CA Rouen, ch. civ. et com., 2 juin 2022, n° 21/03047
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mdi Technologies (SAS)
Défendeur :
FHB (Selarl), Parquet Général (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Foucher-Gros
Conseillers :
M. Urbano, M. Manhes
Avocats :
Me Mosquet, Me Dubreil, Me Blandin, Me Percheron
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Par jugement 28 juin 2018, le tribunal de commerce d'Evreux a ordonné la cession de l'activité de la société AMG Technologies au profit de la SAS Fininco ou toute personne morale substituée. La société AMG Technologies exerçait une activité de sous-traitance dans le secteur de l'industrie de pointe et notamment de l'automobile ou de l'aéronautique.
Au jour de la signature de l'acte de cession, la société MDI Process a été substituée à la société Fininco.
La société MDI Process est une SAS constituée le 29 juin 2018 par cinq actionnaires dont la société MDI Technologies. Le président de la société MDI Process désigné par les statuts est la société MDI Technologies. Le capital social est de 100 000 €, divisé en 10 000 actions de 10 € chacune. La répartition des parts sociales en est la suivante :
Fininco Partners 1 600,
Sybe Ingenierie 1600,
MDI Technologies : 1 995,
Monsieur [Y] [W] : 4 805.
L'objet de la société MDI Process est principalement l'achat, la vente, l'étude, la conception et la fabrication de tous matériels mécaniques, hydrauliques, pneumatiques, électriques et électroniques. La réalisation de toutes prestations de service en lien avec ces activités.
Par ailleurs M. [W] est le président de la société MDI Technologies.
Par jugement du 10 juin 2021, le tribunal de commerce d'Evreux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS MDI Process, et nommé M.[U] [N] en qualité de juge commissaire, Me [C] [P] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL FHB représentée par Me Dür administrateur judiciaire.
Par acte du 30 juin 2021, la SELARL FHB a fait assigner la SAS MDI Technologies devant le tribunal de commerce d'Evreux aux fins d'extension de la procédure de redressement judiciaire.
Par jugement du 19 juillet 2021, ce tribunal a converti en liquidation judiciaire la procédure de redressement judiciaire de la société MDI Process.
Par jugement du 19 juillet 2021, le tribunal de commerce d'Évreux a :
-étendu la liquidation judiciaire de la SAS MDI Process à l'encontre de la SAS MDI Technologies RCS Rouen 805 210 556 dont le siège social est [Adresse 6],
-confirmé la désignation de Me [P], [Adresse 4], en qualité de liquidateur,
-confirmé le maintien de la SELARL FHB représentée par Me [B], [Adresse 2], en qualité d'administrateur judiciaire,
-autorisé le maintien de l'activité dans les conditions de l'article L.641-10 du code de commerce jusqu'au 19 août 2021,
-dit que celle-ci sera administrée par la SELARL FHB représentée par Me [B], administrateur judiciaire,
-dit n'y avoir lieu à faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS MDI Technologies,
-déclaré communes les procédures et dit qu'il ne sera fait qu'une seule masse active et passive,
-fixe provisoirement au 10 décembre 2019 la date de cessation des paiements,
-désigné conformément à l'article L.641-1 du code de commerce, Me [S] demeurant [Adresse 1] commissaire-priseur judiciaire, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus a l'article L.622-6 du code de commerce,
-dit que l'inventaire devra être déposé au Greffe dans le délai d'un mois de la présente décision,
-dit qu'en présence d'actif immobilier, l'administrateur judiciaire saisira le tribunal pour voir désigner un notaire aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée de ce type,
-dit que dans les dix jours du prononcé de ce jugement, le chef d'entreprise, assisté de l'administrateur judiciaire, devra réunir le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou à défaut les salariés à l'effet qu'ils élisent un représentant des salariés,
-dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence, devra être déposé immédiatement au Greffe du tribunal par le chef d'entreprise ou l'administrateur judiciaire,
-dit que le débiteur devra remettre sans délai au liquidateur et à l'administrateur, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il les informera des instances en cours auxquelles l'entreprise est partie,
-invité le débiteur, sous peine de sanctions commerciales, à coopérer avec le liquidateur et l'administrateur et à ne pas faire obstacle au bon déroulement de la procédure,
-dit que les avis, les notifications ou les significations de cette décision ainsi que ceux qui interviendront dans le cadre de cette procédure devront s'effectuer à l'adresse suivante du chef d'entreprise :
M. [Y] [W]
[Adresse 7]
[Localité 10]
FRANCE
et qu'en cas de changement d'adresse, le chef d'entreprise devra en informer immédiatement le Greffe et le liquidateur,
-ordonné au Greffier de procéder sans délai à la publicité du présent jugement nonobstant toute voie de recours ainsi que l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La SAS MDI Technologies a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juillet 2021.
Monsieur [A], en qualité de représentant des salariés, a été convoqué pour l'audience du 15 mars 2022 et ne s'est pas présenté.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS :
Vu les conclusions du 17 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SAS MDI Technologies qui demande à la cour de :
-annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Évreux le 19 juillet 2021 (RG n°2021L00732 / 2021J00045) et à défaut le réformer en ce qu'il a :
-étendu la liquidation judiciaire de la SAS MDI Process à l'encontre de la SAS MDI Technologies RCS Rouen 805 210 556 dont le siège social est [Adresse 6],
-confirmé la désignation de Me [P], [Adresse 4], en qualité de liquidateur,
-confirmé le maintien de la SELARL FHB représentée par Me [B], [Adresse 2], en qualité d'administrateur judiciaire.
-autorisé le maintien de l'activité dans les conditions de l'article L.641-10 du code de commerce jusqu'au 19/08/2021,
-dit que celle-ci sera administrée par la SELARL FHB représentée par Me Dur, administrateur judiciaire,
-dit n'y avoir lieu à faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS MDI Technologies,
-déclaré communes les procédures et dit qu'il ne sera fait qu'une seule masse active et passive,
-fixé provisoirement au 10 décembre 2019 la date de cessation des paiements,
-désigné conformément à l'article L.641-1 du code de commerce, Me [S] demeurant [Adresse 1] commissaire-priseur judiciaire, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L.622-6 du code de commerce,
-dit que l'inventaire devra être déposé au Greffe dans le délai d'un mois de la présente décision,
-dit qu'en présence d'actif immobilier, l'administrateur judiciaire saisira le tribunal pour voir désigner un notaire aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée de ce type,
-dit que dans les dix jours du prononcé de ce jugement, le chef d'entreprise, assisté de l'administrateur judiciaire, devra réunir le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou à défaut les salariés à l'effet qu'ils élisent un représentant des salariés,
-dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence, devra être déposé immédiatement au Greffe du tribunal par le chef d'entreprise ou l'administrateur judiciaire,
-dit que le débiteur devra remettre sans délai au liquidateur et à l'administrateur, la liste de ses créanciers. du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il les informera des instances en cours auxquelles l'entreprise est partie,
-invité le débiteur, sous peine de sanctions commerciales, à coopérer avec le liquidateur et l'administrateur et à ne pas faire obstacle au bon déroulement de la procédure,
-ordonné au Greffier de procéder sans délai à la publicité du présent jugement nonobstant toute voie de recours ainsi que l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Et statuant de nouveau,
-annuler l'assignation aux fins d'extension délivrée par la SELARL FHB, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société MDI Process, à la société MDI Technologies le 20 juin 2021,
A titre subsidiaire,
-débouter la SELARL FHB et Me [P], ès-qualités, de leurs demandes principales en confirmation du jugement d'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société MDI Process à la société MDI Technologies,
-débouter la SELARL FHB et Me [P], ès-qualités, de leurs demandes subsidiaires de prononcé de l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société MDI Process à la société MDI Technologies,
En tout état de cause,
-condamner Me [P], ès-qualité de liquidateur de la société MDI Process à payer à la société MDI Technologies la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner Me [P], ès-qualité de liquidateur de la société MDI Process aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel,
-dire et juger que les frais irrépétibles et dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation de la société MDI Process.
Vu les conclusions du 20 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SELARL FHB et Me [P] qui demandent à la cour de :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Évreux le 19 juillet 2021 en toute ses dispositions,
-dire que les frais et dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de la procédure collective commune,
Subsidiairement,
-prononcer l'extension de la liquidation judiciaire de la société MDI Process à la société MDI Technologies,
-dire que les frais et dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de la procédure collective commune.
Vu les conclusions du 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments du Ministère public qui :
-requiert la confirmation de l'intégralité de la décision entreprise par adoption des motifs pertinents du premier juge.
MOTIVATION DE LA DECISION :
Sur l'annulation du jugement :
Exposé des moyens :
La société MDI Technologies soutient que :
*l'acte introductif d'instance est nul pour défaut de respect du délai de 15 jours prévu par l'article 856 du code de procédure civile ;
*le jugement est nul pour défaut de respect du principe du contradictoire. L'assignation ne visait que l'extension de la procédure de redressement judiciaire et il a été prononcé l'extension de la liquidation judiciaire ; le jugement a motivé sa décision au regard des éléments compris dans la plaquette du bilan et du compte de résultat 2019 qui ont été remis à l'audience au tribunal par la SELARL FHB sans avoir été soumis au représentant de la société MDI Technologies. Me [P] a déclaré à l'audience qu'il avait sans succès demandé à l'expert-comptable de lui communiquer les conventions de trésorerie, et cette affirmation n'a pu être vérifiée dès lors que le mandataire judiciaire de MDI Process et les représentants des salariés n'étaient pas parties à l'instance.
La SELARL FHB et Me [P] répondent que :
*la société MDI Technologies ne justifie pas du grief que lui aurait causé un délai inférieur à 15 jours entre la délivrance de l'assignation et la date de l'audience.
*la question de l'extension de la liquidation judiciaire a été débattue à l’audience ; la motivation du jugement ne prend pas appui sur les comptes 2019 et la SELARL FHB ne verse pas cette pièce devant la cour. De plus la société MDI Technologies avait la possibilité de demander que cette pièce soit écartée par le tribunal, ce qu'elle n'a pas fait. Les réponses du dirigeant aux questions de la cour ne sont pas une violation du principe du contradictoire.
Réponse de la cour :
Sur l'acte introductif d’instance :
Il résulte des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile que la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Quelle que soit la gravité de l'irrégularité alléguée, seules affectent la validité d'un acte de procédure, indépendamment du grief qu'elles ont pu causer, les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile.
Il résulte des dispositions de l'article 856 du code de procédure civile que l'assignation doit être délivrée quinze jours au moins avant la date de l'audience.
L'irrégularité résultant de l'absence de respect du délai de quinze jours n'est pas au nombre des vices de fond énumérés limitativement à l'article 117 du code de procédure civile.
L'assignation d'avoir à comparaître à l'audience du 15 juillet 2021 a été délivrée le 30 juin 2021 à la SCI MDI Technologies. Le délai expirant le dernier jour à 24 heures et le 14 juillet étant un jour férié, le délai prévu à l'article 856 du code de procédure civile n'a pas été respecté.
Mais il ressort du jugement du 19 juillet 2021 que la société MDI Technologies était présente, représentée par M. [W], lui-même présent, et qu'ils étaient tous deux assistés d'un conseil. La société MDI Technologies n'a pas, comme elle en avait la possibilité, demandé le renvoi de l'affaire afin de disposer du temps nécessaire pour présenter sa défense La société MDI Technologies et M. [W] ont exposé leurs moyens de défense sur les faits invoqués au soutien de la demande d'extension. Dès lors, la société MDI Technologies ne justifie pas que l'absence de respect du délai prévu à l'article 856 susvisé lui a causé un grief.
Sur le principe du contradictoire :
L'assignation avait été délivrée à la société MDI Technologie aux fins d'extension de la procédure de redressement judiciaire de la société MDI Process. Il ressort du jugement entrepris qu'à l'audience, compte tenu de la conversion en liquidation judiciaire de la SA MDI Process devant intervenir concomitamment à la décision statuant sur la demande d'extension, la SELARL FHB représentée par Me [B] a sollicité l'extension de la liquidation judiciaire de la SAS MDI Process à la société MDI Technologies. Ainsi, la question l'extension de la liquidation judiciaire était entrée dans les débats et c'est sans ignorer le principe du contradictoire et sans méconnaitre l'étendue de sa saisine que le tribunal l'a prononcée.
Dans les motifs de sa décision, après avoir rappelé que M. [W] avait prétendu à l'audience qu'il existait des conventions de trésorerie entre les sociétés MDI Process et MDI Technologies mais que celles-ci étaient entre les mains de l'expert-comptable qui ne les lui avaient pas transmises, malgré ses demande; et que Me [P] avait indiqué avoir fait la même demande à l'expert-comptable mais sans succès, le tribunal a retenu qu'à supposer que ces conventions existent, elles doivent se trouver entre les mains des sociétés concernées. En motivant ainsi sa décision, le tribunal n'a fait que tirer les conséquences de ce qui lui avait été déclaré et n'a pas violé le principe du contradictoire.
Le tribunal retient ensuite que « MDI Technologies n'a pas non plus expliqué les mouvements financiers entre les deux sociétés. La société MDI Technologies a effectué des virements pour soutenir sa filiale mais en contrepartie, elle a facturé en 2019 des managements fees à hauteur de 679 423 €. Ces mouvements financiers sont donc totalement anormaux. Par ailleurs l'expert-comptable a indiqué ne pas avoir de moyen de recoupement quant à la méthode de calcul »;
A supposer que ces éléments ressortent de documents produits à l'audience, le jugement est ensuite motivé comme suit : « A l'audience, les explications fournies par M. [W] ont été confuses aussi bien sur la facturation des management fees dont il a été incapable d'expliquer le mode de calcul (…) que sur les facturations de MDI Process vers MDI Technologies. » Il ressort de la motivation du jugement que les éléments qu'il a pris en compte ont été débattus contradictoirement.
Ainsi le principe du contradictoire a été respecté et la demande d'annulation du jugement dont appel sera rejetée.
Sur l'extension de la procédure de liquidation judiciaire :
Il résulte des dispositions de l'article L621-2 alinéa 2 du code de commerce que la procédure collective ouverte peut être étendue à une ou plusieurs personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Exposé des moyens des parties :
La SELARL FHB et Me [P] soutiennent que :
*la confusion des patrimoines est caractérisée par l'existence de relations financières anormales entre MDI Technologies et MDI Process.
*la société MDI Process n'a jamais eu de clientèle et de fonds de commerce. En 2020, elle n'a eu aucune activité propre puisque tout son chiffre d'affaires figure dans les comptes de sa mère comme une prestation de service. En 2019, seuls 2% du chiffre d'affaires de la société MDI Process ne correspondent pas à des opérations de sous traitance au profit de MDI Technologie.
La société MDI Technologies répond que :
*il n'est pas démontré d'artifices comptables de nature à caractériser l'anormalité des relations financières entre la société mère et sa filiale ;
*l'existence d'une convention de trésorerie n'est utile qu'en présence de flux financiers ascendants et descendants, en l'espèce, il n'y a que des avances de trésorerie de la société mère à sa filiale.
*l'existence d'un client unique n'est pas un critère propre à qualifier la fictivité
*la société MDI Process a passé des commandes en son nom propre dès 2018 et a tenté de maintenir les contrats existants avec les clients d'AMG Technologies. La société MDI Technologies a repris la clientèle de la société MDI Process de façon transitoire car celle-ci ne répondait pas, dans le secteur de l'industrie de pointe aux conditions de référencement des sous-traitants;
Réponse de la cour :
La confusion des patrimoines est caractérisée lorsqu'il existe des relations financières anormales entre la société liquidée et celle vis-à-vis de laquelle il est sollicité une extension, lesquelles n'existeraient pas en présence de structures réellement autonomes.
Les relations financières anormales existent en cas de flux non justifiés d'un patrimoine à l'autre.
La fictivité est établie lorsqu'une société n'est que de façade et n'a que l'apparence d'une personnalité morale qui fait écran à une autre personne physique ou morale, maître de l'affaire, pour ne former avec elle qu'une seule entité.
Sur la confusion des patrimoines :
Il ressort des pièces produites par la société MDI Technologies qu'elle a facturé à la société MDI Process des frais de gestion mensuels de :
-26 400 € pour les mois de juillet à novembre 2018, et de 20 907 € par mois pour le mois de décembre 2018.
-441 600 € au total pour les mois de janvier à août 2019, (soit l'équivalent de 55 200 € par mois)
-230 400 € pour les mois de janvier à décembre 2020, outre un solde de 48 968,04 € (soit l'équivalent de 23 280 € par mois).
Les facturations des années 2018 et 2019 visent une convention de refacturation du 15 juillet 2018, celles de l'année 2020 visent une convention du 1er juillet 2018.
Il est produit aux débats une convention non datée à effet du 1er janvier 2020. Dans un courriel du 28 septembre 2021 adressé au conseil de la société MDI Technologies, M. [M], expert-comptable explique que « la dernière convention produite est bien celle qui figurent (sic) en comptabilité au titre de 2020. ». Il ressort des propos difficilement compréhensible de ce courriel que nonobstant l'erreur de date (juillet 2018 au lieu de janvier 2020), les frais de gestion de l'année 2020 sont justifiés par une convention. Mais aucune convention n'a été produite à l'expert-comptable, devant le tribunal de commerce ou la cour pour les frais de gestion de 2018 et 2019.
Il ressort du grand livre de la société MDI Process du 31 juillet 2018 au 8 février 2021 que, outre les frais rappelés ci-dessus, la société MDI Technologies a facturé à la société MDI Process la somme de 277 337,48 € le 1er décembre 2019 ; 220 800 € le 31 décembre 2019 (au titre des frais de gestion); 48 968,04 € le 30 janvier 2021(au titre des frais de gestion). Il ressort également de ce grand livre l'existence de virements faits à MDI Process par la maison mère et l'existence compensations. Ces opérations multiples ont laissé le 8 février 2021 pour la société MDI Process, une ligne débitrice de 690 595,42 € et une ligne créditrice de 411 558,18 €.
Il est ainsi démontré l'existence de flux financiers réciproques, sans que soit produit aucune convention de sous-traitance.
Il ressort du grand livre des comptes généraux de la société MDI Technologies, que les versements faits à ses filiales étaient de montants et de périodicités anarchiques. Ainsi il peut être relevé trois virements de 2 000 € à 5 000 € à la fin de l'année 2018, puis 7 000 € au début de l'année 2019, 20 000 € en février 2019 ; 13 000 €, 5000 € et 1 000 € en mars 2019…20 000 € et 25 000 € en avril 2019....
Les avances de trésorerie alléguées par la société MDI Technologie et la convention de 2020 ne sont pas suffisants pour justifier de l'existence de ces flux pendant près de trois années, aux dépens de la société MDI Process. Ces flux réciproques et majoritairement sans justification caractérisent l'anormalité des relations financières entre la société mère et sa filiale.
Par ailleurs :
-la société MDI Technologies verse aux débats la facture du 31 décembre 2019 dans laquelle la société MDI Technologies a refacturé à la société MDI Process les matières premières avec lesquelles celle-ci travaillait.
-il est constant que la société MDI Technologie a repris, via un crédit-bail auprès de la société Franfinance le paiement d'une machine acquise par la société MDI Process. Le montant mensuel des échéances était de 2 374 €.
Il ressort du compte détaillé de résultat de l'exercice 2020 de la société MDI Process, que ce crédit-bail lui a été refacturé par la société MDI Technologies à hauteur de 28 488 € pour l'exercice 2020. Il ressort de l'échéancier émis par la société Franfinance qu'en 2020 la société MDI Technologies n'a versé que six échéances (janvier à mai, puis décembre), soit 14 244 € et six fois 340,73 € pour les mois de juin à novembre, soit 2 044 €. Ainsi, le total acquitté à la société Franfinance en 2020 est de 16 288,38 €. La société MDI Technologies ne donne aucune explication sur la différence entre la somme qu'elle a versée au crédit bailleur et celle qu'elle a facturée à sa filiale.
Cet élément et la facture de matières premières corroborent l'existence de relations financières anormales et en outre, l'absence d'autonomie de la société MDI Process qui n'acquérait pas directement ses matières premières.
Sur la fictivité de la société MDI Process :
La société MDI Technologies ne conteste pas que pour les exercices 2019 et 2020, les chiffres d'affaires de la société MDI Process sont respectivement de :
-3 839 244,56 €, chiffre composé de prestations de services pour la seule société MDI Technologie à hauteur de 3 760 486,42 € ;
-873 344,65 €, chiffre composé exclusivement de prestations de services pour la société MDI Technologies.
Pour justifier du caractère transitoire de la reprise de clientèle, le temps de terminer trois exercices lui permettant de reprendre une prospection commerciale en son nom propre, la société MDI Technologies produit :
-un courriel du groupe Renault du 15 avril 2019 qui explique que « quand un fournisseur est remplacé par un autre, il n'y a pas de possibilité de passer le contrat d'un fournisseur à un autre : il faut annuler le contrat du fournisseur ancien et créer un autre fournisseur ».
- l'offre de reprise de la société MDI Process qui prévoit que « le chiffre d'affaires sera réalisé, dans un premier temps, exclusivement en sous-traitance des sociétés SEPODE et MARTIN CHANU »
Mais, s'il ressort du courriel du groupe Renault que la société MDI Process ne pouvait pas reprendre directement les contrats de AMG Technologies, il n'en ressort nullement l'impossibilité de développer une clientèle propre avant trois années d'exercice.
En ce qui concerne l'offre de cession, les repreneurs exposent, avant de dire que le chiffre d'affaires sera réalisé exclusivement en sous-traitance, que « Le candidat a pris acte que la société MDI Process ne disposait plus d'une clientèle propre et que rien ne permet de garantir un volume de chiffre d'affaires à la reprise. Les clients des entreprises MDI Process et MDI Technologies se sont d'ores et déjà tournées vers d'autres solutions pour sécuriser leurs approvisionnements. » Cette offre ne justifie pas son choix par la nécessité de terminer trois années d'exercice.
Par ailleurs, la société MDI Technologies ne justifie pas d'une convention avec la société MDI Process de nature à démontrer l'existence d'une reprise temporaire. Il ressort enfin du jugement du 19 juillet 2021 prononçant la liquidation judiciaire de la société MDI Process que les locaux dans lesquels elle exerçait son activité n'étaient plus assurés depuis le mois de janvier 2021 et la société MDI Technologies ne justifie pas de dispositions prises pour la restitution de clientèle en vue de la cession du fonds de commerce de la société MDI Process en liquidation.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que, sans qu'il soit justifié d'une situation temporaire, la société MDI Process a été dès l'exercice 2019, dépossédée de sa clientèle par la société mère, la société MDI Technologie.
L'utilisation par la société mère de sa filiale comme sous-traitant, sans autre clientèle n'est pas suffisante pour caractériser la fictivité. Mais elle n'a fait que renforcer la perte totale d'autonomie de la filiale à l'égard de la société mère, la confusion des patrimoines ayant été mise en place dès 2018 ainsi qu'il a été démontré plus hauts.
Les conditions prévues à l'article L621-2 alinéa 2 du code de commerce étant réunies, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Déboute la société MDI Technologies de ses demandes tendant à l'annulation du jugement et de l'acte introductif d'instance ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Dis que les dépens en cause d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective commune.