Cass. com., 7 janvier 2004, n° 01-02.896
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que trois sociétés, la SARL Les Compagnons, la SARL Masters conseil et la SARL Traditions 5 Etoiles (les sociétés), créées entre décembre 1989 et février 1990, complémentaires dans leurs activités et ayant le même dirigeant de fait, ont ouvert des comptes à la Banque du bâtiment et des travaux publics (la BTP) et obtenu des découverts en compte courant pour financer des opérations de construction-vente pour des particuliers ; que, constatant une dégradation importante de leur situation à la fin de l'année 1990, la BTP a enjoint par courrier du 5 février 1991 à la SARL les Compagnons d'apporter la couverture préalable à tout décaissement et de prendre ses dispositions pour l'extinction du découvert ; que les concours ont été dénoncés le 27 mai 1991 et les sociétés mises en redressement puis liquidation judiciaires, entre juillet et novembre 1991 ; que M. X... a été nommé liquidateur judiciaire des trois sociétés dont les procédures ont été jointes en 1995 ; que la cour d'appel a accueilli la demande formée par M. X..., ès qualités, et a condamné la BTP pour soutien abusif des sociétés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que dès février 1991, la situation de l'entreprise était irrémédiablement compromise, l'activité n'ayant pu se poursuivre que de manière artificielle par le maintien du découvert en compte et la BTP, de surcroît spécialisée dans la construction, en ayant pris conscience à ce même moment, ainsi que cela se déduisait de l'analyse effectuée dans son courrier du 5 février 1991 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le courrier litigieux indiquait que les documents comptables réclamés n'avaient jamais été fournis et que la BTP n'était pas en mesure de porter un jugement objectif sur cette affaire, ce dont il résulte que la BTP n'avait pas à cette date connaissance de la situation irrémédiablement compromise, à la supposer établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait , l'arrêt retient, enfin, après avoir constaté qu'en avril et mai 1991 un état prévisionnel des dépenses était soumis à la BTP pour qu'elle donne ou refuse l'accord de règlement, que de tels actes se rattachent activement à la gestion de l'entreprise et ne peuvent répondre au seul souci de contrôler l'emploi des fonds ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'accomplissement de tels actes est impropre à caractériser une immixtion fautive de la banque dans la gestion de la société emprunteuse, la BTP s'étant contentée d'exercer un contrôle de l'emploi des fonds prêtés dans l'attente des documents comptables réclamés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau.