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Décisions

Cass. 2e civ., 17 juin 2021, n° 19-17.221

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Bouvier

Avocat général :

M. Grignon Dumoulin

Avocats :

Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Paris, du 5 mars 2019

5 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2019), M. [R] a été victime, le 23 septembre 2002, d'un accident alors qu'il était au volant de son véhicule, dont il a perdu le contrôle. Il avait souscrit, par l'intermédiaire de M. [I], exerçant sous l'enseigne Cabinet [K] (le courtier), un contrat d'assurance automobile comprenant une garantie « dommage corporel », auprès de la société CGU Courtage, devenue Gan Europe Courtage, puis Allianz Iard (l'assureur).

2. L'assureur ayant dénié sa garantie en invoquant, notamment, le caractère tardif de la déclaration du sinistre, M. [R], grièvement blessé lors de l'accident, l'a assigné, ainsi que le courtier, aux fins d'indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en leur première branche, rédigés en termes similaires

Enoncé du moyen

3. Pourvoi principal : M. [I], exerçant sous l'enseigne Cabinet [K] , fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [R] les sommes de 31 044,30 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire (DFT), 93 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent (DFP), 25 000 euros au titre des souffrances endurées et 2 500 euros au titre du préjudice esthétique alors « que le moyen tiré de la chose jugée est d'ordre public quand, au cours de la même instance, il est statué sur les suites d'une précédente décision passée en force de chose jugée ; que pour condamner le cabinet [K] à indemniser le préjudice résultant pour M. [R] d'un défaut de garantie, la cour d'appel a préalablement retenu que la garantie de la « compagnie » Allianz ne pouvait être mobilisée en raison d'un défaut de déclaration de sinistre dans le délai de cinq jours ; qu'en statuant de la sorte, quand par son jugement intermédiaire du 23 octobre 2013, prononcé dans la même instance et non visé par l'appel interjeté par la compagnie d'assurances, le tribunal de grande instance de Paris avait définitivement jugé « qu'aucune déchéance de garantie ne peut être opposée à M. [R] au titre de sa déclaration tardive de sinistre », la cour d'appel a violé l'article 1355 (anciennement 1351) du code civil. »

4. Pourvoi incident : M. [R] fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de l'assureur ne pouvait pas être mobilisée et en conséquence de rejeter ses demandes formées à l'encontre de ce dernier alors « que le moyen tiré de la chose jugée est d'ordre public quand, au cours de la même instance, il est statué sur les suites d'une précédente décision passée en force de chose jugée ; que la cour d'appel a retenu que la garantie de la « compagnie » Allianz ne pouvait être mobilisée en raison d'un défaut de déclaration de sinistre dans le délai de cinq jours ; qu'en statuant de la sorte, quand par son jugement intermédiaire du 23 octobre 2013, prononcé dans la même instance et non visé par l'appel interjeté par la «compagnie» d'assurances, le tribunal de grande instance de Paris avait définitivement jugé « qu'aucune déchéance de garantie ne peut être opposée à M. [R] au titre de sa déclaration tardive de sinistre », la cour d'appel a violé l'article 1355 (anciennement 1351) du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :

5. Il résulte de ce texte que le moyen tiré de la chose jugée est d'ordre public quand, au cours de la même instance, il est statué sur les suites d'une précédente décision devenue irrévocable.

6. Pour rejeter les demandes formées par M. [R] contre l'assureur et condamner le seul courtier à l'indemnisation des préjudices subis par l'assuré, l'arrêt relève qu'aux termes de l'article 3.1.1 des conditions générales du contrat, l'assuré doit déclarer le sinistre au plus tard dans les 5 jours ouvrés en cas d'accident, le retard dans la déclaration et l'absence de déclaration ouvrant à l'assureur le droit de demander réparation du préjudice né de ce retard ou de l'absence de déclaration.

7. Il retient encore qu'il n'est pas contesté que le courtier de M. [R] affirme avoir reçu le 24 septembre 2002, un appel téléphonique de Mme [R] l'informant que son mari venait d'avoir un accident de la route, qu'il était hospitalisé et le véhicule hors d'usage.

8. La décision précise que, toutefois, ce courtier, qui n'est pas mandataire de l'assureur, n'a pas effectué de déclaration de sinistre, et en déduit que la garantie de la société Allianz Iard ne peut être mobilisée.

9. En statuant ainsi, alors que la cour d'appel était saisie de conclusions de l'assureur faisant valoir qu'il avait été averti du sinistre huit années après sa date et que le jugement mixte du 13 octobre 2013, rendu dans la même instance et devenu irrévocable, avait jugé qu'aucune déchéance pour déclaration tardive ne pouvait être opposée à M. [R], après avoir retenu qu'aucune clause contractuelle ne prévoyait la déchéance de garantie pour déclaration tardive du sinistre, la cour d'appel, qui devait relever d'office l'autorité de la chose jugée par cette précédente décision, a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause l'assureur, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de contre-expertise de la société Allianz Iard et déclare non prescrite l'action de M. [H] [R], l'arrêt rendu le 5 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Allianz Iard ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.