Cass. crim., 29 juin 2016, n° 15-81.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme de la Lance
Avocat général :
M. Wallon
Avocat :
SCP Boutet-Hourdeaux
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 441-1 du code pénal ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1 et 441-11 du code pénal, des articles préliminaire, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable des faits visés par la prévention, l'a condamné à la peine de 1 000 euros d'amende avec sursis et à payer à M. Y... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs que M. X..., entraîneur des chevaux de M. Y..., adressait à ce dernier une demande de remboursement des frais qu'il avait exposés pour le transport de la pouliche « Queenwell » à Paris le 8 juin 2009 ; que le camion destiné au transport de l'animal appartenant à M. Y... est tombé en panne à Beaune de sorte que l'entraîneur joignait à sa demande une facture émise par l'entreprise Z... qui avait assuré le retour de la pouliche à son écurie ; que la facture, d'un montant de 520 euros, mentionnait le transport d'un seul cheval, « Queenwell », alors qu'en réalité un autre cheval « N'ayez pas peur », appartenant à un autre propriétaire et présent dans le camion tombé en panne, avait également été ramené à son écurie par M. François Z... ; que doutant de l'authenticité de ladite facture, le comptable de M. Y... en réclamait au transporteur une copie conforme laquelle mentionnait le transport de deux chevaux, « Queenwell » et « N'ayez pas peur », au prix unitaire de 260 euros par cheval transporté ; que la falsification de la facture originale n'est ni contestable ni d'ailleurs contestée par le prévenu ; que, même s'il nie être l'auteur matériel de la falsification de la facture litigieuse, il admet en être à l'origine pour avoir demandé au transporteur de n'y mentionner que l'acheminement du cheval de M. Y..., ce qu'il savait contraire à la réalité ; qu'il avait donc pleinement conscience qu'était fausse la facture d'un montant de 520 euros annexée à sa demande de remboursement de frais, en date du 30 juin 2009 ; que, dès lors, les délits de faux et d'usage de faux sont caractérisés tant dans leur élément matériel qu'intentionnel ; qu'en effet le but réellement poursuivi par le prévenu est indifférent ; qu'il ait eu le dessein de tromper M. Y... ou qu'il ait voulu, ainsi qu'il le prétend, que la totalité des frais de transport soit prise en charge par l'assureur de M. Y... auquel appartenait le camion tombé en panne, il reste que la fausse facture était destinée à obtenir le paiement indu de la somme de 260 euros, prix du transport d'un cheval qui appartenait à un tiers ; que les juges ont donc relaxé à tort M. X... des faits visés par la prévention et leur décision sera réformée, les faits poursuivis revêtant de la part du prévenu une intention coupable qui caractérise les délits visés dans la citation ; que la cour prononcera en conséquence la peine de 1 000 euros d'amende avec sursis à l'encontre de M. X... ;
" 1°) alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; qu'il résulte des pièces de la procédure que M. X... a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour avoir à Cabriès, courant juin 2009, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en falsifiant la facture n° 0611190 de la société Transport François Z... et fait usage desdits faux au préjudice de M. Y... ; que, pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel observe que M. X... admet non pas avoir falsifié la facture litigieuse mais simplement « être à l'origine de la falsification en ce qu'il aurait demandé au transporteur de n'y mentionner que l'acheminement du cheval de M. Y... » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni du jugement ni de l'arrêt que le prévenu ait expressément accepté d'être jugé sur des faits non de falsification mais de « demande de falsification » non visés dans la convocation à comparaître, la cour d'appel a méconnu les textes visés par le moyen ;
" 2°) alors que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'en l'espèce, M. X... n'a été poursuivi qu'en qualité d'auteur du délit de faux ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait le condamner comme complice de ce délit, sans qu'il ait été invité à s'expliquer sur cette modification substantielle de qualification ;
" 3°) alors qu'en tout état de cause l'auteur du faux ne peut que celui qui altère frauduleusement la vérité dans un écrit ou tout autre support d'expression ; que ne saurait donc être l'auteur d'un faux celui qui fournit de simples indications ayant servi à la rédaction du faux ; que, pour retenir que M. X... serait coupable du délit de faux la cour d'appel a énoncé que « s'il nie être l'auteur matériel de la falsification de la facture litigieuse, il admet en être à l'origine pour avoir demandé au transporteur de n'y mentionner que l'acheminement du cheval de M. Y..., ce qu'il savait contraire à la réalité » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit de faux, en violation de l'article 441-1 du code pénal ;
" 4°) alors qu'en outre l'usage de faux suppose que le document écrit ou tout autre support que le prévenu va utiliser conformément à sa destination constitue un faux ; que, pour faire l'objet d'un faux, le document doit avoir pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ayant des conséquences juridiques ; que tel n'est pas le cas d'une simple facture qui constitue une déclaration unilatérale du créancier sujette à vérification et discussion de la part du débiteur ; qu'en déclarant M. X... coupable des faits visés à la prévention, soit pour falsification d'une facture, en date du 8 juin 2009, et usage de cette facture au préjudice de M. Y..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 441-1 du code pénal ;
" 5°) alors que ne se rend pas coupable des délits de faux et d'usage de faux la personne qui requiert la modification d'une facture pour satisfaire la demande de la prétendue victime ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que c'était pour satisfaire à la demande des préposés de M. Y... que la facture litigieuse mentionnait le transport d'un seul cheval pour un montant de 520 euros ; qu'en ne répondant pas à cette articulation essentielle des écritures de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 441-1 du code pénal ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que depuis septembre 2003, M. Y... faisait appel aux services de M. X... pour entraîner ses chevaux de course, que M. X... devait fréquemment organiser le transport de ces derniers sur les lieux de courses, M. Y... mettant à sa disposition un camion à deux places et s'acquittant des frais, que le 8 juin 2009, lors d'un transport d'une pouliche de M. Y... et d'un cheval d'un autre propriétaire, le camion étant tombé en panne, M. X... a dû faire appel à une entreprise spécialisée pour ramener les deux chevaux, et le 30 juin 2009, a adressé à M. Y... une facture de 520 euros hors taxe en remboursement des frais ainsi générés par cette panne ; que, la facture paraissant douteuse, M. Y... a porté plainte et s'est constitué partie civile, remettant en cause toutes les factures antérieures ; que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, des chefs de faux et usage, pour avoir falsifié la facture du transporteur, et de tentative d'escroquerie pour l'envoi de la facture falsifiée en vue d'en obtenir le paiement ; que les juges du premier degré ont relaxé le prévenu ; que le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt énonce que la facture litigieuse mentionnait le transport d'un seul cheval, que la comptable de M. Y... a réclamé au transporteur une copie certifiée conforme, laquelle mentionnait le transport de deux chevaux au prix unitaire de 260 euros, que la falsification de la facture originale n'est ni contestable ni contestée, que, s'il nie être l'auteur matériel de cette falsification, le prévenu admet avoir demandé au transporteur de ne mentionner que l'acheminement du cheval de M. Y..., que les délits de faux et usage de faux sont caractérisés tant dans leur élément matériel qu'intentionnel, que le but poursuivi, soit la prise en charge par l'assureur de M. Y..., est indifférent, la fausse facture étant destinée à obtenir le paiement indu de la somme de 260 euros ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la facture falsifiée avait été fabriquée par le prévenu et alors qu'une facture comprenant des mentions inexactes, qui est par sa nature soumis à discussion et vérification, ne constitue pas, en l'absence de toutes autres précisions, un titre susceptible d'entrer dans les prévisions de l'article 441-1 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 17 février 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.