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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch. civ., 29 juin 2016, n° 14/03095

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meallonnier

Conseillers :

Mme Grandemange, Mme Pichot

TGI Bordeaux, du 7 mai 2014, n° 07/00018

7 mai 2014

Vu la décision du 7 mai 2014 de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux,

Vu l'appel interjeté par le Fonds de Garantie des Victimes par déclaration au greffe du 26 mai 2014,

Vu les dernières conclusions du Fonds de Garantie des Victimes en date du 4 juin 2014,

Vu les dernières conclusions notifiées par Madame Martine C. le 22 août 2014,

Vu les conclusions du Ministère Public du 23 avril 2016 régulièrement notifiées aux parties,

Le 1er mars 2005, alors qu'elle se trouvait en Australie, Madame Martine C. a été victime d'un accident de la circulation en tant que passagère arrière d'un véhicule 4x4 dont le conducteur avait perdu le contrôle, terminant sa course dans un ravin après trois tonneaux sur un dénivelé d'environ 24 mètres.

Après avoir été hospitalisée en Australie, elle a été rapatriée par avion en France le 14 avril 2005, avec hospitalisation au CHU de Bordeaux.

Les séquelles définitives de l'accident sont constituées d'un taux d'IPP de 39 %, dont 29 % pour les séquelles fonctionnelles et 10 % pour les séquelles psychologiques constituées par un état anxio-dépressif réactionnel.

S'agissant d'un accident de la circulation, mais survenu à l'étranger, la loi du 5 juillet 1985 n'était pas applicable et la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions a été amenée à connaître de l'indemnisation de la victime.

Après expertise, la quasi-totalité des postes de préjudices a été liquidée amiablement entre Madame Martine C. et le Fonds de Garantie des Victimes, l'accord ayant été homologué par le Président de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions le 20 janvier 2010 . Madame Martine C. a perçu la somme de 170 130,34 euros.

Les parties n'ont cependant pu s'entendre sur l'indemnisation du retentissement professionnel, pour les deux postes de préjudices constitués par la perte de gain professionnel actuel (PGPA) et la perte de gain professionnel futur (PGPF).

En effet, Madame Martine C. exerçait jusqu'à son accident la profession de pharmacienne. Elle était associée, détentrice de 50 % des parts d'une société en nom collectif dénommée C.-B.-D..

Madame Martine C. a indiqué que, consécutivement à son accident, elle avait du cesser son activité et céder les parts de sa pharmacie. Elle prétendait ainsi à une perte importante de gains professionnels actuels et/ou futurs. Le Fonds de Garantie des Victimes de son côté a cependant contesté l'imputabilité de cette cessation d'activité à l'accident litigieux tout comme le quantum des réclamations de la victime.

Le Président de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions, par ordonnance du 2 février 2010, a désigné Monsieur L., expert-comptable, avec la mission d'évaluer les pertes de gains professionnels actuelles et les pertes de gains professionnelles futures subies par la victime.

L'expert a déposé son rapport le 31 juillet 2012.

Au vu de celui-ci, Madame Martine C. a fait revenir l'affaire devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions de Bordeaux et a réclamé la fixation de son préjudice comme suit :

- perte de gains professionnels actuels 144 440,00 euros,

- perte de gains professionnels futurs 1 541 000.00 euros.

En réponse, le Fonds de Garantie des Victimes a fait valoir que les demandes de Madame Martine C. n'étaient pas justifiées, que sur certains points le rapport d'expertise de Monsieur L. appelait des réserves sinon des critiques et qu'il convenait de déduire en toute hypothèse des sommes réclamées par Madame Martine C. divers éléments et, en particulier, le montant des revenus des placements financiers provenant de la cession des parts de la pharmacie et le montant du remboursement des assurances ayant pris en charge le crédit d'acquisition des parts sociales de la pharmacie et le remplacement du pharmacien.

Par décision du 7 mai 2014, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a liquidé le préjudice de Madame Martine C. à la somme de 1 562 625,40 euros, outre 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile soit au titre de la perte des gains professionnels actuels 117 400,40 euros et au titre de la perte des gains professionnels futurs 1 444 925 euros.

Le Fonds de Garantie des Victimes demande à la Cour de :

Ecarter des débats le rapport du Docteur F. comme non contradictoire,

Constater en toute hypothèse qu'aucun traumatisme crânien n'a jamais été évoqué par la victime jusqu'à l'expertise judiciaire comprise,

Dire et juger par suite qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération des séquelles crâniennes dont le lien de causalité avec l'accident n'est pas établi,

Dire et juger que le préjudice sera liquidé sur la base du seul rapport d'expertise médicale judiciaire du Docteur B. en date du 8 octobre 2007,

Avant dire droit, d'ordonner à Madame Martine C. de communiquer la justification du placement des capitaux provenant de la cession des parts de la pharmacie et des revenus générés par lesdits placements depuis le jour de la cession jusqu'à ce jour,

Déclarer en l'état irrecevable l'ensemble des demandes présentées par Madame Martine C. tant au titre des pertes de gains professionnels actuels qu'au titre des pertes de gains professionnels futurs tant que les pièces susdites n'auront pas été communiquées,

Surseoir en toute hypothèse à statuer jusqu'à cette communication,

A défaut et statuant directement ou après expertise comptable complémentaire le cas échéant sur les points litigieux,

Dire et juger que le montant du revenu récurrent doit s'établir à la somme de 274 euros par jour seulement, et que celui-ci doit être pondéré à la baisse à compter du 31 décembre 2012,

Dire et juger qu'il convient de déduire des pertes de revenus, tant actuels que futurs :

- le montant du remboursement d'assurance ayant pris en charge le crédit d'acquisition des parts sociales par Madame Martine C. soit 221 879.25 euros,

- le montant des indemnités d'assurance versées pour le remplacement de pharmacien. (40 416.36 euros arrêté au 27 février 2007),

Dire n'y avoir lieu à revalorisation de ce revenu récurrent à raison de 2 % par an,

Dire et juger que la perte de gains professionnels futurs s'analyse en une perte de chance,

Sur le revenu moyen récurrent retenu, dire et juger que celui-ci ne pourra pas être capitalisé au-delà de l'âge de 62 ans, date d'âge de départ légal à la retraite,

En toute hypothèse, pratiquer sur le chiffre retenu un abattement à hauteur de 50 % à raison de l'aléa tant en ce qui concerne la rentabilité et les revenus des pharmacies en général qu'à raison des aléas inhérents à la personne même de Madame Martine C. ,

Dire et juger que le barème de capitalisation à appliquer sera le barème BCIV 2014,

Dire n'y avoir lieu à article 700 du NCPC.

Madame Martine C. demande à la Cour de :

À titre principal, confirmer la décision entreprise, sauf en ce qui concerne le montant de la perte de gains professionnels futurs,

Dire que la perte de gains professionnels futurs subie par la concluante s'élève à la somme de 2 383 euros,

Allouer en conséquence à la concluante au titre de l'ensemble des pertes de gains actuels et futurs la somme de 2 501 140 euros,

À titre subsidiaire, si la Cour estime qu'il y a lieu de tenir compte des revenus provenant du placement du prix de la cession des parts sociales,

Allouer à la concluante la somme de 2 289 140 euros au titre de ses pertes de gains actuels et futurs,

À titre infiniment subsidiaire,

Ordonner un complément d'expertise confié à Monsieur L., afin de déterminer, si possible, les revenus générés par le placement du prix de cession des parts sociales,

Allouer à Madame Martine C. une provision de 1 000 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice économique,

En toute hypothèse,

Condamner le Fonds de garantie au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

Madame Martine C., accidentée le 1er mars 2005, a été déclarée consolidée le 1er août 2007. Elle a vendu ses parts avant sa consolidation, le 30 novembre 2006, moyennant le prix de 1 216 880 euros. Madame Martine C. a été radiée de l'Ordre des Pharmaciens le 5 décembre 2006.

Au préalable, au mois de novembre 2006, la commission d'inaptitude de sa caisse d'assurance vieillesse l'avait admise au bénéfice de l'allocation invalidité avec effet au 1er décembre 2006.

S'agissant du lien entre l'accident et la cession des parts de Madame Martine C. réalisée le 30 novembre 2006, il ressort des pièces du dossier et spécialement de l'attestation de Monsieur P. du 3 juin 2008 que le 24 octobre 2005, les trois associés de la pharmacie se sont réunis en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 4 du règlement intérieur de leur société qui prévoit qu'en cas d'interruption d'activité supérieure à 6 mois de l'un des associés, une réunion doit être tenue "afin de décider d'une solution compatible avec les intérêts communs". Lors de cette réunion, les docteurs B. et Dufrenne ont indiqué à Madame Martine C. que compte tenu des séquelles de son accident, la seule "solution compatible avec les intérêts communs' était pour eux qu'elle quitte la société et ils ont refusé qu'elle puisse conserver une activité à temps partiel ou aménagée. Les associés ont considéré que Madame Martine C. « n'était plus en état d 'assurer de façon régulière et efficace un emploi du temps même allégé » et « que la seule alternative était la cession totale de ses parts... ». Ils ont fait valoir les articles L. 5125- 20 et L. 5125- 21 du code de la santé publique dont il résulte que le pharmacien titulaire d 'une officine doit exercer personnellement et ne peut se faire remplacer plus d'un an.

Le Fonds de Garantie des Victimes soutient que Madame Martine C. ne souffrant que d'un DFP de 39 %, elle aurait pu obtenir l'aménagement de son poste de travail. Cet aménagement aurait cependant été contraire aux articles du Code de la Santé Publique précités. De plus, et sans avoir à prendre en compte le rapport du Professeur F., le Docteur B. qui a examiné la victime dans le cadre de l'expertise ordonnée par le Président de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions avec le concours d'un sapiteur psychiatre, a relevé une fonction perturbée des membres inférieurs due au mauvais état du pied droit, avec difficulté de prolonger la station debout et de marcher sur de longues distances accompagnée d'un état de stress post traumatique avec instabilité émotionnelle. Le praticien recommandait une reconversion vers une activité sédentaire de type gestion, ce qui ne correspond pas aux exigences de la profession de pharmacien.

L'appelant soutient aussi que Madame Martine C. titulaire de 50 % des parts, pouvait résister à la demande de ses associés. Cependant la société C.-B.-D. était une société en nom collectif. S'agissant des conditions de prises de décisions dans ce type de société, l'article 221- 6 al. 1 du Code de Commerce impose la règle de l'unanimité, aucune exception à ce principe n'étant prévue par les statuts. Plus précisément, l'article 11 des statuts prévoit que chaque part sociale confère à son propriétaire un droit proportionnel égal d'après le nombre de parts existantes dans les bénéfices et dans les pertes de la société. Mais, s'agissant du pouvoir de décision, les articles 16, 17 et 18 des statuts relatifs aux décisions des associés prévoient que chaque associé dispose d'une voix et que la majorité doit être calculée en nombre d'associés.

Madame Martine C. ne pouvait donc contourner l'opposition de ses deux associés et elle n'a pu que vendre ses parts. Comme l'a relevé le juge de première instance, il est établi que l'arrêt de l'activité professionnelle de Madame Martine C. est imputable directement et exclusivement à l'accident dont elle a été victime le 1er mars 2005 et les objections soulevées sur ce point par le Fonds de Garantie des Victimes seront rejetées.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur l'indemnisation de la PGPA

La PGPA concerne le préjudice économique subi par la victime durant la durée de son ITT. Elle commence à la date du dommage, le 5 mars 2005, et se termine à la date de la consolidation, le 1er août 2007. Elle se calcule en revenu net et hors incidence fiscale.

L'expert a évalué ce préjudice en examinant les revenus moyens de Madame Martine C. sur trois ans, de 2003 à 2005, l'année 2006 n'ayant pas été intégrée dans les calculs puisqu'étant celle qui a suivi l'accident. L'expert a retenu un revenu annuel moyen de 115 000 euros, soit une base de 315 euros par jour sur 365 jours. Il a ensuite appliqué un taux de progression de 2 % correspondant à l'inflation et a déduit la rente d'invalidité et la rente d'éducation perçues par l'intimée à compter de décembre 2006. Il a d'autre part tenu compte du fait que l'intimée n'a pas perçu d'indemnités journalières.

Compte tenu de ces éléments, il a fixé à 144 440,01 euros le montant de la PGPA subie par Madame Martine C..

Le Fonds de Garantie des Victimes reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte des résultats clos le 30 avril 2006. Pourtant l'année 2006 a nécessairement été affectée par l'absence d'un des associés alors que le calcul sur les années 2003, 2004 et 2005 est indemne de cette influence.

Le Fonds de Garantie des Victimes reproche aussi la prise en compte de 2 % d'inflation en faisant valoir que Madame Martine C. n'était pas salariée et que l'augmentation n'était pas automatique. Cependant l'inflation concerne aussi les achats des produits vendus par les pharmacie et leur prix de revente et vient à ce titre affecter le chiffre d'affaire de la pharmacie, base du calcul du revenu de Madame Martine C. . Cette objection sera rejetée.

Le Fonds de Garantie des Victimes sollicite la prise en compte du paiement du pharmacien remplaçant. Ce dernier a été rémunéré par l'assurance souscrite et n'a pas été rémunéré directement par l'intimée.

Le Fonds de Garantie des Victimes demande aussi que soient déduites du revenu de Madame Martine C. les primes de l'emprunt qu'elle avait souscrit pour l'acquisition des parts sociales dans la société exploitant l'officine.

Madame Martine C. avait en effet emprunté 762 242,90 euros à la société BNP PARIBAS selon contrat du 22 janvier 2001. Cet emprunt était garanti par une assurance souscrite auprès de la Compagnie CLC devenue QUATREM. A la suite du placement en invalidité de Madame Martine C., le 1er décembre 2006, QUATREM a payé à la BNP, dans le cadre du contrat susvisé, la somme de 221 879,25 euros.

Le Fonds de Garantie prétend que ce paiement devrait venir 'en déduction du préjudice' subi par Madame Martine C. en alléguant que, avant l 'accident, l'intimée remboursait elle-même les mensualités de cet emprunt, ce qui diminuait d 'autant son revenu disponible, et que depuis l'accident, elle ne le rembourse plus et n'a donc plus cette charge à payer elle-même. Cependant l'assurance emprunteur est une assurance de personnes et non de dommage dans le sens où elle couvre les risques susceptibles d'affecter la personne de l'assuré ainsi que les conséquences qui en découlent et vise à prendre en charge forfaitairement les mensualités garanties en cas de décès ou d'inva1idité de l'emprunteur assuré. Si cette assurance a joué pour Madame Martine C., c'est parce qu'elle avait payé les primes et non parce qu'elle a été accidentée. De plus, l'article 706- 9 du Code de Procédure Pénale qui énumère les prestations et indemnités à déduire du préjudice de la victime ne mentionne pas les prestations servies par l'assurance emprunteur, prestations forfaitaires indépendantes, dans leurs modalités d'attribution et de calcul, du préjudice subi par l'assuré. Il ne sera donc pas fait droit à la demande du Fonds de Garantie des Victimes sur ce point.

La PGPA subie par Madame Martine C. sera fixée à 144 440,01 euros et la décision entreprise sera réformée sur ce point.

Sur l'indemnisation de la PGPF

L'expert a établi ses calculs en tenant compte d'un départ à la retraite de Madame Martine C. à 62 ans, en 2016, et des revenus tels que calculés plus haut, déduction faite de la pension d'invalidité et de la rente d'éducation qui lui ont été versées.

Il a calculé le montant de la PGPF, entre le 1er août 2007 jusqu'au 1er janvier 2016, comme s'élevant à 888 265,82 euros.

S'agissant de la retraite que va percevoir la victime, faisant valoir ses droits à 62 ans, son préjudice a été chiffré à 1 357 euros par an, différence entre la retraite à laquelle elle aurait pu prétendre (taux plein au 1er janvier 2021: 16151 euros bruts par an) et celle qu'elle va réellement percevoir, 14 794 euros bruts par an.

Le Fonds de Garantie des Victimes reprend pour ce poste de préjudice les moyens soulevés plus haut. Il reproche la revalorisation linéaire de 2 % l'an et sollicite l'actualisation des pertes futures. Cependant, rien n'indique que l'officine aurait, entre 2012 et 2016 enregistré des pertes. En général le Fonds de Garantie des Victimes soutient que les officines pharmaceutiques sont en difficulté du fait du contexte économique difficile et de la maîtrise des dépenses de santé. La concurrence d'internet les pénaliserait, la marge prise par les pharmaciens serait sur le point d'être réduite par les pouvoirs publics. La Cour relève que ces arguments ne reposent sur aucun bilan chiffré, qu'il n'est pas établi qu'ils soient susceptibles de s'appliquer au cas de la pharmacie tenue par Madame Martine C. et que, à les supposer exacts, ils sont sans influence réelle sur le calcul d'un chiffre d'affaire durant seulement 4 ans.

Le Fonds de Garantie des Victimes estime aussi que, s'agissant de l'indemnisation de la PGPF, il convient d'appliquer un coefficient d'aléa puisqu'il n'est pas certain que, même si l'accident n'était pas arrivé, Madame Martine C. aurait continué à travailler jusqu'à 62 ans. Il propose une diminution de 50 %, que la Cour estime excessive compte tenu du fait que seules quatre années sont comptabilisées et que Madame Martine C. ne présentait pas avant l'accident de pathologie laissant supposer qu'elle prendrait sa retraite avant l'âge légal.

Au vu de ces éléments, la Cour appliquera un coefficient de réduction de 10 % et ramènera ainsi la somme due au titre de la PGPF à (888 265,82 - 88 826,58) à 799 439,24 euros.

La décision entreprise sera réformée sur ce point.

Sur la déduction de l'indemnisation de Madame Martine C. du revenu procuré par le placement de la somme provenant de la vente des parts sociales de SNC.

L'acte de vente du 30 novembre 2006 indique que Madame Martine C. a perçu une somme de 1 216 880 euros

Le Fonds de Garantie des Victimes, estimant que cette somme a été placée, sollicite la déduction du montant des revenus des capitaux perçus en indiquant que si l'accident ne s'était pas produit, ce capital n'aurait pas été perçu.

Il est exact que Madame Martine C. a, en vendant ses parts, transformé son outil de travail en capital. Le rendement de ce capital doit en effet être déduit de l'ensemble de l'indemnisation, de la PGPA et de la PGPF et la décision déférée qui avait refusé cette déduction sera réformée sur ce point.

S'agissant du montant des fonds placés, Madame Martine C. fait valoir qu'elle a subi une importante imposition dont elle justifie. La cession a en effet généré un impôt sur la plus value de 53 169 euros et une CSG de 36 554 euros, soit un total de 89 723 euros. Cette observation sera retenue et il sera dit que le calcul des revenus sera fait sur la base d'un capital de (1 216 880 euros - 89 723 euros) 1 127 157 euros.

Madame Martine C., qui disposait déjà d'un patrimoine, a de plus hérité de son père décédé le 26 octobre 2007 la somme de 314 298,11 euros.

Elle indique avoir d'abord positionné ses fonds sur des placements à court terme à la banque CIC.

Puis elle a racheté à son compagnon les 34/45ème de la maison qu'ils avaient achetée en indivision, pour un prix de 76 271 euros. Elle a divisé sa propriété de Mérignac pour faire construire une maison individuelle dans le cadre des lois de défiscalisation de biens à fins locatives. Les travaux achevés le 29 juillet 2008 ont représenté un montant de 174 231 euros, justifiés par leur déclaration au fisc. Cette maison procure à Madame Martine C., d'après ses dires, un revenu locatif de l'ordre de l 000 euros par mois.

En 2008, elle prouve avoir investi 310 000 euros sur un contrat assurance capitalisation au CIC, augmentés de 100 000 euros en 2009.

Elle justifie donc avoir investi 660 502 euros, ce qui représente moins de la moitié de son capital total et un peu plus de la moitié de ce qu'elle a perçu du fait de la vente de ses parts sociales.

Le Fonds de Garantie des Victimes sollicite que soit ordonné à Madame Martine C. de produire le surplus des justificatifs de ses placements. A ce moment des débats, il n'est plus utile d'ordonner cette production. Dans le cadre de son expertise, l'expert avait calculé un revenu théorique sur la base du taux moyen des emprunts d'Etat à long terme, soit environ 4 %, mode de calcul que Madame Martine C. ne semble pas contredire. Il avait ainsi retenu pour la période couverte par la PGPA un revenu du capital de 33 215,82 euros et pour celle concernant la PGPF un revenu de 352 964 euros. Il avait toutefois omis de déduire l'imposition.

Au vu de ces éléments, une seconde expertise s'impose afin de déterminer les revenus des capitaux placés en prenant pour principes que :

- la somme produisant des revenus est de 1 127 157 euros,

- sur cette somme, un investissement immobilier doit être déduit, soit 174 231 euros, procurant à Madame Martine C. un revenu locatif de l'ordre de l 000 euros par mois, à vérifier et à calculer suivant les années considérées,

- l'investissement consistant dans le rachat des parts du compagnon sera considéré comme ne produisant pas de revenus,

- 410 000 euros ont été investis sur un contrat assurance capitalisation au CIC, dont le revenu est également à préciser,

- le surplus procure un revenu théorique qui sera calculé, faute d'autre documents justificatifs, sur la base du taux moyen des emprunts d'Etat à long terme.

L'expert sera chargé de calculer en fonction des dates des investissements mentionnés ci-dessus le revenu annuel moyen des sommes perçues par Madame Martine C. et de le déduire, année par année, des sommes retenues par la Cour au titre de la PGPA et de la PGPF. Il pourra se faire communiquer toutes les pièces utiles par les parties et devra actualiser chaque année le taux moyen des emprunts d'état entre 2006 et 2016.

La décision entreprise sera réformée et complétée sur ce point.

Sur la demande de provision

Madame Martine C. sollicite l'allocation d'une provision de 1 000 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice économique

La Cour fera partiellement droit à sa demande et lui allouera à ce titre une provision de 100 000 euros.

La décision entreprise sera partiellement infirmée et il sera statué par un arrêt statuant partiellement sur le fond et partiellement avant dire droit.

L'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile sera réservée ainsi que celle des dépens .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme partiellement la décision de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux du 7 mai 2014,

statuant à nouveau,

Définitivement sur le fond,

Fixe à 144 440, 01 euros l'indemnisation de Madame Martine C. au titre de la perte de gains professionnels actuels,

Fixe à 799 439,24 euros l'indemnisation de Madame Martine C. au titre de la perte de gains professionnels futurs,

Alloue à Madame Martine C. une somme de 100 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation future de son préjudice économique,

Dit qu'il sera déduit de ses sommes, année après année, les revenus des capitaux provenant de la cession de parts de SNC faite par Madame Martine C. le 30 novembre 2006,

Dit que les revenus de cette somme seront calculés sur la base d'un capital de 1 127 157 euros,

Déboute le Fonds de Garantie des Victimes de ses demandes tendant à voir dire que le montant du revenu récurrent doit s'établir à la somme de 274 euros par jour et que celui-ci doit être pondéré à la baisse à compter du 31 décembre 2012,

Déboute le Fonds de Garantie des Victimes de ses demandes de déduction des revenus du montant du remboursement d'assurance ayant pris en charge le crédit d'acquisition des parts sociales et du montant des indemnités d'assurance versées pour le remplacement de pharmacien,

Déboute le Fonds de Garantie des Victimes de sa demande tendant à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à revalorisation du revenu récurrent à raison de 2 % par an,

Déboute le Fonds de Garantie des Victimes de sa demande tendant à ce qu'il soit pratiqué sur la PGPF un abattement à hauteur de 50 %,

Déboute le Fonds de Garantie des Victimes de sa demande de voir ordonner, avant dire droit, la production de justificatifs de placements par Madame Martine C.,

Déboute Madame Martine C. de sa demande d'allocation de la somme de 2 289 140 euros au titre de ses pertes de gains actuels et futurs,

Déboute Madame Martine C. de sa demande de provision à hauteur de 1 000 000 euros,

statuant avant dire droit sur l'évaluation des revenus des capitaux provenant de la cession de parts de SNC,

Ordonne une expertise comptable,

Désigne pour y procéder Monsieur Dominique L., expert auprès de la Cour d'Appel de Bordeaux, demeurant [...],

Définit ainsi qu'il suit la mission :

- réunir les parties et se faire remettre tout document utile,

- évaluer année par année les revenus des revenus des capitaux provenant de la cession de parts de la SNC, capitaux fixés à 1 127 157 euros,

en tenant compte de ce que :

- sur cette somme un investissement immobilier est déduit, soit 174 231 euros, dont il devra calculer au plus près et sur justificatifs le revenu locatif,

- l'investissement consistant dans le rachat des parts du compagnon sera considéré comme ne produisant pas de revenus,

- 410 000 euros ont été investis sur un contrat assurance capitalisation au CIC, contrat que l'expert devra se faire remettre pour ses calculs,

- le surplus inemployé sera considéré comme procurant un revenu théorique sur la base du taux moyen des emprunts d'Etat à long terme,

déduire année après année les revenus des capitaux des sommes fixées au titre de la PGPA et de la PGPF,

donner tout renseignement utile au calcul définitif des sommes allouées à Madame Martine C.,

Dit que les opérations d'expertise seront mises en œuvre dans les plus brefs délais à compter du présent arrêt,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat greffe de la présente Cour dans les cinq mois de sa saisine,

Dit qu'il en sera référé en cas de difficulté au magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction,

Dit que Madame Martine C. consignera au greffe la somme de 1 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert et ce dans le délai d'un mois à compter de la présente décision,

Enjoint aux parties, à l'issue des opérations d'expertise, de ressaisir la Cour afin qu'il soit statué au fond,

Réserve les droits et moyens des parties sur les modalités de calcul des revenus visés par l'expertise,

Réserve l'application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Réserve les dépens.