Cass. crim., 26 janvier 2011, n° 10-80.155
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocats :
SCP Didier et Pinet, SCP Roger et Sevaux
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 433-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de trafic d'influence actif, et a prononcé sur la répression et les intérêts civils ;
" aux motifs que M. Y... a reconnu avoir favorisé l'entreprise Raynaud dans l'obtention de marchés ; que cette déclaration est corroborée par le fax adressé par M. Y... à M. X..., relativement au chantier Saint-Céré, permettant à ce dernier de faire des offres plus avantageuses que ses concurrents et donc d'obtenir le marché ; qu'ainsi, si M. Y... n'avait pas le pouvoir d'attribuer un marché EDF à M. X..., il a, en sa qualité d'agent technique, fourni à M. X... des renseignements précis pour que ce dernier bénéficie du chantier Saint-Céré ; que l'existence de travaux réalisés par l'entreprise Raynaud chez M. Y..., courant 1998-1999, n'est pas contestée ; que M. Y... ne peut valablement soutenir avoir lui-même rémunéré les salariés de l'entreprise alors que M. X... a précisé qu'après l'obtention du marché de Saint-Céré, M. Y... lui avait demandé de faire quelques travaux à son domicile en remerciement et qu'il avait été fait l'équivalent de deux jours de travaux par deux ouvriers ; que M. Y... a, de plus, reconnu avoir utilisé pour ces travaux une pelle mécanique prêtée par l'entreprise Raynaud ; qu'au vu de ces considérations, il apparaît que M. Y... a, alors qu'il était employé par EDF et investi d'une mission de service public, favorisé l'obtention de marchés EDF par l'entreprise Raynaud, en faussant les règles de la concurrence, en vue d'obtenir en contrepartie l'exécution de travaux à son domicile personnel, effectués par l'entreprise Raynaud ; qu'il s'avère également que courant 1998 et 1999, M. X..., dirigeant de l'entreprise Raynaud, a fait bénéficier M. Y..., salarié d'EDF, de travaux et de prêt de matériel et a, par ce biais, obtenu des chantiers EDF, à la suite d'une concurrence qui avait été faussée du fait de l'intervention de M. Y... ; qu'il a d'ailleurs reconnu avoir agi ainsi sur les conseils de certains de ses salariés, la société Raynaud n'étant plus alors répertoriée par EDF ; qu'il convient, au vu de ces considérations, de retenir MM. Y... et X... dans les liens de la prévention ;
1°) " alors que le trafic d'influence actif suppose que la personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ait été sollicitée pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, ou pour abuser de l'influence réelle ou supposée qui lui est prêtée dans l'attribution de commandes ou de marchés relevant de ses compétences ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Y..., salarié d'EDF n'ayant pas le pouvoir d'attribuer un marché de celle-ci, s'est borné à fournir au prévenu des renseignements techniques pour lui permettre de faire une offre plus avantageuse que celles de ses concurrents afin d'obtenir le chantier de Saint-Céré ; que l'acte reproché à M. Y... étant étranger à ses fonctions, et l'arrêt n'ayant pas relevé que l'intéressé avait usé de son influence pour déterminer sa supérieure hiérarchique, Mme Z..., seule décisionnaire dans l'attribution des marchés d'EDF, à attribuer le chantier de Saint-Céré à l'entreprise Raynaud, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°) " alors, en tout état de cause, que le trafic d'influence actif suppose qu'une promesse de dons ait été faite au corrompu pour bénéficier d'un abus d'influence ; qu'ayant constaté que M. Y... avait demandé au prévenu de faire réaliser des travaux à son domicile en remerciement de l'aide apportée dans l'obtention du chantier de Saint-Céré, en sorte qu'elle se trouvait en présence d'une sollicitation de dons faite par le corrompu et non pas d'une promesse de dons faite par le prévenu, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
3°) " alors, subsidiairement, que dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-595 du 30 juin 2000, l'article 433-1 du code pénal exigeait que les promesses de dons reçues par le corrompu aient été antérieures à l'abus d'influence auquel elles tendaient ; qu'en énonçant seulement que le prévenu avait fait bénéficier M. Y... de travaux et de prêt de matériel postérieurement à l'obtention du chantier de Saint-Céré, sans constater l'antériorité d'une promesse de dons faite par le prévenu sur l'envoi par ce salarié d'EDF de renseignements techniques l'avantageant par rapport à ses concurrents, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une plainte du directeur d'une agence départementale de la société Electricité de France (EDF) mettant en cause plusieurs de ses agents soupçonnés, notamment, d'avoir bénéficié, à titre personnel, de services rendus par l'entreprise Raynaud en contrepartie de la fourniture d'éléments ayant permis à celle-ci d'obtenir l'attribution de chantiers, une information, initialement ouverte du chef de vol, a été étendue à des faits de corruption de personnes chargées d'une mission de service public ; que M. X..., repreneur de l'entreprise Raynaud, mis en examen pour corruption active, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par la chambre de l'instruction qui, après avoir, dans ses motifs, dit que les faits reprochés au prévenu constituaient le délit de corruption, a retenu la prévention de trafic d'influence ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de corruption, les juges du second degré relèvent notamment que M. X... a reçu, d'un agent de l'EDF au domicile duquel il a ensuite fait effectuer gratuitement des travaux, des renseignements précis lui ayant permis de bénéficier d'un chantier ; qu'ils ajoutent que le prévenu, après s'y être refusé, a " agi ainsi sur les conseils de certains de ses salariés, la société Raynaud n'étant plus alors répertoriée par EDF " ;
Attendu que, d'une part, en cet état, et dès lors que les débats n'ont porté que sur des faits constitutifs de corruption, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les mentions erronées contenues dans la prévention ont été sans conséquence sur la suite de la procédure ;
Attendu que, d'autre part, dès lors que l'existence d'un pacte préalable de corruption se déduit des énonciations de l'arrêt et que constitue un acte facilité par la fonction, au sens de l'article 433-1 1° du code précité, le fait pour un salarié d'EDF, personne chargée d'une mission de service public, de fournir des renseignements sur les marchés envisagés par son entreprise, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments le délit de corruption active, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à la société Electricité de France au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;