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Décisions

TUE, 7e ch. élargie, 23 novembre 2022, n° T-275/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Westfälische Drahtindustrie GmbH, Westfälische Drahtindustrie Verwaltungsgesellschaft mbH & Co. KG, Pampus Industriebeteiligungen GmbH & Co. KG

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. da Silva Passos

Juges :

M. Valančius, Mme Reine, M. Truchot, M. Sampol Pucurull (rapporteur)

Avocats :

Me Duys, Me Tkatchenko

TUE n° T-275/20

22 novembre 2022

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

1 Par leur recours, les requérantes, Westfälische Drahtindustrie GmbH (ci-après « WDI »), Westfälische Drahtindustrie Verwaltungsgesellschaft mbH & Co. KG (ci-après « WDV ») et Pampus Industriebeteiligungen GmbH & Co. KG (ci-après « Pampus »),  demandent, à titre principal, premièrement, l’annulation, sur le fondement de l’article 263 TFUE, de la lettre de la Commission européenne du 2 mars 2020 par laquelle elle les a mises en demeure de lui verser la somme de 12 236 931,69 euros correspondant, selon elle, au solde restant dû de l’amende qui leur avait été infligée le 30 septembre 2010 ; deuxièmement, la constatation de l’acquittement total de l’amende le 17 octobre 2019 par le versement de la somme de 18 149 636,24 euros et, troisièmement, la condamnation de la Commission à verser à WDI la somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts depuis cette dernière date, en raison d’un enrichissement sans cause de cette institution. Les requérantes demandent, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la condamnation de la Commission à leur verser la somme de 12 236 931,69 euros, réclamée par la Commission à WDI, ainsi qu’une somme équivalant au montant du trop-perçu par cette institution, à concurrence de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts depuis le 17 octobre 2019 jusqu’au remboursement complet de la somme due.

I. Antécédents du litige

2 Les requérantes sont des fournisseurs d’acier de précontrainte.

3 Par la décision C (2010) 4387 final, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte) (ci-après la « décision APC »), la Commission a sanctionné plusieurs entreprises, dont les requérantes, pour leur participation à une entente sur le marché de l’acier de précontrainte. La Commission a imposé une amende de 56 050 000 euros à WDI. WDV et Pampus ont été tenues solidairement responsables à hauteur, respectivement, de 45 600 000 euros et de 15 485 000 euros.

4 Cette sanction a été imposée à l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision APC.

5 Durant la procédure administrative, les requérantes avaient demandé à bénéficier d’une réduction d’amende pour absence de capacité contributive, sur le fondement du point 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »). Ce point prévoit ce qui suit :

« Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. Aucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire. Une réduction ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes [l]ignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur. »

6 Dans la décision APC, la Commission n’a pas fait droit à la demande des requérantes visant à bénéficier d’une réduction exceptionnelle de l’amende pour absence de capacité contributive.

7 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2010, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation et à la réformation de la décision APC. L’affaire a été enregistrée sous le numéro T 393/10.

8 Par la décision C(2010) 6676 final, du 30 septembre 2010 (ci-après la « décision du 30 septembre 2010 »), la Commission a modifié la décision APC, notamment son article 2, premier alinéa, point 8, dans le but de réduire le montant des amendes imposées à certaines entreprises (ci-après, prises ensemble, la « décision litigieuse »). L’amende infligée à WDI a ainsi été fixée à 46 550 000 euros. WDV et Pampus ont été tenues solidairement responsables à hauteur, respectivement, de 38 855 000 euros et de 15 485 000 euros.

9 La décision du 30 septembre 2010 a établi que, par dérogation à l’article 2, deuxième alinéa, de la décision APC, le paiement des amendes imposées à l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse devait être effectué dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la décision du 30 septembre 2010 et que, à l’expiration de ce délai, des intérêts seraient automatiquement dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois au cours duquel la décision du 30 septembre 2010 avait été adoptée, majoré de 3,5 points de pourcentage. Il était également prévu que, en cas d’introduction d’un recours par une entreprise sanctionnée, celle-ci pouvait couvrir l’amende à l’échéance ou en fournissant une garantie bancaire, ou en procédant au paiement provisoire de l’amende, conformément à l’article 85 bis, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1).

10 Le 3 décembre 2010, les requérantes ont déposé au greffe du Tribunal une demande en référé dans le cadre de l’affaire T 393/10 visant, en substance, à obtenir le sursis à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’au prononcé de l’arrêt statuant sur le recours principal.

11 Par lettre du 14 février 2011, le directeur général de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a rejeté une nouvelle demande introduite par les requérantes visant à la réduction de l’amende en raison de leur capacité contributive (ci-après la « lettre du 14 février 2011 »).

12 Par l’ordonnance du 13 avril 2011, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission (T 393/10 R, ci-après l’« ordonnance de référé », EU:T:2011:178), le président du Tribunal a partiellement fait droit à la demande en référé présentée par les requérantes, en ordonnant le sursis à l’obligation qui leur était faite de constituer une garantie bancaire en faveur de la Commission pour éviter le recouvrement immédiat des amendes, à la condition qu’elles versent à cette institution, à titre provisoire, d’une part, la somme de 2 000 000 euros avant le 30 juin 2011 et, d’autre part, des mensualités de 300 000 euros, le quinzième jour de chaque mois à partir du 15 juillet 2011 et jusqu’à nouvel ordre, mais au plus tard jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire principale.

13 Par l’arrêt du 15 juillet 2015, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission (T 393/10, ci-après l’« arrêt du 15 juillet 2015 », EU:T:2015:515), le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle avait constaté dans la décision litigieuse, à l’égard des requérantes, l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE.

14 Toutefois, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce qu’elle infligeait une amende aux requérantes ainsi que la lettre du 14 février 2011, au motif que la Commission avait commis des erreurs lorsqu’elle avait apprécié leur capacité contributive.

15 Dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal a condamné les requérantes au paiement d’une amende d’un montant identique à celui de l’amende qui leur avait été infligée dans la décision litigieuse, ce qui s’est reflété dans le dispositif de l’arrêt du 15 juillet 2015.

16 Ce dispositif se lit comme suit :

« 1) Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours à concurrence de la réduction de l’amende accordée à [WDI] et à [WDV] dans la décision […] du 30 septembre 2010.

2) L’article 2, [premier alinéa], point 8, de la décision [litigieuse] est annulé.

3) La lettre […] du 14 février 2011 est annulée.

4) [WDI], [WDV] et Pampus […] sont solidairement condamnées au paiement d’une amende de 15 485 000 euros.

5) [WDI] et [WDV] sont solidairement condamnées au paiement d’une amende de 23 370 000 euros.

6) [WDI] est condamnée au paiement d’une amende de 7 695 000 euros.

7) Le recours est rejeté pour le surplus.

8) [WDI], [WDV] et Pampus […] supporteront la moitié de leurs propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé. La Commission supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de [WDI], de [WDV] et de Pampus […], y compris ceux afférents à la procédure de référé. »

17 En exécution de l’ordonnance de référé, WDI avait payé à titre provisoire à la Commission une somme totale de 16 400 000 euros au cours de la période comprise entre le 29 juin 2011 et le 16 juin 2015.

18 Après le prononcé de l’arrêt du 15 juillet 2015, les conseils des requérantes ont pris contact avec la DG « Budget » de la Commission, afin de convenir à l’amiable d’un échéancier de paiement des amendes fixées aux points 4 à 6 du dispositif dudit arrêt. Des divergences d’opinion sont alors apparues en ce qui concernait la date à compter de laquelle les intérêts dus sur ces amendes devaient courir. En effet, les requérantes considéraient que les intérêts devaient commencer à courir à compter du prononcé de l’arrêt du 15 juillet 2015, alors que, selon la DG « Budget », les intérêts étaient dus dès la date résultant de l’article 2, deuxième et troisième alinéas, de la décision litigieuse, à savoir, pour ce qui concernait les requérantes, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du 30 septembre 2010. Cette prise de position s’est reflétée dans un courriel de la DG « Budget » du 12 août 2015, en réponse à un courriel du représentant des requérantes du 5 août 2015, et a été réitérée lors d’une réunion qui a eu lieu le 4 septembre 2015 entre la Commission et WDI.

19 Le 17 novembre 2015, WDI a adressé à la Commission une proposition de plan de paiement échelonné de l’amende, jusqu’au 15 décembre 2029, au moyen de mensualités de 300 000 euros et sur la base d’intérêts de retard dus à compter du 15 janvier 2011 et calculés au taux de 4,5 %.

20 Le 27 novembre 2015, la Commission a communiqué à WDI un plan de paiement échelonné de l’amende jusqu’au 15 mars 2030. Ce plan reposait également sur des mensualités de 300 000 euros et partait du principe que la créance était exigible depuis le 4 janvier 2011 et devait être augmentée des intérêts de retard au taux de 4,5 %.

21 L’arrêt du 15 juillet 2015 a fait l’objet d’un pourvoi formé par les requérantes, qui avaient notamment contesté la prise en compte par le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de leur capacité contributive en 2015, et non en 2010. Ce pourvoi a été rejeté par ordonnance du 7 juillet 2016, Westfälische Drahtindustrie et Pampus Industriebeteiligungen/Commission (C 523/15 P, EU:C:2016:541).

22 Après le rejet du pourvoi, les requérantes ont demandé au Tribunal d’interpréter l’arrêt du 15 juillet 2015 en ce sens que des intérêts appliqués au montant de l’amende imposé dans cet arrêt étaient dus à compter du prononcé de ce dernier. À titre subsidiaire, les requérantes ont demandé au Tribunal de rectifier ou de compléter cet arrêt en précisant à compter de quelle date les intérêts commençaient à courir.

23 Par l’ordonnance du 17 mai 2018, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission (T 393/10 INTP, non publiée, EU:T:2018:293), le Tribunal a déclaré ces demandes irrecevables. S’agissant de la demande en interprétation, le Tribunal a rappelé que, pour être recevable, celle-ci devait porter sur un point tranché dans l’arrêt à interpréter. Or, la question du point de départ des intérêts de retard dus en cas de paiement différé du montant des amendes infligées aux requérantes n’avait pas été abordée dans l’arrêt du 15 juillet 2015. Selon le Tribunal, la demande des requérantes visait à obtenir un avis sur les conséquences de l’arrêt du 15 juillet 2015, ce qui ne relevait pas d’une demande en interprétation introduite sur le fondement de l’article 168, paragraphe 1, de son règlement de procédure. S’agissant des deux autres demandes, elles ont été considérées comme étant tardives.

24 Le 16 octobre 2019, WDI a informé la Commission, d’une part, qu’elle avait déjà payé 31 700 000 euros et, d’autre part, qu’elle entendait payer d’ores et déjà le solde de l’amende due, en capital et intérêts, qu’elle évaluait à 18 149 636,24 euros. Aux fins de ce calcul, WDI a pris en compte les intérêts échus à compter du 15 octobre 2015, soit trois mois après le prononcé de l’arrêt du 15 juillet 2015, et a appliqué un taux d’intérêt de 3,48 %.

25 Le 17 octobre 2019, WDI a versé ladite somme de 18 149 636,24 euros sur le compte bancaire de la Commission, portant ainsi le montant total des paiements effectués depuis le 29 juin 2011, en règlement de l’amende, à 49 849 636,24 euros.

26 Par lettre du 2 mars 2020 (ci-après l’« acte attaqué »), la Commission a fait part de son désaccord avec la position exprimée par WDI dans sa lettre du 16 octobre 2019. La Commission a indiqué que, conformément aux critères établis dans l’arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission (T 275/94, EU:T:1995:141), les intérêts avaient commencé à courir non à compter de l’arrêt du 15 juillet 2015, mais à compter de la date prévue par la décision litigieuse, soit le 4 janvier 2011, et au taux de 4,5 %. En conséquence, la Commission a mis en demeure WDI de lui verser la somme de 12 236 931,69 euros correspondant au solde restant dû, en prenant en compte la date de valeur du 31 mars 2020.

II. Conclusions des parties

27 Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’acte attaqué ;

– constater, par conséquent, que la Commission devait imputer les paiements effectués par WDI pendant la période allant du 29 juin 2011 au 16 juin 2015 (16 400 000 euros), majorés des intérêts afférents à ce montant pendant cette période (1 420 610 euros), soit un montant total de 17 820 610 euros, sur l’amende prononcée par le Tribunal dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction dans l’arrêt du 15 juillet 2015, avec effet à cette date, et que cette amende a été, de ce fait, totalement acquittée par le paiement effectué par WDI le 17 octobre 2019 à concurrence d’un montant de 18 149 636,24 euros ;

– condamner la Commission à verser à WDI la somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts à compter du 17 octobre 2019 jusqu’au remboursement complet de la somme due ;

– à titre subsidiaire, au cas où le Tribunal ne ferait pas droit aux trois premiers chefs de conclusions, condamner l’Union européenne, représentée par la Commission, d’une part, à leur verser une indemnité égale au montant réclamé dans l’acte attaqué, soit 12 236 931,69 euros, et, d’autre part, à verser à WDI la somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts à compter du 17 octobre 2019 jusqu’au remboursement complet de la somme due ;

– condamner la Commission aux dépens.

28 Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– faire droit aux conclusions formulées dans la requête par un arrêt par défaut au sens de l’article 123 du règlement de procédure ;

– à titre subsidiaire, rejeter l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence ;

– à titre encore plus subsidiaire, joindre au fond cette exception ;

– condamner la Commission aux dépens.

29 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours, à titre principal, comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

– condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A. Sur la demande des requérantes visant à ce que le Tribunal leur adjuge leurs conclusions dans un arrêt par défaut

30 Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence, les requérantes demandent au Tribunal que leurs conclusions leur soient adjugées dans un arrêt par défaut, conformément à l’article 123 du règlement de procédure, car la Commission aurait déposé son exception hors délai.

31 À cet égard, les requérantes relèvent que, par courrier daté du 26 mai 2020, le Tribunal les a informées que la requête avait été signifiée à la Commission. Dans ces circonstances, le délai pour le dépôt de l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence aurait expiré le 5 août 2020. Or, cette exception n’a été déposée que le 13 août 2020.

32 L’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, lorsque le Tribunal constate que la partie défenderesse, régulièrement mise en cause, n’a pas répondu à la requête dans les formes ou le délai prescrits à l’article 81 de ce règlement, sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la partie requérante peut demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

33 Il résulte de la lecture combinée de l’article 81 et de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure qu’une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence soulevée par la partie défenderesse par acte séparé doit être présentée dans les deux mois qui suivent la signification de la requête. Conformément à l’article 60 du même règlement, ce délai est augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

34 L’article 6, deuxième alinéa, de la décision du Tribunal du 11 juillet 2018 relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO 2018, L 240, p. 72) prévoit que les destinataires des significations visées dans cette décision sont avertis, par courriel, de toute signification qui leur est adressée par le système e-Curia. Le troisième alinéa dudit article 6 précise qu’un acte de procédure est signifié au moment où le destinataire (représentant ou assistant) demande l’accès à cet acte dans le système e-Curia. Par ailleurs, à défaut de demande d’accès, l’acte est réputé avoir été signifié à l’expiration du septième jour qui suit celui de l’envoi du courriel avertissant le destinataire qu’une signification lui a été adressée.

35 En l’espèce, l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence ayant été déposée par la Commission dans le délai prescrit, le Tribunal n’a pas invité les requérantes à présenter d’observations, conformément à l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure, sur la possibilité de leur adjuger leurs conclusions dans un arrêt par défaut.

36 En effet, ainsi qu’il ressort du rapport d’e-Curia, par courriel du 2 juin 2020, le greffe a averti les requérantes de la signification par cette application du courrier daté du 26 mai 2020, mentionné au point 31 ci-dessus. Par courriel du 2 juin 2020, le greffe a également averti la Commission de la transmission par l’application e-Curia d’un courrier, daté également du 26 mai 2020, signifiant la requête et les annexes qui l’accompagnaient. La Commission a accédé à ces documents par le biais du système e-Curia le 3 juin 2020. Conformément à l’article 6, troisième alinéa, de la décision du Tribunal du 11 juillet 2018 relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia, rappelé au point 34 ci-dessus, la date du 3 juin 2020 est le dies a quo du délai de deux mois et dix jours dont cette institution disposait pour présenter l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence. Cette exception ayant été déposée le 13 août 2020, ledit délai a été respecté.

37 Il s’ensuit que la demande des requérantes visant à ce que le Tribunal leur adjuge leurs conclusions dans un arrêt par défaut doit être rejetée.

B. Sur l’objet du recours

38 Le recours a pour objet une demande d’annulation, une demande de constatation et une demande de paiement liée à un enrichissement sans cause ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réparation du dommage subi en raison de l’illégalité du comportement de la Commission. Ces demandes ont été formulées dans les quatre premiers chefs de conclusions des requérantes visés au point 27 ci-dessus.

39 Ces quatre demandes des requérantes se fondent sur l’allégation selon laquelle, par l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal a, premièrement, annulé ex tunc l’amende infligée par la Commission par la décision litigieuse. Cette annulation aurait engendré une créance en faveur des requérantes, correspondant à la somme payée par celles-ci, à titre provisoire, entre le 29 juin 2011 et le 16 juin 2015, en exécution de l’ordonnance de référé (16 400 000 euros), majorée d’intérêts (1 420 610 euros). Ces derniers seraient dus, conformément à l’arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T 201/17, EU:T:2019:81). Le Tribunal aurait, deuxièmement, fixé une nouvelle amende distincte, avec effet à la date du prononcé de l’arrêt du 15 juillet 2015. Les requérantes désignent cette dernière comme l’« amende juridictionnelle », par opposition à l’« amende annulée » de 2010.

40 La demande d’annulation, figurant dans le premier chef de conclusions des requérantes, vise l’acte attaqué, par lequel la Commission a mis en demeure les requérantes de lui verser la somme de 12 236 931,69 euros correspondant, selon elle, au solde restant dû de l’amende en prenant en compte la date de valeur du 31 mars 2020.

41 La demande de constatation, figurant dans le deuxième chef de conclusions des requérantes, vise à ce que le Tribunal déclare que, en exécution de l’arrêt du 15 juillet 2015, la Commission devait imputer les paiements effectués par WDI pendant la période allant du 29 juin 2011 au 16 juin 2015 (16 400 000 euros), majorés d’intérêts (1 420 610 euros), sur l’amende prononcée par le Tribunal et que, de ce fait, l’amende avait été totalement acquittée le 17 octobre 2019 par le paiement par WDI de la somme de 18 149 636,24 euros.

42 La demande tirée d’un enrichissement sans cause, figurant dans le troisième chef de conclusions des requérantes, vise à ce que la Commission rembourse à WDI la somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts depuis le 17 octobre 2019.

43 Cette dernière demande s’explique par une erreur de calcul que les requérantes affirment avoir commise dans leurs demandes précédentes à la Commission.

44 En effet, dans son courriel du 5 août 2015 et dans sa lettre du 16 octobre 2019, WDI avait seulement demandé à la Commission l’imputation sur l’amende de la somme payée en exécution de l’ordonnance de référé (16 400 000 euros), sans y ajouter les intérêts afférents à ce montant pendant la période allant du 29 juin 2011 au 16 juin 2015 (1 420 610 euros), ni les intérêts composés depuis le 15 juillet 2015. Selon les requérantes, conformément à un nouveau calcul datant du 7 mai 2020 qu’elles ont présenté devant le Tribunal et en considération de ces intérêts, la somme qu’elles devaient encore verser le 17 octobre 2019 aux fins du règlement du solde de l’« amende juridictionnelle » n’était que de 16 516 551,07 euros, et non de 18 149 636,24 euros comme cela avait été calculé le 16 octobre 2019, ce qui aurait engendré un trop-perçu de 1 633 085,17 euros au profit de la Commission.

45 Enfin, la demande indemnitaire, présentée à titre subsidiaire au regard des trois autres demandes et figurant dans le quatrième chef de conclusions, vise à ce que le Tribunal condamne la Commission à réparer les dommages prétendument subis dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 15 juillet 2015 à hauteur du montant réclamé par la Commission dans l’acte attaqué (12 236 931,69 euros) et du montant du trop-perçu par cette institution le 17 octobre 2019 (1 633 085,17 euros), majoré d’intérêts depuis cette date. Selon les requérantes, l’exécution erronée de l’arrêt du 15 juillet 2015 constitue une violation suffisamment caractérisée des obligations auxquelles la Commission était tenue en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE. Le préjudice subi correspondrait à la perte résultant de la revendication de la somme erronément perçue en exécution de cet arrêt.

46 Il en ressort que les deuxième à quatrième chefs de conclusions visés au point 27 ci-dessus présentent un lien entre eux.

47 En effet, l’un des constats visés par le deuxième chef de conclusions, à savoir l’obligation pour la Commission, en exécution de l’arrêt du 15 juillet 2015, d’imputer sur le montant restant dû de l’amende non seulement les sommes versées par WDI à titre provisoire entre le 29 juin 2011 et le 16 juin 2015, mais également les intérêts qui y sont afférents, fonde la demande de remboursement de la somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts depuis le 17 octobre 2019, figurant dans le troisième chef de conclusions.

48 S’agissant du troisième chef de conclusions, il convient de rappeler que le recours fondé sur un enrichissement sans cause ne relève pas du régime de la responsabilité non contractuelle au sens strict, dont l’engagement dépend de la réunion d’un ensemble de conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché à l’Union, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. Il se distingue des recours introduits en vertu dudit régime en ce qu’il n’exige pas la preuve d’un comportement illégal de la partie défenderesse, ni même l’existence d’un comportement tout court, mais seulement la preuve d’un enrichissement sans base légale valable de la partie défenderesse et d’un appauvrissement de la partie requérante lié audit enrichissement [voir arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C 47/07 P, EU:C:2008:726, point 49 et jurisprudence citée].

49 Toutefois, malgré ces caractéristiques, la possibilité d’introduire un recours fondé sur l’enrichissement sans cause contre l’Union ne saurait être refusée au justiciable au seul motif que le traité FUE ne prévoit pas expressément de voie de recours destinée à ce type d’action. Une interprétation de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE qui exclurait cette possibilité aboutirait à un résultat contraire au principe de protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C 575/18 P, EU:C:2020:530, point 82 et jurisprudence citée).

50 En l’espèce, ainsi que la Commission l’a admis dans le mémoire en défense, il peut être considéré que les troisième et quatrième chefs de conclusions contiennent des demandes indemnitaires fondées sur l’article 268 et sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. La somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts depuis le 17 octobre 2019, est réclamée, de manière alternative, dans ces deux chefs de conclusions.

51 Au vu des liens entre les deuxième à quatrième chefs de conclusions, qui ont déjà été constatés aux points 46 à 50 ci-dessus, et du fait que, ainsi qu’il résulte des points 40 et 45 ci-dessus, il existe également un lien entre la demande en annulation qui fait l’objet du premier chef de conclusions et une partie de la demande en indemnité qui fait l’objet du quatrième chef de conclusions, le Tribunal estime que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient d’examiner, dans un premier temps et de manière conjointe, les deuxième à quatrième chefs de conclusions visés au point 27 ci-dessus, relatifs aux conséquences devant être tirées de l’arrêt du 15 juillet 2015.

52 Dans un second temps, le Tribunal examinera le premier chef de conclusions des requérantes, tendant à l’annulation de l’acte attaqué.

C. Sur les deuxième, troisième et quatrième chefs de conclusions des requérantes, relatifs aux conséquences devant être tirées de l’arrêt du 15 juillet 2015

1. Sur la recevabilité et la compétence du Tribunal

53 La Commission excipe de l’irrecevabilité des deuxième à quatrième chefs de conclusions des requérantes ainsi que de l’incompétence du Tribunal pour statuer sur le deuxième chef de conclusions.

54 S’agissant du deuxième chef de conclusions, la Commission fait valoir que, outre le fait qu’il ne repose sur aucune « disposition de droit ou de procédure », en violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il vise à ce que le Tribunal prononce un arrêt déclaratoire qui, après l’annulation de l’acte attaqué, enjoindrait à la Commission d’imputer les sommes versées avant l’arrêt du 15 juillet 2015, majorées d’intérêts, sur les amendes indiquées dans le dispositif de cet arrêt.

55 À cet égard, il suffit de constater que le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (voir arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil, T 439/10 et T 440/10, EU:T:2012:142, point 41 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C 199/94 P et C 200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T 260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée).

56 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions pour cause d’incompétence.

57 S’agissant des troisième et quatrième chefs de conclusions, la Commission estime qu’ils sont irrecevables, dès lors qu’ils visent à remettre en cause un acte devenu définitif, à savoir la décision litigieuse. En effet, selon elle, par ces chefs de conclusions, les requérantes souhaitent obtenir le remboursement de sommes qui étaient déjà dues en vertu de l’amende infligée par la décision litigieuse, dont le montant a ensuite été confirmé par l’arrêt du 15 juillet 2015.

58 Dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission n’a pas allégué que les troisième et quatrième chefs de conclusions visaient à remettre en cause d’autres actes qu’elle aurait adoptés et qui seraient devenus définitifs en l’absence de recours. En effet, selon la Commission, tous les courriels et les lettres qu’elle a adressés aux requérantes immédiatement après l’arrêt du 15 juillet 2015 ne constituent pas des actes attaquables sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’il s’agit d’actes d’exécution de la décision litigieuse.

59 À cet égard, il y a lieu de considérer que, par leur quatrième chef de conclusions, les requérantes visent non pas à remettre en cause la décision litigieuse, mais à obtenir la réparation du préjudice causé par une exécution prétendument erronée de l’arrêt du 15 juillet 2015.

60 Or, il convient de relever qu’un recours en indemnité, au titre de l’article 268 TFUE, peut être introduit en cas de faute de la Commission ou de ses agents commise dans le cadre de l’exécution d’une décision du Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du 17 mai 2018, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10 INTP, non publiée, EU:T:2018:293, point 21).

61 Par ailleurs, l’existence en l’espèce d’échanges préalables entre la Commission et les requérantes au sujet de l’exécution de l’arrêt du 15 juillet 2015 ne fait pas obstacle au droit d’introduire une demande indemnitaire sur le fondement de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

62 En effet, ainsi qu’il ressort des points 44 et 45 ci-dessus, la demande indemnitaire formulée par les requérantes dans le quatrième chef de conclusions a une portée plus large que celle qui a été rejetée par la Commission dans son courriel du 12 août 2015. Cette dernière demande ne prenait pas en considération les intérêts produits par la somme de 16 400 000 euros pendant la période allant du 29 juin 2011 au 16 juin 2015. Dès lors, même dans l’hypothèse où ce courriel aurait pu faire l’objet d’un recours sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ce que la Commission conteste, l’annulation de cet acte n’aurait pas abouti à un résultat identique à celui visé par la demande indemnitaire présentée devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C 447/17 P et C 479/17 P, EU:C:2019:672, points 49 à 64).

63 S’agissant du troisième chef de conclusions, il revêt également une nature indemnitaire (voir points 49 et 50 ci-dessus). Il vise non pas à remettre en cause un acte de la Commission devenu définitif, mais à dénoncer l’absence de base légale de la perception par cette institution d’une somme excédentaire de 1 633 085,17 euros. Ce trop-percu s’expliquerait par une erreur commise par WDI le 17 octobre 2019 lorsqu’elle a calculé le solde restant dû de l’amende litigieuse sans prendre en compte les intérêts produits par la somme de 16 400 000 euros pendant la période allant du 29 juin 2011 au 16 juin 2015.

64 Partant, les troisième et quatrième chefs de conclusions sont recevables.

65 Il résulte de ce qui précède que l’exception soulevée par la Commission est uniquement fondée à l’égard du deuxième chef de conclusions des requérantes.

2. Sur le fond

66 Le Tribunal estime justifié, au regard d’une bonne administration de la justice, d’examiner d’abord le quatrième chef de conclusions des requérantes, concernant une demande indemnitaire fondée sur l’illégalité du comportement de la Commission, avant d’examiner le troisième, tiré de l’existence d’un enrichissement sans cause de cette dernière.

a) Sur la demande indemnitaire fondée sur l’illégalité du comportement de la Commission

67 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers et que la violation soit suffisamment caractérisée, que la réalité du dommage soit établie et, enfin, qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C 352/98 P, EU:C:2000:361, points 39 à 42, et du 6 septembre 2018, Klein/Commission, C 346/17 P, EU:C:2018:679, points 60 et 61 et jurisprudence citée). Lorsqu’une institution de l’Union ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de ce droit, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 103 et jurisprudence citée).

68 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas correctement exécuté l’arrêt du 15 juillet 2015, ce qui constituerait une violation suffisamment caractérisée des obligations auxquelles la Commission était tenue en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE. Le préjudice subi, dont elles demandent la réparation, correspondrait à la somme réclamée par la Commission dans l’acte attaqué, soit 12 236 931,69 euros, et au montant du trop-perçu par cette institution le 17 octobre 2019, soit 1 633 085,17 euros, majoré d’intérêts depuis cette date.

69 Au soutien de leur demande indemnitaire fondée sur une illégalité du comportement de la Commission, les requérantes avancent, en substance, quatre moyens.

70 Dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation de l’article 266, premier alinéa, TFUE, les requérantes allèguent que l’amende qui leur avait été infligée par la décision litigieuse a été annulée ex tunc par l’arrêt du 15 juillet 2015 et a été remplacée par une « amende juridictionnelle », exigible uniquement depuis le jour du prononcé de cet arrêt.

71 Par le deuxième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que, en exécution de l’arrêt du 15 juillet 2015, et par l’effet de l’annulation ex tunc de l’amende initialement infligée, les sommes payées à titre provisoire entre le 29 juin 2011 et le 16 juin 2015 en exécution de l’ordonnance de référé n’étaient pas dues et que WDI avait droit au remboursement de ces sommes, majorées des intérêts correspondant à cette période. L’amende annulée ayant été remplacée par l’« amende juridictionnelle », ces montants auraient dû être imputés au paiement de cette dernière en 2015. Les requérantes dénoncent dans le cadre de ce moyen une violation non seulement de l’article 266, premier alinéa, TFUE, mais également de l’article 98, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

72 Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes allèguent que l’obligation invoquée par la Commission d’acquitter des intérêts de retard depuis le 4 janvier 2011 viole l’article 266, premier alinéa, TFUE ainsi que l’article 99, paragraphe 4, et l’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), du règlement 2018/1046. En effet, l’amende ne serait exigible que depuis le 15 juillet 2015.

73 Le quatrième moyen, tiré également d’une violation de l’article 266, premier alinéa, TFUE et de l’article 99, paragraphe 4, sous d), du règlement 2018/1046, porte sur le taux d’intérêt fixé par la Commission, qui correspond à celui défini dans la décision du 30 septembre 2010. Selon les requérantes, un taux nouveau et inférieur aurait dû être fixé pour l’« amende juridictionnelle », calculé par référence au taux moyen fixé par la BCE au mois d’août 2015 pour ses opérations principales de refinancement.

74 À titre liminaire, il y a lieu d’observer que les conséquences alléguées par les requérantes dans le cadre des deuxième à quatrième moyens ne peuvent être tirées de l’arrêt du 15 juillet 2015 que si la prémisse posée dans le cadre du premier moyen est exacte.

75 En effet, toutes les illégalités dénoncées par les requérantes partent de la prémisse selon laquelle l’amende imposée dans la décision litigieuse n’a pas été « maintenue » ou « confirmée » par le Tribunal, mais a été annulée et remplacée par une « amende juridictionnelle ».

76 Cette prémisse résulte du premier moyen, qui porte sur les effets de l’annulation par l’arrêt du 15 juillet 2015 de l’amende infligée par la décision litigieuse, qui n’auraient pas été supprimés par le fait que le Tribunal, lorsqu’il a exercé sa compétence de pleine juridiction, a fixé une amende d’un montant identique.

77 Par ailleurs, le Tribunal constate que, dans le cadre des deuxième et troisième moyens, les requérantes ont avancé certains arguments au soutien de la prémisse posée dans le cadre du premier moyen. Ces arguments seront également examinés ci-après, avec le premier moyen.

1) Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance des effets de l’annulation de l’amende infligée par la décision litigieuse par l’arrêt du 15 juillet 2015

78 Au soutien du premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission a violé les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE après le prononcé de l’arrêt du 15 juillet 2015, qui a annulé l’amende infligée par la décision litigieuse. Ces obligations résulteraient autant du dispositif dudit arrêt que des motifs qui le fondent.

79 S’agissant, en premier lieu, du dispositif de l’arrêt du 15 juillet 2015, l’amende imposée par l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse a été annulée, sans que le Tribunal ait décidé de limiter dans le temps les effets d’une telle annulation. L’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse ne pourrait donc plus constituer le fondement d’une créance.

80 Les requérantes ont ensuite été « condamnées », selon les termes de l’arrêt du 15 juillet 2015, au paiement d’une nouvelle amende, dont le montant est identique à celui de l’amende infligée à l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse. Il s’agirait d’une seconde décision autonome, prononcée en aval de l’annulation de l’amende initiale et qui n’affecterait pas cette annulation.

81 Enfin, le Tribunal a condamné la Commission à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens encourus par les requérantes, y compris dans le cadre de la procédure de référé. Cette condamnation démontrerait que le recours des requérantes a été fructueux, l’amende annulée ayant été nécessairement remplacée par l’« amende juridictionnelle » en raison de l’illégalité constatée. La thèse défendue par la Commission reviendrait à condamner les requérantes deux fois, en violation du principe ne bis in idem.

82 S’agissant, en second lieu, des motifs de l’arrêt du 15 juillet 2015, les requérantes font valoir, premièrement, que le Tribunal a déclaré, sans équivoque, que la Commission n’était en droit de leur infliger une amende ni en 2010 ni en 2011.

83 Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction et contrairement à la situation qui s’était présentée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission (T 275/94, EU:T:1995:141), le Tribunal n’a pas eu l’intention d’« ordonner la continuité » de l’amende annulée, infligée par la Commission.

84 La référence, figurant au point 335 de l’arrêt du 15 juillet 2015, « à la situation qui prévaut à la date à laquelle il adopte sa décision », soulignerait l’indépendance et l’autonomie de l’« amende juridictionnelle » que le Tribunal a fixée.

85 Par ailleurs, les requérantes font observer que, au point 346 de l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal a constaté que, à la suite du paiement provisoire de plus de 15 000 000 euros, « la question de savoir si leur situation financière leur permet[tait] de s’acquitter de l’amende ne port[ait] plus que sur une somme représentant environ les deux-tiers du montant initialement mis à la charge de WDI », soit 46 550 000 euros. Cette affirmation prouverait que le Tribunal partait du principe d’une imputation directe des sommes payées à titre provisoire sur l’« amende juridictionnelle » qu’il a prononcée, excluant un départ rétroactif des intérêts à compter du 4 janvier 2011.

86 Il ressortirait également du point 356 de l’arrêt du 15 juillet 2015 que l’amende n’a pas été considérée comme étant exigible avant le 15 juillet 2015. En effet, les requérantes font observer que le Tribunal a rappelé audit point que l’admission partielle de leur demande en référé avait « eu pour effet de suspendre l’exigibilité du paiement de la totalité de l’amende mise à leur charge jusqu’au prononcé du[dit] arrêt ».

87 De surcroît, il ressortirait de l’ordonnance du 17 mai 2018, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission (T 393/10 INTP, non publiée, EU:T:2018:293), que le Tribunal n’avait pas examiné la question des intérêts dans l’arrêt du 15 juillet 2015, ce qui confirmerait qu’ils n’étaient pas dus en conséquence de l’annulation de l’amende infligée par la décision litigieuse.

88 Troisièmement, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont fait valoir que, dans l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal n’avait pas procédé à une reformatio in pejus. Au contraire, la réformation du montant de l’amende, mentionnée par la Cour au point 42 de l’ordonnance du 7 juillet 2016, Westfälische Drahtindustrie et Pampus Industriebeteiligungen/Commission (C 523/15 P, EU:C:2016:541), serait nécessairement en leur faveur.

89 La Commission conteste les arguments des requérantes.

90 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir dont dispose la Commission, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), d’infliger des amendes par voie de décision implique celui d’exiger des intérêts de retard en cas de non-paiement des amendes dans le délai imparti dans la décision (voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, point 81). En vertu de l’article 299 TFUE, cette décision a force exécutoire.

91 L’article 2, deuxième et troisième alinéas, de la décision litigieuse prévoyait que le paiement des amendes devait être effectué dans un délai de trois mois à compter de la date de notification et que, à l’expiration de ce délai, des intérêts étaient automatiquement dus au taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois au cours duquel ladite décision avait été adoptée, majoré de 3,5 points de pourcentage. Le quatrième alinéa de l’article 2 de la décision litigieuse prévoyait que, en cas d’introduction d’un recours par une entreprise sanctionnée, celle-ci pouvait couvrir l’amende à l’échéance soit en fournissant une garantie bancaire, soit en procédant au paiement provisoire de l’amende.

92 Alléguant, notamment, une absence de capacité contributive leur permettant de s’acquitter de l’amende infligée par la décision litigieuse, les requérantes ont introduit une demande de sursis à l’exécution de cette décision devant le Tribunal au titre de l’article 278 TFUE.

93 Dans l’ordonnance de référé, cette demande n’a été accueillie par le président du Tribunal qu’en partie. En effet, ce dernier a uniquement ordonné le sursis à l’exécution de l’obligation qui était faite aux requérantes de constituer une garantie bancaire en faveur de la Commission pour éviter le recouvrement immédiat des amendes, à condition de verser à cette dernière, avant le 30 juin 2011, la somme de 2 000 000 euros ainsi que des mensualités de 300 000 euros, le quinzième jour de chaque mois à partir du 15 juillet 2011 et jusqu’à nouvel ordre, mais au plus tard jusqu’au prononcé de la décision dans l’affaire principale.

94 La suspension de l’obligation de constituer une garantie bancaire n’a pas impliqué la suspension de l’exigibilité de la créance, qui a continué de produire des intérêts (voir, en ce sens, ordonnance du 15 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, T 191/98 RII, EU:T:1999:332, point 46).

95 Par l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal a d’abord annulé, au point 2 du dispositif de cet arrêt, l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse, qui imposait aux requérantes une amende de 46 550 000 euros, et a « condamné » ensuite ces dernières, aux points 4 à 6 dudit dispositif, à payer une amende d’un montant identique. En effet, le Tribunal a considéré, sur la base des éléments apportés par les parties au sujet de la situation financière des requérantes, telle qu’elle avait évolué après l’adoption de la décision litigieuse, que ces dernières n’étaient pas fondées à soutenir qu’une réduction d’amende devait leur être accordée en raison de leur absence de capacité contributive, pour des motifs analogues à ceux envisagés au point 35 des lignes directrices de 2006.

96 Ainsi qu’il ressort de l’ordonnance du 17 mai 2018, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission (T 393/10 INTP, non publiée, EU:T:2018:293, point 14), la question du point de départ des intérêts de retard dus sur le montant de l’amende n’a fait l’objet d’aucun échange entre les parties durant la procédure juridictionnelle et n’a pas été explicitement abordée dans l’arrêt du 15 juillet 2015, que ce soit dans les motifs ou dans le dispositif de cet arrêt.

97 En l’absence d’examen explicite de la question des intérêts dans l’arrêt du 15 juillet 2015, il convient de déterminer s’il peut être déduit de cet arrêt que l’amende fixée par le Tribunal était juridiquement distincte de celle imposée par la Commission dans la décision litigieuse.

98 Il convient de relever qu’il ressort déjà du libellé de l’article 31 du règlement no 1/2003 que la compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union en matière de concurrence, laquelle lui permet de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée par la Commission, se rapporte et se limite à l’amende initialement infligée par la Commission. Ainsi, l’amende que le juge de l’Union fixe ne constitue pas une amende nouvelle, juridiquement distincte de celle imposée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, points 58 et 60).

99 Lorsque le juge de l’Union substitue sa propre appréciation à celle de la Commission et qu’il réduit le montant de l’amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il remplace, au sein de la décision de la Commission, le montant initialement fixé dans cette décision par celui qui résulte de sa propre appréciation. La décision de la Commission est donc censée, en raison de l’effet substitutif de l’arrêt prononcé par le juge de l’Union, avoir toujours été celle qui résulte de l’appréciation de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, points 60 à 65 et 85 à 87).

100 Dans l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal a, dans un premier temps, annulé la décision litigieuse en ce qu’elle fixait le montant de l’amende infligée aux requérantes et, dans un second temps, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, fixé le montant de cette amende au même niveau.

101 À cet égard, la Cour a jugé que, si l’exercice par le Tribunal de son contrôle de la légalité de la décision litigieuse avait entraîné l’annulation de cette décision en tant qu’une amende y était infligée aux requérantes par la Commission, cette circonstance n’impliquait nullement que le Tribunal était, pour cette raison, privé du pouvoir d’exercer sa compétence de pleine juridiction (ordonnance du 7 juillet 2016, Westfälische Drahtindustrie et Pampus Industriebeteiligungen/Commission, C 523/15 P, EU:C:2016:541, point 38). La Cour a également relevé que la circonstance selon laquelle le Tribunal avait finalement estimé opportun de retenir en l’espèce un montant d’amende identique à celui fixé dans la décision litigieuse était sans incidence sur la régularité de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, ordonnance du 7 juillet 2016, Westfälische Drahtindustrie et Pampus Industriebeteiligungen/Commission, C 523/15 P, EU:C:2016:541, point 40).

102 Dès lors, le fait que le Tribunal, dans l’arrêt du 15 juillet 2015, a exercé sa compétence de pleine juridiction pour fixer le montant de l’amende au même niveau que celui retenu par la Commission dans la décision litigieuse ne s’oppose pas à l’application des principes rappelés aux points 98 et 99 ci-dessus. Ainsi, en l’espèce, la Commission était fondée à considérer que, l’amende fixée par le Tribunal n’étant pas une nouvelle amende, celle-ci était exigible depuis le 4 janvier 2011.

103 Les arguments avancés par les requérantes ne remettent pas en cause cette appréciation.

104 En premier lieu, au point 2 du dispositif de l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal a certes annulé l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse, qui imposait une amende aux requérantes, à la différence du dispositif de l’arrêt du 23 février 1994, CB et Europay/Commission (T 39/92 et T 40/92, EU:T:1994:20), qui se limitait à fixer l’amende à un montant inférieur, sans annuler au préalable l’amende initialement infligée par la Commission.

105 Toutefois, un effet substitutif analogue à celui visé au point 99 ci-dessus a déjà été reconnu en présence d’un dispositif dans lequel le Tribunal avait d’abord annulé le montant à hauteur duquel une société mère était tenue solidairement responsable du paiement d’une amende infligée par la Commission pour ensuite fixer de nouveau ce montant dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Trioplast Industrier/Commission, T 669/14, non publié, EU:T:2016:285, points 15 et 56 à 62).

106 Par ailleurs, il importe de relever que, contrairement à ce que les requérantes affirment, l’annulation de l’amende infligée par la décision litigieuse n’a pas été justifiée par la considération selon laquelle la Commission n’était en droit d’infliger une amende aux requérantes ni en 2010 ni en 2011 en l’absence de capacité contributive à cette époque.

107 En effet, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal s’est limité à constater que la Commission avait commis des erreurs lorsqu’elle avait apprécié la capacité contributive des requérantes, mais sans indiquer qu’aucune amende ne pouvait leur être imposée en 2010 et en 2011. Il n’a pas davantage tiré d’autre conséquence de cette illégalité que, d’une part, l’annulation de l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse et, d’autre part, la justification de l’exercice, à la demande des requérantes, de sa compétence de pleine juridiction. Cela ressort clairement des points 324 et 332 de l’arrêt du 15 juillet 2015.

108 Dans le cadre de son propre examen de la capacité contributive des requérantes en 2015, le Tribunal a constaté, au point 346 de l’arrêt du 15 juillet 2015, que, sur la base du plan de paiement provisoire fixé dans l’ordonnance de référé, les requérantes avaient déjà été en mesure de payer une somme de plus de 15 000 000 euros depuis 2011.

109 Partant, l’existence d’une certaine capacité contributive des requérantes en 2010 et en 2011 a été constatée par le Tribunal dans l’arrêt du 15 juillet 2015, contrairement à ce qu’elles prétendent.

110 Il en résulte que les conséquences que les requérantes tirent de l’annulation, par le Tribunal, de l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse sont dénuées de fondement.

111 En deuxième lieu, s’agissant de l’emploi des termes « sont [...] condamnées » ou « est condamnée » aux points 4 à 6 du dispositif de l’arrêt du 15 juillet 2015, il ressort d’une jurisprudence constante que le dispositif d’un arrêt doit être lu à la lumière des motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire dans la mesure où ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, point 62 et jurisprudence citée).

112 En l’espèce, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il ressort à suffisance de droit des motifs de l’arrêt du 15 juillet 2015 que le Tribunal a exercé sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, ordonnance du 7 juillet 2016, Westfälische Drahtindustrie et Pampus Industriebeteiligungen/Commission, C 523/15 P, EU:C:2016:541, point 41).

113 Or, comme cela a été rappelé au point 99 ci-dessus, par l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal a opéré une modification rétroactive de la décision litigieuse.

114 Par conséquent, il ne saurait être attribué aux termes « sont [...] condamnées » ou « est condamnée » figurant dans le dispositif de l’arrêt du 15 juillet 2015 le sens que leur prêtent les requérantes.

115 En troisième lieu, il ne saurait être déduit des points 335, 346 et 356 de l’arrêt du 15 juillet 2015 que le Tribunal a limité l’effet rétroactif de la modification apportée à la décision litigieuse.

116 Premièrement, s’agissant de la référence, au point 335 de l’arrêt du 15 juillet 2015, à la capacité contributive des requérantes au moment où le Tribunal a statué, il a déjà été jugé que la prise en compte par ce dernier d’éléments postérieurs à la décision de la Commission est possible dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sans que cela confère à l’amende déterminée par le Tribunal un caractère juridiquement distinct de celle infligée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, point 64 et jurisprudence citée).

117 Deuxièmement, s’agissant de l’estimation, figurant au point 346 de l’arrêt du 15 juillet 2015, selon laquelle le montant de l’amende restant dû à cette date représentait « environ les deux-tiers » de l’amende imposée par la Commission, les montants retenus par le Tribunal dans son calcul ne portaient certes que sur le capital des amendes.

118 Toutefois, le Tribunal a déjà jugé qu’une telle estimation ne constitue pas une prise de position sur la date du point de départ des intérêts dus par les requérantes (ordonnance du 17 mai 2018, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T 393/10 INTP, non publiée, EU:T:2018:293, point 17).

119 En outre, contrairement à ce que font valoir les requérantes, une telle estimation ne remet pas en cause l’effet rétroactif de l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, rappelé au point 99 ci-dessus.

120 En effet, au point 346 de l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal s’est limité à constater que, en exécution de l’ordonnance de référé, les requérantes s’étaient déjà acquittées à cette date d’une somme de plus de 15 000 000 euros, ce qui représentait environ un tiers du montant de l’amende imposée en 2010 (46 550 000 euros).

121 Dès lors qu’il examinait la capacité contributive des requérantes, le Tribunal ne pouvait pas faire abstraction du paiement partiel provisoire de l’amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction. La seule estimation de l’ordre de grandeur du solde restant dû, exprimé en capital, à la date à laquelle il a statué n’implique pas que la Commission, en exécution de l’arrêt du 15 juillet 2015, devait imputer les sommes payées à titre provisoire, majorées d’intérêts, sur une prétendue « amende juridictionnelle » imposée par le Tribunal, qui aurait été juridiquement distincte de l’amende infligée par la Commission.

122 Troisièmement, s’agissant du point 356 de l’arrêt du 15 juillet 2015, il ne remet pas non plus en cause l’exigibilité des intérêts sur le montant de l’amende fixé par le Tribunal à compter du 4 janvier 2011.

123 En effet, au point 356 de l’arrêt du 15 juillet 2015, le Tribunal s’est limité à répondre à un argument des requérantes tiré de la violation du principe d’égalité de traitement. À cet égard, le Tribunal a indiqué que l’introduction du recours par les requérantes contre la décision litigieuse ainsi que l’admission partielle de leur demande en référé avait eu pour effet de suspendre l’exigibilité du paiement de la totalité de l’amende mise à leur charge jusqu’au prononcé de cet arrêt, contrairement à d’autres entreprises qui n’avaient pas introduit de recours.

124 Comme cela a été rappelé aux points 92 et 93 ci-dessus, dans l’ordonnance de référé, le président du Tribunal a uniquement ordonné le sursis à l’exécution de l’obligation pour les requérantes de constituer une garantie bancaire en faveur de la Commission pour éviter le recouvrement immédiat des amendes, fixant lui-même un plan de paiement provisoire favorable aux requérantes jusqu’au jour, au plus tard, du prononcé de l’arrêt dans l’affaire principale. Comme cela a été indiqué au point 94 ci-dessus, la suspension de l’obligation de constituer une garantie bancaire n’a pas impliqué la suspension de l’exigibilité de la créance, qui a continué de produire des intérêts de retard pendant la procédure juridictionnelle.

125 En quatrième et dernier lieu, la condamnation de la Commission au paiement de la moitié des dépens encourus par les requérantes a été arrêtée sur le fondement de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure et s’explique par l’annulation de l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse.

126 Toutefois, ainsi qu’il a été indiqué aux points 104 à 110 ci-dessus, les conséquences que les requérantes tirent de cette annulation sont dénuées de fondement.

127 Par ailleurs, il a déjà été jugé que, lorsque le Tribunal maintient une partie du montant de l’amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, l’obligation de payer des intérêts de retard ab initio ne constitue pas une sanction, s’ajoutant à l’amende initialement infligée par la Commission, qui constituerait une entrave au droit de recours. En effet, tant l’absence de différence de nature juridique de l’amende lorsqu’elle est révisée par le juge de l’Union que le principe de l’absence d’effet suspensif des recours s’opposent à ce que la Commission libère l’entreprise qui n’a pas payé immédiatement cette amende et dont le recours a été accueilli en partie de l’obligation qui lui incombe de payer, à dater de l’exigibilité de l’amende infligée par la Commission, des intérêts sur le montant de l’amende fixé par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, points 86 et 87).

128 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

2) Sur les deuxième à quatrième moyens, relatifs aux conséquences de l’annulation de l’amende infligée par la décision litigieuse

129 Ainsi qu’il a été indiqué aux points 74 et 75 ci-dessus, les deuxième à quatrième moyens partent de la prémisse, posée dans le cadre du premier moyen, selon laquelle l’amende infligée par la Commission a été annulée et remplacée par une « amende juridictionnelle ».

130 Cette prémisse ayant été infirmée dans le cadre de l’examen du premier moyen, les deuxième à quatrième moyens ne sont pas fondés et doivent dès lors être rejetés.

3) Conclusion

131 Les moyens avancés par les requérantes n’étant pas fondés, il y a lieu de conclure à l’absence d’illégalité et, a fortiori, de violation suffisamment caractérisée des obligations auxquelles la Commission était tenue en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE et au rejet du quatrième chef de conclusions des requérantes, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, rappelées au point 67 ci-dessus.

b) Sur la demande tirée d’un enrichissement sans cause

132 Par leur troisième chef de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal de condamner la Commission à rembourser à WDI la somme de 1 633 085,17 euros, majorée d’intérêts depuis le 17 octobre 2019, en raison d’un enrichissement sans cause de la Commission.

133 Cet enrichissement serait dû à une erreur de calcul que les requérantes auraient commise lorsque WDI a versé à la Commission la somme de 18 149 636,24 euros le 17 octobre 2019, sans prendre en considération les intérêts produits par la somme de 16 400 000 euros pendant la période allant du 29 juin 2011 au 16 juin 2015.

134 La Commission conteste les arguments des requérantes.

135 Ainsi que le souligne la Commission, les arguments invoqués par les requérantes pour conclure à sa condamnation sur le fondement de l’enrichissement sans cause ne font que reprendre les arguments déjà exposés au soutien du quatrième chef de conclusions, examiné et rejeté aux points 67 à 131 ci-dessus, fondé sur un comportement prétendument illégal de sa part.

136 Il ressort des motifs du rejet du quatrième chef de conclusions que la Commission n’a pas bénéficié d’un trop-perçu à hauteur de 1 633 085,17 euros.

137 Il en résulte que le troisième chef de conclusions des requérantes n’est pas fondé et doit donc être également rejeté.

D. Sur le premier chef de conclusions des requérantes, visant à l’annulation de l’acte attaqué

138 Par leur premier chef de conclusions, les requérantes demandent l’annulation de l’acte attaqué, par lequel la Commission a mis en demeure WDI de lui verser la somme de 12 236 931,69 euros correspondant, selon elle, au solde restant dû de la créance en prenant en compte la date de valeur du 31 mars 2020.

139 Au soutien de ce chef de conclusions, les requérantes invoquent les quatre moyens examinés aux points 78 à 130 ci-dessus ainsi qu’un cinquième moyen, tiré de violations de l’article 266, premier alinéa, TFUE et du principe de bonne administration. Dans le cadre de ce dernier moyen, les requérantes réitèrent les arguments déjà avancés au soutien des quatre premiers moyens.

140 La Commission excipe de l’irrecevabilité du premier chef de conclusions. L’acte attaqué ne serait qu’une mise à jour de la note de débit initiale de 2010. Cet acte serait non pas le fondement d’une nouvelle créance envers les requérantes, mais une mise en demeure au sens de l’article 103, paragraphe 2, du règlement 2018/1046. L’arrêt du 15 juillet 2015 n’imposerait pas de nouvelles amendes et n’affecterait pas la question des intérêts de retard. Cet arrêt se limiterait à l’annulation de l’article 2, premier alinéa, point 8, de la décision litigieuse. En revanche, le troisième alinéa de l’article 2 de cette décision, relatif au paiement d’intérêts de retard, serait resté inchangé et donc pleinement applicable. L’acte attaqué étant préparatoire et purement confirmatif, il ne serait pas susceptible de recours.

141 Ainsi qu’il ressort des points 128 et 130 ci-dessus, les quatre premiers moyens avancés par les requérantes sont dépourvus de fondement et doivent être rejetés. Le cinquième moyen étant fondé sur les mêmes arguments, il y a lieu de le rejeter également.

142 Dans ces conditions, le premier chef de conclusions des requérantes doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à son égard.

IV. Sur les dépens

143 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Westfälische Drahtindustrie GmbH, Westfälische Drahtindustrie Verwaltungsgesellschaft mbH & Co. KG et Pampus Industriebeteiligungen GmbH & Co. KG sont condamnées aux dépens.