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Décisions

Cass. crim., 16 mai 1994, n° 93-83.004

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M. Monestié

Avocat :

Me Henry

Dijon, ch. corr., du 4 juin 1993

4 juin 1993

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 441-1 et suivants du nouveau Code pénal, entrés en vigueur le 1er mars 1994, 372, 373 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 :

" en ce que la cour d'appel a fait application en l'espèce des dispositions des articles 147 et 150 du Code pénal abrogés par l'article 372 précité de la loi du 16 décembre 1992 et remplacés par les articles 441-1 et suivants du nouveau Code pénal ;

" alors que 1° une loi déterminant autrement que la loi précédente les éléments constitutifs d'une infraction est applicable aux faits commis avant son entrée en vigueur si ceux-ci entrent dans les prévisions de l'ancienne et de la nouvelle loi ; qu'en l'espèce les faits constitutifs de l'usage de faux en écriture entrent tant dans les prévisions des anciens articles 147 et 150 du Code pénal abrogés que dans celles des articles 441-1 et suivants du nouveau Code pénal, entrés en vigueur le 1er mars 1994 et applicables en l'espèce ; que l'arrêt attaqué, qui a fait application des articles 147 et 150 du Code pénal, sera donc annulé en application des textes susvisés ;

" alors que 2° la loi pénale plus douce qui modifie les éléments constitutifs du délit dans un sens favorable au prévenu s'applique aux faits commis antérieurement à sa promulgation et ayant donné lieu à des poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée au moment où la loi nouvelle est entrée en vigueur ; que tel est le cas de l'article 441-1 du nouveau Code pénal qui ajoute les notions de fraude et de préjudice qui n'étaient pas visées expressément par les articles 147 et 150 du Code pénal ; que l'arrêt attaqué, qui a fait application des articles 147 et 150 précités, sera donc annulé au vu des textes susvisés ;

" alors que 3°, au surplus, une loi nouvelle qui édicte des pénalités moins sévères doit également être appliquée aux faits commis antérieurement à sa promulgation et ayant donné lieu à des poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée au moment où la loi nouvelle est entrée en vigueur ; que tel est le cas des dispositions de l'article 441-1, alinéa 2, applicable en l'espèce, plus favorables dans leur ensemble, dès lors qu'il diminue la peine d'emprisonnement et augmente l'amende ; que l'arrêt attaqué, qui a fait application des articles 147 et 150 précités, sera donc annulé au vu des textes précités " ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 147 et 150 du Code pénal, 485, 512 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d'usage de faux en écriture de commerce ;

" aux motifs que, d'une part, sa condamnation pour usage de faux est justifiée par l'usage d'un document dont il était seul bénéficiaire auprès du commissaire aux comptes pour démontrer une valeur exagérée du véhicule qu'il apportait ; qu'il importe peu qu'il ait remis lui-même ce document, comme l'affirment les témoins, ou qu'il ait été transmis par un autre responsable de la société, l'infraction étant constituée dès lors qu'il a donné les instructions pour que le faux document soit établi, puis remis au commissaire aux apports ;

" alors que l'usage de l'écrit falsifié suppose l'utilisation de celui-ci conforme à sa destination ; qu'en se bornant à affirmer "sans le justifier" que le demandeur aurait donné des instructions pour que le faux document soit remis au commissaire aux apports, la cour d'appel n'a pas caractérisé le délit d'usage de faux et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

" aux motifs que, d'autre part, même si le véhicule avait subi quelques améliorations augmentant sa valeur, ce qui d'ailleurs n'est pas prouvé, il n'est pas moins établi que X... a fait usage d'un faux document qui était susceptible de causer un préjudice à la société GHT Diffusion et aux autres actionnaires (arrêt attaqué p. 4) ;

" alors que 1° l'éventuel préjudice de la société GHT Diffusion ne pouvait consister qu'en l'apport d'un bien surévalué ; qu'en déclarant que nonobstant les améliorations du véhicule augmentant sa valeur, l'usage du faux document était susceptible de causer un préjudice à la société GHT Diffusion, sans caractériser en fait ce prétendu préjudice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

" alors que 2° dans ses conclusions d'appel (p. 2) le demandeur avait démontré qu'il avait procédé à différents aménagements à l'intérieur du camion qui avaient augmenté sa valeur, lequel avait été revendu après plusieurs années d'utilisation pour le prix de 37 000 francs à un garage nancéien qui l'avait lui-même revendu 4 ans plus tard moyennant la somme de 45 000 francs, ce qui excluait que la valeur du camion ait été de 23 720 francs plusieurs années auparavant ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point qui démontrait que le véhicule litigieux n'avait pas été surévalué, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;

Et sur le moyen relevé d'office, pris de l'abrogation de l'article 164 du Code pénal ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'en vertu de l'article 112-1 du Code pénal les dispositions d'une loi pénale nouvelle moins sévère que les dispositions de la loi ancienne s'appliquent aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Michel X..., ayant fait apport d'un camion à une société dont il était le président du conseil d'administration, a présenté au commissaire aux apports, pour en justifier la valeur, une facture fictive établie à sa demande par une personne autre que le fournisseur du véhicule et mentionnant un prix supérieur à celui qu'il avait payé ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que, contrairement à ce qui est allégué, le fait poursuivi entre dans les prévisions de l'article 441-1 du Code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994 comme dans celles des articles 147, 150 et 151 du Code pénal précédemment applicable, l'arrêt attaqué, qui a répondu sans insuffisance ni contradiction aux articulations essentielles des conclusions du prévenu, n'encourt pas la censure pour avoir déclaré ce dernier coupable d'usage de faux en écriture de commerce et l'avoir condamné, par application de l'article 150 précité, à une amende de 3 500 francs qui n'excède pas le maximum prévu par le nouveau texte ;

Mais attendu que, si les juges ont, à bon droit, prononcé en outre contre X... une seconde amende de 2 000 francs en vertu de l'article 164 du Code pénal alors applicable, ce texte, abrogé à compter du 1er mars 1994 par les articles 372 et 373 de la loi du 16 décembre 1992 modifiée, n'a été remplacé par aucune disposition du Code pénal entré en vigueur à cette date ;

Que, dès lors, l'annulation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

ANNULE, par voie de retranchement et en ses seules dispositions concernant la seconde amende de 2 000 francs prononcée contre le prévenu, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 4 juin 1993, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.