Cass. 2e civ., 4 mars 2021, n° 19-22.704
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Cardini
Avocat général :
M. Grignon Dumoulin
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2019) et les productions, saisi par Mme Q... d'une demande tendant à la saisie des rémunérations de M. H... sur le fondement d'un jugement du 6 janvier 2000 ayant prononcé leur divorce, d'un jugement du 10 novembre 2003 et de l'ordonnance d'un juge aux affaires familiales du 20 novembre 2003, le juge d'un tribunal d'instance a, par jugement du 5 janvier 2006, fixé la créance à une certaine somme en principal et intérêts, dit que le greffier en chef pourra procéder à la saisie des rémunérations de M. H..., débouté ce dernier de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
2. Par requête en date du 23 janvier 2015, Mme Q... a à nouveau sollicité, sur le fondement du jugement 5 janvier 2006, la saisie des rémunérations de M. H....
3. Par jugement du 18 mars 2016, le juge a fixé la créance de Mme Q... à l'égard de M. H... à la somme de 500 euros, correspondant au montant des frais irrépétibles prévus dans ce jugement, autorisé Mme Q... à saisir les rémunérations de celui-ci pour ladite somme, dans les limites de la quotité saisissable, et déclaré, en l'état, Mme Q... irrecevable pour le surplus de sa demande.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. H... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête en saisie des rémunérations, de fixer la créance de Mme Q... à son égard à la somme de 47 104 euros en principal et 14 216 euros en intérêts, définitivement arrêtés, et d'autoriser la saisie de ses rémunérations à hauteur de 61 321 euros, alors « que le titre exécutoire est celui qui crée le principe de la créance, en détermine le caractère et fonde les poursuites en exécution forcée ; que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives au titre exécutoire ; qu'en l'espèce, Mme Q..., se fondant sur le jugement de divorce du 6 janvier 2000, un jugement du 10 novembre 2003 et une ordonnance du 20 novembre 2003, avait obtenu, par une décision du tribunal d'instance du 5 janvier 2006, de voir fixer, à la date de son prononcé, le montant de sa créance alimentaire à l'égard de M. H... et l'autorisation de procéder à la saisie des rémunérations de M. H... ; que, faute pour le juge de l'exécution d'avoir compétence pour créer un titre exécutoire, cette décision, exécutoire quant à la saisie qu'elle ordonne, ne constitue pas pour autant un titre exécutoire se substituant au jugement de divorce et aux décisions le complétant quant au principe de la créance alimentaire, de nature à fonder une nouvelle demande aux fins de saisie ; qu'en déclarant néanmoins recevable la requête présentée par Mme Q..., aux fins de saisie des rémunérations de M. H... à laquelle n'était annexée que la décision du 5 janvier 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, et L. 121-1 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3, 1°, et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, R. 3252-1 et R. 3252-19 du code du travail, L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et l'article L. 221-8 du même code, alors applicable :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que le jugement rendu par le juge du tribunal d'instance statuant, à l'occasion de la procédure de saisie des rémunérations, avec les pouvoirs du juge de l'exécution, qui n'a pas pour objet de constater une créance liquide et exigible, mais, à défaut de conciliation, de vérifier le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s'il y a lieu, de trancher les contestations soulevées par le débiteur, ne constitue pas un titre exécutoire. Il ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d'exécution forcée pratiquée par le créancier à l'égard du débiteur.
6. Pour infirmer le jugement, fixer la créance de Mme Q... à la somme de 47 104,94 euros en principal et 14 216,69 euros en intérêts et autoriser la saisie des rémunérations de M. H... à hauteur de 61 321,63 euros, l'arrêt retient qu'il résulte des articles L. 111-2, R. 3252-1 et R. 3252-13 qu'il faut et qu'il suffit que le titre exécutoire produit constate une créance liquide et exigible, qu'aucun des textes précités n'exige, pour en faire une créance exigible, que la décision juridictionnelle contienne formellement une condamnation du débiteur à effectuer ce paiement, mais seulement qu'il en résulte, sans ambiguïté, une obligation de payer une somme liquide et exigible, que le jugement du 5 janvier 2006 a, au visa du jugement du 6 janvier 2000 et de l'ordonnance du 20 novembre 2003 confirmée le 1er février 2005, fixé la créance de Mme Q... à l'encontre de M. H... à la somme de 49 475,90 euros en principal et 2 935,90 euros en intérêts arrêtés au 31 décembre 2004, qu'il en résulte, sans ambiguïté, l'obligation pour celui-ci de payer ces sommes, qui constituent donc une créance liquide et exigible constatée dans un titre exécutoire et que, contrairement à ce qui est soutenu par l'intimé, il importe peu que cette créance n'ait pas son origine et son principe fixés dans ce jugement mais dans les décisions du juge aux affaires familiales qui ont permis au juge de fonder le calcul précis des sommes dues.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 5 que le jugement du 18 mars 2016 doit être confirmé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du juge du tribunal d'instance de Paris 16e arrondissement du 18 mars 2016.