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Décisions

Cass. com., 8 novembre 2017, n° 16-22.265

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouin-Palat et Boucard

Bastia, du 22 juin 2016

22 juin 2016

Sur le moyen unique, pris en ses première, cinquième et huitième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 22 juin 2016), que M. François X... (M. X...) était associé avec son frère, M. Jean-Jacques X..., dans la société en nom collectif X... (la SNC) ; que, le 23 mars 2012, l'administration fiscale a notifié à M. X... une proposition de rectification relative à l'impôt de solidarité sur la fortune dû par lui au titre des années 2006 à 2009 ; que, sans contester les bases d'imposition retenues, M. X... a demandé la prise en compte du passif résultant du débit inscrit au compte courant d'associé dont il était titulaire dans la SNC ; qu'après rejet de sa contestation et règlement des sommes réclamées, M. X... a assigné le directeur départemental des finances publiques de Haute-Corse en décharge du surplus d'imposition et en restitution des sommes versées ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ qu'en permettant la justification des dettes par tous les modes de preuve compatibles avec la procédure écrite, l'article 768 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt de solidarité sur la fortune par l'article 885 D du même code, ne déroge pas aux règles de preuve définies aux articles 1341 ancien et suivants du code civil, lorsqu'elles sont applicables, ce qui n'est pas le cas lorsque les dispositions de l'article L. 110-3 du code de commerce trouvent elles-mêmes à s'appliquer ; que les avances de deniers inscrites en compte courant d'associé que peuvent mutuellement se consentir une société en nom collectif et l'un de ses associés, tous deux commerçants par détermination de la loi, revêtent, quelles que soient leurs finalités, le caractère d'opérations de crédit et constituent ainsi des actes de commerce par nature, au sens de l'article L. 110-1, 7° du code de commerce ; que, pour juger que la preuve de l'existence et du montant du passif contracté par M. X... à l'égard de la SNC ne pouvait résulter de la seule comptabilité de cette dernière, la cour d'appel a énoncé que le fait, pour M. X..., d'avoir constitué dans les livres de la SNC un compte courant débiteur afin de faire avancer par la société des dépenses personnelles à caractère privé n'était pas un acte de commerce, même si l'intéressé était commerçant, de sorte que les dispositions de l'article L. 110-3 du code de commerce prévoyant la liberté de la preuve en matière commerciale étaient sans application ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 768 du code général des impôts, ensemble les articles L. 110-1 et L. 110-3 du code de commerce ;

2°/ que toute somme engagée comme dépense dans une société qui n'est pas justifiée comme étant une charge faite pour son compte, faute de la présentation d'une pièce, est nécessairement inscrite au débit du compte courant de l'associé qui est l'auteur du prélèvement et qui est ainsi réputé en être le bénéficiaire ; qu'en jugeant néanmoins, par motifs propres et adoptés, qu'à défaut, pour M. X..., de justifier, par la production de l'intégralité des factures et pièces justificatives, que toutes les écritures portées au débit de son compte courant d'associé étaient bien représentatives de dépenses engagées par la société pour les besoins personnels du titulaire de ce compte courant d'associé, celui-ci échouait à faire la démonstration du caractère personnel de l'encaissement, cependant que l'inscription au débit du compte devait précisément faire présumer du caractère personnel de l'encaissement, la cour d'appel a violé les articles 39 et 768 du code général des impôts ;

3°/ que la nullité d'une opération de crédit laisse toujours subsister, à la charge du débiteur, l'obligation de restituer les fonds versés par le créancier ; qu'ainsi, à supposer même que, par son ampleur, l'endettement de M. François X... à l'égard de la SNC X..., matérialisé par la position débitrice de son compte courant d'associé, ait pu revêtir un caractère irrégulier au regard des statuts de la société et de son intérêt social, une telle irrégularité n'aurait pas fait disparaître l'obligation pesant sur le titulaire de ce compte courant d'associé d'en rembourser le solde débiteur à la société ; qu'en énonçant néanmoins que le juge civil ne pouvait se désintéresser de la question de la licéité de la position débitrice de ce compte courant d'associé et qu'à défaut, pour M. X..., de démontrer le caractère régulier de son endettement eu égard aux statuts ou à une approbation quelconque par une assemblée générale, la validité de son compte courant d'associé débiteur au regard des règles du droit des sociétés apparaissait « tout à fait douteuse », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à réfuter l'existence même de la dette de remboursement pesant sur le titulaire de ce compte courant débiteur, violant par là les articles 768 et 885 D du code général des impôts, ensemble les articles 1134 et 1902 du code civil ;

Mais attendu qu'en application des articles 768 et 885 D du code général des impôts, pour être admise en déduction, une dette doit être certaine ; qu'il appartenait à M. X..., qui demandait la prise en compte au passif de ses déclarations d'ISF pour les années 2006 à 2009 du solde débiteur de son compte courant d'associé, de rapporter la preuve de son existence ; qu'après avoir constaté que M. X... n'était pas en mesure de démontrer que les sommes portées au débit du compte courant correspondaient à des dépenses réelles effectuées à son profit, l'arrêt relève qu'au moment où il a demandé à l'administration la prise en compte de ce passif, il avait assigné son frère et associé, le 18 août 2010, pour qu'il soit jugé que son compte courant n'était pas débiteur et qu'à la suite d'une transaction conclue avec son frère, le 23 août 2010, la société holding X..., en cours de formation, avait pris à son compte l'intégralité de la somme portée à son compte courant dans les livres de la SNC, à hauteur de 20 millions d'euros, faisant ainsi disparaître la dette objet de la contestation ; qu'il en déduit que la preuve du caractère certain du passif invoqué n'est pas rapportée ; qu'en l'état de ces seuls motifs, déduits de son appréciation souveraine des éléments de preuve produits, et abstraction faite de tous autres surabondants, la cour d'appel a pu rejeter la demande de M. X... ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, sixième et septième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.