Cass. com., 17 février 2009, n° 08-10.384
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Didier et Pinet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 novembre 2007), que le 13 avril 1995, M. et Mme X... ont été mis en liquidation judiciaire, la société Bouffard-Mandon, aux droits de laquelle vient la société Christophe Y..., étant désignée liquidateur ; qu'en octobre et novembre 1999, Mme Dominique X..., leur fille, a acheté un appartement et un garage sis à Bordeaux au prix de 250 000 francs ; que dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre M. X... pour banqueroute, celui-ci a reconnu qu'il avait entièrement financé cette acquisition ; que le liquidateur a assigné Mme Dominique X... sur le fondement de l'article L. 622-9 du code de commerce en inopposabilité à la procédure collective de la libéralité que son père lui avait consentie en raison du dessaisissement consécutif à sa liquidation judiciaire et en réintégration de l'immeuble dans le patrimoine du débiteur ; que par jugement du 9 février 2004, le tribunal a rejeté la demande ; que le liquidateur a fait appel du jugement et indiqué agir en déclaration de la simulation mise en place par le père et la fille au moyen d'une convention de prête-nom ;
Attendu que Mme Dominique X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que M. X... est le véritable propriétaire des biens vendus par les époux Z... et par Mme Z... à Mme Dominique X... suivant actes reçus par M. A..., notaire à Casteljaloux, en date des 30 octobre, 6 et 16 novembre 1999, d'avoir donné acte à la Selarl Christophe Y..., ès qualités, de sa décision de ratifier les acquisitions réalisées par M. X... malgré son dessaisissement et d'avoir ordonné la mutation de propriété au profit de la liquidation judiciaire des biens litigieux et la publication de l'arrêt auprès de la conservation des hypothèques compétente, alors, selon le moyen :
1°/ que l'arrêt s'est abstenu de rechercher, ainsi que le sollicitaient expressément les conclusions de Mme X..., si les demandes d'appel du liquidateur, tendant à la constatation d'une simulation de ventes immobilières par convention de prête-nom, doublé d'une ratification des actes ostensibles et d'une mutation de propriété au profit de la liquidation, n'étaient pas irrecevables comme ne tendant pas aux mêmes fins que celles formulées en première instance qui reposaient sur l'inopposabilité aux tiers des actes d'acquisition immobilière comme constituant des libéralités, ces biens n'étant donc jamais sortis du patrimoine de la liquidation judiciaire ; que cette carence totale de l'arrêt traduit un défaut de base légale au regard des articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en affirmant péremptoirement par visa global des pièces de la procédure pénale que devait être qualifié de convention de prête-nom l'achat au nom de Mme Dominique X... d'un immeuble financé par son père, l'arrêt a statué par une motivation d'ordre général, tant pour ne pas avoir précisé de quelles pièces précises il s'agissait que pour ne pas avoir expliqué les raisons de la qualification retenue ; qu'il y a là matière à violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ que la qualification d'une convention dépend exclusivement de critères juridiques et non de l'opinion d'un magistrat instructeur et a fortiori de celle d'une partie à cette convention, fût-elle formulée sous forme d'aveu ; que la convention de prête-nom est un acte secret par lequel l'une des parties à l'acte ostensible accepte de s'interposer à la demande et pour le compte d'une autre personne aux fins de permettre à celle-ci de réaliser l'opération en son nom, ce qui donc constitue une forme de simulation ; qu'en l'espèce, la seule pièce de la procédure pénale traitant nommément de la convention de prête-nom est l'avis formulé lors de son réquisitoire par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, par lequel, traitant d'un ensemble d'acquisitions immobilières, dont celle de Toulouse, dont les prix avaient été payés par M. X..., il déclare ces biens "acquis pour la plupart au nom de Mme Dominique X..." qui "reconnaissait avoir joué un rôle de prête-nom" ; outre que cet aveu ne ressort pas clairement de son audition en tant que témoin lors de la commission rogatoire en date du 17 avril 2000, comme l'ont au demeurant constaté les juridictions d'Agen du 22 mai 2006 et de Toulouse du 28 juin 2005, il ne pouvait donc servir à qualifier la convention de prête-nom retenue par l'arrêt attaqué sans la moindre explication concrète ; que l'arrêt est donc vicié pour défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1321 du code civil ;
4°/ que l'arrêt ne pouvait légalement donner acte au liquidateur de sa décision de ratifier l'acquisition opérée à son insu et ordonner la mutation de propriété au profit de la liquidation judiciaire, dans la mesure où, comme le soulignaient les conclusions de Mme X..., cette ratification d'un acte ostensible incompatible avec l'acte secret et cette mutation de propriété au profit de la liquidation judiciaire impliquaient, pour des raisons d'ordre public, une autorisation du juge-commissaire et en tout cas la mise en cause des vendeurs, ce sur quoi l'arrêt ne s'est pas expliqué ; qu'il y a là matière à défaut de base légale au regard des articles L. 621-12 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, devenu l'article L. 621-9 du même code depuis la promulgation de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et des règles de mutation immobilière, dont celle découlant de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en relevant que le liquidateur demandait en première instance comme en appel la réintégration des immeubles acquis par Mme Dominique X... dans le patrimoine de son père en liquidation judiciaire, la cour d'appel a fait ressortir que les demandes tendaient aux mêmes fins ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que dans la procédure pénale suivie contre M. X... du chef de banqueroute, Mme Dominique X... avait déclaré que l'acquisition avait été intégralement financée par son père, ce que ce dernier avait reconnu le 21 juin 2000 devant le juge d'instruction, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, et par une décision motivée, que la cour d'appel a retenu que l'opération par laquelle Mme Dominique X... avait acheté à son nom l'immeuble dont le prix d'acquisition était financé par son père s'analysait en une convention de prête-nom et que le véritable propriétaire des biens se trouvait être M. X... ;
Attendu, en dernier lieu, qu'en présence d'une ratification par le liquidateur de l'acte réel accompli par le débiteur en liquidation judiciaire dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dans le but d'accroître l'actif de celui-ci, laquelle ne requérait pas l'autorisation du juge-commissaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner la mise en cause des vendeurs dès lors qu'elle n'annulait pas la vente, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.