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Décisions

CA Aix-en-Provence, 3e et 4e ch. réunies, 18 novembre 2021, n° 21/06878

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Alquie-Vuilloz

T. com. Fréjus, du 26 avr. 2021, n° 2021…

26 avril 2021

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 7 janvier 1987, Monsieur Hervé N. et Monsieur Jean H., tous deux pharmaciens, ont constitué une société en nom collectif en vue d'exploiter la pharmacie Gambetta située à Cogolin. Tous les 2 sont gérants. Dans un protocole d'accord, ils ont précisé la durée des congés annuels de chacun, les engagements de présence à l'officine, l'alternance des jours de garde et la rémunération des pharmaciens.

Les relations entre les deux gérants se sont depuis dégradées, leur différent portant notamment sur la vente de la pharmacie ou des parts de la société.

Le 22 mars 2019, Monsieur Hervé N. a été placé en arrêt maladie, et depuis n'a pas repris son activité. Monsieur Jean H. considère que cet arrêt maladie serait frauduleux.

Par courrier du 14 décembre 2019, il a saisi le Conseil de l'ordre régional des pharmaciens. Dans cette plainte, Monsieur H. a utilisé des propos dégradants et diffamatoires à l'encontre de Monsieur N., lequel à son tour a déposé plainte auprès de l'Ordre le 21 février 2020.

Monsieur H. a reconnu que les propos qu'il avait tenus étaient diffamatoires, qu'ils portaient atteinte à l'honneur et à la considération de son associé, et a présenté ses excuses dans le cadre d'un procès-verbal de conciliation.

Par courrier de son conseil du 11 novembre 2020, Monsieur H. a mis en demeure Monsieur N. de cesser tout prélèvement et de restituer sans délai ceux qu'il avait opérés depuis l'arrêt maladie du 19 mars 2019. Monsieur N. a refusé.

Le 11 décembre 2020, Monsieur H. a convoqué Monsieur N. à l'assemblée générale ordinaire de la SNC fixée au 7 janvier 2021.

Le 29 décembre 2020, Monsieur H. et la SNC H. et N. ont fait assigner Monsieur N. pour qu'il soit condamné à restituer à la société la somme de 72 278 ' avec intérêts au taux légal, qu'il soit révoqué de sa cogérance, et subsidiairement qu'il en soit suspendu, qu'il lui soit fait interdiction de procéder à tout prélèvement jusqu'à la fin de son arrêt maladie, que Monsieur H. soit autorisé à percevoir une indemnité provisionnelle de 63 000 ' au titre de sa gestion d'affaires ayant permis la préservation de la société, outre la condamnation de Monsieur N. à un article 700 du CPC.

Le 13 janvier 2021, Monsieur H. et la SNC H. et N. se sont désistés de cette instance.

Entre-temps, le 7 janvier 2021, l'assemblée générale ordinaire s'est tenue en l'absence de Monsieur N., au cours de laquelle il a été décidé notamment, la révocation de celui-ci de ses fonctions de cogérant.

Par correspondance, Monsieur N. avait voté contre à tous les points mis à l'ordre du jour. Son courrier est arrivé certes le 7 janvier 2021, mais a été distribué après la clôture de l'assemblée générale.

En vertu de cette délibération, Monsieur H. est intervenu auprès de la banque, et Monsieur N. n'a plus été autorisé à effectuer un quelconque prélèvement à compter du mois de février 2021.

Par exploit du 26 février 2021, Monsieur N. a assigné Monsieur H. et la SNC H. et N. afin que soit prononcée la nullité du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du 7 janvier 2021, que soit constaté que l'ensemble des résolutions mises au vote lors de cette assemblée générale ont été rejetées pour défaut d'unanimité des associés, que Monsieur Hervé N. est toujours cogérant statutaire de la SNC H. et N. et n'a jamais cessé de l'être, que soit ordonnée la publicité du jugement à intervenir, que Monsieur H. soit condamné à payer à Monsieur N. la somme de 25 000 ' à titre de dommages et intérêts.

Monsieur N. complétera ces demandes initiales en concluant à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles de Monsieur H. et de la SNC comme ne se rattachant pas à la demande principale par un lien suffisant, que les demandes reconventionnelles soient renvoyées à une date ultérieure afin que le principe du contradictoire puisse s'instaurer, et que Monsieur H. et la SNC soient déboutés de leurs demandes reconventionnelles.

Monsieur H. et la SNC H. et N. ont conclu à l'irrecevabilité de la demande en nullité de l'assemblée générale ordinaire, au débouté de Monsieur N. de l'ensemble de ses demandes, à l'irrecevabilité de la demande en dommages-intérêts dirigée à l'encontre de Monsieur H. à titre personnel, à sa condamnation à la somme de 20 000 ' à titre de dommages et intérêts, tant à la société qu'à Monsieur H.. Reconventionnellement, ils ont sollicité la condamnation de Monsieur N. à restituer à la société la somme de 80 722,60 euros avec intérêts au taux légal depuis la demande officielle du conseil en date du 11 novembre 2020, que soit ordonnée la révocation de Monsieur N. de la gérance, que Monsieur Jean H. soit autorisé à prélever la somme de 42 000 ' par an au titre de sa gestion d'affaires, que Monsieur N. soit condamné à payer à la société la somme de 15 000' et à Monsieur H. la somme de 20 000 ' à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 6000 ' chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 26 avril 2021, le tribunal de commerce de Fréjus a :

' prononcé la nullité du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 7 janvier 2021,

' ordonné la convocation d'une nouvelle assemblée générale en présence des deux associés avant le 30 juin 2021,

' débouté Monsieur Hervé N. de ses autres demandes, fins et prétentions,

' débouté Monsieur H. et la société H. et N. de leurs entières demandes, fins et prétentions,

' mis les dépens à la charge partagée des parties.

Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. ont relevé appel de cette décision par déclaration du 6 mai 2021.

Par ordonnance du 19 mai 2021, les appelants ont été autorisés à assigner à jour fixe Monsieur N. pour le 5 octobre 2021. L'assignation a été délivrée à Monsieur N. le 27 mai 2021.

Par conclusions récapitulatives du 17 juin 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. demandent à la Cour de :

« Au principal

Vu les dispositions précitées du CPC,

Prononcer la nullité du jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 26 avril 2021 et renvoyer l'intimé à mieux se pourvoir.

Subsidiairement, pour le cas où la cour évoquerait, vu les dispositions précitées du Code civil, de l'article 1103 dudit code et du code général des impôts,

1/Sur les prétentions de Monsieur N.

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité du PV de délibérations de l'AGO annuelle du 7 janvier 2021, en ce qu'elle a ordonné la convocation d'une nouvelle AG et en ce qu'elle a débouté Monsieur H. et la société H. et N. de leurs demandes.

La confirmer en ce qu'elle a débouté Monsieur N. de ses autres demandes.

Déclarer en tant que de besoin parfaitement régulière l'assemblée générale du 7 janvier 2021.

Déclarer irrecevable en tant que de besoin toutes demandes de dommages et intérêts qui seraient dirigées contre Monsieur H. à titre personnel.

Condamner Monsieur Hervé N. en l'état de sa volonté de nuire au bon fonctionnement de la société et à sa procédure injustifiée, à payer la somme de 20 000 ' à titre de dommages et intérêts à la société H. et N., une somme de 10 000 ' à Monsieur Jean H., et à chacune des parties défenderesses la somme de 6000 ' en vertu de l'article 700 du CPC.

2/A titre subsidiaire, sur les demandes reconventionnelles de la SNC H. et N. et de Monsieur Jean H.

Faire droit à la demande reconventionnelle des parties concluantes.

Condamner Monsieur Hervé N. à restituer à la SNC H. et N. la somme de 80 722,78 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande du conseil en date du 11/11/2020.

Ordonner la révocation de sa gérance.

Autoriser Monsieur Jean H. en sa qualité de cogérant et de seul responsable de l'officine à percevoir une indemnité provisionnelle de 42 000 ' par an au titre de sa gestion d'affaires ayant permis la préservation de l'actif de la société.

Condamner Monsieur Hervé N. à payer à la SNC H. et N. la somme de 20 000 ' à titre de dommages et intérêts et à Monsieur Jean H. la somme de 10 000 ' et le condamner à payer à chacune des parties concluantes la somme de 6000 ' en vertu de l'article 700 du CPC.

Laisser les dépens à sa charge. »

Par conclusions du 27 septembre 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur Hervé N. demande à la cour de :

« Vu les articles 1832 et suivants du Code civil,

vu les articles L. 221-1 et suivants et R. 221-1 et suivants du code de commerce,

vu les statuts de la SNC H. et N. en date du 7 janvier 1987,

Confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a :

Prononce la nullité du PV des délibérations de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 7 janvier 2021,

'

Déboute Monsieur H. (') de leurs entières demandes, fins et prétentions.

La réformer pour le surplus et, statuant à nouveau :

Prononcer la nullité du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 7 janvier 2021.

Constater que l'ensemble des résolutions mises au vote lors de cette assemblée générale ont été rejetées pour défaut d'unanimité des associés.

Constater que Monsieur Hervé N. est toujours cogérant statutaire de la SNC H. et N. et n'a jamais cessé de l'être.

Ordonner la publicité du jugement à intervenir dans un journal d'annonces légales, aux frais de Monsieur Jean H...

Condamner Monsieur H. à la somme de 25 000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Monsieur Hervé N. du fait de son comportement abusif.

En tout état de cause,

Débouter Monsieur H. et la SNC N. et H. de leurs entières demandes, fins et prétentions.

Constater que la demande d'annulation du jugement en première instance est irrecevable.

Constater en tout état de cause que cette demande n'est pas fondée.

Vu l'article 70 du CPC,

Constater que les demandes reconventionnelles formées par Monsieur H. et la SNC H. et N. ne se rattachent pas à la demande principale avec un lien suffisant.

Constater dès lors l'irrecevabilité.

À titre subsidiaire, vu l'article 16 du CPC,

Statuer sur la demande initialement formée par Monsieur N. dans le cadre de son acte introductif d'instance, et renvoyer l'examen des demandes reconventionnelles formées par Monsieur H. et la société H. et N. à une date ultérieure, afin qu'un débat au fond respectueux du principe du contradictoire puisse s'instaurer.

À titre infiniment subsidiaire,

Constater que les demandes reconventionnelles formées par Monsieur H. et la société H. et N. ne sont ni fondées en droit, ni fondées en fait.

Débouter par conséquent Monsieur H. et la société H. et N. de leurs entières demandes, fins et prétentions.

Condamner Monsieur H. et la société H. et N. aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la Selarl L’ex avoué, outre la somme de 15 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. »

Parallèlement, après avoir été autorisé à assigner à bref délai par ordonnance du 13 avril 2021 du président du tribunal de commerce de Fréjus, par exploit du 14 avril 2021, Monsieur Hervé N. a assigné Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. en dissolution de la société avec désignation d'un mandataire liquidateur.

Par exploit du 31 mai 2021, Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. a assigné en référé Monsieur Hervé N. afin que soit désigné un mandataire ad hoc pour voter au cours de l'assemblée générale du 11 juin 2021 à la place de Monsieur Hervé N.. Par ordonnance de référé du 26 juillet 2021, le président du tribunal de commerce de Fréjus a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé au fond devant le tribunal de commerce de Fréjus.

MOTIFS

Préalablement il convient de préciser que la dénomination sociale de la société en nom collectif est « H. et N. ».

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles de Monsieur H. et de la SNC H. et N.

L'article 70 du code de procédure civile énonce que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Monsieur N. soutient que les demandes reconventionnelles de Monsieur H. et de la SNC H. et N. seraient irrecevables comme étant dépourvues d'un lien suffisant avec sa demande en annulation de l'assemblée générale du 7 janvier 2021. L'intimée avait soulevé cette exception en première instance, à laquelle le premier juge n'a pas répondu.

Toutefois, à l'ordre du jour de cette assemblée générale du 7 janvier 2021, était fixée la révocation de Monsieur N. de sa qualité de gérant. Les autres demandes en indemnisation de la gestion d'affaires de Monsieur H. et en restitution des sommes perçues par Monsieur N. depuis son arrêt maladie en sont la conséquence.

Il y a donc un lien suffisant, et ces demandes, reconventionnelles en première instance, ne sont pas irrecevables.

Sur la nullité du jugement déféré

Selon les dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé à peine de nullité.

Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. concluent à la nullité du jugement déféré dans lequel n'a pas été motivé le rejet de leurs demandes reconventionnelles.

Si le jugement attaqué est motivé sur deux pages sur la demande d'annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 7 janvier 2021 de la SNC H. et N. et sur les demandes de dommages et intérêts respectives, il n'y a aucune motivation sur les demandes reconventionnelles des défendeurs en restitution des sommes prélevées, en révocation de Monsieur N. de la gérance, et en l'allocation d'une indemnité de Monsieur H. au titre de sa gestion d'affaires.

Néanmoins, le jugement déféré n'encourt pas la nullité totale, mais uniquement une nullité partielle en ce qu'il a débouté Monsieur H. et la société H. et N. de leurs demandes reconventionnelles sans motivation.

Sur l'évocation

Les parties ont conclu au fond y compris en ce qui concerne Monsieur N., sur toutes les demandes de Monsieur H. et de la SNC H. et N... Un délai suffisamment long s'est écoulé depuis que les appelants ont formulé ces prétentions. En l'absence d'atteinte au principe de la contradiction, il n'y a lieu de renvoyer à la mise en état.

Par ailleurs, eu égard à l'urgence, et à la nature de cette affaire, la cour évoquera l'entier litige.

Sur l'assemblée générale du 7 janvier 2021

Par application des dispositions de 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à l'espèce, les statuts de la société, qui est une convention, sont la loi des associés, et ils ne peuvent être révoqués que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.

L'article 20 des statuts de la SNC H. et N. prévoit que toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité.

L'article 22 § 2 des statuts indique que sous réserve des cas visés sous le § 4 ci-après, les décisions des associés sont prises en assemblée générale.

Le § 4 du même article 22, intitulé « Consultation par correspondance », stipule :

Les décisions collectives peuvent être prises par voie de consultation écrite au choix des gérants, si la réunion de l'assemblée n'est pas demandée par l'un des associés, ou si ces décisions n'ont pas pour objet d'approuver les comptes sociaux.

Le texte des résolutions proposées est adressé par la gérance au dernier domicile connu de chaque associé, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il est complété par tous renseignements et publications utiles.

Les associés doivent, dans un délai de 15 jours à compter de l'envoi de la lettre recommandée, adresser à la gérance, leur acceptation ou le refus, par pli également recommandé avec accusé de réception.

Pour chaque résolution, le vote est exprimé par « oui » ou par « non ».

Tout associé qui n'aura pas adressé sa réponse dans le délai ci-dessus, sera considéré comme ayant approuvé les résolutions proposées.

Pendant ledit délai, les associés peuvent exiger de la gérance des explications complémentaires qu'ils jugent utiles.

Un procès-verbal de chaque consultation écrite, mentionnant l'utilisation de cette procédure, est établi et signé par le gérant ; au procès-verbal est annexée la réponse de chaque associé.

La tenue du registre de ces procès-verbaux, la délivrance de copies ou extraits, sont soumises aux règles indiquées sous le § 3 ci-dessus.

L'ordre du jour de l'assemblée générale du 7 janvier 2021 mentionné dans la convocation du 11 décembre 2020, était :

-révocation de Monsieur N. Hervé de sa qualité de gérant,

-investissement de première nécessité à prévoir pour l'exercice en cours,

-approbation des comptes de l'exercice clos le 31 mars 2020,

-quitus à Monsieur H. Jean pour sa gestion,

-approbation des charges non déductibles,

-affectation du résultat de l'exercice au 31/03/2020,

-validation des rémunérations versées aux associés,

-pouvoirs pour l'accomplissement des formalités.

En bas de page de la convocation, il est mentionné : Vous trouverez ci-joint une formule de procuration et de vote par correspondance.

Le 5 janvier 2021, Me B., conseil de Monsieur N., a transmis par mail à Monsieur H., le formulaire de vote par correspondance renseigné par son client.

Monsieur N. a envoyé son vote par correspondance le même jour, 5 janvier 2021, par lettre recommandée avec accusé de réception, qui a été distribué le 7 janvier 2021 à 11 heures.

L'assemblée générale qui avait débutée à 10 heures, avait été clôturée par Monsieur H. à 10h45.

Certes, d'une part, Monsieur N. n'a pas respecté la procédure du vote par correspondance puisqu'il n'a pas respecté le délai de réponse de 15 jours. En effet il aurait dû transmettre son vote par correspondance au plus tard le 26 décembre 2020.

D'autre part, par mail de son conseil du 20 juillet 2020 adressé à Monsieur H., Monsieur N. avait proposé que l'approbation des comptes se fasse par consultation écrite, du fait de son impossibilité à se déplacer pour l'AGO annuelle prévue pour le 21 juillet 2020. C'est donc à son initiative que pour l'exercice clos au 31 mars 2020, contrairement aux statuts, les comptes pouvaient être approuvés par correspondance.

Néanmoins, il résulte de la lecture de l'article 22 des statuts que soit l'assemblée générale se tient physiquement, soit les décisions collectives sont soumises aux associés par consultation écrite.

Il n'est donc pas prévu un panachage des deux modes de consultation, d'autant qu'au § 2 de l'article 22 des statuts relatifs à l'AG tenue en présentiel, il est indiqué que Tout associé a le droit d'assister à l'assemblée ou peut s'y faire représenter par un autre associé. Il n'est donc pas prévu que l'associé empêché d'assister physiquement à l'AG qui se réunie, puisse voter par correspondance.

De plus, dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 7 janvier 2021, il est indiqué en préambule que Les associés de la société H. et N., société en nom collectif au capital de 905 852 euros, divisé en 5942 de parts de 152,47 euros chacune, se sont réunis en assemblée générale ordinaire annuelle, [...], sur convocation de la gérance faite par lettre recommandée en date du 11/12/2020 à chaque associé.

Il est ensuite mentionné que Monsieur H. titulaire de 2971 parts sociales en pleine propriété est présent, que Monsieur N. n'est pas présent, il est rappelé les dispositions du§ 4 de l'article 22 des statuts, et qu'à l'instant de la tenue de l'assemblée générale soit le 7 janvier 2021 à 10 heures, la société n'a pas été destinataire des instructions de Monsieur Hervé N...

En l'absence d'accord express de tous les associés pour qu'au cours d'une assemblée générale se tenant en présentiel, il soit fait application des stipulations du § 4 de l'article 22 des statuts à l'égard de l'associé empêché, l'assemblée générale s'est tenue de façon irrégulière, surtout en ce qui concerne les votes exprimés.

Dans la mesure où l'assemblée générale a été tenue physiquement le 7 janvier 2021, il ne pouvait pas être appliqué les stipulations relatives au vote par correspondance, et surtout, il ne pouvait pas être considéré qu'en l'absence de réponse dans le délai de 15 jours imparti par le § 4 de l'article 22, Monsieur N. avait approuvé les résolutions proposées. En l'absence de Monsieur N., il n'y avait pas unanimité, et les résolutions auraient dues être considérées comme rejetées.

Le quorum pour prendre les résolutions n'ayant pas été respecté, l'ensemble des résolutions prises au cours de l'assemblée générale du 7 janvier 2021 encourent la nullité. La décision déférée, qui de façon impropre à prononcer la nullité de l'AG, sera modifiée en ce sens.

Dès lors que toutes les résolutions de l'assemblée générale du 7 janvier 2021 sont annulées, il ne peut être dit qu'elles sont rejetées pour défaut d'unanimité des associés, et il est superfétatoire de dire que Monsieur Hervé N. est toujours cogérant statutaire de la SNC H. et N. et n'a jamais cessé de l'être.

En exécution de la présente décision, celle-ci sera publiée au registre du commerce et des sociétés surtout en ce qui concerne la gérance. Cette publication est suffisante, et la demande de publication de la présente décision dans un journal d'annonces légales est rejetée.

Sur la demande de restitution des sommes prélevées par M. N. au cours de son arrêt maladie

L'article 17 des statuts stipule :

Le gérant ou chacun des gérants a droit, en rémunération de ses fonctions, soit à un traitement fixe mensuel, indexé ou non, soit à un traitement proportionnel aux bénéfices ou au chiffre d'affaires, soit encore, à un traitement fixe et proportionnel.

Ce traitement est déterminé chaque année par la décision des associés portant approbation des comptes.

Chaque associé a droit, sur présentation de tous justificatifs, au remboursement de ses frais de représentation et de déplacement.

Le protocole d'accord en date du 19 novembre 1986, qui a été signé par Monsieur H. et Monsieur N. afin de fixer quelques principes de manière à faciliter le bon fonctionnement de leur entreprise et à régler une fois pour toutes quelques questions liées à l'association qu'ils envisagent, mentionne au paragraphe Rémunération que Chaque associé aura droit à une rémunération de 42 000 Fr. par mois.

Les parties sont d'accord pour reconnaître que depuis leur rémunération a été réévaluée et fixée chaque année lors des assemblées générales ordinaires.

Il suit de ce qui précède, que Monsieur N. ne pouvait prélever dans les comptes de la société que ce qui avait été fixé a posteriori par l'assemblée générale ordinaire, soit en qualité de gérant, soit en qualité d'associé.

Aucun procès-verbal d'assemblée générale n'est produit par les parties, à l'exception de celui de l'assemblée générale du 7 janvier 2021 dont toutes les résolutions sont annulées.

Dès lors, Monsieur H. et la SNC H. et N. ne rapportent pas la preuve que Monsieur N. aurait effectué des prélèvements auxquels il ne pouvait prétendre. Ils sont déboutés de cette demande.

Sur la demande d'indemnité provisionnelle de Monsieur H.

Monsieur Jean H. demande qu'il lui soit alloué une indemnité annuelle de 42 000 ' à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de sa gestion d'affaires.

D'une part, le juge du fond qui ne renvoie pas à la mise en état, ne peut allouer une indemnité provisionnelle.

D'autre part, la gestion d'affaires suppose qu'une personne accomplisse des actes dans l'intérêt d'une autre personne, alors qu'elle n'y était pas obligée, comme un mandataire, alors qu'elle n'a pas reçu mandat. Or en l'espèce, Monsieur H. a agi en sa qualité de gérant et associé de la SNC H. et N.. Il n'y a donc pas gestion d'affaires distincte de son mandat social de gérant.

De plus et surtout, il résulte des stipulations rappelées ci-dessus que seule l'assemblée générale ordinaire de la SNC H. et N. peut lui allouer une indemnisation supplémentaire en sa qualité de gérant pour le travail effectué, et ce, à l'unanimité des associés.

Monsieur Jean H. est débouté de cette demande.

Sur la demande de révocation de Monsieur N. de ses fonctions de cogérant

Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. sollicitent la révocation de Monsieur N. de ses fonctions de gérant au motif que ces prélèvements seraient constitutifs de l'abus de confiance, de son désintérêt pour le fonctionnement de la pharmacie, et parce qu'il ne serait plus en mesure d'exercer son activité de pharmacien passé le délai de deux ans après le début de son arrêt maladie en vertu du code de la santé publique.

En premier lieu, dans la mesure où il n'est pas démontré que les prélèvements effectués par Monsieur N. ne pouvaient pas l'être, l'abus de confiance n'est pas constitué.

En deuxième lieu, il ne peut être fait grief d'un désintérêt de son entreprise à une personne en arrêt maladie, justifié par un médecin.

En troisième lieu, les articles L. 5125-20 et L. 5125-21 du code de la santé publique visés par les appelants dans leurs écritures pour soutenir que Monsieur N. ne peut plus exercer en qualité de pharmacien, sont relatifs aux demandes d'autorisation d'ouverture d'une officine et sont sans rapport avec la présente espèce.

Si d'après le code de la santé publique, la durée maximum de remplacement d'un pharmacien libéral est d'un an, renouvelable une fois par le directeur général de l'ARS, notamment pour raison médicale, et au-delà dans la limite de trois ans, pour raisons exceptionnelles, aucune disposition n'interdît au pharmacien de reprendre son activité à l'issue d'un arrêt maladie.

Les explications de Monsieur H. et de la SNC H. et N. sur ce point sont manifestement incomplètes.

En tout état de cause, selon l'article L. 221-12 alinéa 1 du code de commerce, si tous les associés sont gérants ou si un ou plusieurs gérants choisis parmi les associés sont désignés dans les statuts, la révocation de l'un d'eux de ses fonctions ne peut être décidée qu'à l'unanimité des autres associés. Elle entraîne la dissolution de la société, à moins que sa continuation ne soit prévue par les statuts ou que les autres associés de la décide à l'unanimité. Le gérant révoqué peut alors décider de se retirer de la société en demandant le remboursement de ses droits sociaux, dont la valeur est déterminée conformément à l'article 1843-4 du Code civil. Toute clause contraire à l'article 1843-4 dudit code est réputée non écrite.

Il n'est pas prévu dans ces dispositions que la révocation du gérant puisse être prononcée par le juge.

En conséquence, Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. sont déboutés de cette demande.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Eu égard aux solutions adoptées ci-dessus par la Cour, Monsieur Hervé H. et la SNC H. et N. qui sont déboutés de toutes leurs demandes, ne peuvent prétendre avoir subi un quelconque préjudice.

Monsieur Hervé N. invoque la volonté de nuire de Monsieur H. dans la mesure où il a indiqué faussement dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 7 janvier 2021 qu'il avait voté pour, alors qu'il savait qu'il votait contre.

Cependant une erreur d'appréciation des statuts ne caractérise par une volonté de nuire.

Dans la mesure où du fait de cette erreur, Monsieur Hervé N. n'avait plus la qualité de gérant, il ne peut être fait grief à Monsieur Jean H. d'avoir communiqué ce procès-verbal au banquier.

Monsieur Hervé N. est débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

L'équité commande de faire bénéficier Monsieur Hervé N. des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. qui succombent, sont condamnés aux entiers dépens, et sont déboutés de leur demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit que les demandes reconventionnelles présentées en première instance par Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. sont recevables,

Annule le jugement déféré uniquement en ce qu'il a débouté Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. de leurs demandes reconventionnelles sans motivation,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau et évoquant,

Annule l'ensemble des résolutions prises au cours de l'assemblée générale ordinaire annuelle de la SNC H. et N. le 7 janvier 2021,

Déboute Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. de leurs demandes tendant à :

-la condamnation de Monsieur Hervé N. à restituer les sommes prélevées dans les comptes de la société depuis son arrêt maladie,

-la révocation de Monsieur Hervé N. de ses fonctions de gérant,

Déboute Monsieur Jean H. de sa demande d'indemnité provisionnelle pour gestion d'affaires,

Condamne Monsieur Jean H. à payer à Monsieur Hervé N. la somme de 4000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne Monsieur Jean H. et la SNC H. et N. aux dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.