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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 février 2022, n° 19/10916

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Assistance Et Développement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Herman, Me Blondel, Me Andrez

T. com. Evry, du 18 avr. 2019, n° 2017F0…

18 avril 2019

EXPOSE DU LITIGE

La SNC ESL, immatriculée le 28 novembre 2007 avec pour objet la mise à disposition d'un ouvrage à destination d'établissement public, et ayant pour gérant non associé M. C, a conclu, le 12 juillet 2011, un contrat de partenariat avec la commune de Saint Laurent Médoc (Gironde) portant sur la restructuration et l'extension de l'école communale et des installations sportives de la commune.

Le 10 septembre 2011, la société ESL, représentée par M. C, a conclu un contrat de mission de conseil et d'assistance avec la société Assistance et développement, représentée par sa gérante administrative, Mme B, épouse de M. C, et dont le gérant associé est M. C, prévoyant une rémunération mensuelle de 12 000 euros.

Le 31 septembre 2011, M. C, gérant non associer de la société ESL, a démissionné de son mandat de gérant.

La société Levaux et Associés et la société ACH, associées de la société ESL, ont chacune fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par jugements du tribunal de commerce d'Evry respectivement les 9 juillet 2012 et 19 novembre 2012.

Aux termes d'une assemblée générale du 22 novembre 2012, a été décidée la liquidation amiable de la société ESL, M. X étant désigné en qualité de liquidateur amiable.

La clôture de la liquidation a été décidée par assemblée générale du 15 septembre 2015.

Par acte du 18 novembre 2016, la société Assistance et développement a assigné M. X, en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL, en responsabilité personnelle et en paiement d'une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en compte de factures, au titre du contrat de mission de conseil et d'assistance, dans les comptes de liquidation avant la clôture.

Par une ordonnance du 16 mars 2017, le tribunal de Grande Instance d'Evry s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Evry.

Par jugement du 18 avril 2019, le tribunal de commerce d'Evry a :

'- dit que les demandes ne sont pas prescrites mais demandent à être confrontées avec le contrat de mission signé,

- dit nul et réputé non écrit le contrat signé entre la société ESL et la société Assistance et développement,

- dit que les factures ne sont pas dues et leur paiement est indu',

- rejeté la demande de la société Assistance et développement,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la société Assistance et développement à payer à M. X, liquidateur amiable de la société ESL la somme de 2 500,00 euros,

- condamné la société Assistance et développement aux dépens.

Par déclaration du 23 mai 2019, la société Assistance et développement a interjeté appel de ce jugement en visant les chefs du dispositif.

Par ses dernières conclusions notifiées le 2 avril 2020, la société Assistance et développement demande, au visa des articles 1240 du code civil, L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son action n'était pas prescrite, de l'infirmer pour le reste, et statuant à nouveau, de :

- dire que son action recevable,

- condamner M. X, en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL et au titre de sa responsabilité personnelle, à lui payer la somme de 100 000 euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du lendemain de la date de chacune des factures, en réparation du préjudice subi du fait de la non prise en compte dans les comptes de liquidation avant clôture et radiation des factures n° 08/2011, n° 10/2011, n° 14/2011, n° 02/2012, n° 03/2012, n° 05/2012, n° 08/2012, n° 09/2012 et n° 12/2012,

- condamner M. X en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL aux dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 28 juillet 2021, M. X, ancien liquidateur amiable de la société ESL, mandataire judiciaire, demande, au visa des articles 1116 ancien, 1131 ancien et 1185 du code civil, de :

- déclarer irrecevable la demande de la société Assistance et développement,

- rejeter les demandes de la société Assistance et développement,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a dit nul le contrat du 10 septembre 2011, et rejeter les demandes de la société Assistance et développement,

- en tout état de cause, condamner la société Assistance et développement à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 octobre 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la recevabilité de la demande en indemnisation de la société Assistance et développement :

L'article L. 237-12 du code de commerce dispose :

'Le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.

L'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L. 225-254.'

L'article L225-254 prévoit :

'L'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans.'

Le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre le liquidateur, exercée sur le fondement des dispositions des articles L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce, court à compter de la publication de la clôture de la liquidation, dès lors que cette dernière permet la révélation aux tiers du fait dommageable.

La société Assistance et développement invoque l'absence de prise en compte de ses factures datant d'août 2011 à décembre 2012.

La liquidation amiable de la société ESL a été décidée le 22 novembre 2012, M. X étant désigné en qualité de liquidateur amiable.

La clôture de la liquidation a été décidée par assemblée générale du 15 septembre 2015, et l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés mentionne la radiation de la société ESL pour clôture des opérations de liquidation amiable le 27 novembre 2015.

La société Assistance et développement soutient que 'la faute du liquidateur réside dans le fait qu'il connaissait la créance non contestée, mais qu'il ne la règle pas sciemment au moment de la clôture alors que les fonds sont suffisants pour apurer ladite créance'.

Le fait dommageable allégué est constitué par la clôture des opérations de liquidation sans qu'ait été garanti le paiement intégral du passif.

En conséquence, l'action en responsabilité, introduite par assignation du 18 novembre 2016, n'est pas prescrite.

La demande est donc recevable.

- Sur la responsabilité de M. X en qualité de liquidateur amiable :

La liquidation amiable de la société ESL a été publiée le 31 janvier 2013.

La société ESL a été radiée le 27 novembre 2015 pour clôture des opérations de liquidation amiable.

Le liquidateur a clôturé les opérations de liquidation amiable sans inclure la créance de la société

Assistance et développement qui se prévalait d'un contrat de mission et de factures impayées qu'elle avait éditées.

Il est observé que la société Assistance et développement n'a pas assigné la société ESL en paiement de ses factures, alors que ses demandes en paiement auprès de M. X étaient restées vaines.

Le contrat de mission de conseil et d'assistance a été conclu le 10 septembre 2011 entre la société ESL, représentée par M. C, et la société Assistance et développement, dont il est le gérant, et représentée par son épouse, Mme B, gérante administrative, peu de temps avant la démission de M. C de son mandat de gérant de la société ESL du 31 septembre 2011.

Ce contrat stipule à son article 1, intitulé 'Objet du Protocole', que 'la SNC ESL confie à la société Assistance et développement, qui l'accepte, la mission, validée par SOLEFIM et ACH SAS' et que la mission 'consiste pour la société Assistance et développement à assister la SNC ESL par ses conseils techniques et financiers par :

Ses recherches de financements pour l'opération du PPP de Saint Laurent du Médoc

Contrôler le suivi des travaux de terminaison des VRD en appui à la société Levaux

Contrôler le suivi des travaux du Contrat en appui à la société Levaux dans la mesure où le financement serait trouvé

Négocier et finaliser la résiliation du Contrat de Partenariat dans la mesure où le financement ne serait pas trouvé

Rendre compte à ACH SAS actionnaire de la SNC ESL et suivre ses instructions

Prendre toutes dispositions pour défendre les intérêts de la SNC ESL'.

Par mail du 1er juin 2015, M. Y A, ancien dirigeant d'une des sociétés associées de la société ESL, écrivait à M. X : 'Je vous confirme par la présente que, au vu de ma connaissance du dossier, je ne peux pas valider les factures de M. C concernant l'opération ci-dessus référencée'.

Par un courriel du 18 janvier 2018, M. A a affirmé n'avoir 'jamais eu connaissance d'un contrat passé entre ESL et Assistance et développement'.

Il est produit des courriels envoyés par M. C en son nom, sans aucune mention de la société Assistance et développement, qui n'établissent pas la réalité de prestations réalisées par cette société.

La société Assistance et développement ne justifie ni de la 'validation' de sa mission par les sociétés SOLEFIM et ACH, actionnaires de la SNC ESL, ni de la réalité de la mission, ne produisant aucune instruction reçue de la société ACH, ni informations échangées avec la société Levaux, ni conseil ou assistance apportés à la société ESL, ni de l'envoi de ses factures avant la liquidation de la société ESL.

Ainsi, la société Assistance et développement n'établit pas l'existence d'une créance qui aurait dûe être prise en considération par M. X, liquidateur amiable de la société ESL, et être incluse dans les opérations de liquidation de la société ESL.

Elle ne justifie pas d'une faute qui aurait été commise par M. X de nature à engager la responsabilité de ce dernier.

Le jugement, en ce qu'il a rejeté sa demande en condamnation de M. X, sera confirmé.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Assistance et développement aux dépens et à payer à M. X, en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL, la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Assistance et développement, qui succombe, sera tenue aux dépens de la procédure d'appel.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à M. X la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- DÉCLARE recevable la demande en indemnisation de la société Assistance et développement et confirme le jugement du 18 avril 2019 du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a dit que la demande de la société Assistance et développement n'était pas prescrite, a rejeté sa demande en condamnation de M. X, en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL, et l'a condamnée à payer à M. X, en sa qualité de liquidateur amiable de la société ESL, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Y ajoutant,

- CONDAMNE la société Assistance et développement à payer à M. X la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

- CONDAMNE la société Assistance et développement aux dépens de la procédure d'appel.