Cass. 3e civ., 12 mai 2010, n° 08-20.544
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Pronier
Avocat général :
M. Gariazzo
Avocats :
Me Balat, Me Hémery, SCP Boulloche, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2008), que, par un acte du 12 décembre 2000, les époux X... ont confié à l'EURL Atelier d'architecture Y... (EURL) une mission complète de maîtrise d'oeuvre portant sur la construction d'une maison individuelle ; que l'EURL ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Y... a poursuivi sa mission par l'intermédiaire d'une nouvelle structure, l'Atelier d'architecture Vecteur 4 ; que le lot charpente bois, menuiseries extérieures, menuiseries bois et cloisons sèches a été confié à M. Z..., le lot revêtement de sols scellés à la société CRM, le lot peinture à la société Claire Pare et le lot électricité à M. A...; que les époux X... ont pris possession de leur maison le 26 janvier 2002 ; que la société CRM ayant réclamé un solde sur marché, une expertise a été ordonnée ; qu'après expertise, la société CRM a assigné les époux X... et la société Vecteur 4 en paiement d'un solde dû sur marché ; que l'instance a été reprise par M. B..., liquidateur de la société CRM ; que M. Z..., la société Clair Pare et M. A...ont assigné aux mêmes fins les époux X..., M. Y... exerçant à l'enseigne Vecteur 4, M. C..., ès qualités de liquidateur de l'EURL, et la société Mutuelle des architectes français (MAF) ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. Z...la somme de 29 097, 53 euros et de condamner M. Y... à les garantir de cette condamnation, seulement à hauteur de la somme de 25 932, 27 euros, de les condamner à payer à M. A...la somme de 6 184, 13 euros et de condamner M. Y... à les garantir de cette condamnation seulement à hauteur de la somme de 11, 96 euros, de les condamner à payer à M. B..., ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société CRM, la somme de 21 676, 14 euros, de les condamner, in solidum avec M. Y..., à payer à M. B..., ès qualités, la somme de 5 865, 92 euros et de dire que M. Y... devrait les garantir de la totalité de la condamnation de 5 865, 92 euros alors, selon le moyen, que si la ratification confère rétroactivement un pouvoir au mandataire ayant dépassé son mandat, elle n'implique pas que ce pouvoir ait été bien exercé ; que les époux X... ayant reproché à l'architecte mandataire de n'avoir pas conçu un ouvrage respectant l'enveloppe financière fixée au contrat, la cour d'appel a exclu la garantie du mandataire par l'effet rétroactif de la ratification, celle-ci emportant approbation par les mandants de la gestion du mandataire ; qu'en statuant ainsi, quand la ratification opérée interdisait aux mandants seulement de contester l'absence de pouvoir du mandataire, et non d'imputer à faute la qualité de sa gestion du coût des travaux de construction, la cour d'appel a violé les articles 1985 et 1998 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que l'effet rétroactif de la ratification emportant approbation de la gestion du mandataire, les époux X..., mandants, ne disposaient d'aucun recours contre celui-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. Z...la somme de 29 097, 53 euros, de condamner M. Y... à les garantir de cette condamnation seulement à hauteur de la somme de 25 932, 27 euros, de les condamner à payer à M. A...la somme de 6 184, 13 euros, de condamner M. Y... à les garantir de cette condamnation seulement à hauteur de la somme de 11, 96 euros, de condamner les époux X... à payer à la société Clair Pare la somme de 6 159, 81 euros, de condamner M. Y... à les garantir de cette condamnation seulement à hauteur de la somme de 173, 42 euros, de les condamner à payer à M. B..., ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société CRM, la somme de 21 676, 14 euros, de condamner les époux X..., in solidum avec M. Y..., à payer à M. B..., ès qualités, la somme de 5 865, 92 euros et de dire que M. Y... devrait les garantir de la totalité de la condamnation de 5 865, 92 euros, alors, selon le moyen :
1° / que la croyance du tiers dans les pouvoirs du mandataire n'est légitime que si les circonstances l'autorisent à ne pas en vérifier l'étendue ; que pour accueillir les demandes en paiement des locateurs d'ouvrage, l'arrêt retient que ces professionnels du bâtiment pouvaient légitimement croire aux pouvoirs concédés à l'architecte, qui avait signé les marchés allégués en sa qualité de maître d'ouvrage délégué ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'architecte avait, en s'appropriant la qualité de maître d'ouvrage délégué, outrepassé sa qualité et contrevenu à l'article 36 du décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1985 et 1998 du code civil, ensemble l'article 36 du décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes ;
2° / que la croyance légitime du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire s'apprécie au jour de la conclusion de l'acte allégué ; que pour accueillir les demandes en paiement des locateurs d'ouvrage, l'arrêt retient que ces derniers pouvaient légitimement croire aux pouvoirs concédés à l'architecte en raison de la ratification par les maîtres de l'ouvrage de marchés similaires ; qu'en statuant ainsi, sans préciser si les marchés ratifiés l'étaient rétroactivement déjà au jour de la conclusion des contrats allégués, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3° / que la croyance légitime du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire s'appréciant au jour de la conclusion de l'acte, en retenant que les locateurs d'ouvrage pouvaient légitimement croire aux pouvoirs concédés à l'architecte en raison des règlements partiels intervenus et de la présence des maîtres de l'ouvrage aux réunions de chantier, et en statuant en considération ainsi de faits qui, postérieurs aux marchés allégués, ne pouvaient justifier l'existence à cette date d'un mandat apparent, la cour d'appel a violé les articles 1985 et 1998 du code civil ;
4° / que le devoir de conseil d'un architecte comporte l'obligation pour lui de concevoir un ouvrage respectant l'enveloppe financière fixée par le maître de l'ouvrage ; que pour écarter la demande des maîtres de l'ouvrage tendant à être garantis par l'architecte du marché forfaitaire passé par lui avec la société Clair Pare pour la somme de 5 986, 39 euros, l'arrêt retient que l'apparence a été créée par l'EURL Christian Y..., qui a disparu ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient ses propres constatations, si le suivi et la validation par M. Y... des travaux réalisés par l'entreprise ne justifiaient pas qu'il soit condamné à garantir personnellement ces travaux qui excédaient l'enveloppe financière fixée au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les marchés avaient été signés par M. Y... en qualité de maître d'ouvrage délégué et, sans se fonder sur des faits postérieurs aux marchés allégués, que les époux X... avaient ratifié certains marchés, réglé des situations et étaient présents aux côtés du maître d'oeuvre au cours des réunions de chantier, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les locateurs d'ouvrage pouvaient légitimement croire que M. Y..., maître d'oeuvre, était mandaté par les époux X... pour passer les commandes aux entreprises en leur nom, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de garantie formée contre la MAF et de mettre celle-ci hors de cause alors, selon le moyen, que pour rejeter l'action en garantie formée contre la Mutuelle des architectes français, l'arrêt retient que l'article 36 du code des devoirs professionnels des architectes interdit à ces derniers d'exercer une activité de maîtrise d'ouvrage déléguée ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte de l'article 2 dudit code que l'architecte est autorisé à assister le maître d'ouvrage, et que l'article 36 du même code prévoit seulement que " l'architecte doit s'abstenir de prendre toute décision ou de donner tous ordres pouvant entraîner une dépense non prévue ou qui n'a pas été préalablement approuvée par le maître d'ouvrage ", la cour d'appel a violé les articles 2 et 36 du décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que c'était en outrepassant sa qualité d'architecte et en s'appropriant celle de maître d'ouvrage délégué que l'EURL Y... avait commis les fautes qui lui étaient reprochées, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que l'article 36 du code des devoirs professionnels des architectes interdisait à ces derniers d'exercer une activité de maîtrise d'ouvrage déléguée, a pu en déduire que la responsabilité encourue trouvait son origine dans une activité étrangère au champ de la garantie souscrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.