Cass. com., 6 juillet 1960
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DU JUGEMENT ATTAQUE (TRIBUNAL DE CHATEAULIN, 25 MARS 1958) QU'ISIDORE Y..., AGISSANT EN QUALITE D'INTERMEDIAIRE ENTRE LA SOCIETE RAPHALEN FRERES ET DIVERS CULTIVATEURS, A REMIS A DAME VEUVE X... 150 KILOGRAMMES DE SEMENCES DE PETITS POIS, PROVENANT DE CETTE SOCIETE, AFIN D'ASSURER L'ENSEMENCEMENT DE LA RECOLTE 1957, DONT LE PRODUIT LUI ETAIT DESTINE;
ATTENDU QUE, LA RECOLTE AYANT ETE PERDUE FAUTE D'AVOIR ETE ENLEVEE EN TEMPS UTILE PAR SON DESTINATAIRE, DAME X... A CITE ISIDORE LE MEUR ET LA SOCIETE RAPHALEN DEVANT LE JUGE DE PAIX DU FAOU, EN PAYEMENT DE 180000 FRANCS DE DOMMAGES-INTERETS;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF AU JUGEMENT CONFIRMATIF ATTAQUE, QUI A ADMIS LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE RAPHALEN ET ORDONNE UNE EXPERTISE, D'AVOIR ENTENDU CONNAITRE DES TRACTATIONS INTERVENUES ENTRE ISIDORE Y..., COMMERCANT INSCRIT AU REGISTRE DU COMMERCE, ET LES CULTIVATEURS AUXQUELS IL AVAIT REMIS DE LA SEMENCE DE PETITS POIS DONT LE PRODUIT DEVAIT LUI ETRE LIVRE A LA RECOLTE EN VUE D'ALIMENTER DES MAISONS DE CONSERVES, ET D'AVOIR DECIDE QUE LE MEUR AVAIT AGI COMME MANDATAIRE DE CES MAISONS, NOTAMMENT DE LA SOCIETE RAPHALEN, ALORS QUE LA COMPETENCE EN CETTE MATIERE APPARTENAIT EXCLUSIVEMENT AU TRIBUNAL DE COMMERCE;
MAIS ATTENDU QU'UN LITIGE ENTRE LES PARTIES DONT L'UNE N'EST PAS COMMERCANTE OU A PROPOS D'UN ACTE QUI N'EST COMMERCIAL QUE POUR CERTAINE D'ENTRE ELLES PEUT ETRE PORTE AUX CHOIX DU DEMANDEUR NON COMMERCANT DEVANT LA JURIDICTION CIVILE OU LA JURIDICTION COMMERCIALE;
QUE LA JURIDICTION AINSI SAISIE A TOUT POUVOIR POUR STATUER SUR L'INTERPRETATION D'UN CONTRAT OPPOSE A TITRE D'EXCEPTION OU DE MOYEN DE DEFENSE, ALORS MEME QUE LA QUESTION SOULEVEE PAR LE MOYEN DE DEFENSE EXCEDERAIT SA COMPETENCE PAR SA NATURE OU PAR SON TAUX;
D'OU IL SUIT QUE CES MOTIFS DE DROIT, QU'IL APPARTIENT A LA COUR DE CASSATION DE SUBSTITUER AUX MOTIFS INOPERANTS DE LA DECISION ATTAQUEE, JUSTIFIENT LEGALEMENT CETTE DECISION LAQUELLE N'A VIOLE AUCUN DES TEXTES VISES AU MOYEN;
SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE AU JUGEMENT ATTAQUE D'AVOIR CONSIDERE QUE LES RAPPORTS EXISTANTS ENTRE LES DEUX PARTIES DECOULAIENT D'UN MANDAT SANS S'EXPLIQUER SUR LES ARTICULATIONS DES CONCLUSIONS DE LA SOCIETE RAPHALEN PRETENDANT JUSTIFIER QUE LE ROLE DE LE MEUR AVAIT ETE CELUI DE COMMISSIONNAIRE ET FAISANT VALOIR NOTAMMENT QU'ALORS QUE LE MANDAT COMPORTAIT NECESSAIREMENT L'INDICATION, A CEUX AVEC LESQUELS TRAITAIT LE MANDATAIRE, DU NOM DU MANDAT, LE MEUR(ISIDORE), N'AVAIT JAMAIS FAIT CONNAITRE AUX CULTIVATEURS LE NOM DE LA MAISON A LAQUELLE ETAIT DESTINEE LA RECOLTE ET QUE LA SOCIETE N'AVAIT CONNU LE NOM DES CULTIVATEURS QUE LORS DE L'INSTANCE DIRIGEE CONTRE ELLE PAR CES DERNIERS;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR RAPPELE A JUSTE TITRE QUE "LE CONTRAT DE COMMISSION QUI OFFRE UNE GRANDE ANALOGIE AVEC LE MANDAT SALARIE EST CARACTERISE PAR LE FAIT QUE LE COMMISSIONNAIRE AGIT EN SON PROPRE NOM ET QU'AU CONTRAIRE LE MANDATAIRE AGIT AU NOM DE SON COMMETTANT", LE JUGEMENT ATTAQUE ENONCE "QUE L'USINIER FOURNISSAIT LES SEMENCES PLACEES EN CULTURE PAR ISIDORE Y... ET ETABLISSAIT DES CE MOMENT SON PROGRAMME DE FABRICATION, QUE L'UN DES GERANTS DE LA SOCIETE RAPHALEN L'ECRIT SANS AMBIGUITE DANS LA LETTRE ADRESSEE A ISIDORE Y... LE 28 NOVEMBRE 1956, QUE LA SOCIETE SE MENAGEAIT AINSI ET SE RESERVAIT LA QUANTITE DE RECOLTES CONVENANT A LA BONNE MARCHE DE L'USINE;
QU'ELLE FOURNISSAIT DES DIRECTIVES A L'INTERMEDIAIRE POUR LA RECOLTE ET LE BATTAGE SI LES PETITS POIS N'ETAIENT PAS LIVRES EN GOUSSES QU'IL N'EST PAS CONTESTE QUE LES PAYEMENTS AUX CULTIVATEURS SOIENT CALCULES A L'USINE LAQUELLE CHARGEAIT L'INTERMEDIAIRE DU PAYEMENT DES SOMMES DUES;
QUE SI, POUR CONTESTER LA QUALITE DE MANDATAIRE DE LE MEUR(ISIDORE), LA SOCIETE RAPHALEN FAIT RESSORTIR QU'ELLE A IGNORE JUSQU'AU MOIS DE JUILLET 1947 LE NOM DES PRODUCTEURS CET ELEMENT NE CHANGE RIEN AU CARACTERE DU CONTRAT ET QUE SI ELLE S'EST DESINTERESSEE DE LEUR IDENTITE C'EST PRECISEMENT QU'ELLE FAISAIT CONFIANCE A SON AGENT LOCAL" ET ENFIN QU'IL EST ASSEZ SINGULIER DE CONSTATER QUE LA SOCIETE RAPHALEN QUI PRETEND QUE LE MEUR AGISSAIT EN SON NOM PERSONNEL AIT CRU DEVOIR LUI CONFIER DES BORDEREAUX A ENTETE DES ETABLISSEMENTS RAPHALEN POUR L'ETABLISSEMENT DES FICHES DE BATTAGE;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS, LE TRIBUNAL, A QUI IL APPARTENAIT D'APPRECIER LA NATURE ET LA PORTEE DES ENGAGEMENTS QUI LIAIENT LES PARTIES ET QUI N'ETAIT PAS TENU DE SUIVRE CELLES-CI DANS LE DETAIL DE LEUR ARGUMENTATION, A PU CONSIDERER QUE LE MEUR AVAIT TRAITE AU NOM DE LA SOCIETE RAPHALEN;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;
SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QUE LE POURVOI REPROCHE ENCORE AU JUGEMENT DEFERE D'AVOIR DEGAGE ISIDORE Y... DE TOUTE RESPONSABILITE A RAISON DES FAITS LITIGIEUX AU MOTIF QU'EN S'ABSTENANT DE RELEVER APPEL DE LA MISE HORS DE CAUSE, PAR LES PREMIERS JUGES, D'ISIDORE Y..., LA SOCIETE RAPHALEN FRERES AVAIT ADMIS SA NON RESPONSABILITE, ALORS QUE CETTE DERNIERE ETANT DEFENDERESSE A L'INSTANCE DILIGENTEE TANT CONTRE ELLE QUE CONTRE ISIDORE Y... IL LUI SUFFISAIT, COMME ELLE L'AVAIT FAIT, DE DEMANDER SA MISE HORS DE CAUSE ET QUE C'ETAIT AU DEMANDEUR QU'IL APPARTENAIT DE REPORTER L'APPEL DIRIGE CONTRE LUI CONTRE LE MEUR AFIN D'AVOIR UN RESPONSABLE POUR LE CAS OU LA MISE HORS DE CAUSE DE LA SOCIETE RAPHALEN SERAIT ACCUEILLIE;
MAIS ATTENDU QUE LE JUGEMENT ATTAQUE NE SE BORNE PAS A INDIQUER QUE LA THESE DE LA SOCIETE RAPHALEN CONCERNANT LA RESPONSABILITE D'ISIDORE Y... EST INCOMPATIBLE AVEC LA LIMITATION DE SON APPEL AU SEUL CULTIVATEUR;
QUE LE TRIBUNAL ENONCE EN EFFET QUE LA SOCIETE "LOIN DE CONSIDERER ISIDORE Y... COMME UN MANDATAIRE INFIDELE LUI A MANIFESTE SA CONFIANCE EN LUI DEMANDANT PAR LETTRE DU 25 SEPTEMBRE 1957 DES RENSEIGNEMENTS DE NATURE A ECLAIRER ET A FACILITER SA DEFENSE QUE N'AYANT PAS RECU LIVRAISON DE TOUTES LES RECOLTES CORRESPONDANT AUX SEMENCES PLACEES PAR ELLE, LA SOCIETE RAPHALEN NE POUVAIT IGNORER QUE CERTAINES RECOLTES RESTAIENT EN SOUFFRANCE" ET ENFIN "QU'ON NE PEUT METTRE EN DOUTE, CE QUE D'AILLEURS LA SOCIETE RAPHALEN NE FAIT PAS, LES COMMUNICATIONS TELEPHONIQUES DONT LE MEUR FAIT ETAT", ET PAR LESQUELLES IL ATTIRAIT SON ATTENTION SUR LES QUATRE RECOLTES EN QUESTION;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS LE JUGEMENT ATTAQUE A PU, SANS VIOLER LES TEXTES VISES AU MOYEN, DECIDER QUE LA SOCIETE RAPHALEN ETAIT SEULE RESPONSABLE DU DOMMAGE RESULTANT DE LA PERTE DE CES RECOLTES, D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ET QUE LE JUGEMENT ATTAQUE, QUI EST DUMENT MOTIVE ET QUI A REPONDU AUX CONCLUSIONS DES PARTIES, A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE LE JUGEMENT RENDU LE 25 MARS 1958, PAR LE TRIBUNAL CIVIL DE CHATEAULIN.