CA Montpellier, 1re ch. B, 20 janvier 2009, n° 07/07298
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
M. Martin (és qual.)
Défendeur :
Gift Import (SARL), Rawcha (SARL), Me Marion (és qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Deltel
Conseillers :
M. Blanc-Sylvestre, M. Andrieux
Avoués :
SCP Divisia - Senmartin, SCP Auche-Hedou, Auche Auche, SCP Argellies - Watremet, SCP Capdevila - Vedel-Salles
Avocats :
Me Guers, Me Fabre, Me Richer
FAITS ET PROCEDURE :
Reprochant à la société GIFT IMPORT d'avoir sous louer irrégulièrement les locaux qu'elle lui a donné à bail [...], Monsieur Michel MARTIN a fait assigner cette société en résolution du bail et en déclaration d'inopposabilité de la sous location, devant le tribunal de grande instance de MONTPELLIER qui, par décision rendue le 17 octobre 2007, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, déboutant également la société GIFT IMPORT de ses demandes reconventionnelles.
Monsieur MARTIN a interjeté appel de cette décision par acte en date du 14 novembre 2008.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
Par dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2008, l'appelant demande de prononcer la résiliation du bail renouvelé le 18 septembre 1992, de juger que les sous-locations intervenues depuis la signature du bail renouvelé lui sont inopposables, d'ordonner l'expulsion immédiate du preneur et de tous occupants de son chef avec en tant que de besoin le concours de la force publique, de fixer l'indemnité d'occupation courant du prononcé de la décision au jour de la libération effective des locaux, condamner GIFT IMPORT à lui payer la somme de 75 586,09 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive, celle de 5 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant que :
- même si une autorisation de sous-louer a été donnée, le bailleur doit concourir au bail, formalité indispensable par application de l'article L. 145-31 du code de commerce,
- la résolution est justifiée d'autant qu'il subit un préjudice du fait de la privation de la faculté de solliciter une augmentation du loyer principal,
- s'il n'est pas discutable que la société GIFT IMPORT l'a informé de son intention de sous-louer à Monsieur MALOUM pour 11 mois en août 1993 et qu'il a concouru à l'acte du 31 août 1993, il reste qu'il conteste la validité des sous-locations intervenues à compter du 1er janvier 2003, auxquelles il n'a pas concouru, ce qui était impératif, le bail principal ne faisant pas obligation au preneur de sous louer,
- il a été privé de la possibilité de réajuster le loyer, le caractère irrégulier de la sous location et la résiliation du bail ne faisant pas obstacle à ce réajustement prévu par l'article L. 145-31du code de commerce, ce réajustement devant être égal à la différence entre le loyer principal et celui de la sous location, soit 5 666,80 € pour la période de 1995 à 2006, 10 417,89 € HT. Pour la période du 1er février 2006 au 31 décembre 2007,
- le délai de prescription n'est opposable qu'à compter de la connaissance par le bailleur de la sous location,
- il n'a pu connaître de la sous location critiquée du 15 décembre 2002 qu'à minima le jour de la signature de cet acte soit le 15 décembre 2002 et il a présenté sa demande le 23 janvier 2004,
Par dernières conclusions notifiées le 2 mai 2008, la SARL GIFT IMPORT demande la confirmation du jugement, demande de rejeter l'intervention de la SARL RAWCHA, de dire prescrite la demande de réajustement du loyer, et à défaut de prescription de la dire infondée, et s'il était fait droit à la demande de le condamner à payer la somme de 35 138,88 euros au titre du trop-perçu, celle de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Soutenant que :
- le contrat litigieux du 18 septembre 1992 rompt avec l'interdiction de sous location du bail, précédent, la clause contractuelle lui permettant de gérer librement le local sous réserve de ne pas consentir plus de droit qu'elle n'en a, les parties ayant entendu déroger aux dispositions de l'article L. 145-31 du code de commerce, prévoyant le concours du bailleur à l'acte de sous-location, l'acte du 31 août 1993 conclu avec Monsieur MALOUM portant la mention du bailleur ' bon pour concours ',
- l'exclusivité de gestion a donné lieu à une hausse importante du loyer en 1992 passant de 401 € à 610 €, les augmentations de loyers ayant été supérieures à l'augmentation légale,
- Monsieur MARTIN avait connaissance des sous-locations,
- la clause résolutoire du bail impose une sommation restée infructueuse pendant un mois, en l'espèce il n'y a eu aucune sommation,
- si la résolution est poursuivie sans référence à la clause résolutoire, les juges apprécient la gravité de la faute, or en l'espèce il n'y en a pas dans la mesure où elle était autorisée à sous louer, et si le concours du bailleur devait intervenir, ce manquement ne justifierait pas la résiliation,
- l'action en réajustement se prescrit par deux ans, or Monsieur MARTIN a eu connaissance de la sous location dès 1993 lequel a avalisé les autres contrats de sous location, et ce dernier demeure à proximité,
- la différence entre le loyer principal et le loyer de sous location se chiffrait en 2006 à 42 € par mois, les charges avoisinant un montant de 30 €, les contrats étant conclus de manière discontinue,
- si les demandes de l'appelant étaient accueillies il conviendrait de lui restituer le trop perçu consécutif à la hausse des loyers résultant de la possibilité de sous louer soit 209,16 € par mois,
- dans l'éventualité d'une résiliation du bail, il appartiendrait à la société RAWCHA de démontrer sa responsabilité et au surplus le préjudice est purement hypothétique, l'expertise étant prématurée,
Par dernières conclusions notifiées le 19 novembre 2008, la SARL RAWCHA demande de confirmer le jugement déféré et de condamner Monsieur MARTIN à payer la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, soutenant que son intervention volontaire est justifiée dès lors qu'elle subirait un préjudice important en cas de résiliation du bail, alors qu'elle est titulaire d'un bail de 23 mois courant depuis le 1er janvier 2007,
Par dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2008, Maître MARION agissant es qualité de Commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL GIFT IMPORT demande de prononcer sa mise hors de cause dès lors que les deux décisions, la première de redressement judiciaire, la seconde de liquidation, ont été rétractées et que la société est désormais in bonis.
MOTIFS DE LA DECISION :
Les affirmations de Maître MARION selon lesquelles la SARL GIFT IMPORT est in bonis ne sont pas contestées. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de ce dernier de se voir mis hors de cause.
Il est établi aux termes du contrat de bail commercial signé le 30 juin 1982 que Monsieur Michel MARTIN donnait à bail à Monsieur Claude VIGROUX des locaux sis [...] et que la SARL GIFT IMPORT est venue aux droits du preneur, le bail ayant été renouvelé selon acte sous seing privé le 18 septembre 1992.
Il était convenu entre les parties que l'intégralité des autres clauses figurant au bail authentique du 30 juin 1982 demeuraient inchangées, mais le locataire aurait la possibilité de sous louer les locaux objets du bail et qu'il ferait son affaire personnelle du renouvellement du contrat de sous-location, s'engageant à faire respecter par les sous-locataires les clauses et conditions du bail principal et à ne pas consentir de droits supérieurs à ceux du bail principal.
Il n'apparaît pas que les parties aient entendu déroger aux dispositions de l'article L.145-31 du code de commerce, qui prévoient qu'en cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte. Il y a lieu d'ailleurs de constater que le propriétaire MARTIN avait concouru à l'acte de sous-location conclu le 31 août 1993 entre la SARL GIFT IMPORT et Monsieur Achour MALOUM pour une durée de 11 mois, ce qui correspondait aux stipulations du bail principal.
En effet si celui-ci autorise le preneur à faire son affaire personnelle des renouvellements du contrat de sous-location, il ne l'autorise pas pour autant à faire son affaire personnelle du contrat initial de sous-location.
En outre il ne saurait être retenu que le propriétaire aurait renoncé à concourir à l'acte en contrepartie d'un loyer majoré, aucune stipulation de l'acte du 18 septembre 1992 ne le prévoyant. Au surplus la prétendue connaissance de la sous-location, invoquée mais non démontrée en l'espèce, ne saurait valoir concours à l'acte.
La carence du preneur constitue une faute dans la mesure où le propriétaire n'a pas été informé notamment du loyer stipulé entre le sous-locataire et ce dernier et n'a pu de ce fait exercer sont droit à réajustement du loyer. Les sous locations intervenues depuis l'acte de sous-location du 31 août 1993 ne lui sont donc pas opposables.
Il n'apparaît pas toutefois que le bailleur principal ait respecté le formalisme préalable prévu à l'acte du 30 juin 1982, qui stipule que la résiliation interviendra de plein droit un mois après une sommation d'exécuter restée infructueuse, aucune sommation n'étant produite aux débats.
En l'état de ce non-respect du formalisme contractuel et sans qu'il soit nécessaire de trancher le débat sur l'intensité de la faute et ses conséquences, la demande de résiliation du bail sera rejetée.
Monsieur MARTIN demande au titre du réajustement du loyer la somme de 75 586,09 €. Il ne produit toutefois des éléments permettant de fixer ce réajustement qu'à compter du 15 décembre 2002, à savoir le bail conclu entre la SARL GIFT IMPORT et Monsieur FESTRAETS Rudy stipulant un loyer de 13 907 € pour l'année 2003, aucun bail n'étant produit pour la période précédente. Il est établi aux termes du courrier adressé le 23 novembre 2003 par le gérant de la SARL GIFT IMPORT à son bailleur que le montant du loyer trimestriel était de 2 060 € soit un loyer annuel de 8 240 €. L'écart est donc de 5 667 € pour l'année 2003. Il n'est pas démontré que la sous-location se serait poursuivie dans les mêmes conditions jusqu'au 28 janvier 2006, date à laquelle il est établi par le contrat produit aux débats, que la SARL intimée a donné à bail les locaux à Monsieur Salim EL CHAMI pour un loyer de 20 700 € et pour une durée de 23 mois. Le bailleur justifie donc que le réajustement est fondé pour l'année 2003 et du 1er février 2006 jusqu'au 31 décembre 2007, étant observé que les documents produits par l'appelant permettent de considérer que le loyer payé par le locataire principal durant cette période était de 2 264,83 € soit un loyer annuel de 9 060 €, ainsi que cela résulte de la quittance en date du 26 juin 2006 produite aux débats. Monsieur MARTIN est donc fondé à demander un réajustement sur l'année 2003 et sur les années 2006 et 2007. Il n'est pas démontré comme il a été dit précédemment, qu'il aurait eu connaissance avant l'année 2003 des sous-locations. Le moyen tiré de la prescription est donc infondé. Au regard des éléments produits il y a lieu de fixer le montant dû au titre du réajustement à la somme de 5 667 € pour l'année 2003, 3335 € pour les années 2006 et 2007, soit un montant global de 9 002 €.
L'équité commande d'allouer à Monsieur MARTIN la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
EN LA FORME :
Déclare l'appel recevable,
AU FOND :
Met hors de cause Maître MARION ;
Rejette la demande de résiliation du bail,
Condamne la SARL GIFT IMPORT à payer à Monsieur MARTIN la somme de 5 667 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2004,
Dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière ;
Condamne la SARL GIFT IMPORT à payer à Monsieur MARTIN la somme de 3 335 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Condamne la SARL GIFT IMPORT à payer à Monsieur MARTIN la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL GIFT IMPORT aux dépens, dont distraction au profit des Avoués de la cause, par application de l'article 699 du code de procédure civile.