Cass. com., 19 novembre 2002, n° 99-19.255
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Attendu, selon les arrêts déférés (Paris, 25 mars 1999 et 2 juillet 1999), que le 2 novembre 1994, les sociétés Patrice X... et Casting Mode ont signé une convention dénommée de commissionnaire selon laquelle la seconde vendait dans son magasin, en son nom propre, la marchandise livrée par la première qui en conservait la propriété ; que les agencements de la boutique et le mobilier étaient la propriété du commettant qui les louait au commissionnaire ; que la société Casting Mode n'ayant plus été en mesure, à partir du mois d'août 1995, de reverser les montant des recettes de vente de la marchandise, le contrat a été résilié d'un commun accord avec effet au 28 février 1996 mais que la société Patrice X... a assigné la société Casting Mode en restitution du mobilier et en paiement de diverses sommes ; que la société Casting Mode a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Patrice X... reproche à l'arrêt du 25 mars 1999 d'avoir, statuant avant dire droit, requalifié le contrat de commissionnaire du 2 novembre 1994 la liant à la société Casting Mode en contrat de mandat et ordonné la réouverture des débats afin que les parties fassent connaître leurs observations au regard des disposition de l'article 2000 du Code civil, alors, selon le moyen, que saisie par la société Casting Mode d'une demande de paiement de dommages-intérêts pour défaut de fourniture par la société Patrice X... de la documentation préalable prévue par la loi du 31 décembre 1989, la cour d'appel ne pouvait, dès lors qu'elle relevait que cette loi n'était pas applicable, requalifier le contrat de commissionnaire consenti entre la société Patrice X... et la société Casting Mode le 2 novembre 1994 en contrat de mandat et inviter les parties à présenter leurs observations sur l'article 2000 du Code civil, ce qui entraînait une modification de l'objet du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Casting Mode demandait l'indemnisation des pertes subies à la date de la résiliation du contrat, l'arrêt énonce que l'article 2000 du Code civil prévoit l'indemnisation des pertes que le mandataire a essuyées à l'occasion de sa gestion sans imprudence qui lui soit imputable et invite les parties à s'expliquer sur l'application de ce texte ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Patrice X... reproche à l'arrêt du 2 juillet 1999 d'avoir dit que le contrat dit de commission conclu entre les parties le 2 novembre 1994 constitue un contrat de mandat, dit qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 2000 du Code civil aux relations ayant existé entre les parties, et de l'avoir condamnée à payer à la société Casting Mode la somme de 203 850 francs au titre de l'indemnisation des pertes qu'elle a essuyées à l'occasion de l'exécution du mandat, alors, selon le moyen, que le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom, ou sous son nom social, pour le compte d'un commettant ; qu'en écartant la qualification de contrat de commission au profit de celle de mandat pour caractériser le contrat liant la société Patrice X... à la société Casting Mode en date du 2 novembre 1994, sans constater que la société Casting Mode n'exerçait pas son activité commerciale en son nom propre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 94 du Code de commerce ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 2000 du Code civil s'appliquant au contrat de commission comme à celui de mandat, la qualification de mandat ou de commission était sans incidence sur la solution du litige ; que le moyen, dénué d'intérêt, est irrecevable ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Patrice X... reproche enfin à l'arrêt d'avoir dit qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 2000 du Code civil aux relations ayant existé entre les parties et de l'avoir condamnée à payer à la société Casting Mode la somme de 203 850 francs au titre de l'indemnisation des pertes qu'elle a essuyées à l'occasion de l'exécution du mandat, alors, selon le moyen, qu'il est stipulé à l'article 15 du contrat du 2 novembre 1994 que "le commissionnaire acquittera régulièrement les loyers de son magasin, les salaires de son personnel, les charges sociales, les impôts et les taxes ainsi que, de manière générale, toutes les charges de fonctionnement liées à l'exploitation de son fonds de commerce..., qu'exerçant dans le cadre d'une entreprise indépendante, il supportera seul les conséquences de l'exploitation de son fonds de commerce" ; qu'en considérant que le contrat du 2 novembre 1994 ne contenait aucune disposition écartant l'application de l'article 2000 du Code civil, tout en précisant que la cour d'appel avait dû requalifier le contrat sans rechercher, comme l'y invitait la société Patrice X..., si par ces stipulations, les parties contractantes n'avaient pas entendu écarter que la société Casting Mode puisse être indemnisée des pertes qu'elle pourrait essuyer à l'occasion de sa gestion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Patrice X... bénéficiait d'un ensemble de prérogatives à sens unique, excluant toute indépendance de la société Casting Mode, qui ne disposait d'aucune liberté de fixer les prix ni d'une complète exclusivité, qui avait une enseigne Patrice X... et était reliée à un réseau informatique qui permettait au commettant de disposer d'informations journalières sur l'activité de son commissionnaire ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles il résulte que la société Patrice X... avait conservé la maîtrise de l'exploitation portant sur la vente exclusive des vêtements de sa marque de sorte que les parties ne pouvaient conventionnellement mettre à la charge du mandataire les pertes essuyées à l'occasion de la gestion du mandat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.