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Décisions

Cass. crim., 14 janvier 2009, n° 08-82.064

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Rapporteur :

Mme Canivet-Beuzit

Avocats :

Me Odent, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Richard

Versailles, du 23 janv. 2008

23 janvier 2008

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1, 445-1 du code pénal, 2, 3, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Alain Pierre et James Y... des fins de la poursuite et a débouté la société Interdis des toutes ses demandes à l'encontre des prévenus ;

"aux motifs qu'"il ne résulte pas du dossier soumis à la cour que des dons, présents en nature et argent, aient été remis dans des conditions caractérisant une corruption active et passive ni par l'appréciation des données relatives à la remise d'un ordinateur portable, ni par le témoignage du comptable, ni par les enregistrements comptables ou ordre de versement d'espèces ... sur la prétendue réception d'espèces par Alain X... venant de Cork/Y... ... la cour en conclut que les huit comptes ... ne sont pas susceptibles d'avoir accueilli des versements d'espèces après le 01/01/2000 ... sur la destination des chèques ... s'il y avait un doute sur l'origine des crédits ayant permis ces paiements et virements, il appartenait à l'accusation de rechercher l'origine de ces crédits puisque, dès l'information judiciaire, les explications et pièces les justifiant avaient été déposées par la défense d'Alain X... ; que la cour considère comme valables les explications sur ces destinations... la cour estime que tous les éléments de train de vie retenus à charge n'étaient pas disproportionnés par rapport aux ressources de toutes natures dont bénéficiaient Alain X... et son épouse... que, sur les explications de Delevaquerie ... comptable pendant la période de direction de James Y... ... la cour ne saurait admettre la fiabilité du témoignage selon lequel il aurait avisé par mémorandum du 12 juillet 1999 M. Z... (Cork GB), de ce que James Y... aurait demandé que des espèces soient remis à Alain X... ... aucune réponse datée n'a été produite. M. Z... aurait pu confirmer l'existence du mémorandum et lui conférer une date certaine or, malgré le caractère indispensable de cette audition, il n'y a pas été procédé ... si la remise de l'ordinateur portable est constante, courant juillet 1999, la question reste posée sur les raisons de sa remise, avantage ou présent de corruption ou cadeau-geste commercial ... il est établi que l'achat du portable a été enregistré en comptabilité au poste "cadeau" avec l'accord du supérieur hiérarchique de James Y..., s'il y avait eu un doute sur cette dernière explication, il appartenait à l'accusation de vérifier, auprès dudit supérieur, même s'il se trouvait en Grande-Bretagne ... l'ordinateur portable remis à Alain X... par James Y... était un cadeau, un geste commercial et non un avantage en nature qui aurait matérialisé un acte de corruption ; enfin, le prétendu aveu de James Y..., relevé par une partie civile comme matérialisant une corruption n'est que l'expression d'une réalité commerciale passée..."

"alors que les jugements rendus en dernier ressort doivent être motivés de manière à permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence totale ; que les juges correctionnels sont tenus d'ordonner les mesures d'instruction dont la nécessité ressort de leurs énonciations ; que la cour d'appel, statuant sur l'existence du délit de corruption pour lequel la culpabilité du prévenu a été retenue en premier ressort, qui constate l'existence de fortes sommes d'argent sur ses comptes bancaires, ainsi que la remise d'un ordinateur portable, de nature à caractériser l'existence du délit, et qui constate également le caractère indispensable d'une audition de témoin à laquelle il n'a pas été procédé, ne pouvait infirmer le jugement entrepris et relaxer le prévenu des fins de la poursuite, en faisant état des lacunes supposées de l'instruction et de l'existence d'un doute sans avoir ordonné les mesures d'instruction dont la nécessité résultait des énonciations de sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 800-2, R. 249-5, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la société Interdis à payer à Alain X... la somme de 10 000 euros et à James Y... 4 000 euros sur le fondement de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que James Y... et Alain X... ont été victimes d'une procédure pénale maligne de la part des sociétés Interdis et Cork International et de demandes à fondement inconstant et ne reposant pas sur les délits poursuivis ;

"alors qu'il résulte des dispositions de l'article R. 249-5 du code de procédure pénale que l'indemnité prévue par l'article 800-2 du code de procédure pénale ne peut être mise par la juridiction de jugement à la charge de la partie civile que sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, après que la partie civile a été mise en mesure de répliquer à cette demande ; que les énonciations de la décision doivent permettre à la Cour de cassation de constater le respect de ces formalités, en particulier lorsque, comme en l'espèce, la cour d'appel considère la constitution de partie civile abusive alors même que les premiers juges l'avaient déclarée recevable et bien fondée ; qu'en s'abstenant de constater l'accomplissement de ces formalités essentielles aux droits de la défense, l'arrêt attaqué a été pris en violation des textes susvisés" ;
Vu les articles 800-2 et R. 249-5 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces textes, en cas de renvoi des fins de la poursuite, la juridiction de jugement ne peut mettre l'indemnité correspondant aux frais non payés par l'Etat et exposés par la personne relaxée, à la charge de la partie civile, que sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, si elle estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Interdis a porté plainte et s'est constituée partie civile contre Alain X..., notamment, du chef de corruption passive ; qu'à l'issue de l'information, celui-ci et James Y..., directeur salarié de la société Cork international également constituée partie civile durant cette information, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, le premier du chef, notamment de corruption passive, le second des chefs de corruption active et complicité de faux ; qu'après avoir relaxé les prévenus et débouté les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt énonce qu'Alain Pierre et James Y... "ont été victimes d'une procédure maligne" et condamne les parties civiles au paiement de l'indemnité susvisée ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, en l'absence de réquisitions du ministère public, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard du liquidateur de la société Cork international qui s'est désisté de son pourvoi ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 23 janvier 2008, en ses seules dispositions ayant condamné la société Interdis à payer la somme de 4 000 euros à James Y... et celle de 10 000 euros à Alain X..., sur le fondement de l'article 800-2 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par la société Interdis ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.