impliquant seulement la présence d'un public, la cour d'appel a retenu exactement, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le pourvoi, que cette communication pouvait être effectuée par quelque procédé de diffusion que ce soit, et en particulier par le disque, dont l'audition par le public constitue une représentation au sens de l'article 27 de la loi du 11 mars 1957 ;
Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé la décision des juges du premier degré en ce qu'elle avait exclu la TVA de l'assiette de la redevance due à la SACEM, alors, selon le moyen, que la SACEM n'avait pas interjeté appel incident et que la cour d'appel a ainsi violé les articles 542 et 548 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, encore, que les conclusions de la Sacem " n'ayant pas invoqué de moyen touchant ce problème ", la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 16 du même Code, " retenir ce moyen " ;
Mais attendu que, dans ses conclusions du 23 janvier 1986, la SACEM avait déclaré expressément " faire appel incident " pour demander à la cour d'appel de prendre en compte la TVA dans le calcul de sa redevance " sur les recettes brutes toutes taxes et services inclus ", selon les termes du contrat de représentation générale, dont un arrêt de la Cour de Cassation du 16 avril 1984, cité par elle, avait admis la validité sur ce point ; que la cour d'appel n'a donc soulevé aucun moyen d'office en interprétant la convention des parties dans le sens demandé et que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé en la seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.