Cass. 3e civ., 5 janvier 2022, n° 20-17.428
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Djikpa
Avocat général :
Mme Vassallo
Avocats :
SCP Buk Lament-Robillot, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 janvier 2020), Mme [T] est associée de la société civile immobilière Le Carrefour de Destrellan (la SCI).
2. Par ordonnance du 16 mars 2012, un administrateur provisoire a été désigné avec pour mission de gérer et d'administrer la SCI.
3. Le 24 juillet 2015, l'assemblée générale de la SCI a adopté des résolutions portant sur l'approbation des comptes des exercices 2011 à 2014, le quitus donné aux cogérants, puis à l'administrateur, pour ces exercices, l'affectation des résultats de l'exercice 2014 et la rémunération de l'administrateur provisoire.
4. Mme [T] a assigné la SCI, représentée par son administrateur, en annulation de cette assemblée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de constater le non-respect de la règle de l'unanimité des associés
Enoncé du moyen
5. La SCI, représentée par son administrateur provisoire, fait grief à l'arrêt de constater que la règle de l'unanimité des associés n'a pas été respectée, alors :
« 1°/ que, sauf stipulation contraire des statuts de la société, l'unanimité des associés nécessaire à la prise des décisions excédant les pouvoirs du gérant désigne les associés présents ou représentés lors de l'assemblée générale ; qu'en affirmant que les comptes auraient dû être approuvés à l'unanimité des associés y compris les absents à l'assemblée, en l'absence de disposition statutaire particulière, la cour d'appel a violé l'article 1852 du code civil ;
2°/ que, sauf stipulation contraire des statuts de la société, l'unanimité des associés nécessaire à la prise des décisions excédant les pouvoirs du gérant désigne les associés présents ou représentés lors de l'assemblée générale ; qu'après avoir constaté que les statuts reprenaient cette disposition au sujet de l'adoption des décisions collectives, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en affirmant que les statuts exigeaient l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société plutôt que l'unanimité des associés présents à l'assemblée générale, violant ainsi l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1852 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article 1852 du code civil, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés.
7. Ce texte ne restreint pas l'unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société.
8. La cour d'appel a retenu que, les statuts de la SCI ne prévoyant aucune disposition particulière pour l'approbation des comptes, qui constitue une décision excédant les pouvoirs reconnus aux gérants, cette approbation devait être décidée à l'unanimité des associés.
9. Elle a, ensuite, souverainement retenu, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, que la clause des statuts stipulant que « toutes décisions qui excèdent les pouvoirs de gestion sont prises à l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société. Chaque part donne droit à une voix. », qui s'appliquait aux décisions portant sur le quitus donné à l'administrateur et la distribution des résultats, imposait l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société et non l'unanimité des voix des seuls associés présents à l'assemblée générale.
10. Elle a constaté que ces décisions n'avaient pas été prises à l'unanimité des voix de l'ensemble des associés.
11. Elle en a exactement déduit que les délibérations litigieuses avaient été adoptées en violation des règles statutaires et de la règle de l'unanimité des associés prévue par l'article 1852 du code civil.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des délibérations et d'ordonner le recouvrement des dividendes versés
Enoncé du moyen
13. La SCI, représentée par son administrateur provisoire, fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des délibérations prises à l'occasion de son assemblée générale du 24 juillet 2015 et d'ordonner à l'administrateur de poursuivre le recouvrement des dividendes versés, alors :
« 3°/ que la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société civile ne peut résulter que de la violation d'une règle impérative du titre neuvième du livre troisième du code civil ou de l'une des causes de nullité des contrats en général, la méconnaissance d'une disposition non impérative ; qu'en considérant que la méconnaissance de la règle de l'unanimité des associés issue du code civil en cas de décisions excédant les compétences du gérant justifiait l'annulation de la délibération relative à l'approbation des comptes, cependant que la règle méconnue n'était pas impérative, la cour d'appel a violé les articles 1844-10 et 1852 du code civil ;
4°/ que sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts n'est pas sanctionné par la nullité ;
qu'en considérant que la méconnaissance de la règle statutaire d'unanimité des associés pour toute délibération collective justifiait l'annulation des délibérations du 24 juillet 2015 portant quitus aux cogérants puis à l'administrateur, affectation du résultat, distributions des bénéfices, retrait d'une résolution et fixation des honoraires de l'administrateur, lorsque cette règle ne constituait pas une dérogation statutaire à une règle impérative la cour d'appel a violé les articles 1844-10, 1852 et l'ancien article 1134 du code civil. »
Réponse de la Cour
14. Aux termes de l'article 1844-10, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du titre neuvième du livre troisième du code civil ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.
15. Le principe d'unanimité, posé par l'article 1852 du code civil, à défaut de dispositions statutaires, pour prendre des décisions collectives qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants, relève des dispositions impératives au sens de l'article 1844-10 précité.
16. La violation de ce principe ou des règles statutaires qui l'aménagent est sanctionnée par la nullité.
17. La cour d'appel a exactement retenu que la violation des règles statutaires et légales relatives à l'adoption, par l'assemblée générale, des décisions excédant les pouvoirs du gérant relatives à l'approbation des comptes des exercices 2011 à 2014, au quitus donné aux gérants et à l'administrateur pour ces exercices, à l'affectation des résultats de l'exercice 2014 et à la fixation des honoraires de l'administrateur, était sanctionnée par la nullité.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.