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Décisions

Cass. com., 5 juin 2019, n° 17-18.967

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP L. Poulet-Odent, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Toulouse, du 8 mars 2017

8 mars 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 mars 2017) et les productions, que MM. W..., C..., I... et B... (les fondateurs) ont créé la société par actions simplifiée Nutritis ; que le 29 juillet 2010, ils ont conclu avec le groupement Union coopérative agricole Grap'sud (le groupement Grap'sud) et la société Inosud un pacte d'actionnaires par lequel ils ont défini notamment les conditions de prise de participation des parties dans le capital de la société Nutritis ; que par délibération du même jour, la société Nutritis a été transformée en société anonyme à directoire et conseil de surveillance, MM. I... et W... étant nommés directeurs ; que par délibération du 21 décembre 2012, le conseil de surveillance de la société Nutritis a révoqué MM. I... et W... et les a remplacés par M. N..., M. K... Y... et M. T..., respectivement directeur général, directeur industriel et commercial et directeur général adjoint du groupement Grap'sud ; que ce dernier, M. D... Y... et M. J..., membres du conseil de surveillance, ont voté en faveur de cette décision, les deux autres membres s'étant abstenus ; que les fondateurs les ont assignés, ainsi que les sociétés Nutritis et Inosud, M. K... Y... et MM. N... et T..., en nullité de cette délibération et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que MM. B..., C... et I... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la délibération du conseil de surveillance de la société Nutritis intervenue le 21 décembre 2012 alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; qu'en considérant que les statuts adoptés le 9 décembre 2010 constituaient un « amendement aux dispositions du pacte d'actionnaires et aux statuts initiaux », quand l'objet du débat entre les parties portait exclusivement sur la question de savoir si les termes du pacte d'actionnaires étaient contradictoires avec les statuts de la société, la cour d'appel a introduit dans les débats une question que les parties ne lui avaient pas soumise, et ce faisant, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en affirmant que les statuts mis à jour le 9 décembre 2010 avaient amendé les statuts en date du 29 juillet 2010, supposément sur la majorité requise pour révoquer les membres du directoire, sans avoir pu procéder à une comparaison entre les deux versions des statuts, les statuts initiaux n'ayant pas été versés aux débats, pour décider que la décision de révocation litigieuse respectait les dispositions statutaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 255-61 du code de commerce ;

3°/ que les règles spéciales priment sur les règles générales ; qu'en se fondant sur les dispositions des statuts mis à jour le 9 décembre 2010 et en considérant que ceux-ci avaient amendé le pacte d'actionnaires, pour rejeter la demande de prononcé de la nullité de la décision de révocation litigieuse, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas une articulation et un ordre tels entre les stipulations invoquées des statuts et du pacte d'actionnaires que ceux-ci s'ordonnaient comme des stipulations générales à des stipulations spéciales, et ne pas avoir davantage établi qu'il existait une contradiction entre elles justifiant, par motifs adoptés, l'application du principe selon lequel les clauses statutaires priment celles du pacte d'actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 225-61 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que selon l'article L. 225-61 du code de commerce, les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par le conseil de surveillance, si les statuts le prévoient ; qu'ayant relevé que l'article 27 du pacte d'actionnaires précisait que dans le cadre de la gestion et de l'administration de la société, les parties convenaient d'appliquer les lois en vigueur, les stipulations du pacte, les stipulations des statuts de la société ainsi que les amendements des statuts pouvant être adoptés dans la conduite normale des affaires, l'arrêt constate que selon l'article 17 des statuts, dans leur version mise à jour le 9 décembre 2010, applicable au jour de la délibération litigieuse, les membres et le président du directoire étaient nommés et révoqués par le conseil de surveillance et selon l'article 25 de ces statuts, les décisions du conseil de surveillance étaient prises à la majorité des voix des membres présents ou représentés ; qu'il en déduit que la décision de révocation de MM. I... et W... prise le 21 décembre 2012 respectait les stipulations statutaires adoptées le 9 décembre 2010, qui constituaient un amendement aux dispositions du pacte d'actionnaires et aux statuts initiaux au sens de l'article 27 du pacte d'actionnaires ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, et qui a recherché comment s'articulaient le pacte d'actionnaire et les statuts de la société Nutritis, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que MM. B..., C... et I... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. I... au titre de la perte de chance, de la perte de revenus et de sa réintégration alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera nécessairement, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris ayant rejeté les demandes indemnitaires de M. I... en raison de l'absence de violation du pacte d'actionnaires en application de l'article 625 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend le moyen sans portée ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que MM. B..., C... et I... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de MM. B... et C... au titre de la perte de revenus alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que « aucune violation du pacte d'actionnaires n'étant établie à l'encontre du groupement GRAP'SUD », sans avoir procédé à aucun examen ni de la demande spécifiquement présentée par MM. B... et C... au titre de la perte de revenus ni des stipulations du pacte d'actionnaires visées par ces derniers, relatives au choix conventionnellement fixé des membres du directoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1142 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les stipulations des statuts devaient prévaloir sur celles du pacte d'actionnaires, et rappelé les termes de l'article 17 de ces statuts, relatif à la composition du directoire, l'arrêt en déduit qu'aucune violation du pacte sur ce point n'a été commise ; qu'en cet état, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche invoquée, que ses constatations et appréciations rendaient inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.