CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 2 février 2010, n° 08/21907
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mosel (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Degrandi
Conseillers :
Mme Moracchini, Mme Delbes
Avoués :
SCP Roblin- Chaix de Lavarène, SCP Narrat-Peytavi
Avocats :
Me Mimouni-Perès, Me Piquet-Gauthier
La Snc Mosel exploite un fonds de commerce à l'enseigne Vet'Affaires à Claye-Souilly. Son capital était, à l'origine, réparti entre la Sarl PMDIS (760 parts), Mme Delphine Lestin (6 parts), M. Vianey Lestin (6 parts), M. Jean-Michel Amiaux (59 parts), Mme Ingrid Rubino (59 parts), M. Olav Boller (1 part) et Mme Christiane Boller (1 part).
Au mois de juin 2006, M. Amiaux et Mme Rubino ont cédé leurs parts aux époux Lestin, qui sont devenus porteurs de 80 parts chacun, et aux époux Boller, devenus chacun détenteurs de 40 parts. Tous les associés étaient co-gérants.
Le 29 juin 2006, l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes 2005 a décidé de révoquer M et Mme Lestin de leurs fonctions de co-gérants avec effet immédiat.
Estimant sa révocation irrégulière, M. Lestin a continué à exercer son activité dans le fonds de commerce de la Snc Mosel.
Par ordonnance du 8 septembre 2006, le président du tribunal de commerce de Meaux a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la Snc Mosel tendant à voir faire injonction à M. Lestin de quitter le magasin.
M. Lestin est parti au mois d'octobre 2006 et par actes des 24 et 26 octobre 2006, il a fait assigner la Snc Mosel et M. Amiaux devant le tribunal de commerce de Meaux pour obtenir le paiement de la somme de 12 800 euros au titre de sa rémunération des mois de juillet à octobre 2006 et de celle de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive.
Par jugement réputé contradictoire du 21 octobre 2008, le tribunal de commerce de Meaux a débouté M. Lestin de toutes ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 novembre 2008, M. Lestin a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures signifiées le 9 novembre 2009, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de condamner in solidum M. Amiaux et la Snc Mosel à lui payer la somme de 12 800 euros au titre de sa rémunération des mois de juillet à octobre 2006, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, celle de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive et celle de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par uniques conclusions signifiées le 15 mai 2009, la Snc Mosel demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner M. Lestin à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Amiaux, régulièrement assigné par acte du 18 novembre 2009 délivré dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avouer.
SUR CE
Considérant que M. Lestin critique, tout d'abord, la procédure à l'issue de laquelle sa révocation a été prononcée, faisant valoir que cette mesure ne figurait pas dans l'ordre du jour de l'assemblée générale du 29 juin 2006 et que les règles de vote n'ont pas été respectées ;
Considérant que l'ordre du jour de l'assemblée générale comportait la lecture du rapport de gestion de la gérance, l'approbation des comptes de l'exercice 2005 et le quitus à la gérance ; que ces questions constituaient des sujets de discussion naturellement susceptibles de déboucher sur le problème de la révocation d'un des cogérants ;
Considérant que l'article L 221-12 alinéa 1 du code de commerce dispose que lorsque tous les associés d'une société en nom collectif sont gérants, le révocation de l'un d'entre eux ne peut résulter que d'une décision unanime des autres associés ; qu'il est constant que la révocation de M. Lestin a été adoptée à lamajorité; que, toutefois, avant la mise au vote de cette mesure, la société PMDIS avait démissionné de ses fonctions de gérante, de sorte que, tous les associés n'étant plus gérants, la règle de l'unanimité ne s'imposait plus ;
Considérant que M. Lestin critique donc à tort la procédure à l'issue de laquelle il a été révoqué ; que sa demande en nullité de la 6ème résolution de l'assemblée générale du 29 juin 2006 doit être rejetée et, avec elle, sa demande en paiement de la somme de 12 800 euros au titre de sa rémunération pour la période de juillet à octobre 2006, le fait qu'il ait pris l'initiative de se maintenir, durant ladite période dans le fonds de commerce, malgré sa révocation à effet immédiat, n'ayant généré aucune obligation à la charge de la société ;
Considérant que M. Lestin soutient encore que sa révocation est intervenue sans juste motif ; qu'il conteste être à l'initiative de l'altercation qui l'a opposé en décembre 2005 à M. Amiaux et encourir la moindre critique du chef de sa gestion du fonds de commerce ;
Considérant qu'aux termes du procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juin 2006, la révocation de M. Lestin a été proposée aux associés et prononcée par l'assemblée générale, non seulement en raison de 'l'altercation physique grave qui s'est produite entre M. Vianay Lestin et M. Amiaux en fin d'année , comportement ne permettant pas à la société et aux associés de conserver leur confiance à un gérant susceptible d'une telle attitude', mais aussi en raison du refus de M. Lestin de mettre en oeuvre dans son magasin, qui enregistrait une baisse importante de son chiffre d'affaires, les conseils d'animation et de 'merchandasing' des cogérants et des animateurs du groupe Vet Affaires, attitude jugée délibérée et incompatible avec l'intérêt social ;
Considérant que la Snc Mosel verse aux débats le compte rendu de trois visites effectuées par les équipes de marchandisage du groupe Vet Affaires, dans le magasin dont M. Lestin était le gérant, les 29 mars, 10 mai et 31 mai 2006, et une attestation d'un animateur du dit groupe, M. Buaud, tous chargés de veiller à la mise en place des concepts commerciaux définis par la direction pour enrayer la perte de chiffre d'affaires et de trafic client enregistrée par l'enseigne en 2005 ; que ces pièces établissent l'absence de mise en oeuvre par l'appelant, malgré des injonctions réitérées à chaque visite, de la procédure définie au mois de décembre 2005 pour opérer le déstockage des produits de la saison d'hiver, dont son magasin était encore chargé le 31 mai 2006, et de la nouvelle implantation validée par le comité de direction du groupe afin d'optimiser la clarté de l'offre à la clientèle et le confort de celle-ci, avec pour résultats une saison d'été manquée et une baisse du chiffre d'affaires supérieur à la moyenne du chiffre d'affaires réalisé par les 80 autres magasins de l'enseigne Vet Affaires (- 37 % au premier trimestre 2006, - 27 % au deuxième trimestre et - 11 % au troisième trimestre) ;
Considérant qu'est, dans ces conditions, établie la faute de gestion retenue par l'assemblée générale à la charge de M. Lestin, qui n'excipe d'aucune circonstance pouvant justifier son refus de se conformer aux instructions des services commerciaux du groupe auquel son magasin appartenait, attitude à l'origine d'une perte de chiffre d'affaires ; qu'il ne démontre pas les effets néfastes sur ce chiffre d'affaires de l'implantation d'un magasin concurrent, alors que le fonds de commerce de Claye-Soully a retrouvé, dès la restructuration opérée après à son départ, un chiffre d'affaires en hausse de 11 % au deuxième trimestre 2007 et de 19 % au troisième trimestre ; que cette faute de gestion justifiait à elle seule la révocation de l'appelant ;
Considérant que le jugement dont appel est, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. Lestin aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.