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Décisions

CJUE, 5e ch., 17 novembre 2022, n° C-204/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bayer Intellectual Property GmbH

Défendeur :

kohlpharma GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Regan

Juges :

M. Gratsias, M. Ilešič, M. Jarukaitis, M.Csehi

Avocat général :

M. Szpunar

Avocats :

Me Giesen, Me Reese, Me Rehmann, Me Tietjen

CJUE n° C-204/20

16 novembre 2022

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10, paragraphe 2, et de l’article 15 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1), ainsi que de l’article 47 bis de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012 (JO 2012, L 299, p. 1) (ci-après la « directive 2001/83 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Bayer Intellectual Property GmbH (ci-après « Bayer »), titulaire de la marque allemande Androcur, à kohlpharma GmbH au sujet de la commercialisation en Allemagne, par cette dernière société, de médicaments de la marque Androcur importés parallèlement des Pays-Bas.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2015/2436

3 Le considérant 28 de la directive 2015/2436 énonce :

« Il découle du principe de libre circulation des marchandises que le titulaire d’une marque ne devrait pas pouvoir en interdire l’usage à un tiers pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l’Union [européenne] sous cette marque, par lui-même ou avec son consentement, sauf si ce titulaire a des motifs légitimes de s’opposer à la poursuite de la commercialisation des produits. »

4 Aux termes de l’article 10 de cette directive, intitulé « Droits conférés par la marque » :

« 1. L’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe lorsque :

a) le signe est identique à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ;

c) le signe est identique ou similaire à la marque, indépendamment du fait qu’il soit utilisé pour des produits ou des services qui sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.

3. Si les conditions énoncées au paragraphe 2 sont remplies, il peut être interdit en particulier :

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe ;

[...] »

5 L’article 15 de ladite directive, intitulé « Épuisement des droits conférés par une marque », dispose :

« 1. Une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l’Union sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise sur le marché. »

 La directive 2001/83

6 Les considérants 2 à 5 et 40 de la directive 2001/83 énoncent :

« (2) Toute réglementation en matière de production, de distribution ou d’utilisation des médicaments doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique.

(3) Toutefois ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l’industrie pharmaceutique et les échanges de médicaments au sein de la Communauté.

(4) Les disparités de certaines dispositions nationales, et notamment des dispositions relatives aux médicaments, à l’exclusion des substances ou compositions qui sont des denrées alimentaires, des aliments destinés aux animaux ou des produits d’hygiène, ont pour effet d’entraver les échanges des médicaments au sein de la Communauté et elles ont de ce fait une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

(5) Il importe par suite d’éliminer ces entraves et pour atteindre cet objectif un rapprochement des dispositions dont il s’agit est nécessaire.

[...]

(40) Les dispositions relatives à l’information des patients doivent assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, de façon à permettre une utilisation correcte des médicaments, sur la base d’une information complète et compréhensible. »

7 Aux termes de l’article 40 de cette directive :

« 1. Les États membres prennent toutes les dispositions utiles pour que la fabrication des médicaments sur leur territoire soit soumise à la possession d’une autorisation. Cette autorisation de fabrication est requise même si le médicament est fabriqué en vue de l’exportation.

2. L’autorisation visée au paragraphe 1 est exigée tant pour la fabrication totale ou partielle que pour les opérations de division, de conditionnement ou de présentation.

[...] »

8 L’article 47 bis, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Les dispositifs de sécurité visés à l’article 54, point o), ne sont ni retirés ni recouverts, partiellement ou totalement, sauf dans le cas où les conditions ci-après sont remplies :

a) le titulaire de l’autorisation de fabrication vérifie, avant de retirer ou de recouvrir partiellement ou totalement ces dispositifs de sécurité que le médicament concerné est authentique et qu’il n’a pas subi de manipulation illicite ;

b) le titulaire de l’autorisation de fabrication respecte l’article 54, point o), en remplaçant ces dispositifs de sécurité par des dispositifs de sécurité équivalents pour ce qui est de la possibilité de vérifier l’authenticité, d’identifier et d’apporter la preuve de manipulation illicite du médicament. Ce remplacement est effectué sans ouvrir le conditionnement primaire, tel que défini à l’article 1er, point 23.

Les dispositifs de sécurité sont considérés comme équivalents si :

i) ils répondent aux exigences fixées dans les actes délégués adoptés en vertu de l’article 54 bis, paragraphe 2 ; et

ii) ils permettent de vérifier l’authenticité et d’identifier les médicaments, avec la même efficacité, et d’apporter la preuve de manipulation illicite des médicaments ;

c) le remplacement des dispositifs de sécurité est effectué conformément aux bonnes pratiques de fabrication applicables aux médicaments ; et

d) le remplacement des dispositifs de sécurité est soumis au contrôle de l’autorité compétente. »

9 Aux termes de l’article 54 de la même directive :

« L’emballage extérieur ou, à défaut d’emballage extérieur, le conditionnement primaire de tout médicament doit porter les mentions suivantes :

[...]

o) pour les médicaments autres que les médicaments radiopharmaceutiques visés à l’article 54 bis, paragraphe 1, les dispositifs de sécurité permettant aux grossistes et aux personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public :

– de vérifier l’authenticité du médicament, et

– d’identifier les boîtes individuelles de médicaments,

ainsi qu’un dispositif permettant de vérifier si l’emballage extérieur a fait l’objet d’une effraction. »

10 L’article 54 bis de la directive 2001/83 prévoit :

« 1. Les médicaments soumis à prescription doivent être dotés des dispositifs de sécurité visés à l’article 54, point o), à moins qu’ils ne figurent sur la liste établie conformément à la procédure visée au paragraphe 2, point b), du présent article.

[...]

2. La Commission [européenne] adopte par voie d’actes délégués, en conformité avec l’article 121 bis et dans le respect des conditions fixées par les articles 121 ter et 121 quater, des mesures complétant l’article 54, point o), en vue d’établir les modalités des dispositifs de sécurité visés à l’article 54, point o).

[...] »

11 L’article 59 de cette directive énumère les informations devant figurer dans la notice qui accompagne le médicament.

12 L’article 63, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive est libellé comme suit :

« Les mentions prévues aux articles 54, 59 et 62 pour l’étiquetage sont rédigées dans une ou plusieurs langues officielles de l’État membre où le médicament est mis sur le marché, telles qu’elles sont désignées, aux fins de la présente directive, par ledit État membre. »

 La directive 2011/62/UE

13 Les considérants 2, 3, 11, 12, 29 et 33 de la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, modifiant la directive 2001/83 (JO 2011, L 174, p. 74), énoncent :

« (2) On constate dans l’Union une augmentation alarmante du nombre de médicaments falsifiés du point de vue de leur identité, de leur historique ou de leur source. Les composants présents dans ces médicaments, y compris les substances actives, sont habituellement de qualité insuffisante, falsifiés, mal dosés ou encore absents, et représentent ainsi une grave menace pour la santé publique.

(3) L’expérience a montré que ces médicaments falsifiés ne parviennent pas uniquement aux patients par des moyens illégaux mais également par la chaîne d’approvisionnement légale. Cela représente une menace particulière pour la santé humaine et peut ébranler la confiance du patient, y compris dans la chaîne d’approvisionnement légale. La directive [2001/83] devrait être modifiée de façon à répondre à cette menace grandissante.

[...]

(11) Il convient, afin de tenir compte des nouveaux profils de risque tout en garantissant le fonctionnement du marché intérieur des médicaments, d’harmoniser les dispositifs de sécurité applicables à ces derniers au sein de l’Union. Ces dispositifs de sécurité devraient permettre de vérifier l’authenticité et d’identifier les boîtes individuelles, ainsi que d’apporter toute preuve d’effraction. [...]

(12) Tout acteur de la chaîne d’approvisionnement qui conditionne des médicaments doit détenir une autorisation de fabrication. Pour que les dispositifs de sécurité soient efficaces, le titulaire d’une autorisation de fabrication qui n’est pas lui-même le fabricant d’origine du médicament ne devrait être autorisé à enlever, remettre en place ou recouvrir lesdits dispositifs de sécurité que dans de strictes conditions. En particulier, en cas de reconditionnement, les dispositifs de sécurité devraient être remplacés par des dispositifs de sécurité équivalents. À cet égard, la signification du terme “équivalent” devrait être clairement établie. Ces conditions strictes devraient prévoir des garanties adéquates contre l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement afin de protéger les patients ainsi que les intérêts des titulaires d’une autorisation de mise sur le marché et des fabricants.

[...]

(29) La présente directive s’entend sans préjudice des dispositions en matière de droits de propriété intellectuelle. Elle vise spécifiquement à empêcher l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale. 

[...]

(33) Étant donné que l’objectif de la présente directive, à savoir protéger le fonctionnement du marché intérieur des médicaments tout en garantissant un niveau de protection élevé de la santé publique contre les médicaments falsifiés, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc en raison de sa dimension, être mieux réalisé au niveau de l’Union, celle-ci peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 [TUE]. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

 Le règlement délégué (UE) 2016/161

14 Les considérants 1, 11, 12 et 15 du règlement délégué (UE) 2016/161 de la Commission, du 2 octobre 2015, complétant la directive 2001/83 (JO 2016, L 32, p. 1), énoncent :

« (1) La directive [2001/83] prévoit des mesures visant à empêcher l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale grâce à l’apposition de dispositifs de sécurité consistant en un identifiant unique et un dispositif antieffraction sur l’emballage de certains médicaments à usage humain afin de permettre leur identification et leur authentification.

[...]

(11) Afin de faciliter la vérification de l’authenticité et la désactivation d’un identifiant unique par les grossistes et les personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public, il est nécessaire de veiller à ce que la structure et la qualité d’impression du code à barres bidimensionnel de l’identifiant unique soient de nature à permettre la lecture à grande vitesse et à réduire au minimum les erreurs de lecture.

(12) Il convient d’imprimer les éléments de données de l’identifiant unique sur l’emballage dans un format lisible par l’homme de telle sorte à permettre la vérification de l’authenticité de l’identifiant unique et sa désactivation au cas où le code à barres bidimensionnel serait illisible. 

[...]

(15) La vérification des deux dispositifs de sécurité est nécessaire pour garantir l’authenticité d’un médicament dans un système de vérification de bout en bout de la chaîne d’approvisionnement. La vérification de l’authenticité de l’identifiant unique vise à garantir que le médicament provient du fabricant légitime. La vérification de l’intégrité du dispositif antieffraction permet de déterminer si l’emballage a été ouvert ou a subi une altération depuis qu’il a quitté les installations du fabricant, de manière à garantir l’authenticité du contenu de l’emballage. »

15 Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/161 :

« On entend par : 

a) “identifiant unique”, le dispositif de sécurité permettant de vérifier l’authenticité d’une boîte individuelle d’un médicament et de l’identifier ;

b) “dispositif antieffraction”, le dispositif de sécurité permettant de vérifier si l’emballage d’un médicament a fait l’objet d’une effraction ;

[...] »

16 L’article 4 de ce règlement délégué, intitulé « Composition de l’identifiant unique », prévoit :

« Le fabricant place sur l’emballage d’un médicament un identifiant unique conforme aux spécifications techniques suivantes :

a) l’identifiant unique est une suite de caractères numériques ou alphanumériques, unique pour chaque boîte de médicaments ;

[...] »

17 L’article 5 dudit règlement délégué, intitulé « Support de l’identifiant unique », dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1. Les fabricants encodent l’identifiant unique dans un code à barres bidimensionnel.

2. Le code à barres est un code Data Matrix lisible par machine, muni d’un système de détection et de correction d’erreurs équivalent ou supérieur à celui du Data Matrix ECC200. [...]

3. Les fabricants impriment le code à barres sur un emballage dont la surface est lisse, uniforme et peu réfléchissante. »

18 L’article 6 du même règlement délégué, intitulé « Qualité d’impression du code à barres bidimensionnel », énonce :

« 1. Les fabricants évaluent la qualité d’impression du code Data Matrix en en examinant au moins les paramètres suivants :

[...]

2. Les fabricants identifient la qualité minimale d’impression nécessaire pour garantir une lisibilité précise du code Data Matrix tout au long de la chaîne d’approvisionnement pendant une durée minimale d’un an après la date de péremption de la boîte de médicaments, ou de cinq ans à partir de la date à laquelle la boîte a été libérée pour la vente ou la distribution, conformément à l’article 51, paragraphe 3, de la directive [2001/83], si ce délai est plus long.

[...] »

19 L’article 10 du règlement délégué 2016/161, intitulé « Vérification des dispositifs de sécurité », est libellé comme suit :

« Lorsqu’ils procèdent à la vérification des dispositifs de sécurité, les fabricants, les grossistes et les personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public vérifient les aspects suivants :

a) l’authenticité de l’identifiant unique ;

b) l’intégrité du dispositif antieffraction. »

20 Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement délégué :

« Avant de retirer ou de recouvrir, partiellement ou totalement, les dispositifs de sécurité conformément à l’article 47 bis de la directive [2001/83], le fabricant vérifie :

a) l’intégrité du dispositif antieffraction ;

b) l’authenticité de l’identifiant unique et le désactive, s’il est remplacé. »

21 L’article 17 dudit règlement délégué, intitulé « Identifiant unique équivalent », prévoit :

« Lorsqu’il place un identifiant unique équivalent conformément à l’article 47 bis, paragraphe 1, point b), de la directive [2001/83], le fabricant vérifie que la structure et la composition de l’identifiant unique figurant sur l’emballage répondent aux exigences de l’État membre où le médicament est destiné à être mis sur le marché, en ce qui concerne le code de produit et le numéro de remboursement national ou autre numéro national identifiant le médicament, de sorte à permettre la vérification de cet identifiant unique et sa désactivation. »

22 L’article 24 du même règlement délégué, intitulé « Mesures à prendre par les grossistes en cas d’effraction ou de soupçon de falsification », est rédigé comme suit :

« Le grossiste ne délivre pas ou n’exporte pas un médicament s’il a des raisons de penser que son emballage a fait l’objet d’une effraction, ou s’il ressort de la vérification des dispositifs de sécurité du médicament que le produit pourrait ne pas être authentique. Il en informe immédiatement les autorités compétentes. »

23 L’article 25 du règlement délégué 2016/161, intitulé « Obligations incombant aux personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. Les personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public vérifient les dispositifs de sécurité et désactivent l’identifiant unique des médicaments dotés de ces dispositifs au moment où elles les délivrent au public. 

[...]

3. Afin de vérifier l’authenticité de l’identifiant unique d’un médicament et de le désactiver, les personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public se connectent au système de répertoires visé à l’article 31 par l’intermédiaire du répertoire national ou supranational servant le territoire de l’État membre dans lequel elles sont autorisées ou habilitées à le faire. »

24 Aux termes de l’article 30 de ce règlement délégué, intitulé « Mesures à prendre par les personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public en cas de soupçon de falsification » :

« Lorsque les personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public ont des raisons de penser que l’emballage du médicament a fait l’objet d’une effraction, ou qu’il ressort de la vérification des dispositifs de sécurité du médicament que le produit pourrait ne pas être authentique, elles ne délivrent pas le produit et en informent immédiatement les autorités compétentes. »

25 L’article 31, paragraphe 1, dudit règlement délégué est ainsi libellé :

« Le système de répertoires qui contient les informations relatives aux dispositifs de sécurité, conformément à l’article 54 bis, paragraphe 2, point e), de la directive [2001/83] est établi et géré par une ou plusieurs entités légales sans but lucratif créées dans l’Union par les fabricants et les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché des médicaments dotés des dispositifs de sécurité. »

26 L’article 34, paragraphe 4, du même règlement délégué énonce :

« Après réception des informations visées à l’article 35, paragraphe 4, la plateforme assure la connexion électronique des numéros de lot avant et après le reconditionnement ou le réétiquetage avec la série d’identifiants uniques désactivés et avec la série d’identifiants uniques équivalents placés. »

27 L’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2016/161 prévoit :

« Pour chaque lot de boîtes reconditionnées ou réétiquetées d’un médicament sur lesquelles ont été placés des identifiants uniques équivalents conformément à l’article 47 bis de la directive [2001/83], la personne chargée de la mise sur le marché du médicament informe la plateforme du numéro de lot ou du nombre de boîtes qui doivent être reconditionnées ou réétiquetées ainsi que des identifiants uniques figurant sur ces boîtes. Elle informe en outre la plateforme du numéro du lot résultant des opérations de reconditionnement ou de réétiquetage et des identifiants uniques équivalents de ce lot. »

28 En vertu de son article 50, deuxième alinéa, le règlement délégué 2016/161 est devenu applicable à partir du 9 février 2019.

 Le droit allemand

29 Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, sous c), du Gesetz über den Verkehr mit Arzneimitteln (loi relative au commerce des médicaments), du 24 août 1976 (BGBl. 1976 I, p. 2445), dans sa version publiée le 12 décembre 2005 (BGBl. 2005 I, p. 3394), telle que modifiée par la loi du 19 octobre 2012 (BGBl. 2012 I, p. 2192) :

« Pour les médicaments destinés à être utilisés chez l’homme, des dispositifs de sécurité ainsi qu’un dispositif antieffraction doivent être apposés sur l’emballage extérieur pour détecter une éventuelle manipulation illicite dudit emballage, dans la mesure où cela est imposé par l’article 54 bis de la [directive 2001/83] ou édicté au titre de l’article 54 bis de la [directive 2001/83]. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

30 Bayer est titulaire de la marque allemande Androcur, qu’elle utilise pour des médicaments.

31 kohlpharma distribue en Allemagne des médicaments importés de manière parallèle à partir d’autres États membres de l’Union.

32 Dans un courrier du 28 janvier 2019, kohlpharma a fait part à Bayer de son intention d’importer des Pays‑Bas le médicament « Androcur 50 mg » dans le format de boîte de 50 comprimés pelliculés aux fins de sa commercialisation en Allemagne dans les formats de boîte respectifs de 50 et de 100 comprimés pelliculés. Ultérieurement, kohlpharma a indiqué à Bayer que, aux fins de cette importation, le dispositif antieffraction apposé sur l’emballage extérieur de ce médicament devrait être rompu et que, par conséquent, le remplacement de cet emballage était nécessaire.

33 Bayer s’est opposée au remplacement envisagé en faisant valoir que le recours à un nouvel emballage irait au-delà de ce qui est nécessaire pour que ledit médicament puisse être commercialisé en Allemagne.

34 Elle considère qu’il ressort de la directive 2011/62 et du règlement délégué 2016/161 que le recours à un nouvel étiquetage ou à un nouvel emballage constituent des solutions de substitution à la disposition de l’importateur parallèle qui offrent des garanties équivalentes en termes de sécurité. Or, en l’espèce, la nécessité d’un nouvel emballage ne serait pas établie étant donné qu’un nouvel étiquetage suffirait objectivement à garantir l’accès au marché du produit concerné.

35 kohlpharma soutient qu’un réétiquetage du conditionnement d’origine serait inapproprié en raison des traces de manipulation qui résulteraient du retrait du dispositif antieffraction d’origine et qui demeureraient visibles après l’ouverture du conditionnement d’origine réétiqueté.

36 En effet, les grossistes et les pharmaciens étant désormais tenus de détecter les éventuelles manipulations illicites des emballages des médicaments, seul un nouvel emballage extérieur permettrait d’éviter que ceux-ci refusent de délivrer le médicament concerné. Bien qu’un nouvel étiquetage soit 25 % moins cher qu’un reconditionnement dans un nouvel emballage, kohlpharma considère que ce dernier doit être privilégié au motif qu’il serait mieux accepté par les professionnels de la santé et les consommateurs. Selon elle, l’utilisation d’emballages d’origine présentant des traces de détérioration réduit considérablement la possibilité d’accéder au marché allemand des pharmacies et des grossistes.

37 La juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, s’il résulte des dispositions pertinentes de la directive 2011/62 et du règlement délégué 2016/161 qu’un reconditionnement dans un nouvel emballage serait désormais préférable à un réétiquetage d’un médicament.

38 Cette juridiction se demande, en deuxième lieu, si le choix entre un réétiquetage et un nouvel emballage relève de l’importateur parallèle.

39 En troisième lieu, ladite juridiction s’interroge sur la portée de l’argument selon lequel les professionnels et les utilisateurs finals pourraient être dissuadés ou déstabilisés par la présence de traces d’ouverture sur l’emballage d’un médicament.

40 En quatrième lieu, la même juridiction s’interroge quant à la pratique des autorités nationales compétentes de certains États membres, au nombre desquels figure le Royaume de Suède, consistant à interpréter les nouvelles règles relatives à la protection contre la falsification en ce sens que, en cas d’importations parallèles de médicaments, il convient, d’une manière générale, de remplacer l’emballage après rupture du dispositif antieffraction apposé sur l’emballage original.

41 C’est dans ces conditions que le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 47 bis de la [directive 2001/83] doit-il être interprété en ce sens que, dans le cas de produits faisant l’objet d’une importation parallèle, on peut considérer qu’il y a équivalence des mesures lors du retrait et de la réapposition des dispositifs de sécurité visés à l’article 54, [sous] o), de la [directive 2001/83], que l’importateur parallèle effectue au moyen d’un “relabelling” [réétiquetage] (utilisation d’étiquettes autocollantes sur l’emballage secondaire d’origine) ou d’un “reboxing” [reconditionnement dans un nouvel emballage] (fabrication d’un nouvel emballage secondaire pour les médicaments), dès lors que les deux mesures sont par ailleurs conformes à toutes les exigences de la [directive 2011/62] et du [règlement délégué 2016/161] et qu’elles permettent de vérifier l’authenticité et d’identifier les médicaments, avec la même efficacité, et d’apporter la preuve de manipulation illicite des médicaments ?

2) Dans l’hypothèse où la première question appelle une réponse affirmative : le titulaire d’une marque peut-il s’opposer au reconditionnement du produit par un importateur parallèle dans un nouvel emballage extérieur (“reboxing”), compte tenu des nouvelles réglementations relatives à la protection contre la falsification, lorsque l’importateur parallèle a également la possibilité de réaliser un emballage pouvant être commercialisé dans l’État membre d’importation en se contentant d’apposer de nouvelles étiquettes autocollantes sur l’emballage secondaire d’origine (“relabelling”) ?

3) Dans l’hypothèse où la deuxième question appelle une réponse affirmative : le fait que, dans le cas du “relabelling”, le public visé puisse voir qu’un dispositif de sécurité du fournisseur d’origine a été endommagé est-il sans incidence dès lors qu’il est assuré que l’importateur parallèle en est responsable et que celui‑ci a apposé un nouveau dispositif de sécurité sur l’emballage secondaire d’origine ? À cet égard, le fait que les traces d’ouverture ne soient visibles que lorsque l’emballage secondaire du médicament est ouvert entraîne-t-il une réponse différente ?

4) Si la deuxième et/ou la troisième questions appellent une réponse affirmative : la nécessité objective de fabriquer un nouvel emballage secondaire par “reboxing” au sens des cinq conditions d’épuisement pour procéder au reconditionnement (voir arrêts du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a., C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, EU:C:1996:282, point 79, ainsi que du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a., C‑348/04, EU:C:2007:249, point 21) doit-elle néanmoins être admise dès lors que les autorités nationales indiquent, dans leurs lignes directrices actuelles pour la mise en œuvre des dispositions de la directive sur les médicaments falsifiés ou dans d’autres communications administratives pertinentes, que, normalement, la refermeture des emballages ouverts n’est pas autorisée, ou qu’elle ne l’est du moins qu’à titre exceptionnel et dans des conditions strictes ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

42 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 bis de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que, sous réserve qu’il soit satisfait à l’ensemble des exigences visées à cet article, le reconditionnement dans un nouvel emballage et le réétiquetage de médicaments importés parallèlement constituent des formes de reconditionnement équivalentes en ce qui concerne l’efficacité des dispositifs de sécurité visés à l’article 54, sous o), de cette directive, sans que l’une ne prévale sur l’autre.

43 À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 3 de la directive 2011/62, lus en combinaison avec le considérant 1 du règlement délégué 2016/161, le législateur de l’Union a adopté cette directive afin de répondre à la menace grandissante pour la santé humaine que constituent les médicaments falsifiés en introduisant, dans la directive 2001/83, des mesures destinées à empêcher l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale.

44 La directive 2011/62 a ainsi inséré, à l’article 54 de la directive 2001/83, une disposition au point o), en vertu de laquelle l’emballage extérieur ou, à défaut d’emballage extérieur, le conditionnement primaire des médicaments autres que les médicaments radiopharmaceutiques visés à l’article 54 bis, paragraphe 1, de cette directive doit être muni de dispositifs de sécurité permettant aux grossistes et aux personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public de vérifier l’authenticité du médicament concerné, d’identifier les boîtes individuelles de médicaments ainsi que de vérifier si l’emballage extérieur de ce médicament a fait l’objet d’une effraction.

45 En application de cet article 54 bis, paragraphe 2, le règlement délégué 2016/161 établit les modalités de ces dispositifs de sécurité. Le considérant 1 de ce règlement délégué identifie deux types de dispositifs de sécurité, à savoir, d’une part, un identifiant unique et, d’autre part, un dispositif antieffraction. Il ressort de l’article 3, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement délégué, lu à la lumière du considérant 15 de ce dernier, que la vérification de l’authenticité de l’identifiant unique vise à garantir que le médicament provient du fabricant légitime, tandis que la vérification de l’intégrité du dispositif antieffraction permet de déterminer si l’emballage a été ouvert ou s’il a subi une altération, de manière à garantir l’authenticité de son contenu, la vérification de ces deux dispositifs de sécurité étant nécessaire pour garantir l’authenticité d’un médicament d’un bout à l’autre de la chaîne d’approvisionnement.

46 Plus particulièrement, l’article 25, paragraphe 1, du règlement délégué 2016/161 impose aux personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public de vérifier ces dispositifs de sécurité. En outre, les articles 24 et 30 de ce règlement délégué interdisent aux grossistes et aux personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public de délivrer un médicament dès lors qu’ils ont des raisons de penser que son emballage a fait l’objet d’une effraction.

47 Par ailleurs, l’article 47 bis, paragraphe 1, de la directive 2001/83 prévoit que lesdits dispositifs de sécurité ne peuvent être retirés ou recouverts que dans des conditions strictes, destinées à garantir l’authenticité du médicament et l’absence de toute manipulation illicite.

48 En particulier, il ressort de cet article 47 bis, paragraphe 1, sous b), que, au nombre de ces conditions figure celle selon laquelle les dispositifs de sécurité en question doivent être remplacés par des dispositifs de sécurité « équivalents ». En vertu de cette disposition, pour pouvoir être considéré comme tel, un dispositif de sécurité doit, notamment, permettre de vérifier l’authenticité des médicaments concernés et de les identifier, avec la même efficacité, ainsi que d’apporter la preuve d’une manipulation illicite de ceux-ci.

49 Il découle ainsi de ladite disposition, lue à la lumière du considérant 12 de la directive 2011/62, que le législateur de l’Union, qui a expressément prévu la possibilité de procéder au « remplacement » des dispositifs de sécurité visés au point 44 du présent arrêt, n’a pas voulu empêcher la réutilisation des emballages extérieurs d’origine, bien que ces derniers fussent pourvus de tels dispositifs. Cette interprétation est corroborée par l’article 34, paragraphe 4, et l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2016/161, en vertu desquels un identifiant unique équivalent peut être apposé tant sur une boîte reconditionnée que sur une boîte réétiquetée.

50 Cela étant, il résulte de l’article 47 bis, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/83 qu’une telle réutilisation n’est possible qu’à la condition que les dispositifs de sécurité d’origine puissent être remplacés par des dispositifs permettant, avec la même efficacité, de vérifier l’authenticité des médicaments concernés, de les identifier et d’établir l’existence d’une manipulation illicite de ceux-ci, conformément à l’objectif de la directive 2011/62, qui, ainsi qu’il ressort de son considérant 29, consiste à prévenir l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale.

51 Dans ces conditions, et en l’absence, dans la directive 2001/83 et dans le règlement délégué 2016/161, d’une disposition indiquant qu’une forme de reconditionnement devrait être privilégiée par rapport à l’autre, il y a lieu de considérer que, sous réserve qu’il soit satisfait à l’ensemble des exigences visées à l’article 47 bis de cette directive, le reconditionnement dans un nouvel emballage et le réétiquetage de médicaments importés parallèlement constituent des formes de reconditionnement équivalentes en ce qui concerne l’efficacité des dispositifs de sécurité.

52 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 47 bis de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que, sous réserve qu’il soit satisfait à l’ensemble des exigences visées à cet article, le reconditionnement dans un nouvel emballage et le réétiquetage de médicaments importés parallèlement constituent des formes de reconditionnement équivalentes en ce qui concerne l’efficacité des dispositifs de sécurité visés à l’article 54, sous o), de cette directive, sans que l’une ne prévale sur l’autre.

 Sur la deuxième question

53 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque lorsqu’un réétiquetage du médicament concerné, dans le respect des exigences prévues à l’article 47 bis de la directive 2001/83, permettrait également de commercialiser le médicament concerné dans l’État membre d’importation.

54 En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit exclusif qui, selon cet article 10, paragraphe 2, sous a), habilite ce titulaire à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci a été enregistrée.

55 Ce droit exclusif du titulaire de la marque a été octroyé afin de permettre à celui-ci de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c’est-à-dire d’assurer que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres. Partant, l’exercice dudit droit doit être réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Parmi ces fonctions, figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme, notamment, celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d’investissement ou de publicité (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Mitsubishi Shoji Kaisha et Mitsubishi Caterpillar Forklift Europe, C‑129/17, EU:C:2018:594, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

56 Or, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un reconditionnement du produit revêtu de la marque opéré par un tiers sans l’autorisation du titulaire de celle-ci est susceptible de créer des risques réels pour la garantie de provenance de ce produit (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb, C‑642/16, EU:C:2018:322, point 23 et jurisprudence citée), étant précisé que la notion de « reconditionnement », au sens de cette jurisprudence, inclut le réétiquetage (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb, C‑642/16, EU:C:2018:322, point 30 et jurisprudence citée).

57 Toutefois, selon l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l’Union sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Cette disposition vise à concilier les intérêts fondamentaux de la protection des droits de marque, d’une part, et ceux de la libre circulation des marchandises dans le marché intérieur, d’autre part [voir par analogie, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes, C‑291/16, EU:C:2017:990, point 35].

58 Plus particulièrement, il découle de l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2015/2436 que l’opposition du titulaire de la marque au reconditionnement, en tant qu’elle constitue une dérogation à la libre circulation des marchandises, ne peut être admise si l’exercice de ce droit par le titulaire constitue une restriction déguisée au commerce entre les États membres, au sens de l’article 36, seconde phrase, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb, C‑642/16, EU:C:2018:322, point 25 et jurisprudence citée). En effet, l’objet du droit des marques n’est pas de permettre aux titulaires de cloisonner les marchés nationaux et de favoriser ainsi le maintien des différences de prix pouvant exister entre les États membres (arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a., C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, EU:C:1996:282, point 46).

59 Constitue une telle restriction déguisée, au sens de l’article 36, seconde phrase, TFUE, l’exercice, par le titulaire d’une marque, de son droit de s’opposer au reconditionnement si cet exercice contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres et si, par ailleurs, le reconditionnement a lieu de telle manière que les intérêts légitimes du titulaire sont respectés, ce qui implique notamment que le reconditionnement n’affecte pas l’état originaire du médicament ou n’est pas de nature à nuire à la réputation de la marque (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2016, Ferring Lægemidler, C‑297/15, EU:C:2016:857, point 16 et jurisprudence citée, ainsi que du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb, C‑642/16, EU:C:2018:322, point 26 et jurisprudence citée).

60 Toutefois, l’impossibilité pour le titulaire de se prévaloir de son droit de marque pour s’opposer à la commercialisation, sous sa marque, des produits reconditionnés par un importateur équivaut à reconnaître à ce dernier une certaine faculté qui, dans des circonstances normales, est réservée au titulaire lui-même. Par conséquent, dans l’intérêt du titulaire en tant que propriétaire de la marque et pour le protéger contre tout abus, il convient de n’admettre cette faculté que pour autant que l’importateur concerné respecte certaines autres exigences (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2011, Orifarm e.a., C‑400/09 et C‑207/10, EU:C:2011:519, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

61 Ainsi, en vertu d’une jurisprudence constante, le titulaire d’une marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure dans un État membre d’un produit pharmaceutique revêtu de sa marque et importé d’un autre État membre, lorsque l’importateur de ce produit a reconditionné celui-ci et y a réapposé cette marque, à moins :

– qu’il soit établi que l’utilisation du droit de marque par le titulaire de celle-ci pour s’opposer à la commercialisation du produit reconditionné sous cette marque contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres ;

– qu’il soit démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage ;

– que soient indiqués clairement sur l’emballage l’auteur du reconditionnement du produit et le nom du fabricant de celui-ci ;

– que la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire, et

– que l’importateur avertisse, préalablement à la mise en vente du produit reconditionné, le titulaire de la marque et lui fournisse, à sa demande, un spécimen de ce produit (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Junek Europ-Vertrieb, C‑642/16, EU:C:2018:322, point 28 et jurisprudence citée).

62 S’agissant, en particulier, de la première des conditions énumérées au point précédent du présent arrêt, la Cour a jugé que contribue à un cloisonnement artificiel des marchés entre les États membres l’opposition du titulaire de la marque au reconditionnement de médicaments lorsque celui-ci est nécessaire afin que le produit importé parallèlement puisse être commercialisé dans l’État membre d’importation (arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a., C‑348/04, EU:C:2007:249, point 18).

63 Cette condition de nécessité est satisfaite, notamment, lorsque des réglementations ou des pratiques dans l’État membre d’importation empêchent la commercialisation de ce produit sur le marché de cet État membre dans le même conditionnement que celui dans lequel ledit produit est commercialisé dans l’État membre d’exportation (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a., C‑348/04, EU:C:2007:249, point 36).

64 En revanche, ladite condition n’est pas remplie si le reconditionnement du produit s’explique exclusivement par la recherche, par l’importateur parallèle, d’un avantage commercial (arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a., C‑348/04, EU:C:2007:249, point 37).

65 Selon la jurisprudence de la Cour, la condition de nécessité en question concerne tant le fait même de procéder au reconditionnement du produit que le choix entre un nouvel emballage et un réétiquetage (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Boehringer Ingelheim e.a., C‑348/04, EU:C:2007:249, point 38). En effet, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 118 de ses conclusions, dans la mesure où la reconnaissance du droit d’un commerçant parallèle à commercialiser dans un nouvel emballage un produit revêtu d’une marque sans l’autorisation du titulaire de celle-ci équivaut à lui reconnaître une faculté normalement réservée à ce titulaire, à savoir celle d’apposer cette marque sur ce nouvel emballage, un tel reconditionnement dans un nouvel emballage constitue une ingérence plus profonde dans les prérogatives dudit titulaire que la commercialisation du produit dans son emballage d’origine réétiqueté.

66 La Cour a ainsi jugé que le titulaire d’une marque peut s’opposer au reconditionnement par remplacement de l’emballage lorsque l’importateur parallèle est à même de réutiliser l’emballage d’origine pour une commercialisation dans l’État membre d’importation en apposant sur cet emballage des étiquettes (arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a., C‑143/00, EU:C:2002:246, point 49 ainsi que jurisprudence citée). Toutefois, le titulaire d’une marque n’est en droit de s’opposer à ce que l’importateur parallèle procède à ce reconditionnement qu’à la condition que le médicament réétiqueté puisse effectivement accéder au marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a., C‑143/00, EU:C:2002:246, point 50).

67 Conformément à la jurisprudence de la Cour, la condition de nécessité du reconditionnement doit être analysée en tenant compte des circonstances prévalant au moment de la commercialisation dans l’État membre d’importation qui rendent le reconditionnement objectivement nécessaire pour que le médicament concerné puisse être commercialisé dans cet État membre par l’importateur parallèle (arrêt du 10 novembre 2016, Ferring Lægemidler, C‑297/15, EU:C:2016:857, point 20 et jurisprudence citée).

68 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque lorsqu’il est objectivement possible de procéder au réétiquetage du médicament concerné dans le respect des exigences prévues à l’article 47 bis de la directive 2001/83 et que le médicament ainsi réétiqueté pourrait effectivement accéder au marché de l’État membre d’importation.

 Sur la troisième question

69 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque, lorsque le remplacement du dispositif antieffraction de l’emballage extérieur d’origine, effectué dans le cadre d’un réétiquetage de ce médicament, laisserait des traces visibles d’ouverture sur ce dernier emballage et qu’il ne ferait aucun doute que celles-ci sont imputables au reconditionnement de ce médicament ainsi opéré par cet importateur parallèle.

70 Ainsi qu’il découle des points 61 à 63 du présent arrêt, le titulaire d’une marque ne peut pas s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque lorsqu’un tel reconditionnement est nécessaire afin que le produit importé parallèlement puisse être commercialisé dans l’État membre d’importation.

71 En effet, comme il ressort du point 58 du présent arrêt, l’exercice, par le titulaire d’une marque, du droit conféré par celle-ci pour s’opposer à ce reconditionnement constituerait une restriction déguisée au commerce entre les États membres, au sens de l’article 36, seconde phrase, TFUE, en ce qu’il contribuerait, en méconnaissance de l’objet du droit des marques, à cloisonner artificiellement les marchés nationaux au sein de l’Union et à favoriser ainsi le maintien des différences de prix pouvant exister entre les États membres.

72 En premier lieu, tel serait le cas, en particulier, si le dispositif antieffraction dont est pourvu l’emballage extérieur du médicament concerné ne pouvait objectivement être remplacé par un dispositif équivalent, au sens de l’article 47 bis, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/83, et qu’il était ainsi fait obstacle à la commercialisation, dans l’État membre d’importation, de ce médicament dans son emballage d’origine réétiqueté.

73 S’agissant, à cet égard, de la présence de traces d’ouverture de l’emballage extérieur d’un médicament causées par le remplacement d’un dispositif antieffraction, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 47 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83, le titulaire d’une autorisation de fabrication – autorisation que, ainsi qu’il découle de l’article 40, paragraphe 2, de cette directive, tout acteur de la chaîne d’approvisionnement qui conditionne des médicaments doit posséder – est tenu de vérifier, avant de retirer ou de recouvrir partiellement ou totalement les dispositifs de sécurité visés au point 44 du présent arrêt, que le médicament concerné est authentique et qu’il n’a pas subi de manipulation illicite.

74 Ainsi, conformément à l’article 47 bis, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/83, un dispositif antieffraction de remplacement doit permettre de vérifier, avec la même efficacité qu’un dispositif antieffraction d’origine, que l’emballage extérieur d’un médicament n’a pas été ouvert de manière illicite entre le moment du reconditionnement de ce médicament et celui auquel ce dernier est délivré au public.

75 Par conséquent, la présence de traces d’ouverture de l’emballage extérieur d’un médicament qui sont clairement imputables au reconditionnement de ce dernier ne saurait affecter le caractère équivalent du dispositif antieffraction de remplacement, pour autant que l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement et le consommateur final puissent déterminer avec certitude que ces traces ne sont pas imputables à une manipulation illicite de ce médicament.

76 À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 61 du présent arrêt, l’auteur du reconditionnement du produit concerné doit clairement figurer sur l’emballage de ce dernier, de telle sorte que les acteurs ultérieurs de la chaîne d’approvisionnement puissent imputer l’origine des traces d’ouverture de cet emballage au reconditionnement de ce produit par un importateur parallèle.

77 Au demeurant, la présence de telles traces est inévitable étant donné que la fonction du dispositif antieffraction est précisément de mettre en évidence toute ouverture de l’emballage sur lequel il est apposé. Dans ces conditions, une interprétation différente de celle retenue au point 75 du présent arrêt aurait pour conséquence de rendre impossible, en pratique, le réétiquetage d’un médicament, privant ainsi d’effet utile les dispositions de la directive 2001/83 et du règlement délégué 2016/161 qui, ainsi qu’il a été constaté au point 49 du présent arrêt, le permettent.

78 Dès lors, la présence, sur l’emballage extérieur d’un médicament, d’éventuelles traces d’ouverture ne saurait, en soi, suffire à considérer que le dispositif antieffraction de remplacement n’est pas équivalent, au sens de l’article 47 bis, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, de la directive 2001/83, lorsqu’il ne fait aucun doute, dans le chef des grossistes et des personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public, que ces traces d’ouverture sont imputables au reconditionnement de ce médicament par un importateur parallèle.

79 Partant, compte tenu des considérations exposées aux points 70 à 72 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que, dans les circonstances décrites au point précédent, la présence de telles traces ne fait pas obstacle à ce que le titulaire d’une marque s’oppose au reconditionnement dans un nouvel emballage d’un médicament revêtu de cette marque.

80 Cette interprétation est corroborée par la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit revêtu d’une marque en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance. Cette garantie de provenance implique que le consommateur ou l’utilisateur final puisse être certain qu’un produit revêtu d’une marque n’a pas fait l’objet, à un stade antérieur de sa commercialisation, d’une intervention opérée par un tiers sans l’autorisation du titulaire de la marque, qui a atteint le produit dans son état originaire (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. , C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, EU:C:1996:282, point 47).

81 Or, lorsqu’il ne fait aucun doute, dans l’esprit des consommateurs, que les traces d’ouverture de l’emballage extérieur d’un médicament sont imputables au reconditionnement de ce dernier par un importateur parallèle, la garantie de provenance de ce médicament est assurée.

82 En second lieu, la Cour a jugé que constitue également une entrave à l’accès effectif au marché d’un État membre, de nature à rendre nécessaire un reconditionnement par remplacement de l’emballage, l’existence, sur ce marché ou sur une partie importante de celui-ci, d’une résistance si forte d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés que l’accès effectif audit marché doit être considéré comme étant entravé (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a., C‑143/00, EU:C:2002:246, point 52).

83 De même, si une proportion significative des consommateurs de l’État membre d’importation est opposée à l’idée d’acquérir un médicament dont l’emballage extérieur comporte des traces visibles d’ouverture causées par le remplacement du dispositif antieffraction existant par un dispositif équivalent, effectué conformément à l’article 47 bis, paragraphe 1, de la directive 2001/83, l’accès effectif de ce médicament au marché de cet État membre doit être considéré comme étant entravé et, partant, son reconditionnement dans un nouvel emballage extérieur doit être regardé comme étant nécessaire aux fins de sa commercialisation dans ledit État membre.

84 Dans les circonstances décrites au point précédent, l’opposition du titulaire de la marque à un tel reconditionnement ne saurait être admise en ce qu’elle contribuerait à un cloisonnement artificiel des marchés entre les États membres.

85 Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 139 de ses conclusions, un importateur parallèle ne saurait se fonder sur une présomption générale de résistance des consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés dont le dispositif antieffraction a été remplacé. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’existence éventuelle d’une telle résistance ainsi que son ampleur doivent être appréciées in concreto, en tenant compte, notamment, des circonstances prévalant dans l’État membre d’importation au moment de la commercialisation du médicament concerné (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Ferring Lægemidler, C‑297/15, EU:C:2016:857, point 20 et jurisprudence citée) ainsi que du fait que les traces d’ouverture sont visibles ou, au contraire, qu’elles ne sont décelables qu’à l’issue d’une vérification approfondie par des grossistes ou des personnes autorisées ou habilitées à délivrer des médicaments au public en exécution de l’obligation de vérification qui leur incombe en vertu des articles 10, 24 et 30 du règlement délégué 2016/161.

86 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque, lorsque les traces visibles d’ouverture de l’emballage extérieur d’origine qui, le cas échéant, résulteraient d’un réétiquetage de ce médicament seraient clairement imputables au reconditionnement ainsi opéré par cet importateur parallèle, à moins que ces traces ne provoquent, sur le marché de l’État membre d’importation ou sur une partie importante de celui-ci, une résistance si forte d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments ainsi reconditionnés qu’elle constituerait une entrave à l’accès effectif à ce marché, ce qui doit être établi au cas par cas.

 Sur la quatrième question

87 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque, lorsque des lignes directrices nationales mettant en œuvre les dispositions de la directive 2001/83 relatives aux dispositifs de sécurité prévoient qu’une réutilisation de l’emballage d’origine n’est pas autorisée ou qu’elle ne l’est qu’à titre exceptionnel et dans des conditions strictes.

88 Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 12 mars 1998, Djabali, C‑314/96, EU:C:1998:104, point 17, et ordonnance du 3 décembre 2020, Fedasil, C‑67/20 à C‑69/20, non publiée, EU:C:2020:1024, point 18).

89 Selon une jurisprudence également constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a., C‑160/20, EU:C:2022:101, point 82 ainsi que jurisprudence citée).

90 La fonction confiée à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle consiste, en effet, à contribuer à l’administration de la justice dans les États membres, et non à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (voir, notamment, arrêts du 12 juin 2003, Schmidberger, C‑112/00, EU:C:2003:333, point 32, et du 15 septembre 2011, Unió de Pagesos de Catalunya, C‑197/10, EU:C:2011:590, point 18).

91 Or, il convient de constater que les circonstances de l’affaire au principal ne correspondent manifestement pas à la situation évoquée par la juridiction de renvoi dans le cadre de sa quatrième question.

92 D’une part, en effet, il a été exposé au point 40 du présent arrêt que, par cette question, la juridiction de renvoi se réfère à des lignes directrices adoptées par les autorités d’États membres autres que la République fédérale d’Allemagne.

93 D’autre part, il ne ressort nullement de la décision de renvoi que les autorités allemandes auraient adopté des lignes directrices selon lesquelles la réutilisation de l’emballage d’origine de médicaments importés parallèlement n’est pas autorisée ou qu’elle ne l’est qu’à titre exceptionnel et dans des conditions strictes.

94 Dans ces conditions, force est de constater que la situation évoquée par la juridiction de renvoi dans le cadre de sa quatrième question est de nature hypothétique.

95 Partant, cette question est irrecevable.

 Sur les dépens

96 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1) L’article 47 bis de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012,

doit être interprété en ce sens que :

sous réserve qu’il soit satisfait à l’ensemble des exigences visées à cet article, le reconditionnement dans un nouvel emballage et le réétiquetage de médicaments importés parallèlement constituent des formes de reconditionnement équivalentes en ce qui concerne l’efficacité des dispositifs de sécurité visés à l’article 54, sous o), de cette directive, telle que modifiée par la directive 2012/26, sans que l’une ne prévale sur l’autre.

2) L’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques,

doivent être interprétés en ce sens que :

le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque lorsqu’il est objectivement possible de procéder au réétiquetage du médicament concerné dans le respect des exigences prévues à l’article 47 bis de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2012/26, et que le médicament ainsi réétiqueté pourrait effectivement accéder au marché de l’État membre d’importation.

3) L’article 10, paragraphe 2, et l’article 15 de la directive 2015/2436

doivent être interprétés en ce sens que :

le titulaire d’une marque est en droit de s’opposer à la commercialisation, par un importateur parallèle, d’un médicament reconditionné dans un nouvel emballage extérieur sur lequel est apposée cette marque, lorsque les traces visibles d’ouverture de l’emballage extérieur d’origine qui, le cas échéant, résulteraient d’un réétiquetage de ce médicament seraient clairement imputables au reconditionnement ainsi opéré par cet importateur parallèle, à moins que ces traces ne provoquent, sur le marché de l’État membre d’importation ou sur une partie importante de celui‑ci, une résistance si forte d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments ainsi reconditionnés qu’elle constituerait une entrave à l’accès effectif à ce marché, ce qui doit être établi au cas par cas.