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Décisions

Cass. 2e civ., 2 décembre 2021, n° 20-14.092

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SAS Cabinet Colin - Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nîmes, du 19 déc. 2019

19 décembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 décembre 2019), par jugement du 30 novembre 1987, un tribunal de grande instance a condamné M. [R] [D] à payer une certaine somme à la Banque populaire du Var qui a cédé sa créance à la société Velg Participations (la société) dont M. [H] [D] était l'actionnaire unique.

2. Par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a ordonné la liquidation judiciaire de la société puis, par transaction homologuée selon jugement de la même juridiction du 9 février 2017, la créance de la société sur M. [R] [D] a été attribuée à M. [H] [D].

3. Ce dernier a fait pratiquer plusieurs saisies-attributions et une saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières à l'encontre de M. [R] [D] qui a saisi un juge de l'exécution.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [R] [D] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir déclarer nulles les saisies-attributions et la saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières pratiquées le 27 juin 2018 à la requête de M. [H] [D], alors :

« 1°/ que si la cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, c'est sur le fondement de ce titre exécutoire que peuvent être mises en oeuvre les mesures d'exécution forcée en vue du recouvrement de la créance cédée ; que la décision de justice en vertu de laquelle la créance est cédée, fût-elle exécutoire, ne constitue pas, à elle seule, le titre exécutoire pouvant servir, en application des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, de fondement à une telle mesure d'exécution forcée ; qu'en considérant que les saisies litigieuses avaient pu être pratiquées sur le seul fondement du jugement exécutoire du 9 février 2017 par lequel le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg a homologué la convention portant attribution par voie de cession à M. [H] [D] de la créance sur M. [R] [D] résultant du jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 30 novembre 1987 que la Banque populaire du Var avait elle-même cédée à la société de droit luxembourgeois Velg Participation dont M. [H] [D] était l'actionnaire unique, la cour d'appel a violé les textes précités ensemble l'article 1692 ancien du code civil ;

2°/ que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou que le titre exécutoire contient des éléments suffisamment précis pour permettre d'en déterminer le montant ; qu'en retenant comme titre exécutoire propre à servir de fondement aux saisies litigieuses le jugement du 9 février 2017 dont le dispositif, qui se bornait à homologuer la transaction intervenue entre le liquidateur de la société Velg Participation et M. [H] [D], ne comportait ni évaluation en argent de la créance, ni éléments suffisamment précis pour en déterminer le montant, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 2°, du code des procédures civiles d'exécution et l'article 41, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 :

6. Aux termes du premier de ces textes, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. Selon le deuxième, seuls constituent des titres exécutoires, d'une part, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire et, d'autre part, les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l'Union européenne applicables. Selon le troisième, sous réserve des dispositions de la section 2 du chapitre III du règlement, la procédure d'exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l'État membre requis. Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans l'État membre requis est exécutée dans ce dernier dans les mêmes conditions qu'une décision rendue dans l'État membre requis.

7. Il résulte du dernier de ces textes qu'un jugement rendu dans un autre Etat membre doit répondre, indépendamment de son caractère exécutoire, aux mêmes critères que ceux appliqués, en droit interne, pour déterminer si une décision rendue par une juridiction nationale permet au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, de sorte qu'il doit, conformément aux dispositions de l'article L. 111-2 précité, constater, à l'encontre de ce dernier, une créance liquide et exigible.

8. Pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'examen des trois saisies litigieuses permet de constater que le titre sur le fondement duquel elles sont intervenues est constitué, non par le jugement du 30 novembre 1987, mais par le jugement rendu le 9 février 2017 par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

9. L'arrêt relève, par motifs propres, qu'aux termes de ce jugement, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a homologué la transaction intervenue le 4 janvier 2017 entre la société et M. [H] [D]. Il retient que la transaction porte sur une convention d'attribution d'actif par cession de créance, compte tenu de l'engagement de M. [H] [D], en sa qualité d'actionnaire unique de la société en liquidation, de prendre en charge les frais de liquidation, qu'il résulte de ces termes que l'homologation de la cession de créance n'est pas subordonnée au paiement préalable de « certaines sommes », contrairement à ce que soutient l'appelant, qu'une cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, la société Velg participations, à la suite de la cession selon acte notarié du 28 mai 1998 de la créance de la Banque populaire reconnue par jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 30 novembre 1987 à l'encontre de M. [R] [D]. Il en déduit que le cessionnaire, qui bénéficie de par l'effet de la cession de tous les droits et actions appartenant au cédant, est fondé à se prévaloir du titre exécutoire que constitue le jugement du 9 février 2017.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations et énonciations que la transaction ne comportait aucun engagement de M. [R] [D] qui n'y était pas partie, de sorte que le jugement du 9 février 2017, qui ne constatait pas une créance liquide et exigible à son encontre, ne pouvait fonder une mesure d'exécution forcée sur ses biens, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de caducité de l'appel et dit que les poursuites ne sont pas prescrites, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.