CA Angers, ch. com. A, 18 janvier 2022, n° 17/02316
ANGERS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
Mme Robveille, M. Benmimoune
Avocats :
Me Hery, Me Sellier, Me Cornet, Me Amara Lebret, Me Badier Charpentier
FAITS ET PROCÉDURE
M. X a créé la société (SARL) X, dont il était le gérant, ayant son siège social à Sèvremoine (49), exerçant une activité consistant en 'tous travaux de menuiserie en bois, pvc et aluminium ; tous travaux de rénovation en relation avec la menuiserie ; achat vente de toutes fournitures rattachées à son activité', immatriculée le 27 octobre 2008 au registre du commerce et des sociétés d'Angers.
M. X était aussi dirigeant d'une entreprise individuelle de chambres d'hôtes dénommée 'Les Belles Epoques', enregistrée au registre du commerce et des sociétés. Il a fait exécuter par la SARL X, entre le début de l'année 2011 et la fin du mois de juin 2013, des travaux de construction et d'aménagement de l'immeuble dans lequel il devait exploiter cette activité.
Le 3 février 2014, il a déposé au greffe du tribunal de commerce d'Angers une déclaration de cessation des paiements au nom de la SARL X.
Par jugement du 5 février 2014, le tribunal de commerce d'Angers a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL X, M. Y étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire, et a fixé la date de cessation des paiements au 3 juillet 2013.
L'actif de la SARL X a été réalisé pour un montant global de 13120 euros correspondant au prix de cession du matériel d'exploitation, et, selon la liste des créances déclarées au 17 mai 2017, la SARL X présentait un passif de 171.606 euros (soit 16.223,86 euros au titre de créances privilégiées et 155.382,51 euros au titre de créances chirographaires) dont 128.376,63 euros au titre de créances de la Banque Populaire Atlantique.
Par acte d'huissier du15 septembre 2016, M. Y agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X, invoquant les liens entre cette société et l'entreprise Les Belles Epoques que M. X dirigeait, les impayés de factures éditées par la SARL X et la circonstance que l'activité de la SARL X ait été maintenu artificiellement pour achever les travaux des chambres d'hôtes, a fait assigner M. X devant le tribunal de commerce d'Angers aux fins de voir, au vu des articles L. 651-2 et L. 653-4 du code de commerce, 180 de la loi du 25 janvier 1985, constater la faute de gestion commise dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la SARL X et le condamner au paiement de l'entier passif de la SARL X, soit la somme de 158.486,37 euros.
Par jugement du 28 novembre 2017, le tribunal de commerce d'Angers a :
- déclaré M. Y, ès qualités, recevable et bien fondé en sa demande,
- condamné M. X, né le 31 août 1969 à Auxerre (89), de nationalité française, domicilié La Foye - ..., à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL X à hauteur de 111.481 euros,
- condamné M. X aux entiers dépens du présent jugement, provisoirement taxés et liquidés à la somme de 189,17 euros, y compris les éventuels coûts d'huissiers demeurant à la charge du créancier si la décision définitive n'est pas exécutée volontairement par M. X dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision,
- condamné M. X à payer à maître Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL X, une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné que la condamnation soit inscrite au fichier national des interdictions de gérer, conformément au décret n°2015-194 du 19 février 2015.
Le tribunal a considéré que M. X avait commis des fautes de gestion, d'une part, en omettant de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal et, d'autre part, en poursuivant une activité déficitaire dans son seul intérêt.
Il a fixé la contribution de M. X comme suit :
- au titre de l'exercice 2012, à hauteur du pourcentage d'activité ayant bénéficié à son activité de maison d'hôtes, sans profit pour la société, soit 93 % de 101 926 € (correspondant à l'accroissement du passif sur cet exercice) ;
- au titre des exercices 2013 et 2014, à hauteur de l'aggravation du passif, soit 16 690 €.
Par déclaration du 7 décembre 2017, M. X a interjeté appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions.
Selon avis du 7 juin 2018, le parquet général près la cour d'appel d'Angers a requis la confirmation du jugement dont appel aux motifs exposés dans les conclusions de l'intimé, à l'origine de la requête en comblement de passif.
Par ordonnance du 26 juin 2019 du président du tribunal de commerce d'Angers, la société (SELAS) CLR & Associés a été désignée en remplacement de M. Y en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X.
La SELAS CLR & Associés, en lieu et place de Y…, ès qualités, a conclu.
Par ordonnance du 8 février 2021, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a constaté que l'incident dont il avait été saisi par conclusions de M. X tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions n°2 et les pièces prises au soutien de la SELAS CLR & Associés signifiées le 21 octobre 2019 était devenu sans objet, a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la SELAS CLR & Associés ès qualités, a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a dit que les dépens du présent incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond.
Une ordonnance du 11 octobre 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 17 janvier 2020 pour M. X,
- le 28 septembre 2021 pour la SELAS CLR & Associés en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X,
M. X demande à la cour, au vu des articles 909 et 910-4 du code de procédure civile, L. 651-2 du code de commerce, au vu de la jurisprudence et des pièces versées aux débats, de :
in limine litis,
- constater que les conclusions d'intimé n°2 et pièces, prises au soutien des intérêts de la SELAS CLR & Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL X, et signifiées le 21 octobre 2019, sont tardives, en conséquence,
- dire et juger irrecevables les conclusions d'intimé n°2 et pièces, prises au soutien des intérêts de la SELAS CLR & Associés ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL X, et signifiées le 21 octobre 2019, sur le fond, à titre principal,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers,
- constater que la SELAS CLR & Associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X, ne rapporte pas la preuve d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL X,
- dire et juger qu'aucune faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL X ne peut être reprochée à M. X,
- ordonner que la condamnation prononcée par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 28 novembre 2017 soit radiée du fichier national des interdictions de gérer,
- débouter la SELAS CLR & Associés, ès qualités, de sa demande de condamnation de M. X 'au paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif soit 158.486,37 euros',
- débouter la SELAS CLR & Associés, ès qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SELAS CLR & Associés, ès qualités, au paiement d'une somme de 5.000 euros à M. X au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire,
- dire et juger que le lien de causalité entre les prétendues fautes de gestion de M. X au titre de l'exercice 2012 et l'insuffisance d'actif constatée par la SELAS CLR & Associés, ès qualités, n'est pas rapporté,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a condamné M. X à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL X à hauteur de 111.481 euros,
- condamner M. X à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL X à hauteur de 16.690 euros, à titre infiniment subsidiaire,
- tenir compte des efforts de M. X pour tenter de redresser la situation de la SARL X, et ramener à de plus justes proportions la condamnation à couvrir l'insuffisance d'actif, tout en accordant à ce dernier des délais de règlement pour s'acquitter de sa dette, en tout état de cause,
- condamner la SELAS CLR & Associés, ès qualités, au paiement d'une somme de 5.000 euros à M. X au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SELAS CLR & Associés, ès qualités, aux entiers dépens de l'incident.
M. X prétend que la société qu'il dirigeait avait réalisé au cours de ses premières années un chiffre d'affaires encourageant et que rien ne lui interdisait donc de lui confier le projet de construction et d'aménagement des chambres d'hôtes, ce qui lui a permis de réaliser un chiffre d'affaires non négligeable pendant deux années. Il fait valoir qu'avant même l'achèvement des chambres d'hôtes, il a recherché de nouveaux clients et que son activité était prometteuse avec un carnet de commandes conséquent en 2013, indiquant avoir émis des factures sur les sept premiers mois de l'année 2013 à hauteur de 46 770,77 euros TTC et avoir établi des devis pour 70 000 euros environ. Il expose avoir tout mis en oeuvre pour améliorer la situation de la société, laquelle se serait dégradée, selon lui, par la faute de banque qui lui aurait imposé 'par erreur' un prêt de 29 000 euros alourdissant les charges au lieu d'accepter comme convenu une cession de créance Dailly de ce même montant de 29.000 euros au titre d'une créance de TVA de l'entreprise individuelle de chambres d'hôtes devant servir à payer une facture de la SARL X, et par l'importance des frais financiers qui ont été prélevés sur son compte bancaire par la banque, le tout ayant asséché la trésorerie de la société.
Sur les fautes qui lui sont imputées, concernant la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, il nie une aggravation du passif entre la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, que d'ailleurs il conteste, et la date de déclaration.
S'agissant de la poursuite d'une activité déficitaire, il conteste avoir poursuivi une activité déficitaire dans l'intérêt de son entreprise individuelle de chambres d'hôtes en soulignant qu'il a poursuivi l'activité de la société après la fin du chantier exécuté au profit de son entreprise individuelle et que tous ces travaux ont été payés par lui et son épouse sauf une facture de 29 000 euros. Il affirme qu'il existait des perspectives de redressement puisqu'entre le 3 juillet 2013 et le 3 février 2014, date de la déclaration de l'état de cessation de paiements, la société disposait d'un carnet de commandes à hauteur de 34 566,29 euros HT et de devis d'un montant de 243 066,72 euros sur le point d'être signés, de devis signés et de devis en cours.
Par ailleurs, il exclut l'existence d'un lien entre les fautes qui lui sont reprochées et l'insuffisance d'actif. Il reproche au tribunal de l'avoir condamné à rembourser une partie du passif généré à un moment où la société n'était pas en situation déficitaire (l'exercice 2012 qui s'est soldé par un bénéfice de 1 666 €).
Subsidiairement, il fait valoir qu'il faut tenir compte de tous ses efforts pour redresser la situation. Il indique avoir tout fait pour développer son activité et réduire les charges (licenciement de deux salariés) et avoir remboursé sur ses fonds personnels des avances faites par les clients (8 602,09 €).
La SELAS CLR & Associés agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X sollicite de la cour que sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce, elle :
- mette hors de cause M. Y ès qualités,
- confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers le 28 novembre 2017,
- déboute M. X de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- y ajoutant, condamne M. X à payer à la SELARL CLR & Associés, ès qualités, la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamne au paiement des entiers dépens d'appel et de première instance.
Le liquidateur judiciaire de la SARL X fait remarquer que, s'agissant du retard de déclaration de l'état de cessation des paiements, c'est M. X, lui même, qui a indiqué la date du 3 juillet 2013 comme correspondant à la cessation des paiements et ajoute que, de toute façon, cette date est irrévocablement fixée.
Il souligne que le passif n'a cessé d'augmenter depuis le 31 octobre 2011 passant de 52 990 € à 154 916 € au 31 octobre 2012 pour être porté à 171 606,37 € au jour de l'ouverture de la procédure alors que l'actif a diminué.
Il donne la liste des créances entre la date de cessation des paiements et le jour d'ouverture pour démontrer que le retard a aggravé le passif. Il se reporte aux motifs du tribunal sur l'état déficitaire de l'exploitation au cours de l'exercice clos le 31 octobre 2013 qui a plongé à - 94 816 € à cette date, voire à -119 063 € si l'on retraite la comptabilité en intégrant une provision pour impayé.
Il approuve donc le tribunal d'avoir retenu que M. A ne pouvait méconnaître cette situation qui allait en se dégradant très fortement tout le long de l'exercice 2013.
Il adopte également les motifs du jugement sur le fait que la société a supporté le coût des travaux réalisés à prix coûtant au bénéfice de l'entreprise individuelle de M. D E, il rappelle que pour l'action en comblement de passif, il est indifférent que la poursuite de l'activité déficitaire se soit faite dans l'intérêt personnel du gérant ; que ce qui importe est que la poursuite de l'activité en 2013 et 2014 a contribué à l'insuffisance d'actif.
Il s'oppose à l'argumentation de M. X sur la critique du jugement relativement à la part du passif qui a été mise à sa charge au titre de l'exercice 2012 mais critique la motivation du jugement sur quantum de la condamnation en ce que n'a été retenue par les premiers juges que l'aggravation du passif entre 2012 et 2014 alors que, selon les dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce, il suffit que la faute de gestion ait contribué à l'insuffisance de l'actif pour que puisse être mis à la charge du dirigeant tout ou partie de cette insuffisance, de sorte que la prétention subsidiaire de M. X de voir sa responsabilité limitée à la somme de 16 690 euros correspondant à l'augmentation du passif au cours des exercices déficitaires doit être écartée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise hors de cause de M. Y, ès qualités
M. Y ayant été remplacé dans ses fonctions de liquidateur judiciaire de la SARL X, il convient de le mettre hors de cause.
Sur l'irrecevabilité des conclusions d'intimé n°2 et pièces, prises au soutien des intérêts de la SELAS CLR & Associés ès qualités
Cette demande, qui a été rejetée par ordonnance du magistrat de la mise en état, laquelle a autorité de chose jugée en application de l'article, est irrecevable.
Sur le fond
L'article L. 651-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants le tribunal peut par décision motivée les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
L'insuffisance d'actif correspond au montant négatif subsistant entre le passif admis et l'actif réalisé ou réalisable. Le passif à prendre en compte est celui existant avant le jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'insuffisance d'actif s'apprécie au jour où le juge statue.
Il résulte des pièces produites que l'insuffisance d'actif est caractérisée et s'élève à 158.486,37 euros, ce qui n'est pas contesté.
Il convient donc de statuer sur les fautes invoquées et leur lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.
Sur la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements
L'article L. 631-4 du code de commerce dispose que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Dans le cas présent, il a été définitivement jugé par le jugement d'ouverture de la procédure, qui a autorité de chose jugée, que l'état de cessation des paiements remontait au 3 juillet 2013 comme l'a, d'ailleurs, lui même, déclaré M. X dans la déclaration. Or, ce dernier n'a procédé à la demande d'ouverture de la procédure collective que le 3 février 2014, soit sept mois plus tard.
Ce retard important ne résulte pas seulement d'une simple négligence de la part du gérant de la société mais bien de sa volonté de poursuivre une activité pourtant déficitaire non seulement pour terminer les travaux faits pour son compte personnel mais même après, alors que la société n'avait qu'une très faible clientèle et, surtout, qu'elle avait accumulé des dettes d'un montant excessif au regard de son activité, rendant impossible son redressement.
Cette faute de gestion est en relation causale avec l'augmentation du passif dès lors qu'entre le 3 juillet 2013 et la fin de l'année 2013 de nouvelles dettes sont nées comme le démontre la liste des créances produite par le liquidateur, étant observé que le résultat d'exploitation est passé de + 1 666 euros pour l'exercice clos au 31 octobre 2012 à - 94 816 euros pour l'exercice clos au 31 octobre 2013, ce qui démontre une exploitation déficitaire en dégradation constante qui, d'ailleurs, s'est poursuivie jusqu'au jour de l'ouverture de la procédure en février 2014.
Sur la poursuite d'une activité déficitaire
Il est démontré par le tableau de synthèse reconstitué par les premiers juges en l'absence de comptes établis par la société pour l'exercice 2013, lequel n'est pas critiqué par l'appelant sauf en ce qui concerne le retraitement des factures émises contre son entreprise individuelle n° 1210002 du 31 octobre 2012 et n° 1304001 du 28 juin 2013 relativement à une somme de 65 780 euros TTC qu'il considère avoir été comptabilisée deux fois, que M. X a poursuivi l'activité de sa société commerciale devenue très largement déficitaire sur l'exercice allant du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2013 (- 94 816 euros).
Il se déduit de l'augmentation constante des dettes à compter de l'exercice 2012 (passant de 52 990 euros à 154 916 euros) et du fait que le chiffre d'affaires était constitué sur les deux exercices 2011 et 2012, dans sa quasi totalité des travaux faits pour le compte personnel de son gérant (96,63 % pour le premier et 93,39 % pour le second), que ces travaux ont été facturés à un prix qui ne permettait pas à la SARL de prospérer, étant observé, en outre, qu'à tout le moins une facture de 29 000 euros est restée impayée par l'entreprise individuelle.
La mise en perspective de l'évolution négative des résultats d'exploitation et de l'augmentation corrélative de la dette avec la part de l'activité consacrée aux travaux exécutés pour l'entreprise personnelle démontre que le maintien de l'activité déficitaire de la SARL X après la fin de l'année 2012 lui a permis de terminer ce chantier représentant un chiffre d'affaires de 172 789 euros sur l'exercice 2013.
Si M. X a effectivement poursuivi l'activité de la société après la fin du chantier exécuté au profit de son entreprise individuelle et prétend qu'il existait des perspectives de redressement, force est de constater que les dettes n'ont cessé de croître pour atteindre 171 606 euros au 1er février 2014, selon le passif déclaré alors qu'il était de 154 916 euros à la fin de l'exercice clos au 21 octobre 2012. La situation apparaissait alors compromise et, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il était trop tard dès le 3 juillet 2013 pour la redresser, les frais bancaires que la société a eu à supporter par la suite n'étant que la conséquence de l'état de cessation des paiements.
Le licenciement de deux salariés après la fin des travaux exécutés au profit de l'entreprise personnelle de M. A, qui n'est que la conséquence de la chute de l'activité dédiée à son profit, ne saurait être mis à l'actif de M. B Z remboursement sur ses fonds personnels des avances faites par les clients (8 602,09 €) est à relativiser au vu du passif créé d'un montant de 171 606 euros.
Sur le montant de la condamnation
C'est à tort que M. X soutient qu'il ne pourrait être condamné que dans la limite de 16 690 euros correspondant à l'augmentation du passif depuis la cessation des paiements alors que l'article L. 651-2 du code de commerce prévoit que le gérant peut être condamné à payer tout ou partie de l'insuffisance de l'actif qu'il a contribué par ses fautes de gestion à créer.
Au regard des considérations qui précèdent et de ce que l'insuffisance d'actif est en grande partie liée à l'activité de la société consacrée majoritairement aux travaux exécutés au profit de son gérant, celui ci sera, en raison de ses fautes de gestion, condamné à combler partiellement cette insuffisance à hauteur de la somme de 111.481 euros, de sorte que le jugement sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de condamner l'appelant à payer à la SELARL CLR & Associés ès qualités la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X sera débouté de sa demande présentée au même titre et condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Met hors de cause M. Y en qualité de liquidateur de la société ;
Déclare irrecevable la demande tendant à voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions d'intimé n°2 et pièces, prises au soutien des intérêts de la SELAS CLR & Associés ès qualités ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne M. X à payer à la SELAS CLR & Associés ès qualités la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X aux dépens.