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Décisions

Cass. com., 16 novembre 2022, n° 21-10.126

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

SBA vins (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Blanc

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Haas, SARL Ortscheidt

Paris, pôle 5 ch. 5, du 5 nov. 2020

5 novembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2020), après avoir mis fin au contrat d'agent commercial qui le liait à la société SBA vins en imputant la rupture aux manquements de la mandante à ses obligations, M. [E] l'a assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branche

Enoncé du moyen

3. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors :

« 1°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en jugeant que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente à celles représentées par la société SBA vins n'était pas constitutive d'une faute, sans constater que M. [E] avait, au préalable, obtenu l'accord de la société SBA vins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

2°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en relevant, pour juger que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente n'était pas constitutive d'une faute, qu'il n'y avait eu aucune volonté de dissimulation, que M. [E] n'était pas lié par une clause d'exclusivité ou de non-concurrence et que le nombre de maisons de champagne est important, cependant que ces circonstances étaient impropres à exclure la commission par l'agent commercial d'une faute grave découlant de l'absence d'accord préalable de son mandant, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

3°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, commet une faute grave en nouant des relations directes avec les clients de son mandant, en le lui dissimulant ; qu'en jugeant que la société SBA vins ne caractérisait pas la faute de M. [E] pour avoir passé des commandes directement avec ses clients tout en relevant que la société SBA vins produisait trois commandes du 10 juin au 1er juillet 2014 qui avaient été directement transmises aux mandants de la société SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat.

5. L'arrêt retient que la société SBA vins, en ne transmettant pas à M. [E] les éléments nécessaires au calcul de ses commissions, ce qui a engendré des retards dans le paiement de celles-ci, et en vendant de manière renouvelée du vin sur le site vente-privée.com, ce qui était de nature à faire naître un grand mécontentement chez les producteurs de vins et à mettre fin à certaines commandes, a manqué à ses obligations et a amené M. [E] à résilier, de manière justifiée, son contrat d'agent commercial.

6. Par ces seuls motifs, vainement critiqués par les quatrième et cinquième branches, abstraction faite de ceux critiqués par les première, deuxième et troisième branches, surabondants dès lors qu'ayant été retenu que la cessation du contrat, intervenue à l'initiative de M. [E], était justifiée par des circonstances imputables à la société SBA vins, l'éventuelle commission d'une faute grave par l'agent commercial était sans incidence sur son droit à la réparation prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce, la cour d'appel a justifié sa décision de ce chef.

7. Le moyen est donc inopérant.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture, alors « que la réparation doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime ; que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial résultant de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'en fixant l'indemnité due à M. [E] à deux ans de commissions, soit la somme de 168 000 euros, tout en relevant que pendant les deux années suivant la rupture l'agent avait conservé 89 517,56 euros de recettes de commissions en lien avec les clients résultant de son activité auprès de SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-12 du code de commerce et le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

9. L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ayant pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, il n'y a pas lieu d'en déduire les commissions perçues par l'agent, postérieurement à la cessation du contrat, au titre de la prospection de tout ou partie de cette même clientèle pour un autre mandant.

10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;