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Décisions

Cass. 3e civ., 11 mai 2006, n° 05-10.261

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Paris, 2e ch. civ., du 28 oct. 2004

28 octobre 2004

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2004) qu'en 1998, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de deux personnes morales a ordonné la cession à la société civile immobilière Montim'immo, de divers lots d'un immeuble ; que l'ordonnance précisait que les biens acquis devaient être dédiés à l'exploitation par l'association Comité d'études et de soins aux polyhandicapés (CESAP) d'un établissement accueillant des adolescents polyhandicapés ; que la société Montim'immo a acquis ces lots par acte authentique du 15 janvier 1999 mentionnant que l'acquéreur s'engageait à ne pas affecter les biens acquis à l'habitation durant une durée minimale de trois années ; que par acte authentique du 3 mars 1999, reçu par M. X..., avec le concours de M. Y..., notaires, cette société, représentée par son gérant M. Z..., a cédé ces lots à la société Gannets, marchand de biens, laquelle a vendu un lot à la société civile immobilière Jan Van Gent, un lot à la société civile immobilière Hanafa et les deux derniers lots à la société en nom collectif Echiquier Développement ; que la société Jan Van Gent a revendu son lot à la société Sodipierre Finance, associée de la société Echiquier Développement et les associés de la société Hanafa

ont cédé leurs parts à une société représentée par le gérant de la société Sodipierre Finance ; que la société Montim'immo représentée par son administrateur provisoire a assigné la société Gannets en nullité de la vente du 3 mars 1999, les notaires instrumentaires en responsabilité et les sociétés sous-acquéreurs en annulation des ventes subséquentes ainsi qu'en restitution de biens vendus ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° H 05-10.261 :

Attendu que M. Y... et M. X... font grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la vente consentie par la société Montim'immo à la société Gannets ainsi que celles de toutes les ventes subséquentes alors, selon le moyen :

1 / que si la société Montim'immo et le CESAP se prévalaient de ce qu'aucun document similaire à celui du 13 janvier 1999 annexé à l'acte authentique et donnant pouvoir à M. Z... pour vendre le bien immobilier n'avait été retrouvé dans le registre de la société ou ne respectait les exigences de l'article 45-1 du décret du 78-704, ils n'en tiraient pas pour conséquence que ce document n'était pas un véritable procès-verbal de délibération des associés ; qu'en concluant en ce sens sans inviter les parties à se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le manquement aux prescriptions de l'article 45 du décret du 3 juillet 1978 n'entachait pas la régularité de l'assemblée qui s'est tenue ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 45 du décret du 3 juillet 1978 ;

3 / que la violation de dispositions réglementaires ne permet pas l'annulation d'une délibération sur le fondement de l'article 1844-10 alinéa 3 du Code civil ; qu'en décidant que le document ne constituait pas un véritable procès-verbal et était donc nul dès lors qu'il ne respectait pas les conditions de l'article 45 du décret du 3 juillet 1978, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1844-10 du Code civil et 45 du décret du 3 juillet 1978 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte de vente du 3 mars 1999 mentionnait que la société Montim'immo était représentée par son gérant M. Z..., spécialement habilité pour procéder à la vente par une "délibération" de l'assemblée générale des associés du 13 janvier 1999, dont une copie certifiée conforme était demeurée annexée à cet acte, mais que cette "délibération" ne portait aucune certification conforme, que les deux associés déniaient avoir participé à cette assemblée et avoir signé le procès-verbal joint à l'acte notarié, que si les notaires prétendaient que la mention de certification conforme était inutile, au motif que le procès-verbal de délibération se trouvait annexé en original à leur acte, cette affirmation était contraire à la mention portée par eux dans cet acte, que les deux feuilles du procès-verbal qui y étaient annexées ne portaient aucun numéro, ni paraphe, ni sceau, que ni l'original de cette "délibération" ni sa trace dans les registres de la société n'avaient pu être trouvés et qu'aucune des parties ne prétendait que les associés avaient signé ce procès-verbal, la cour d'appel a pu retenir, sans violer l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, que les deux feuilles annexées à l'acte de vente du 3 mars 1999 ne constituant pas un véritable procès-verbal de délibération des associés de la société Montim'immo, M. Z... n'avait pas valablement représenté cette société dont les associés n'avaient pas autorisé la vente des biens sociaux à la société Gannets et qu'en conséquence, cette vente devait être annulée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique des pourvois n° T 05-10.409 et n° D 05-10.580, réunis :

Attendu que la société Hanafa, la société Echiquier Développement et la société Sodipierre Finance font grief à l'arrêt de prononcer la nullité des ventes consenties par la société Gannets sur tout ou partie du même bien respectivement à la société Hanafa, à la société Jan Van Gent et à la société Echiquier Développement et par la société Jan Van Gent à la société Sodipierre Finance et d'ordonner la restitution des biens vendus à la société Montim'immo alors, selon le moyen, que les tiers de bonne foi qui agissent sous l'empire de l'erreur commune ne tiennent leurs droits ni du propriétaire apparent, ni du propriétaire véritable, mais qu'ils en sont investis par l'effet de la loi ; que la nullité des titres du propriétaire apparent serait-elle d'ordre public, est sans influence sur la validité de l'aliénation par lui consentie, dès lors que la cause de la nullité est demeurée et devait nécessairement être ignorée de tous ; qu'en statuant par de tels motifs, inopérants dès lors que la nullité de la vente consentie par la SCI Montim'immo à la société Gannets est déduite non de la méconnaissance de cette affectation mais du défaut de pouvoir de M. Z... pour consentir à cette cession au nom de la SCI Montim'immo sans rechercher, comme elle y était invitée par les écritures d'appel des sociétés acquéreurs, si celles-ci n'avaient pu être trompées par l'apparence de régularité de la vente consentie par la SCI Montim'immo à la société Gannets, quant aux pouvoirs de M. Z..., telle qu'elle résultait de la copie certifiée conforme d'un tel pouvoir mentionnée

comme annexée à l'acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des principes qui régissent les effets de l'apparence ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les sociétés sous-acquéreurs, professionnels de l'immobilier, qui n'avaient pu acquérir leurs lots qu'en consultant les actes qui les avaient créés, avaient été informées, par la publication à la conservation des hypothèques de l'ordonnance du juge-commissaire fixant les conditions de la vente, que ces lots étaient dédiés, au moment de leur achat par la société Montim'immo, soit six semaines avant leur acquisition par la société Gannets, à l'exploitation d'un établissement d'accueil pour handicapés, ce dont il résultait que la société Montim'immo avait cédé ces biens avec précipitation en violation des conditions fixées par le juge-commissaire, la cour d'appel, qui a pu retenir qu'aucune des sociétés ayant acheté, en qualité de marchand de biens et comme sous-acquéreur, les lots issus des lots vendus à la société Gannets par la société Montim'immo n'avait agi comme un acquéreur de bonne foi normalement attentif et diligent pouvant se prévaloir d'une erreur commune et invincible l'ayant autorisée à croire qu'elle acquérait valablement d'un vendeur ayant lui-même acheté en vertu d'un titre régulier a, par ces motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.