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Décisions

CA Nîmes, ch. com., 9 novembre 2022, n° 20/01663

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

S.C.I. GICADE

Défendeur :

S.A.R.L. AUTO CHRONO

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Christine CODOL

Conseillers :

Madame Claire OUGIER, Madame Agnès VAREILLES

Avignon, du 30 Juin 2020

30 juin 2020

Vu l'appel interjeté le 10 juillet 2020 par la SCI Gicade à l'encontre du jugement prononcé le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon, dans l'instance n°20/01104,

Vu le jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Auto Chrono,

Vu l'ordonnance du 31 mars 2022 du conseiller de la mise en état qui a notamment constaté l'interruption de l'instance et celle de l'action en paiement de sommes, qui est dirigée contre la SARL Auto Chrono,

Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 18 mai 2022 à l'encontre de la SELARL [I] [X], prise en la personne de Me [X] [I], mandataire judiciaire de la SARL Auto Chrono,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 29 septembre 2022 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 29 septembre 2022 par la SARL Auto Chrono, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 28 septembre 2022 par la SELARL [I] [X], prise en la personne de Me [X] [I], mandataire judiciaire de la SARL Auto Chrono,

Vu les conclusions en date du 23 septembre 2022 du ministère public auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,

Vu l'ordonnance en date du 2 juin 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 29 septembre 2022,

La SARL Auto Chrono (le preneur) est venue le 4 octobre 2012 aux droits d'une autre société commerciale qui était titulaire d'un bail à usage commercial consenti, suivant acte sous signature privée du 1er juillet 2002, par la SCI Gicade (le bailleuràet qui portait sur des locaux situés [Adresse 2] (84).

Le preneur ayant été défaillant dans le règlement des loyers, le bailleur a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon d'une demande en paiement et résiliation de bail.

Par ordonnance du 22 juin 2018, le président du tribunal judiciaire d'Avignon a notamment condamné le preneur à payer la somme provisionnelle de 9 237,60 euros au titre des loyers impayés, constaté la résolution du bail au 1er juillet 2012, ordonné l'expulsion du preneur, condamné le preneur à payer au bailleur une indemnité d'occupation mensuelle de 3 075,40 euros ainsi qu'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le 24 septembre 2018, les parties ont signé un protocole d'accord aux termes duquel la créance du bailleur a été arrêtée à la somme de 12 813 euros au titre des loyers et charges impayés et frais irrépétibles engagés, selon décompte du 9 avril 2018 arrêté au 31 mars 2018, et le preneur s'est engagé à la régler, par échéances mensuelles de 1 067,75 euros, à compter du mois d'octobre 2018 jusqu'au mois de septembre 2019 inclus. Il était précisé qu'à défaut de paiement, le bailleur se réservait la possibilité de 'mettre en oeuvre la décision de l'ordonnance du 22 juin 2018".

Le preneur n'ayant pas respecté ses engagements, le bailleur a fait procéder le 4 mars 2020 à son expulsion, après lui avoir fait délivrer un commandement de quitter les lieux le 12 novembre 2019.

Le 1er avril 2020, le bailleur a conclu un bail commercial avec une société exerçant une activité économique similaire à celle du preneur expulsé.

Par acte d'huissier du 23 avril 2020, le preneur a fait assigner le bailleur à jour fixe devant le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins de suspendre les effets de la clause résolutoire enserrée au bail.

Par jugement réputé contradictoire du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Avignon a :

-Dit que le montant de la dette de loyer au 6 mars 2020 est de 6 704,75 euros

-Suspendu les effets de la clause résolutoire du bail en date du 1er juillet 2020

-Dit que le preneur devra s'acquitter de manière rétroactive de la dette de loyer au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la décision

-Dit qu'à l'expiration du délai ci-dessus accordé et en cas de non-respect des conditions fixées par la présente décision, la clause résolutoire retrouvera son plein effet

-Débouté le preneur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-Condamné le preneur aux dépens de l'instance

-Constaté l'exécution provisoire du jugement.

Le preneur a fait signifier cette décision de justice le 8 juillet 2020 au bailleur et a réintégré le local commercial dont il avait été expulsé.

Le 10 juillet 2020, la SCI GICADE a interjeté appel du jugement du 30 juin 2020 aux fins de le voir réformer en ce qu'il a dit que le montant de la dette de loyer de la SARL AUTO CHRONO au 6 mars 2020 était de 6 704,75 euros, suspendu les effets de la clause résolutoire du bail en date du 1er juillet 2020, dit que la SARL AUTO CHRONO devrait s'acquitter de manière rétroactive de la dette de loyer au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, dit qu'à l'expiration du délai ci-dessus accordé et en cas de non-respect des conditions fixées par la présente décision, la clause résolutoire retrouverait son plein effet et constaté l'exécution provisoire du jugement.

Par ordonnance du 2 juin 2022, la clôture a été prononcée avec effet au 29 septembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la SCI GICADE, appelante, demande à la cour, au visa des dispositions des articles 488 du code de procédure civile, L.145-41, L622-13, L622-17 et L624-2 du code de commerce, L1343-5 du code civil, de :

A titre liminaire :

-Déclarer les conclusions du mandataire judiciaire en date du 28 septembre 2022 irrecevables,

Sur le fond :

-Déclarer l'appel recevable et bien fondé,

-Réformer le jugement rendu le 30 juin 2020 par le Tribunal judiciaire d'Avignon en toutes ses dispositions.

-Déclarer l'appelante recevable et bien fondée en sa demande d'intervention forcée du mandataire judiciaire de l'intimée,

-voir Intervenir le mandataire judiciaire de la société intimée, dans la procédure pendante devant la cour de céans

En conséquence, statuant à nouveau :

-Déclarer que la dette locative de l'intimée s'élevait à la somme de 10 447,10 euros au 6 mars 2020

-Constater que cette dette n'a jamais été apurée

-Constater que l'intimée ne respecte pas son obligation de payer ses loyers courants à échéance depuis la reprise des lieux

-Déclarer que la dette locative s'élève à 35 942,52 euros en principal au 22 septembre 2022

-Fixer la créance du bailleur à la procédure collective du preneur à la somme de 35 942,52 euros en principal, majorée des intérêts légaux, somme à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir

-Constater l'indélicatesse, la mauvaise foi et l'impécuniosité du preneur

-Déclarer n'y avoir lieu à une suspension des effets de la clause résolutoire insérée au contrat de bail au bénéfice du preneur,

-Déclarer n'y avoir lieu à l'octroi de délais supplémentaires de paiement au bénéfice du preneur,

-Débouter le preneur et son mandataire judiciaire de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

-Fixer la créance du bailleur à la procédure collective du preneur à la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-Condamner le bailleur aux entiers dépens.

-Fixer la créance du bailleur à la procédure collective du preneur à la somme de 1 513,23 euros au titre des dépens en ceux compris les frais d'huissier pour les commandements de payer.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir :

-que le mandataire judiciaire de la société débitrice n'a pas déposé de conclusions dans le délai de trois mois qui lui était imparti à compter de l'assignation qui lui a été remise le 18 mai 2022,

-que le dette globale arrêtée au jour de l'expulsion était de 10 447,10 euros, hors intérêts légaux de retard, et non de 6 704,75 euros, comme arrêté par le jugement du 30 juin 2020

-que le bailleur a rapidement déduit les deux virements consécutifs de 3 075 euros, intervenus en février et mars 2020

-que la somme prétendument consignée par le preneur sur son compte bancaire pour désintéresser le bailleur n'a jamais été versée à ce dernier

-qu'il s'agissait d'une stratégie destinée à créer une apparence de bonne foi

-que pour les besoins de l'audience qui s'est tenue le 10 septembre 2020 devant le premier président de la cour d'appel de Nîmes, suite à la demande de suspension de l'exécution provisoire formée par le bailleur, un virement de 6 704,75 euros a été effectué le 1er septembre 2020 par le preneur

-que l'introduction d'une procédure par assignation du 23 avril 2020 n'a été qu'un moyen de réinvestir les lieux à moindre coût

-que le dette globale arrêtée au jour de l'expulsion était de 10 447,10 euros, hors intérêts légaux de retard, et non de 6 704,75 euros

-que le loyer n'a jamais repris de manière régulière que la dette s'est considérablement accrue, suite à la réintégration des locaux par le preneur en juillet 2020

-que des commandements de payer lui ont été délivrés les 24 novembre 2020, 8 janvier 2021 et 22 décembre 2021

-qu'au 25 mars 2022, la dette locative s'élevait à 35 344,08 euros

-que c'est à tort, par erreur, que le tribunal judiciaire a considéré que le preneur était de bonne foi

-qu'il a été démontré que le preneur était dans l'incapacité de respecter ses obligations contractuelles

-que le preneur a décidé de faire exécuter le jugement et a repris possession des lieux en cassant les serrures, sachant pertinemment qu'il n'allait pas reprendre le paiement des loyers

-que ce n'est que lorsque le preneur a su que son concurrent reprenait son ancien local qu'il a imaginé cette stratégie procédurale

-que son intention malveillante est patente

-que l'action relative à l'appel du jugement du 30 juin 2020 du tribunal judiciaire d'Avignon est bien une instance en cours au fond pouvant donner lieu à la fixation d'une créance

-que l'administrateur a choisir de maintenir le contrat de bail alors qu'il lui appartenait d'y mettre fin s'il lui apparaissait qu'il ne disposerait pas des fonds nécessaires pour remplir ses obligations envers le bailleur

-que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pendant cette période, sont payées à leur échéance

-que lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la société intimée demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1343-5 du code civilL.621-21 du code de commerce, de :

-Confirmer le jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon en toutes ses dispositions,

-Débouter le bailleur de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-Condamner le bailleur à verser au preneur une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société intimée réplique :

-qu'au début du mois de mars 2020, le bailleur sollicitait le règlement de la somme de 16 442,75 euros

-que cette somme ne correspondait pas au montant dû par le preneur de sorte qu'anticipant une difficulté plus que probable avec son bailleur, il a décidé de procéder à la consignation des loyers, dans l'attente de la clarification du décompte

-qu'après vérification, le bailleur a pris conscience de son erreur dans le calcul des sommes restant dues au titre des loyers

-que le bailleur n'avait pas comptabilisé les règlements effectués, surévaluant la dette locative

-que le preneur n'a jamais été de mauvaise foi

-que le preneur a informé le bailleur, par le canal de son conseil, le 16 mars 2020, qu'une action était sur le point d'être engagée pour suspendre les effets de la clause résolutoire et obtenir des délais de paiement

-que le bailleur s'est empressé de signer un nouveau bail le 1er avril 2020 avec une société tierce

-que le preneur exploite actuellement son fonds de commerce dans les locaux litigieux, tout en versant les loyers dus

-que la cour ne saurait fixer une créance supérieure à celle déclarée entre les mains du mandataire judiciaire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, le mandataire judiciaire de la société intimée demande à la cour, au visa des dispositions des articles L.145-41, L.622-21 et L.622-13 III 1° du code de commerce, de :

-la Recevoir ès qualité en ses demandes et les dire bien fondées,

-Déclarer l'appelante irrecevable en ses demandes,

Subsidiairement,

-Débouter l'appelante de ses demandes aux fins de résiliation du bail commercial consenti au preneur,

-Débouter l'appelante de sa demande de fixation au passif d'une quelconque créance, -Condamner l'appelante à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'instance.

L'intervenante forcée à l'instance d'appel soutient :

-que le contrat de bail commercial consenti à l'intimée est un contrat en cours poursuivi en période d'observation

-que le bailleur n'a pas usé de la faculté qui lui était offerte au cours de la période d'observation par les dispositions de l'article L. 622-13 III 1° du code de commerce

-qu'il s'est borné à faire délivrer un commandement de payer, le 22 décembre 2021, en violation des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce

-qu'il a déclaré sa créance, par courrier du 11 mai 2021, pour un montant provisionnel de 14 408,72 euros en principal, mentionnant la présente instance comme une instance en cours

-qu'il est acquis qu'une instance en référé n'est pas une instance en cours

-que sur l'appel d'une ordonnance de référé, la cour d'appel doit infirmer, le cas échéant, l'ordonnance qui condamne le débiteur, placé depuis en procédure collective, et dire n'y avoir lieu à référé

-qu'en tout état de cause, la présente instance ne peut tendre qu'à la fixation de la créance du demandeur, dans la stricte limite du montant déclaré

-qu'à défaut d'être déclarée irrecevable, la demande de fixation du bailleur ne saurait donc être accueillie pour un montant supérieur à celui de 14 408,72 euros, déclaré au passif.

Par conclusions en date du 23 septembre 2022, le ministère public s'en est rapporté à l'appréciation de la cour.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité des conclusions de la SELARL [I] [X]

Aux termes de l'article 910, alinéa 2, du code de procédure civile, l'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d'intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour remettre ses conclusions au greffe.

L'article 911-1, alinéa 2, du même code dispose que :

'La caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties. L'ordonnance qui prononce la caducité ne peut être rapportée.'

L'article 914 prévoit que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à... déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910...

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.

En l'espèce, l'appelante n'a pas saisi le conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, d'une demande tendant à déclarer irrecevables les conclusions de l'intervenante forcée à l'instance d'appel. Elle est, par conséquent, irrecevable à invoquer ce moyen devant la cour d'appel.

2) Sur la créance du bailleur

L'article 1353 du code civil dispose que:

'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

Un échéancier a été mis en place, après la signature du protocole d'accord en vue du règlement des loyers et charges impayés et frais irrépétibles d'un montant de 12 813 euros, arrêté au 31 mars 2018.

Il résulte du tableau de suivi 'étalement de la dette', versé au débat par le bailleur que les échéances d'un montant de 1 067,75 euros des mois de mars et de septembre 2019 n'ont pas été réglées; qu'un versement hors échéance de 1 067,75 euros a été effectué le 17 juin 2019 si bien qu'il reste du une seule échéance de 1 067,75 euros par le preneur.

L'extrait du compte du bailleur dans les livres du preneur confirme que les échéances des mois de mars et de septembre 2019 sont restées impayées tandis que le preneur a régularisé une échéance en juin 2019.

Le preneur était donc incontestablement redevable de la somme de 1 067,75 euros sur la dette antérieure de loyers de 12 813 euros, arrêté au 31 mars 2018, lors de la signature du protocole d'accord.

Le tableau de suivi 'loyers courants', versé au débat par le bailleur, fait état de loyers impayés en avril, juillet, septembre, novembre 2019 et janvier 2019 d'un montant total de 12 301,60 euros. Deux versements supplémentaires hors échéance de 3 075 euros chacun ont été effectués en octobre et décembre 2019 par le preneur ainsi qu'un versement de 3 075 euros le 2 mars 2020.

Le preneur ne justifie pas avoir effectué d'autres règlements que ceux déjà imputés par le bailleur.

Par ailleurs, le bailleur est en droit de réclamer au preneur la somme de 297,62 euros correspondant au loyer des trois premiers jours du mois de mars 2020, avant son expulsion des lieux en date du 4 mars 2020.

Dès lors, à la date du 6 mars 2020, le preneur était bien débiteur de la somme de 6 454,02 euros au titre des loyers courants et de la somme de 1 067,75 euros au titre de l'exécution du protocole d'accord, soit de la somme totale de 7 521,77 euros.

Le jugement sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a dit que le montant de la dette de loyer au 6 mars 2020 était de 6 704,75 euros.

L'indemnité de 500 euros qui a été allouée au bailleur, par l'ordonnance de référé du 22 juin 2018 a déjà été incluse dans la créance de 12 813 euros, arrêtée dans le protocole d'accord du 24 septembre 2018. Cette indemnité ne saurait donc être rajoutée au montant des sommes dues par le preneur.

En revanche, le protocole d'accord du 24 septembre 2018 n'ayant pas été respecté par le preneur, le bailleur est droit de solliciter l'exécution de l'ordonnance de référé du 22 juin 2018 qui mettait les dépens à la charge du preneur.

Le bailleur ne justifie pas des modalités de calcul de sa prétendue créance de 2 425,33 euros au titre des dépens. Le procès-verbal de saisie vente mentionne un montant global de 1 006,53 euros qui correspond aux frais détaillés apparaissant dans le décompte arrêté au 5 février 2020 par le bailleur. Doivent y être ajoutés les frais de procès-verbal de saisie vente de 116,99 euros et de signification de 26,89 euros.

La dette du preneur s'élevait donc à la somme totale de 8 672,18 euros au 6 mars 2020, frais d'expulsion non inclus.

Le bailleur a interjeté appel d'un jugement rendu au fond le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon et non d'une ordonnance de référé. Il s'en suit que la présente instance est bien une instance en cours, au sens de l'article L. 624-2 du code de commerce. D'ailleurs, le juge commissaire désigné dans la procédure de redressement judiciaire du preneur a, par ordonnance du 25 mars 2022, constaté l'existence d'une instance en cours.

Dans son courrier daté du 11 mai 2021, le bailleur a déclaré sa créance 'Provisionnelle' pour un montant de 14 408,72 euros en principal au 8 janvier 2021, à parfaire au jour de l'expulsion définitive du preneur, majorée des intérêts légaux et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens engagés dans le cadre de la procédure judiciaire en cours.

Au vu du tableau de suivi actualisé au 6 janvier 2021, il apparaît que les loyers courants étaient dus pour un montant de 13 340,97 euros au 6 janvier 2021 et qu'il restait toujours une échéance impayée de 1 067,75 euros au titre de l'exécution du protocole d'accord.

Le preneur ne justifie avoir effectué d'autre versement que ceux déjà comptabilisés par le bailleur dans ce tableau. La dette locative s'élevait donc bien à 14 408,72 euros en principal au 8 janvier 2021.

Seuls les créanciers institutionnels mentionnés à l'article L. 622-24 du code de commerce sont en droit de procéder à des déclarations de créance à caractère provisionnel.

Les autres loyers échus et impayés à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 21 avril 2021 n'ont pas été déclarés par le bailleur qui a cru, à tort, qu'il aurait la possibilité de parfaire ultérieurement sa déclaration. En application des articles L. 622-24 et L. 622-25 du code de commerce, il y a lieu de fixer la créance du bailleur à la somme de 14 408,72 euros en principal au 8 janvier 2021, majorée des intérêts légaux.

Les loyers échus postérieurement au 21 avril 2021 sont des créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période. L'article L.622-17- I du code de commerce prévoit qu'elles sont payées à leur échéance.

L'article L. 622-21 exclut ces créances postérieures visées par l'article L.622-17- I de la règle de la suspension des poursuites. Elles n'ont pas à être déclarés par le bailleur et l'action en paiement ne fait pas l'objet d'une interruption du fait de l'ouverture de la procédure collective, puis d'une reprise d'instance tendant à leur constatation et fixation de leur montant.

La cour ne peut, par conséquent, que débouter le bailleur de sa demande de fixation de créance au passif du redressement judiciaire du preneur, au titre des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, alors que ces loyers auraient du faire l'objet d'une demande de condamnation à paiement.

Il n'y a pas lieu de répondre à la demande tendant à voir 'déclarer' que la dette locative s'élève à 35 942,52 euros en principal au 22 septembre 2022 dans la mesure où il ne s'agit pas d'une prétention, au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

3) Sur la suspension des effets de la clause résolutoire

Le preneur n'a pas respecté le protocole d'accord du 24 septembre 2018 dont une échéance de 1 067,75 euros est restée impayée.

Il a contesté le montant des loyers réclamés par le bailleur, tels qu'ils résultent du décompte du 5 février 2020, alors qu'il ne pouvait ignorer que ce dernier avait exposé des frais de procédure, au cours de l'instance de référé, et pour parvenir à l'exécution de la décision du 22 juin 2018 ordonnant l'expulsion.

L'absence d'imputation par le bailleur des deux derniers règlements reçus de 3 075 euros chacun, ne dispensait pas le preneur de régler à tout le moins la somme qu'il reconnaissait devoir qui s'élevait, selon l'attestation de son propre expert-comptable, à 9 779,75 euros au 9 mars 2020. Or, le preneur avait la capacité de s'acquitter de la quasi-totalité de sa dette puisqu'il détenait à la date du 10 mars 2020 la somme de 8 960 euros, sur un compte bancaire ouvert auprès du Crédit Agricole.

Il a réintégré le local commercial en juillet 2020, sans avoir de trésorerie pour faire face au paiement des prochains loyers à échoir.

La mauvaise foi de l'intimée et l'absence de prise en compte des besoins du créancier étant avérées, le jugement déféré sera infirmé en qu'il a fait droit à la demande de suspension de la clause résolutoire et d'octroi de délai de paiement.

4 ) Sur les frais du procès

L'appelante ayant obtenu partiellement gain de cause, l'intimée supportera les dépens exposés par celle-ci en cause d'appel, lesquels ne sauraient inclure le coût des commandements de payer visant la clause résolutoire des 18 janvier 2021 et 22 décembre 2022, délivrés pour des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective. La créance du bailleur sera, par conséquent, fixée à la somme de 1 103,32 euros au titre des dépens.

Il convient également de laisser à la charge de l'intimée et de l'intervenante forcée les dépens qu'elles ont exposés au cours de l'instance d'appel.

L'équité ne commande toutefois pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, eu égard à la situation économique désormais difficile de l'intimée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare la SCI Gicade irrecevable en sa demande tendant à déclarer irrecevables les conclusions de la SELARL [I] [X], prise en la personne de Me [X] [I], mandataire judiciaire de la SARL Auto Chrono

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la dette locative du preneur s'élevait à la somme totale de 8 672,18 euros au 6 mars 2020, frais d'expulsion non inclus

Fixe la créance de la SCI Gicade au passif du redressement judiciaire de la SARL Auto Chrono à la somme de 14 408,72 euros en principal, majorée des intérêts légaux, au titre des loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective

Déboute la SCI Gicade de sa demande de fixation de créance pour le surplus des loyers échus et impayés

Déboute la SARL Auto Chrono de sa demande de délai de paiement et de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire

Y ajoutant,

Fixe la créance de la SCI Gicade au passif du redressement judiciaire de la SARL Auto Chrono à la somme de 1 103,32 euros au titre des dépens

Laisse à la charge de la SARL Auto Chrono et de la SELARL [I] [X], prise en la personne de Me [X] [I], mandataire judiciaire de la SARL Auto Chrono, les dépens qu'elles ont exposés au cours de l'instance d'appel

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile