Livv
Décisions

Cass. com., 13 mars 2007, n° 06-13.325

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Albertini

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gaschignard

Grenoble, du 26 janv. 2006

26 janvier 2006

Attendu selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,28 mai 2002, pourvoi n° 00-17. 217), que le 30 octobre 1987 M.X... a signé pour le compte de la SCI Les Châlets plein Sud (la SCI) un contrat d'architecte avec MM.Y... et C... dans le but de réaliser un bâtiment résidentiel à Morzine ; que le Crédit agricole de Haute-Savoie aux droits et obligations duquel se trouve la caisse de crédit agricole des Savoie (la banque) a octroyé à la SCI une ouverture de crédit et une garantie financière d'achèvement des travaux ; qu'à la suite de la résiliation du contrat d'architecte, la banque a dénoncé l'ensemble de ses concours ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la SCI, le 8 janvier 1991, avec M.Z... comme administrateur, et " l'adoption d'un plan de redressement par la cession intervenue le 9 avril 1991 ", la SCI a engagé le 17 mars 1994 une action en responsabilité à l'encontre de la banque pour rupture brutale des concours ; que sont intervenus dans l'instance M.Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan et les époux X..., associés de la SCI, en leur nom personnel ; que ces derniers dont la créance avait été admise dans la procédure collective à concurrence de 2 238 957,90 francs, ont demandé que leur préjudice personnel soit fixé à la même somme ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en dénonçant ses concours en violation de ses obligations contractuelles, elle a commis une faute engageant sa responsabilité, alors, selon le moyen :

1° / qu'à supposer même que le choix de la personne des architectes n'était pas un élément déterminant du contrat de crédit, comme l'énonce l'arrêt attaqué, il n'en demeure pas moins qu'au regard des constatations de la cour d'appel la présence d'un architecte lié au maître de l'ouvrage constituait un tel élément ; qu'en se bornant à relever, pour décider que la banque a dénoncé ses concours en violation de ses obligations contractuelles, qu'après la rupture du contrat liant la SCI aux architectes " la SCI avait pris contact avec un autre architecte, M.A..., qui s'est d'ailleurs déplacé sur le chantier le 22 septembre 1989 ", sans constater que la SCI avait conclu un contrat avec cet architecte, et sans même constater que la banque avait été avisée de ce " contact ", tandis que la banque soutenait qu'aucun nouveau cabinet d'architectes ne lui avait été présenté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil ;

2° / qu'en se plaçant à la date du 5 octobre 1989 pour apprécier l'existence d'une faute de la banque, tandis qu'elle relève que si, à cette date, la banque a notifié à la SCI son intention de rompre ses concours, il a ensuite " accepté de revenir sur sa décision par lettre du 15 novembre suivant, et l'a finalement maintenue le 12 décembre 1989 ", ce dont il résulte que la rupture du concours est intervenue le 12 décembre 1989 et non le 5 octobre 1989, et que c'est à cette date qu'elle devait apprécier le comportement de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les causes autorisant la banque à mettre fin aux concours bancaires limitativement énoncés au § 10 de l'acte de prêt du 17 mai 1989 ne visent aucunement l'hypothèse de la résiliation du contrat d'architecte ; que la cour d'appel a, par ce seul motif et sans encourir la critique inopérante invoquée par la seconde branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu qu'une société ayant fait l'objet d'un plan de cession totale, dès lors qu'elle est représentée par son liquidateur amiable ou un mandataire ad hoc, est recevable à engager contre l'établissement de crédit qui a rompu abusivement son concours antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective une action contractuelle en réparation d'un préjudice distinct de celui subi par les créanciers de la procédure collective ;

Attendu que pour déclarer recevable l'action de la SCI et condamner la banque à payer à M. Clanet, ès qualités, la somme de 19 615,10 euros, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise met fin dès son prononcé à la période d'observation, en sorte que le débiteur retrouve la totalité de ses pouvoirs, notamment ceux relatifs à la défense de ses intérêts, sous réserve de ceux attribués à l'administrateur pour la mise en oeuvre du plan, et ceux attribués au commissaire à l'exécution du plan pour veiller à son exécution, retient qu'il est indifférent de constater que M.Z..., après s'être joint à l'action de la SCI, en se qualifiant improprement d'administrateur aux côtés de M et Mme X..., s'en est désisté, pour intervenir devant la cour d'appel, en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la SCI justifiait, du fait de la rupture des concours bancaires, d'un préjudice distinct de celui subi par les créanciers de la procédure collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et, sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-39, alinéa 1er, L. 621-68, alinéa 2, et L. 622-5, alinéa 3, du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour déclarer l'action des époux X..., recevable en son principe et condamner la banque à leur payer la somme de 264 438,57 euros, l'arrêt retient que l'expert a relevé, dans les conclusions de son rapport restées sans contestations sérieuses, que les difficultés rencontrées par la SCI ont été effectivement déclenchées par le désengagement de la banque en sorte que le redressement judiciaire de la SCI provient au moins pour une bonne partie de la rupture des crédits par la banque ; que la cessation des paiements de la SCI a entraîné des conséquences préjudiciables pour les associés personnellement telles que relevées par l'expert, savoir par exemple, l'apport consenti par les époux X... à la SCI, qui a été financé par un emprunt auprès d'un établissement de crédit anglais, les intérêts supportés sur la SCI, grâce à la rémunération de l'apport, prévu pour une large part dans le budget, et, dans ces conditions, la vente d'une maison à Batworthy qui a été imposée par la National Westminster bank PLC en raison du non-remboursement de l'emprunt affecté à l'opération engagée par la SCI ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser le préjudice distinct qui découlait pour les époux X..., associés de la SCI, de la rupture des concours bancaires consentis à cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable en la forme, l'arrêt rendu le 26 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.