Livv
Décisions

Cass. com., 26 octobre 2022, n° 21-13.474

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vaissette

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Piwnica et Molinié

Aix-en-Provence, du 21 janv. 2021

21 janvier 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 2021), un jugement du 9 septembre 2014 a condamné la société Delta security solutions (la société Delta) à payer à la société Avenir telecom la somme de 53 679,33 euros à titre de dommages-intérêts.

2. Le 4 janvier 2016, la société Avenir telecom a été mise en redressement judiciaire.

3. Un arrêt d'appel du 25 octobre 2016 a confirmé le jugement du 9 septembre 2014, sauf sur le montant de la condamnation, et condamné la société Delta à payer à la société Avenir telecom la somme principale de 434 412,22 euros. La société Delta, qui a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, a payé la somme de 389 927 euros entre les mains du mandataire judiciaire de la société Avenir telecom, le 15 décembre 2016.

4. Le 10 juillet 2017, a été arrêté le plan de redressement de la société Avenir telecom sur dix ans.

5. Par un arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité du 25 octobre 2016 du chef de la condamnation de la société Delta.

6. Sur le fondement de cet arrêt de cassation, la société Delta a délivré à la société Avenir telecom un commandement aux fins de saisie-vente, afin d'obtenir le paiement de la somme de 389 927 euros versée en exécution de l'arrêt cassé du 25 octobre 2016.

7. La société Avenir telecom et son mandataire judiciaire ont assigné la société Delta en annulation de ce commandement, devant le juge de l'exécution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Delta fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement aux fins de saisie-vente signifié à la société Avenir telecom, alors « que la créance de restitution d'une somme d'argent versée en exécution d'une décision de justice naît de la décision qui réforme la précédente et relève du régime des créances de droit commun, recouvrables par les voies classiques, lorsque la décision de réformation est prononcée après l'adoption du plan de redressement du débiteur de la créance de restitution ; qu'en l'espèce, par arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 octobre 2016 ayant condamné la société Delta security solutions à payer à la société Avenir telecom la somme complémentaire de 389 927 euros ; qu'en considérant que la créance de restitution née de cet arrêt de cassation devait être soumise aux règles de la procédure collective en dépit de l'adoption, le 10 juillet 2017, d'un plan de redressement au prétexte que, par-delà la naissance de la créance de restitution au jour de l'arrêt de cassation, il convenait de prendre en compte le fait générateur de cette créance, constitué par le paiement survenu le 15 décembre 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7, L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce dans leur version applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce, et l'article 625 du code de procédure civile :

9. Les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.

10. Et selon le dernier texte susvisé, l'arrêt de cassation constitue une décision de justice faisant naître un droit à restitution de la somme versée en exécution de la décision cassée.

11. Il en résulte, d'une part, que lorsqu'est soumis à une procédure collective le débiteur d'une créance de restitution née d'un arrêt de cassation, la détermination de la date de naissance de cette créance dépend de la date de l'arrêt de cassation, et non de la date du paiement effectué en exécution de la décision cassée, et, d'autre part, que si l'arrêt de cassation est prononcé après l'arrêté du plan de redressement du débiteur, cette créance de restitution doit être payée conformément aux règles de droit commun.

12. Pour annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré par la société Delta sur le fondement de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, l'arrêt attaqué énonce que la cassation a pour effet d'anéantir l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt cassé et que, dès lors que ledit arrêt a été exécuté et qu'il y a eu paiement, une distinction doit être opérée entre l'arrêt de cassation, qui fait simplement naître l'obligation de restitution, et le paiement intervenu en exécution de l'arrêt cassé, qui constitue le fait générateur de la créance de restitution, de sorte que c'est à la date du paiement que s'apprécie la soumission, ou non, de la créance aux règles de la procédure collective. Puis, relevant que le paiement intervenu en exécution de l'arrêt cassé du 25 octobre 2016 a été effectué le 15 décembre 2016, soit pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Avenir telecom, et que la créance de restitution n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période d'observation, l'arrêt en déduit que son paiement est soumis aux règles de la procédure collective.

13. En statuant ainsi, alors que la créance de restitution de la société Delta, née de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, pouvait donner lieu à la délivrance du commandement aux fins de saisie-vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.