Livv
Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 9 décembre 2021, n° 16/08635

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Société Civile Sud (Sté), Immobilier du Grand Sud (SAS), Start Go Group (Sté), Falandry (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raynaud

Conseillers :

M. Durand, Mme Simon

Avocats :

Me Annovazzi, Me Helies, Me d'Acunto, Me Lasry

TGI Beziers, du 17 oct. 2016, n° 15/0141…

17 octobre 2016

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'une promesse synallagmatique de vente du 31 janvier 2014 rédigée par Me Jean Louis Falandry, notaire, Mme E X s'est engagée à acquérir un appartement formant le lot n°1 d'une copropriété située ... (34) auprès de la SCI Sud, gérée par M. Z B, au prix de 100 000 euros.

Cette promesse comportait une condition suspensive d'obtention de prêt et mentionnait que le bien faisait l'objet d'une saisie immobilière.

La société Start Go Group est intervenue comme agent immobilier en présentant ce bien immobilier à Mme Y

Dans le même temps, Mme X engageait des démarches auprès de la SAS IGS, également gérée par M. Z B, pour faire réaliser des travaux dans l'immeuble.

Après déclaration de surenchère formée le 29 novembre 2013, l'immeuble saisi était à nouveau vendu le 1er juillet 2014 à M. A D au prix de 133 100 euros.

Par actes d'huissier délivrés les 17 et 27 avril 2016, Mme X faisait assigner M. Z B, la SCI Sud, la société Start Go Group, la SAS IGS et Me Falandry devant le tribunal de grande instance de Béziers aux fins de voir prononcer l'annulation de la promesse de vente du 31 janvier 2014 et du contrat de travaux conclu avec M. Z B, et voir condamner solidairement les défendeurs à lui verser la somme de 18 000 euros correspondant au coût des travaux, ainsi que 10 000 euros en réparation de préjudice matériel et moral et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 17 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Béziers a débouté Mme X de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme X a interjeté appel du jugement le 9 décembre 2016.

Vu les dernières conclusions de Mme X remises au greffe le 25 juin 2018 ;

Vu les dernières conclusions de Me Falandry remises au greffe le 5 avril 2017 ;

Vu les dernières conclusions de M. Z B, de la SCI Sud, de la SAS IGS et de la société Start Go Group remises au greffe le 5 mai 2017 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande d'annulation de la promesse de vente,

Mme X sollicite le prononcé de l'annulation de la promesse synallagmatique de vente en faisant valoir que ce compromis porterait sur un objet dont les caractéristiques et la situation juridique étaient faussement définis.

Le fondement de l'action en nullité exercée par Mme X est donc un vice du consentement, et plus précisément l'erreur sur les qualités essentielles de la chose vendue.

En l'espèce, la promesse de vente du 31 janvier 2014 rappelle (page 7) que l'immeuble vendu a fait l'objet d'une saisie immobilière toujours en cours.

L'acte stipule en effet la clause suivante :

« Le vendeur déclare que la Banque Courtois, principal créancier inscrit et ayant intenté la procédure de saisie à l'encontre du vendeur, lui a indiqué verbalement autoriser la vente amiable du bien objet des présentes à condition de produire un engagement d'achat au plus tard le 5 mars 2014 et suspendre dans ce cas la procédure de saisie immobilière.

Le vendeur devra d'ici la date du 5 mars 2014 fournir à Maître Falandry, notaire associé à Ginestas (Aude), rédacteur des présentes, l'autorisation écrite de ladite banque concernant l'arrêt de la procédure de saisir et l'autorisation des ventes amiables. »

Contrairement à ce que soutient Mme X dans ses écritures, la mention de la saisie immobilière en cours figure donc de façon explicite dans la promesse de vente.

Me Falandry a aussi pris soin de mentionner la liste des créanciers inscrits et des formalités publiées au fichier immobilier. Outre l'hypothèque de la Banque Courtois, figurait également une hypothèque légale du Trésor pour 4 554 euros qui n'empêchait par Mme X de procéder aux démarches nécessaires pour interrompre la saisie immobilière.

Mme X a été parfaitement informée des démarches qu'elle devait accomplir auprès de la Banque Courtois, créancier poursuivant, pour obtenir l'arrêt de la procédure de saisie immobilière. La clause est rédigée avec clarté et précision et Mme X, qui a signé ce contrat, ne peut pas prétendre en ignorer les dispositions et soutenir que pour elle « cette mention était sans importance ».

L'omission des détails relatifs à la procédure antérieure de surenchère n'a pas fait grief à Mme X dans la mesure où l'information principale lui a été clairement donnée concernant la nécessité de procéder aux démarches nécessaires avant le 5 mars 2014.

Il en résulte, ainsi que l'a exactement relevé le jugement déféré par des motifs que la cour d'appel adopte, que Mme X n'a pas été induite en erreur et n'a pas été informée de l'existence de la saisie immobilière fortuitement mi-juin 2014 à l'occasion d'une rencontre impromptue avec l'huissier chargé des formalités de publicité et de visite du bien immobilier saisi.

S'agissant du placement de l'immeuble sous le régime de la copropriété, il est précisément organisé par une clause du compromis. Le bien vendu est parfaitement défini comme étant le lot n°1 assorti des 377/1000e des parties communes générales, conformément à l'état descriptif de division en cours de rédaction.

Le fait que l'acte portant état descriptif de division ne soit pas encore rédigé à la date de signature du compromis n'invalide pas la vente, la seule conséquence en étant l'impossibilité de publier l'acte de vente du lot au fichier immobilier à défaut d'état descriptif de division.

Mme X n'est donc pas davantage fondée à invoquer une erreur de droit concernant le statut du bien acheté au regard des règles régissant la copropriété des immeubles bâtis.

Mme X ne démontre donc aucune erreur susceptible de justifier l'annulation de la promesse de vente.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande d'annulation du contrat d'entreprise,

Mme X demande à la cour de déclarer « nul le contrat de travaux accepté par la concluante avec Z B et la société IGS sur un immeuble dont elle ne pouvait devenir propriétaire et qui n'ont d'ailleurs pas été exécutés servant simplement à lui soutirer de l'argent ».

Mme X produit aux débats un devis établi le 18 décembre 2013 par la SAS IGS concernant des travaux d'aménagement pour un prix de 13 000 euros avec reçu de trois chèques de 6 000 euros, 6 000 euros et 3 000 euros. Ce document comporte un ajout daté du 29 mai 2014 : « en sus du prix initial des travaux de 26 000 euros, une plus value de 1 200 euros pour la fourniture et la pose de la clim et 800 euros pour l'agrandissement de la salle de bains » accompagné du reçu pour un quatrième chèque de 3 000 euros.

Ce devis comporte des mentions imprécises et contradictoires et il n'est pas signé par Mme Y

Toutefois, M. B et la société IGS ne contestent pas l'existence de ce contrat d'entreprise conclu avec Mme Y

Le fait que ces travaux ont été exécutés, ou devaient être exécutés, sur un immeuble dont elle n'a jamais acquis la propriété n'autorise pas Mme X à demander l'annulation de ce contrat sur un fondement qu'elle omet en outre de préciser dans ses écritures.

En conséquence, la demande d'annulation du contrat formée par Mme X ne pourra qu'être rejetée.

Sur l'action en responsabilité contre le notaire,

Le notaire qui rédige un acte sous seing privé doit répondre de sa validité comme de l'efficacité juridique de cet acte. Le notaire est également débiteur d'un devoir de conseil et d'information envers l'ensemble des parties à cet acte et peut engager sa responsabilité civile professionnelle en cas de manquement démontré à cette obligation.

En l'espèce, le compromis de vente litigieux désignait avec précision l'emplacement et la consistance du futur lot, il précisait que le descriptif de division et le règlement de copropriété serait établi par la suite et mentionnait bien la procédure de saisie.

Mme X a donc été parfaitement informée sur la nature du bien vendu et sur les caractéristiques juridiques de ce bien immobilier.

L'échec de la vente n'est pas dû à une quelconque faute imputable au notaire mais au fait que Mme X n'a pas obtenu, ni même recherché, l'abandon par le créancier saisissant de la procédure de saisie immobilière qu'il avait engagée.

Il ressort des échanges entre Mme X et M. B (pièce n°17 de Mme X) que la difficulté est en réalité due au retard d'obtention du prêt qu'elle avait sollicitée auprès de sa banque.

Confronté à la passivité de Mme X et alors que la date de l 'audience d'adjudication du 1er juillet 2014 approchait, Me Falandry s'est rapproché le 20 juin 2014 de l'autre notaire, Me Berry, afin de s'enquérir des démarches effectuées auprès de la Banque Courtois par Mme X en vue de la signature de l'acte authentique de vente.

Mme X ne justifie d'aucune démarche réalisée auprès de la Banque Courtois avant la date limite du 5 mars 2014 mentionnée à la promesse de vente. Elle est donc seule responsable de l'échec de cette vente.

Le courrier du cabinet d'avocat Eleom du 15 mai 2017 que Mme X produit en cause d'appel n'établit pas davantage la faute de Me Falandry, dont l'intervention était indépendante de la position de la Banque Courtois concernant le projet de vente amiable objet du litige.

Le notaire a ainsi parfaitement rempli sa mission en portant dans l'acte l'intégralité des mentions permettant à Mme X d'être parfaitement informée au sujet du bien immobilier acheté.

Le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté Mme X de l'action en responsabilité dirigée contre le notaire.

Sur l'action en responsabilité exercée contre M. B, la SCI Sud, la SAS IGS et la société Start Go Group,

L'article 9 du code de procédure civile dispose que « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

En l'espèce, Mme X n'apporte aucune preuve des nombreuses manipulations qu'elle impute à M. C

Elle ne démontre aucune faute à l'encontre de M. B, de la SCI Sud, de la SAS IGS et de la société Start Go Group.

Elle ne démontre pas davantage avoir réglé à ce dernier ou à l'une de ses sociétés la somme de 18 000 euros en règlement de travaux ou de prestations résultant du devis précité.

En conséquence, Mme X doit être intégralement déboutée de sa demande de dommages intérêts, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme E X aux entiers dépens d'appel ;

Condamne Mme E X épouse F à verser les indemnités suivantes représentatives des frais et honoraires exposés en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- 625 euros à M. B ;

- 625 euros à la SCI Sud ;

- 625 euros à la SAS IGS ;

- 625 euros à la société Start Go Group ;

- 2 500 euros à Me Jean Louis Falandry.