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Décisions

Cass. 1re civ., 5 octobre 2022, n° 21-16.307

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Le Gall

Avocat général :

Mme Mallet-Bricout

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier

Paris, du 2 févr. 2021

2 février 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2021), la société LBC France exploite le site français de petites annonces en ligne « www.leboncoin.fr », à la suite d'un traité d'apport partiel d'actifs conclu le 28 juin 2011 avec la société SCM France, devenue Schibsted France, laquelle a créé ce site en 2006 et l'a exploité jusqu'en 2011.

2. La société Entreparticuliers.com exploite le site internet « www.entreparticuliers.com » qu'elle a créé au cours de l'année 2000 et qui propose aux particuliers un service payant d'hébergement d'annonces essentiellement immobilières. Pour les besoins de son activité, elle est abonnée à un « service de pige immobilière » commercialisé par la société Directannonces qui collecte et transmet quotidiennement à ses abonnés, professionnels de l'immobilier, toutes les nouvelles annonces immobilières publiées par les particuliers sur différents supports, notamment internet.

3. Estimant que ce procédé constitue la mise en place par la société Entreparticuliers.com, aidée de son co-contractant, d'un système d'extraction total, répété et systématique de la base de données immobilière du site « leboncoin.fr », et exposant que, depuis le mois de juin 2011, de nombreux utilisateurs de son site se plaignent de la reprise de leurs annonces sur le site « entreparticuliers.com » sans leur autorisation, la société LBC France a fait procéder, les 5, 6 et 7 octobre 2016, à un constat d'huissier de justice portant sur deux cent quarante-six annonces du site « entreparticuliers.com. », puis a assigné, le 25 avril 2017, la société Entreparticuliers.com afin d'obtenir des mesures indemnitaires et d'interdiction, au visa des articles L. 112-3, L. 341-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle et, subsidiairement, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité des demandes de la société LBC France formées sur le fondement de la sous-base « immobilier », de dire que le site leboncoin.fr constitue une base de données dont la société LBC France est le producteur, de dire que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que, si les prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les prétentions portant sur des droits de propriété intellectuelle distincts, qui n'ont pas le même objet, ne peuvent tendre aux mêmes fins ; que la demande présentée par la société LBC France aux premiers juges tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la base de données envisagée dans son entier et à en faire sanctionner la violation, tandis que la demande présentée devant la cour d'appel tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la sous-base de données « immobilier » et à en faire sanctionner la violation ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité, que les demandes relatives à la sous-base tendaient aux mêmes fins que celles formulées devant le premier juge, à savoir démontrer le caractère substantiel de l'extraction opérée par la société Entreparticuliers.com, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, les parties doivent, en cause d'appel, présenter, dès leurs premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'il n'est fait exception que pour les demandes reconventionnelles et les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les demandes de la société LBC France relatives à la sous-base « immobilier » ne figuraient pas dans ses premières conclusions d'appel ; qu'en retenant, pour rejeter néanmoins l'exception d'irrecevabilité, qu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes formulées devant le premier juge, portant sur l'ensemble de la base de données, la cour d'appel, qui a énoncé un motif inopérant, a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Dès lors que les demandes initiales portaient sur l'ensemble de la base de données et incluaient ainsi la sous-base de données « immobilier », c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les demandes limitées à cette sous-base n'étaient pas nouvelles et étaient donc recevables en appel.

6. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de dire que le site leboncoin.fr constitue une base de données dont la société LBC France est le producteur, de dire que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que l'article 8-1 du traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 stipulait que « SCM France est régulièrement propriétaire ou bénéficiaire du droit d'usage des droits de propriété intellectuelle se rapportant à la branche d'activité et s'engage à consentir à LBC France une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle incluant en particulier la marque « leboncoin.fr », « vendez achetez près de chez vous » et les noms de domaine « leboncoin.fr », « leboncoin.com » moyennant une contrepartie financière faisant l'objet d'un contrat distinct » ; qu'il s'en déduisait que la société SCM France s'était réservé l'ensemble des droits de propriété intellectuelle afférents à la branche d'activité apportée ; qu'en affirmant, au contraire, que cette clause ne pouvait s'analyser comme réservant à la société SCM France le bénéfice des droits sui generis du producteur de base de données, la cour d'appel en a dénaturé les stipulations claires et précises, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

2°/ que, dans le cas où une base de données protégée fait l'objet d'un nouvel investissement substantiel, sa protection expire quinze ans après le 1er janvier de l'année civile suivant celle de ce nouvel investissement ; que la personne qui, sans être le producteur initial d'une base de données, consent des investissements pour l'entretenir et la renouveler, n'est pas admise à invoquer la prorogation d'une protection dont elle n'est pas investie, n'ayant pas pris l'initiative et le risque de la création ; qu'en se fondant sur l'article L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle pour affirmer le droit sui generis de la société LBC sur une base de données qu'elle n'a pas créée, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

3°/ que la personne qui réalise des investissements sur une base de données dont il n'est pas le producteur initial ne peut invoquer la protection du droit sui generis qu'en démontrant qu'il en est résulté une nouvelle base de données éligible à la protection du droit sui generis sur les bases de données ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient abouti à la constitution d'une nouvelle base de données éligible, en elle-même, à la protection légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

4°/ qu'en toute hypothèse, la personne qui réalise des investissements sur une base de données existante ne peut invoquer une durée de protection propre qu'en démontrant que ces investissements sont substantiels et qu'il en est résulté une modification substantielle de la base de données initiale ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient conduit à une modification substantielle de la base de données initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir retenu que la société LBC France avait acquis, par le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011, la propriété des éléments d'actifs constituant la branche d'activité d'exploitation du site internet « leboncoin.fr » et qu'elle avait procédé pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données à de nouveaux investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, du fait de leur nature et de leur montant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la troisième branche et qui a procédé à celle invoquée par la quatrième, en a exactement déduit que la société LBC France était fondée à invoquer la protection de cette base de données.

9. Le moyen, irrecevable en sa première branche en l'absence de production du contrat d'apport partiel d'actifs consenti par la société SCM France à la société LBC France, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La société Entreparticuliers.com fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

2°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de stockage consenties par la société LBC France, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

3°/ que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ; que les moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création de données ou d'autres éléments par la suite rassemblés dans une base constituent, en revanche, des moyens relatifs à cette création et ne peuvent dès lors être pris en compte aux fins d'apprécier l'existence d'un investissement substantiel ; qu'en retenant, au titre des dépenses engagées par la société LBC France pour la vérification des données, les coûts salariaux afférents à l'équipe « serenity », bien que la vérification opérée par le logiciel « serenity » intervienne au stade de la création des données, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

4°/ que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés au contrôle de l'exactitude des données ; qu'acceptant de prendre en considération les coûts salariaux des équipes « serenity » et « fraude et modération » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrôle qu'elles opéraient sur les annonces des internautes n'était pas limité à la détection des fraudes et illégalités, à l'exclusion de l'exactitude des informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

5°/ que la notion d'investissement dans la présentation du contenu de la base de données comprend les moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l'information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle, en dehors de la création des données ; qu'en acceptant de prendre en considération les dépenses liées à la classification des annonces des internautes et à l'organisation du site internet www.leboncoin.fr en arborescence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle présentation n'était pas étroitement liée à la création même des annonces des internautes, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. »

Réponse de la Cour

11. Par quatre arrêts du 9 novembre 2004 (C-203/02, C-46/02, C-338/02, C-444/02), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs d'une base de données, le titulaire d'une base de données devant dès lors justifier d'un investissement autonome par rapport à celui que requiert la création des données contenues dans la base dont il demande la protection.

12. C'est à bon droit et après avoir procédé aux recherches prétendument omises que la cour d'appel a retenu pour l'attribution de la protection sui generis :

- au titre d'un investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données, les investissements de communication comme ayant pour but de rechercher et de collecter un grand nombre d'annonces auprès d'internautes, ainsi que les dépenses de stockage comme étant nécessaires au regard des flux d'annonces entrants, du volume des informations à enregistrer et des exigences de temps de consultation imposant des infrastructures informatiques de stockage sophistiquées et coûteuses, du stockage des annonces selon une organisation rigoureuse constituée de seize tables de stockage, et de l'enregistrement et du stockage de toutes les modifications dont la traçabilité de 100 % est assurée, les données étant indexées de façon à ce que les résultats de recherche puissent s'afficher dans des temps très courts ;

- au titre d'un investissement lié à la vérification du contenu de la base de données, les dépenses afférentes au logiciel serenity, les opérations de vérification des annonces du site leboncoin.fr étant effectuées, d'une part, une fois que l'annonce est déposée par l'annonceur, par l'intermédiaire de ce logiciel de filtrage, d'autre part, a posteriori, par une équipe chargée de la modération ;

- au titre d'un investissement lié à la présentation du contenu de la base de données, les dépenses liées à la classification des annonces, laquelle est opérée selon dix catégories qui sont ensuite divisées en sous-catégories, puis en critères de recherche spécifiques pour chaque sous-catégorie, selon une arborescence détaillée qui rassemble et organise près de vingt-huit millions d'annonces avec une moyenne de huit cent mille nouvelles annonces quotidiennes, la base étant mise à jour et en conformité par l'équipe « produits ».

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

14. La société Entreparticuliers.com fait encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la sous-base de données « immobilier », des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces immobilières, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumières des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

2°/ que l'objectif du droit sui generis est de garantir une protection contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par la personne qui a recherché et rassemblé le contenu d'une base de données ; qu'il s'en déduit que l'acquisition d'une base de données existante ne peut s'analyser en un investissement de constitution ; qu'en tenant compte, au titre des dépenses de constitution de la sous-base de données « immobilier », de l'acquisition par la société LBC France du site de la société A vendre à louer exploitant un site d'annonce immobilières, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

3°/ qu'une sous-base de données n'est éligible à la protection du droit sui generis qu'autant qu'elle résulte, en elle-même d'investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en se bornant à affirmer que les annonces immobilières constituent 10 % des annonces de la base de données de la société LBC France, de sorte qu'une partie peut être évaluée à 10 % des investissements substantiels engagés par la société LBC France pour la constitution, la vérification et la présentation du contenu de sa base de données se rapportent au contenu de la sous-base de données « immobilier », sans démontrer que la sous-base de données « immobilier » avait donné lieu à des investissements substantiels propres et autonomes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 à 10 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. »

Réponse de la Cour

15. Ayant examiné les investissements réalisés au titre de la sous-base de données « immobilier » et retenu que la société LBC France justifiait avoir investi, de 2014 à 2016, une somme de plus de 4,9 millions d'euros dans les campagnes de publicité ciblées en matière immobilière, ce qui avait permis de collecter un grand nombre d'annonces immobilières créées par des internautes, avoir acquis pour un montant de 19,8 millions d'euros une société exploitant un site d'annonces immobilières en ligne, ce qui avait permis d'enrichir sa sous-base de données « immobilier », et qu'une part pouvant être évaluée à 10 % des investissements substantiels engagés pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données se rapportait au contenu de la sous-base de données « immobilier », la cour d'appel en a déduit à bon droit que celle-ci devait bénéficier de la protection au titre de la sous-base.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ qu'à défaut de transfert permanent ou temporaire de données, le renvoi à une base de données par la mention d'un lien hypertexte n'excède pas la simple prestation technique d'indexation de contenus et ne saurait constituer un acte d'extraction ; qu'en décidant, au contraire, que les onglets renvoyant vers le site leboncoin.fr pour les coordonnées de l'annonceur constituaient une indexation procédant d'une extraction prohibée, la cour d'appel a violé l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

2°/ que constitue une partie qualitativement substantielle d'une base de données les éléments extraits ou réutilisés qui, en eux-mêmes représentent, en termes d'obtention, de vérification ou de présentation, un important investissement humain, technique ou financier ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer l'existence d'une réutilisation d'une partie qualitativement substantielle de la sous-base de données « immobilier », que cette dernière avait nécessité des investissements substantiels, sans rechercher les éléments réutilisés représentaient en eux-mêmes un investissement important, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel a retenu que les annonces immobilières du site « entreparticuliers.com » reprenaient toutes les informations relatives au bien immobilier, s'agissant de la localisation, la surface, le prix, la description et la photographie du bien, qui sont les critères essentiels des annonces du site leboncoin.fr, et qu'en exécution du contrat de pige immobilière conclu avec la société Directannonces, la société Entreparticuliers.com s'était vu transférer toutes les annonces immobilières de vente du site leboncoin.fr.

19. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle en a justement déduit que la société Entreparticuliers.com avait procédé à l'extraction et la réutilisation d'une partie qualitativement substantielle du contenu de la sous-base de données « immobilier » de la société LBC France.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal.